Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 octobre 2007

ROSE ROUGE


rêve de traîne comme on dit " nuage de ..." mais je n'ai pu photographier la rose du rêve, Celle-ci, plus pâle, je l'appelle Rose de la Berthe du nom de la femme qui me transmis la maison et le rosier.

Quelle rose apparaît
nocturne en plein ciel
derrière la fenêtre
rouge de la nuit ?

Pour qui se prend-elle ?
A qui elle se tend?
Est-ce par souci de se regarder ?
Rouge inaccessible
Rose flamboyante
et pourtant pareille
et pourtant mortelle

Rose imaginaire
et pourtant vivante
et pourtant parfaite
et déjà fanée

30 octobre 2007

CONFRONTER



de l'atelier d'écriture

Quand on me dit "confronter" je me barre. Confronter mes idées avec celles des autres basta ! Confronter nos points de vue et même nos lunettes que nenni ! J'en ai marre, j'en veux plus. A l'heure qu'il est (Minuit) je ne veux plus confronter la journée écoulée avec la précédente, sa réalité avec mes projets, mes déceptions avec mes espérances. Confronter mon estomac avec ma vésicule biliaire, mon pouce droit avec mon annulaire, mon gros orteil avec le petit : à quoi ça sert ? Plus de confrontation. Plus de saisie posthume. Plus de bagarre. Je veux siffler la vie comme un merle tout seul sur sa branche, en plus tous les dimanches seront des jours ouvrables. Je veux rigoler d'abondance. Sans motifs, sans déclaration préalable, sans confrontation avec qui que ce soit, seulement pour entendre dans ma gorge ce bruit du gosse dans son berceau à qui on fait des grimaces et qui rigole. Rigole comme l'eau dans le caniveau. Après la pluie le beau temps. Et l'eau s'en va à l'océan ... C'est assez, je suppose, pour planter là tout raisonnement, toute justification, tout élucubration. Confrontée à moi-même, j'élude le problème. Je disjoncte. Et, pour la première fois dans ce noble exercice des 1500 signes en temps rapide, je ne vais pas à bout de tous mes caractères. Je fais l'amour et pas la guerre.

29 octobre 2007

Ne faites-pas ...


C’est pas mes oignons et pourtant … ( chanson militante : le futur groupe pour la chanter)


Ne faites pas pleurer les oignons
Ils sont gentils, ils sont adorables
Doux comme agneaux, gais comme pinsons
Mais vos pensées tristes à foison
Cela fait pleurer les oignons
Cela fait pleurer les oignons

Quand vous préparez pour le dîner
Une bonne soupe bien grasse
Faites attention de n’y pas plonger
Vos lourds regrets et vos grimaces
Car cela fait pleurer les oignons
Car cela fait pleurer les oignons

Ne comptez pas sur eux pour vous dire
Si l’hiver sera meilleur ou pire
S’ils mettent pelures à leurs corsage
C’est une sage précaution
Soignez vous-même votre propre image
Cela n’est pas l’affaire des oignons
Cela n’est pas l’affaire des oignons

Ne faites pas pleurer les oignons
A force de pleurer ils dépriment
Ils fondent dans l’eau de cuisine
Et ça n’ vaut rien pour vos fondations
Ne faites pas pleurer les oignons
Non non non non non non non non !
Ne faites pas pleurer les oignons

28 octobre 2007

LUNE BLANCHE


La lune du matin
a rondeur sur les hanches
C’est parce que c’est dimanche
me dit-elle en latin

A la voir si blanche
dans le ciel gris encore
je rêve sans remords
d’accrocher mon Dimanche

à un franc soleil d’or


(ce qui est fait qq heures plus tard)

27 octobre 2007

IL SUFFIT DE PASSER LE PONT


Exercice d’improvisation à partir d’une photo ( une rivière, un pont, des rochers sur la rivière …) à l’atelier Contes. But : « Visualiser »
Au retour je reprends les images qui m’étaient venues et je les accommode

Il suffit de passer le pont …

Elle s’est arrêtée au milieu du pont. Au beau milieu. Elle a mis pied à terre, a calé son vélo sur le rebord du parapet. A éclaté de rire. Eclat ! elle vient de faire un sacré éclat. Elle les voit encore quand elle est sortie dans la rue, a enfourché sa bécane.
Vérifie par un coup d’œil en dessous si le milieu est bien là. Pile poil ! en dessus et en dessous. Sur le plat de la route et au sommet de l’ogive en pierre. Pas besoin de mesurer. Pas besoin de s’efforcer. Elle y est ! Au beau milieu.
Elle les revoit tous, les grands et les petits, les grosses et les maigres. Tous les ratatinés et les frileux du quartier, rassemblés pour la regarder partir. Effrayés. Elle leur a, pour une fois, la dernière, flanqué la pétoche. Est-ce que c’est contagieux ? pensent-ils. Après elle qui d’autre ? et ils se regardent. Qu’elle manque à l’appel du petit matin ! bon ! ils s’en remettront. Ils consulteront le docteur, le kiné, le psy et le maire mais deux ? comment oseront-ils sans deux au bataillon affronter l’aube ?

