Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

27 septembre 2015

Silence




Marguerite se tait enfin.
Françoise respire ce silence.
Enfin Françoise respire.
En présence de Marguerite Françoise ne respire qu’à demi.
Françoise retient son souffle.
Marguerite le lui a dit : tu retiens ton souffle.
Quand Marguerite parle, Françoise a mal à la langue.
Les lèvres de Françoise sont rouges.
«  Outrageusement rouges » a dit Marguerite.
Françoise passe sa langue sur ses lèvres.
Elle rougit. La langue de Françoise rougit.
Il y a un ressac de silence sur les lèvres de Françoise.
Marguerite prend peur. Françoise rougit.