Voilà donc : c’est fait. Elle a quitté. Elle a pris la direction de la rivière. Elle a entendu avant même ses oreilles le glou glou de l’eau qui coule sous les ponts. Et pour ce rendez-vous elle a mis sa plus belle, sa plus neuve et sa plus ancienne, sa plus éclatante robe. Rouge et blanche comme les baisers et comme les noces. La valise sur le porte-bagages glisse un peu. Elle la remonte, tire sur le tendeur, pas trop, il est usé. Et puis nouvel éclat de rire. Qu’est ce qu’elle en a à foutre de cette valoche ? des papiers, des cartes bleues ou grises, des culottes et un soutien-gorge, un nom d’emprunt … Pourquoi se charger ?
Mais elle ne va pas encombrer la rivière d’une valise. La belle eau claire qui coule tranquille et impétueuse, jeune et immortelle. La valise, elle la déposera à la gare. Et le vélo ? oh le vélo elle le garde ! ça peut toujours servir, un vieux vélo qui pédale à ton rythme, à ton commandement.

En attendant elle a le temps. Pour la première fois le temps est à sa botte. Le temps patiente.
Elle rit encore pour s’écouter rire. Elle sait encore. Elle n’a rien perdu. La robe rouge et blanche s’effondre sur le rocher, la baignoire sous le pont recueille l’ondine ondoyante dans ses plis d’eau pure. Elle nage, elle flotte, elle regarde le ciel du tablier du pont. Elle est bien.

Le soleil la sèche. La robe la réintègre dans sa beauté comme une vive dans le courant. Elle ne risque rien d’autre que la vie vive. Elle remonte sur le pont. Elle ne va pas tourner bride. Elle repart. Elle a franchi le milieu et maintenant c’est facile, il suffit de pédaler ? Vers où, vers quoi ? elle n’ignore pas que l’autre rive a des hasards et des nids de poules. Des loups cachés derrière les arbres. Maligne comme elle est elle saura bien les éviter.

« Il suffit de passer le pont, c’est tout de suite l’aventure. »

Elle rit encore une fois, pour le fun, un peu cabotine. Elle s’aime dans le rôle drôle.

Rire, s’écrire … Et puis chanter …

26 octobre 2007

PAROUSIE


1- la nuit,
Dans quelle mer me jeter pour oublier mon histoire ? quelle nage inventer pour endormir ce que D’Ormesson appelle « le malheur étourdissant de vivre » ? quel mot accrocher en parapluie au-dessus de ma tête ?
PAROUSIE me plaît bien. Je pars en exploration. Il sonne. Il pétille. Il y a du papou, du papa là dedans. Il me fait sauter sur les genoux du jeu, de l’insouciance. Il a un vague air de cousinage avec quelqu’un de la famille. On se connaît sans se connaître. Si on entonnait Frère Jacques peut-être qu’il reprendrait en chœur.

« Des apocalypses et des parousies » : encore du D’Ormesson.

Que veut-il dire ? Sans doute je vais l’apprendre en consultant le dictionnaire. Mais je retarde le moment. Il faudrait sortir de mon lit, de ma chaleur … Accolé à apocalypse soit il s’y oppose, soit il est du même tonneau des Danaïdes. Il navigue à coup sûr dans des exagérations, des abstractions alors que je le voudrais simple comme bonjour, réussi comme un œuf à la coque.
Je laisse Parousie s’endormir sur la page tandis que d’Ormesson déroule sa propre histoire avec celle de l’ange Gabriel. Je ne suis pas pressée de le réveiller. Il attendra.

2- LE MATIN « Présence, arrivée, venue »
Chut Parousie ! n’en dis pas plus puisque tu as franchi la nuit jusqu’à moi. Bienvenue avec tes bons présages ! Je suis prête.
Arrivé avec le sourire de l’enfant affiché au mur et qui éclabousse comme chaque matin, il chasse le frileux et le grisâtre. Arrivé avec l’espoir de juste lumière. Bonne nouvelle que tu te situes aux antipodes de l’apocalypse.
Je suis quasi prête. Ne me reste plus qu’à nettoyer ma cathédrale des rameaux brisés de la veille pour t’accueillir.
Lumière sur l’obscurité. Lampe allumée. Beaux enfants de ma vie. Parousie de « para » (par) et « ousia » substance, réalité, essence, concrètement « un bien » ( terre ou maison),dérivé du participe présent de "einai" : être »

3- CE SOIR
« Un jour de plus offert
Jour de volet ouvert
Sur le temps d’après Pâques.
Sur le sang renouvelé
- rosée, pavots, buissons -
Offrande d’un jour de plus

à la vie invécue » François Cheng

Parousie a tenu ses promesses, doux comme le miel, réussi comme un œuf du jour à la coque. S'est posé sur le bord du temps comme un papillon rassuré et léger.

25 octobre 2007

TRIER LE BLE


de l'atelier d'écriture
TRIER LE BLE GRAIN A GRAIN

Mais c'est ce que je fais ! jour après jour et grain à grain. Et il y en a, il y en a ! Tant que je ne peux les compter ! Je trie les lettres, je trie les chansons, je trie les factures, je trie les enterrements et les baptêmes ! Je ne désespère pas de trier tout le tas.
Ah ! ce tas de blé immortel, imputrescible ! Il était sur le galetas. On traversait la pièce pour rejoindre notre chambre des filles. Les garçons, eux, couchaient dans la pièce-grenier, à côté du tas de blé. Il y flottait une odeur fade de grains et de poussière. N'appelle-t-on pas à la batteuse "poussier" cette poussière-là, dorée, qui vole autour ? Maman enfouissait dans le tas des oeufs pour les conserver plus longtemps en hiver mais elle savait bien les retrouver.
Parfois je suis lasse de trier, de remplir des sacs, des étagères. A quoi ça sert ? je me dis : écrire, chanter, la vie, les souvenirs, les réinventer, s'en nourrir alors que le blé maintenant est enfoui sous la terre gelée et ne repoussera pas. Peine perdue ! Je continue, passant toujours par les mêmes chemins, triant toujours les mêmes grains. Ils en deviennent des colliers dont parfois on me dit qu'ils sont beaux. Tenez ! Que raconte le texte du Bel Amour que je viens de servir récemment à table ?
« De l'immensité de l'amour, tu ne peux rien dire
Et pourtant tu essaies ...
GRAIN à GRAIN, paille à paille.
Quand l'herbe et le ciel caresse ta peau,
Quand ton cœur est soleil
Rends les armes !
Accepte de l'horizon le chant qui s'élève
Garde l'espoir qu'il reviendra toujours, le bel amour »

Le bel amour, le blé trié ?

24 octobre 2007

BLEU EBLOUI



http://violonistenciel.site.voila.fr

Je voulais ouvrir une fenêtre dans la nuit pour respirer mieux. J'ai commencé par lire François Cheng, j'ai accroché la poignée de la fenêtre à ce texte.

Bonjour à toi
le jour advient

Et se surprend
Et se souvient

- Frayeur soumise
Douleur vaincue-

Et se fait don
Bleu ébloui

Puis je suis allée ici, sur ton site, où le don/ Bleu ébloui a ouvert la fenêtre toute grande. Merci Chloé !

23 octobre 2007

L'ATTACHANT ...


L’attachant, dit Aben …

L’attachant c’est ces traces que l’on sait éphémères
La volonté narquoise de rester attaché
Sur la branche d’un blog mieux que sur un papier

L’attachant c’est la pause que l’on sait volontaire
Ces cuisines de mots à faire partager
Ces bouquets de photos où viennent s’abreuver
les regards opiniâtres avant de quitter terre

Oui ! ce sont ces « maillons » où « le jour retrouver »
« ce que disent les choses » mieux que dans les téloches.
Mieux qu’au supermarché ce que suggèrent les roses
Ce que vos pas déposent jusque sur mon palier

L’attachant c’est aussi vos tendres commentaires
Vos remarques attentives, parfois même vos émois
Bref ! pour tout vous dire : je ne suis pas de bois
Et j’aime bien vous lire, ou chez vous ou chez moi

Attachée que je suis comme une neuve souche
Attachée que je suis à chacun de vos bras

22 octobre 2007

ALPHABET L



L

3 Août
LA PARESSE AGRANDIT LES MINUSCULES CHOSES PROCHAINES.
L’attention, la beauté irréprochable de l’instant. Je regarde d’un œil amusé la paresse et l’attention tenter de prendre racines sur mes terres. En ce moment et grâce à la sciatique ( scie à tics) elles ont leurs chance.
La pause agrandit le temps. Le vin de Princine du Bugey (je l’adore) fait des bulles dans le sang. L’éclat rosé de la rose de St Nizier se marie bien avec le vin. Minutes irréprochables de bulles joyeuses et d’éclats rose carminé. Entente de fête entre la rose et le vin. La flûte agrandit la dévotion du vin champanisé à la joie des retrouvailles.
Comme il fait beau et bon aujourd’hui que Pierre est arrivé ! Dieu soit loué !

21 octobre 2007

ALPHABET J



J

3 Août
JE FAIS UN PAS, puis deux, puis trois … en direction des Grands Gorges. Je rencontre aussitôt les limaces prévues. Grasses, dodues, épanouies, sans complexes comme d’habitude quand la pluie les a réveillées. Un escargot margot à l’entrée de la cour me montre ses cornes levées à l’abordage des sensations primitives. Et puis le pompon rose d’un trèfle ensauvagé sur le bord du fossé, un brin de reine des prés, des petites fleurs jaunes peut-être de camomille, l’éclatement bleu ciel de la chicorée sauvage, une ombellifère blanche au parapluie bien ouvert … Je fais un pas vers le chemin, les fleurs. Ils me rendent l’acquiescement en un accord tacite. Il y a longtemps qu’ils ont accepté, lui, elles, sans histoire, le premier pas.

20 octobre 2007

ALPHABET I



3 Août
IL S’ELEVE jusqu’à moi une plateforme habitable. Silence et pain. Joie et ferveur. D’elle je peux monter ou redescendre. Le palier ouvre sur des chambres. Chambre des peupliers allumant leurs sommets dans le ciel bleu au dessus du toit de la grange. Limité par les deux toupets coniques des pointes de zinc bleu rouillé. Chambre des maïs aux tapisseries vertes et jaunes paille naissant. La fenêtre à barreaux de la cuisine y découpe des rectangles. Elle ne le limite pas. Elle insiste sur la qualité des verts et des ombres des feuilles, la permanence, ce matin du 3 août, d’un ciel réconforté par cette grosse pluie d’hier. Tout autour, des chambres d’air et lumière qui ouvrent sur toutes les directions.

19 octobre 2007

ALPHABET H



H

2 août
HELAS ! je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si la dernière heure de la journée a la tête lourde, les yeux fatigués et un écoeurement de sa sottise à s’incruster face à l’écran ; bah ! ce n’est vraiment pas grave. Seulement stupide. Demain se lèvera sans doute plus joyeux et je retrouverai le 3 août les pages préparées pour l’alphabet de ce 2 août avec des pas alertes et des mots rafraîchis par la pluie, comme l’herbe de la cour. Le jardin va faire son beurre avec cet arrosage. Les traces du chemin seront encombrées de limaces. Je baille à ciel ouvert sur la porte. Noir intégral. Ce n’est plus la pleine lune ; demain clora sur aujourd’hui ces pages à l’amorce préparée par jeu et par loisir

18 octobre 2007

LE PREMIER MOT


Quel fut le premier mot ?
A-t-il été caresse
pour la première oreille
qui l’entendit tomber ?

A-t-il été si frêle
Que, repris par des lèvres,
il fleurit en boutons
et branche de rosier ?

A-t-il été si drôle
qu’une pie de passage
l’a vite transporté
à la pointe du chêne ?

Mais d’être le premier
sera-t-il là encore
quand il me faudra rendre
le souffle avec les lettres ?

17 octobre 2007

ALPHABET G



G

2 Août
GRACIEUX, ce petit livre « Eve première mortelle » Les stances de Charles Péguy déroulent leurs quatrains calibrés comme des piliers de cathédrale tandis que les dessins se logent à la campagne, avec des blés mûrs et des coquelicots, avec une colombe au-dessus d’un toit gauche. Les mêmes géraniums que ceux de ma maison ont orné la fenêtre et un panier semblable à l’osier de la Berthe. Le pichet et le pain, deux pêches identiques à celles dont, hier, je cueillis le reflet avec mon numérique.
Gracieux comme un enfant, carnet à mettre en poche …
« Vous qui savez ( les femmes) ranger les herbes bocagères
Et mettre sous vos lois la bruyère et le jonc »

16 octobre 2007

INCANTATION BIS


INCANTATION BIS

Mes oreilles pour entendre
Et mes yeux pour écouter
OK
Mais quand souffle dans le bois
La horla de l’impatience
Colle l’oreille sur l’arbre
Entends le cheminement
De la sève sous l’écorce

Ferme les yeux. Tu verras.

Merci Gazou ! Quelques heures plus tard le poème agit encore tu vois !

la sève, l'élan, le chant


Pourquoi te déchirer ?
Eloigne le buisson
Ignore le caillou
Reprends tes abondances
Ecoute du berger la trompette sonore
Rentre dans le bercail !
Et là, lovée, enclose,
épouse ton projet
jusqu’à dompter tes frousses
Puisqu’une fois de plus
la vie chante en tes veines
Sève, élan et chant
Vont frapper à ta porte
Dis-leur d’entrer !
et donne-toi entière
Pleine lune en plein ciel !

15 octobre 2007

TRAVAILLER PLUS


TRAVAILLER PLUS …

Il a vingt et un ans. C’est pas qu’il en soit fier, mais gagner 3000 euros par mois pendant trois mois à son âge ça compte !
Le banc où il prend le soleil qui commence à décliner est en haut de la pente, le meilleur emplacement pour en capter les meilleurs rayons.
Il sait y faire dans la vie.
Il a commencé jeune à 12 ans quand il travaillait au fournil à trois heures du matin. Sa mère l’encourageait en le payant. Elle sait ce que c’est que bosser sa mère.
92 heures par semaine. La nuit au fournil, le jour sur les pistes. Oui c’est dur. Il ne faut pas que la copine réclame trop de câlins parce qu’on est crevé. On a besoin de dormir. Mais ça paye. Trois mille euros par mois à vingt et un ans . et puis les amis aussi se demandent ce qu’on devient … mais faut savoir ce qu’on veut …
Alors on achète la bagnole. D’occasion. Un copain qui peut pas payer ses impôts ; le diesel : Ça coûte moins cher. Un plein pour Perpignan, pour aller voir son père : 55 l au lieu du double. Oui d’accord y a la couleur (un jaune pétant) mais elle marche bien, et puis presque la moitié de l’ argus !
Les meubles Emaüs : plus question. Le canapé pourri. La table bancale. On achète.

J’ai encore dans les oreilles la chanson de Pascale
« la bagnole, le fric, la machine à laver
A la fin de la journée ton amour est bien lessivé »

Je n’ai même pas le courage d’argumenter pour expliquer ma peine d’entendre ça. Quoi ? lutter contre le slogan « Travailler plus pour gagner plus » admis maintenant comme preuve de bon sens, de réalisme, de courage. Il n’y a que les fainéants, les inutiles, les tarés qui ne bossent pas … c’est normal de faire 92 heures puisqu’on est d’accord, non ?
Il embarque les deux copines qui papotaient dans leur portable et ignoraient le lieu et les promeneurs. Avec une voiture jaune on peut soulever les filles …
Lui voit encore ce qui est autour de lui. La petite fille qui joue et qu’il suit du regard. Il a eu envie de se raconter. La phrase qui a déclanché ses confidences / Travailler plus … etc …
Passer sa vie à la gagner. Et puis quoi ?

14 octobre 2007

DE NOUVEAU LA FABLE


photo de Julie
L’expression du jour à l’Atelier
DE NOUVEAU LA FABLE …

De nouveau la fable reprend le dessus. C'est, hier au soir, mon petit fils qui chante" Le rat de ville et le rat des champs" et c'est un régal de l'écouter, de lui souffler parfois un bout de texte. C'est, avant- hier, la compilation de ces mêmes fables éternelles pour illustrer une exposition sur L'ours à La Maison de Pays. J'en ai sélectionné trois, deux qui seront racontées et une seule, dite en entier, "L'ours et les deux compagnons". De nouveau la fable vient me chercher pour chanter, raconter la vie, ne pas la prendre au sérieux, voire au tragique, en tirer une morale adéquate à l'instant. Ainsi qu' "il ne faut jamais vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis en terre". J'ai donc pour aujourd'hui bien préparé ma chasse. Le terme se rapproche. Répétition ultime. Je compte ramener, cette semaine qui vient, trois fois la peau de l'ours. Je chante mes chansons. J'ose projeter en public ce qui fait mon effort, mon travail, ma joie, quelquefois ma souffrance. Comme une fable démarrée il y a très longtemps, du temps de l'enfance de l'art, je vais au bout du chemin de quête et d'espérance. Je fonce, par des chemins très longs parfois et détournés, jusqu'à la morale de l'histoire. Je me l'approprie. Il m'arrive encore de casser une noix fraîche et de l'éplucher laborieusement en écoutant la voix de ma mère me murmurer " Les noix ont fort bon goût mais il faut les ouvrir ... Sans un peu de travail, on n'a pas de plaisir. "
Alors croire à la fable, conforter LE MORAL.

13 octobre 2007

POUR VOUS



C’est pour vous que j’écris
Voix proches de la mienne
Sourires entraperçus
Larmes appelant la main

Quand la nuit se fait reine
Dans le silence clos
C’est pour vous que j’écris
Femmes de haut lignage

Hommes osant franchir
La ligne de partage
C’est afin de serrer
La force de mes mots

Nous avons tant besoin
Quand le mystère s’allume
Chacun dans notre coin
De tenir lampe ouverte

Et de nous partager
L’offrande du repos
La trace volontaire
D’un espoir habité
***
"Apprends-nous nuit
A toucher ton fond
A gagner
le non-lieu
où sel et gel
échangent leurs songes
où source et vent
Refont un"
François Chang ( A l'orient de tout)

12 octobre 2007

LEVAIN DE PATIENCE


(de François Chang lu en pensant fort à toi Marie, voici l'iris)

Voici le nouveau jardin
Si tu es en larmes encore
à toi il s’offre

Si tu ouvres les yeux
voici les iris
Si tu tends la main
voici les pivoines
Si tu répands ta chevelure
Voici, de senteur en senteur
Tous les sentiers de la fragrance
menant vers les herbes infinies
Vers la fontaine
jaillie du tombeau

Si tu as soif encore
à toi il s’offre
le jardin nouveau
Pétri au levain de patience
Le sol d’ici
est pain d’attente
Pain au froment
mêlé d’herbes odorantes
qu’humectent les baves de lézards
Les grains levés gonflent toutes chairs
De violences éclatées
de tendresses renfermées

Le doigt du cadran solaire
Se brûle
à l’argile cuite

Le jour rompt et partage

11 octobre 2007

SOUCI


Comment faire pour être légère
comme une plume d’éléphant
comme une tombe à ciel ouvert
comme une alouette en plein champ ?

Comment rire quand la lune rousse
gèle la sève au coudrier
L’herbe de bison sous la mousse
infecte la plante du pied ?

Dites-moi si le temps qui passe
est bon à boire comme vodka
de bon marché, quand les babasses
martèlent le silence des bois.

L’époque, chers, est bien étrange
On n’y trouve plus ses petits
Pleine de lingots dans la fange
Ivre de fureur et de cris.

Et chanter- dites ?- est-il facile
quand la nuit resserre ses dents ?
J’ai peur de me faire trop de bile
sans pouvoir alléger le temps

La fleur qu’on appelle souci
comme rose se cueille pourtant

10 octobre 2007

TO DAVID / BALLON OVALE


TO DAVID

Le billet d’Alain Rémond le lundi 8 octobre dans LA CROIX

« Totalement étranger à la culture du Rugby, j’essaie de rattraper, à la faveur de la coupe du monde, mon abyssal retard. Vous pensez bien que je n’ai pas manqué le match du siècle, contre les All Blacks. Avec la ferveur du néophyte, j’ai scruté chaque phase de jeu, pour tenter de percer les secrets d’un sport en tout point mystérieux. Il m’a semblé que le rite le plus extravagant était le sort fait au ballon pendant la mêlée. Un joueur l’introduit au milieu d’un fouillis de jambes et de pieds, tout ce monde se pousse et tourne en rond. Et pendant ce temps-là, le ballon, posé sur la pelouse, est délicatement, subtilement protégé par ces grands gaillards arc-boutés au-dessus de lui. A un moment donné, le ballon va sortir et hop, c’est reparti. Impossible pendant cette longue phase quasi immobile, de ne pas penser à un gros œuf couvé avec amour, hors de portée d’un monde brutal et cruel. Et c’est alors que m’est revenu en mémoire le fait que le rugby, comme d’autres sports, était organisé en poules. L’œuf et la poule : le rugby, me suis-je dit, c’est de la métaphysique. »
* illustration : la quête métaphysique/ photographier une araignée dans l'angle de la fenêtre

09 octobre 2007

PIPISTRELLE


J’aurais dû m’appeler Gertrude
J’aurais beaucoup moins d’inquiétude
pour mes ailes qui ne poussent pas
Ma mère fut bien inconséquente
J’aurais dû m’appeler Soupente
au lieu de crier sur les toits
G-j’ai, Gy-vais : ivraie morose
J’aurais dû m’appeler Gervaise
et j’irai ramasser des fraises
au lieu d’brailler comme un putois

Si je n’aime pas la nuit noire
( à ce point c’est un fait notoire)
ne reste plus qu’à me donner
un nom éclatant comme Rose
qui sache désamorcer les choses
quand elles vont me péter au nez

Amis ! le concours est ouvert
Quel nom donnerez-vous à celle
qui geint de ne pouvoir changer
en étincelles ses ecchymoses ?

Et qui signe, à défaut de Rose,
Eglantine du Bas-Côté
Pipistrelle du Dauphiné ?

* pipistrello alt de vipistrello lat vespertilio : petite chauve-souris à oreilles pointues

08 octobre 2007

SEANCE NOCTURNE


Je ne comprends plus rien à rien
il paraît que la maladie est signe de bonne santé
Comment extraire d'une dent l'or d'un plombage ?
Je n'aime pas être malade
Je prends un livre sur l'étagère
" les rescapés et autres poèmes" d'Alexandre Voisard
Je fais un tour au Canada où j'avais rencontré le livre et son propriétaire
à Trois Rivières
J'emprunte au premire poème le prétexte à déraison
" je me fais face" Comme lui " je feins d'écouter les griefs"
d'une vie passée à m'en faire
Lorsque je relirai demain ces traces posées sur la glace
j'aurais peut-être retrouvé
l'usage de ma colonne vertébrale
Elle n'arrête pas de parler ...
S'il vous plaît pour moi traduisez
ce que les mots de nuit suggèrent
d'une langue morte oubliée

ALPHABET F


F

2 Août
FAIS CE QUE TU VOUDRAS. Va de la table bleue des livres à celle, vitrée sur des peintures anciennes de l’ordinateur, de celle rouge des légumes si réels qu’on peut les consommer par les yeux à celle, devant le seuil, où tu prépares les côtes de bettes, du matin à l’après-midi, de la télé au canapé de la sieste, de l’aquarelle à la calligraphie et bien sûr, au piano, de ta chanson obsessionnelle en ce moment : celle de la sciatique en fauteuil roulant à « yesterday » rythmé avec application en réécoutant la cassette. La pendule accompagne consciencieusement ton application et ta réussite, à posséder le temps de tes envies et satisfactions puisque tu n’as aucun pouvoir sur le temps, qui, à l’extérieur, va de la pluie au soleil et du gris au bleu. Toutes couleurs bonnes à boire.

07 octobre 2007

ROYAUME


mot du jour en 1500 caractères !

Royaume des cieux : hum ! pas sûr que j'y crois. Bien que j'aime le ciel au-delà du raisonnable surtout quand il est bleu. Mon royaume pour une messe : idem. Bergère en sabots, je ne me sens d'aucun royaume ni sujette ni souveraine. Le meilleur serait un royaume à déguster en bonne compagnie. Car je crois me souvenir qu'il s'agit du nom d'un gâteau. Aussi, donc, je vais me raconter ma découverte du jour : des bananes très mûres chez l'épicière qui me les solde pour 1 euro le kg. Avec en sus sa recette de tarte à la banane et au chocolat. J'en confectionne derechef au retour une à la banane et à la compote de coings. Un délice ! nous l'avons partagée avec Odile et Rose sa petite fille. Puis nous sommes allées nous promener dans le soleil un peu tardif mais présent tout de même. Conversation de bord de chemin avec un riverain car Rose s'engouffre dans toutes les allées, qu'elle soit invitée ou non. Par contre dans une autre maison vociférations contre notre audace de ramasser une noix par terre. Dans notre royaume d'aujourd'hui cohabitent tant bien que mal la simplicité et douceur de vivre et la propriété privée arrogante et méchante. Privée de quoi Madame ? Votre noix, Rose l'a perdue en chemin tout occupée qu'elle était à discuter avec un chien derrière sa grille. Ai-je fait le tour de mon royaume ? Quelques enjambées, un air d'automne roux et brun, les gazouillis d'une petite fille, une partie de scrable que j'ai gagné de peu. Une république bananière !

06 octobre 2007

ALPHABET E


E


2 Août
EN PRESENCE des autres ( Yvette, Sylvie, Léo, Natacha, Bruno, Marcel), ne serait-ce que quelques minutes, je ne me demande pas s’ils ont remarqué mon calme souverain. Je prends avec bonheur cette présence. Je dis « merci d’être passé » « viens le chercher si tu veux ». Je parle à Léo du livre ( Trois chevaux d’Erri de Luca) qui parle de l’Argentine. A l’une je parle de l’autre qui va bien, je dis, « elle serait contente de te voir » . Quand on compare avec la densité de mots échangés en une journée, de relations diverses possibles dans une ville comme Sète, un coin perdu et si pauvre d’habitants comme Le Bouchage, les regards, les bises, les petites paroles d’eau prennent un extraordinaire relief. Serai-je aussi comblée s’il y avait eu quarante jours de désert ?

05 octobre 2007

ECRIRE

« Forcer le regard de l’autre par un acte fort comme l’écriture »
Faire mienne cette réflexion de MARIA LONDON. ( http://london-maria.blogspot.com)

Et qui est cet autre ? Qui fut-il cet autre dont le besoin de regard était si impérieux qu’il m’incita à larguer les amarres, à remettre en question ces liens mal connus, mal appréciés, qui me retenaient depuis quarante années au port.

L’autre : un DOCTE MONSIEUR
- Docteur j’ai mal. Je ne sais pas de quoi, d’où … un mal qui vient de loin, de mon enfance, de toutes ces femmes qui m’ont précédée : grands-mères, tantes, voisines dont je connais à peine le nom, l’âge, l’histoire … j’ai mal à leur ignorance : ignorance de leur corps, de leurs droits, de leurs désirs. J’ai mal à la honte confuse qu’elles ont d’elles-mêmes, honte de leurs tailles, de leur force insuffisante, de leurs évanouissements, de leur langage mal dégrossi, patois charabia qui ne sait même pas désigner l’endroit de leur souffrance, l’intensité de leurs symptômes. Maladie d’humilité face au docteur savant, l’homme de science. Aujourd’hui, pour nous relever de ce fatalisme je suis heureuse qu’une de mes petites filles ose affronter les longues études de médecine, ose regarder lucidement la souffrance sociale qui continue de s’engouffrer partout dans les immeubles, dans les hôpitaux … Elle veut « soigner » dit-elle. Essayer d’être le grain de sable, la goutte d’eau. Comme je l’avais lu dans ses yeux toute petite auprès de son arrière grand-mère malade.

-L’autre : MONSIEUR MON SUPERIEUR HIERARCHIQUE
- Monsieur l’inspecteur regardez-moi ! je fais ce que je peux. Quelquefois au delà. Je force ma patience, mon énergie, mon savoir, à s’asseoir au banc écolier … J’invente, je théâtralise, je triche, je récompense, je punis … Je mélange allègrement imagination, rationalisme, foi … pour que les yeux pétillent, pour que les mains dansent, pour que l’espoir trouve dans la mémoire les moyens de se régénérer …
Que dites-vous ? vous m’avez entendu, vous répondez à ma demande d’encouragements non formulée. Vous n’êtes plus seulement attentif à mes panneaux muraux, à mes fiches auto-correctrices mais au son de ma voix, à ma fièvre enseignante que vous souhaitez apaiser, protéger. Qui sait ? à mes yeux bleus. Vous écrivez, je le sais, vous êtes de la famille des Hugo, Verlaine … San Antonio peut-être, Dostoïevsky … et vous m’affirmez tranquillement que je suis aussi de la vôtre, qu’il n’y a qu’à … que la page appartient à qui s’en empare.
Alors je me mis à écrire. Jets de l’âme, brouillons de rêves, romans de ma vie. Du moindre instant volé au temps défini, obligatoire, de la moindre fenêtre de papier (avant la machine à écrire puis l’ordinateur) je fis une durée solvable, une échappée libre. Je tendis, fière et confuse de mon audace, au docteur, à l’écrivain mon premier livre bleu. Ils dirent sincèrement, quasi tendrement « Merci beaucoup ! Continuez ! »

Je continuais. Je continue toujours. Même s’ils ne sont plus là pour regarder, même si ce n’est plus leur regard que je guigne.

Et puis je chante …
« Tant je fus la parleuse
Assise au jardin
A conter aux enfants
La splendeur de la rose … »

Je force toujours le regard de l’autre, quel qu’il soit, à me reconnaître comme sa sœur, sa femme, sa fille, sa mère, son égale …
A me regarder au fond des yeux dans la glace de l’écriture je le vois mieux cet autre qui me ressemble tant. Le bleu qui me fut donné en héritage transpire, transparaît dans toutes les couleurs de l’autre, s’y décale, s’y apaise … De me donner à voir et à entendre je vois plus clair, je chante plus haut !
L’acte fort a créé une dépendance certes, un alcoolisme de mots mais l’ivresse volontaire participe au fragile équilibre de ma rage de vivre et de mon assurance à bien le faire. "Bien !" j’écris comme en marge d’un devoir. That is to say : le mieux possible !

04 octobre 2007

ALPHABET D


D

2 Août
DANS la cuisson de la courgette à la vapeur comme dans la tisane au jus de bouleau dépurative il y a une apparente simplicité. En réalité quelle richesse dans le goût du persil, de l’ail, mêlé au lait, la chair ferme de la cucurbitacée et l’onctuosité de la bouchée sur la langue. Boire la tisane chaude, mais pas trop, de gorgées en gorgées successives, sans interruptions mais avec des pauses peut devenir d’une complexité de sonate. Bien sûr il ne faut rien exagérer. Il y a bien un peu de stakhanovisme à vouloir régler la lenteur, la dégustation avec l’abondance de pluie sur le toit, les fossés bouchés débordant sur le chemin. Quand la pluie s’est arrêtée finalement j’étais bien contente de sortir au grand air sans consignes philosophiques et sans parapluie.

03 octobre 2007

ALPHABET C


C
4 Août
COMME une volée de doubles croches sur la portée, la faisane. Je l’avais entendue froufrouter dans les maïs sur notre gauche. A ras du sol elle a traversé le fossé, le chemin, les chaumes de blé et son vol rasant s’est terminé en pas aériens sur les tiges coupées … Comme … un mouvement, un bruit saccadé et léger … le soleil se couchait sur le coteau de Buvin comme un bon vieux soleil qui a bossé mollement toute la journée afin d’éponger cette grande pluie de la veille. Les lumières du couchant jouaient avec, entre, les roses, les bleus, les carmins, les mauves, les fushias. Comme souvent ici les mérites inouïs des couleurs pour décrasser la cervelle. Pays natal. Pays terminal. Un signe par la vitre de la voiture de mon voisin, ex mari. Comme un présent enfin accordé au passé.

02 octobre 2007

ALPHABET B

ALPHABET DE LA LOUE : 2,3,4,5 Août 2007

Circonstances :
Un éditeur demanda à Paul Valéry d’associer à 24 lettrines gravées 24 poèmes en prose ( Le K et le W éliminés de l’alphabet). L’écrivain se proposa d’y associer les 24 heures du jour, composa le recueil sans l’achever et ne le publia pas. A certaines lettres correspondent plusieurs poèmes.

Le livre de poche publié par la suite était à portée de ma main à La Loue. Une sciatique en voie de guérison mais encore offensive m’obligeait à la prudence déambulatoire. Je commençais par recopier sur un cahier chaque lettre et le démarrage de Valéry ( la lettre, un mot, une expression, une phrase) et à partir du 2 Août laissais venir la page entière. Puis j’étirais sur quatre jours le projet initial persuadée que de ne rien brusquer maintiendrait cette thérapie dans le bon chemin.



ALPHABET B 4 Août
BOULEVERSANT ce témoignage à la radio des chansons de 1939, 1940 … J’étais tout juste née, il n’y avait pas de radio à la maison pour en imprégner mes oreilles. Mais cet effort des baladins, Fernandel, Trénet, Lucienne Delile, pour transformer les défaites en victoires, les exodes en enracinements, les pleurs sur les quais de gares en sourires vaillants déployés avec les mouchoirs m’amène les larmes aux yeux. Dans ces chansons j’entends plus qu’une reconstitution historique documentée. L’ombre des pauvres « kakis » fauchés en pleine jeunesse comme le père de Pierre surgit tout à coup dans la cuisine à l’heure du dîner. Et j’accepte cette remontée d’émotion comme témoin lointain déposée dans mon berceau.

01 octobre 2007

ALPHABET A




A

2 Août
AU COMMENCEMENT le matin hésita à se lever. Il s’y prend à deux fois, déjeune puis se recouche. Le matin dispose de lui comme bon lui semble. Une journée de solitude bleue parce qu’acceptée. Il s’emmitoufle dans le sommeil pour savoir si rien ne lui manquera dans la journée d’indécision et de latence. Il démarre en douceur.
Au commencement le petit déjeuner est une leçon de sagesse à peine gourmande. Deux biscottes, du thé vert. Rien ne manque au festin d’ivresse de se sentir capable de réguler l’appétit pour aujourd’hui. Effort consenti, rupture d’habitude, silence des contestations revanchardes. Esprit et corps font bon ménage.

PS : " il n'y a pas de commencement. l'amour, le silence sont là depuis toujours.
le commencement est en nous depuis toujours" Hélène Dorion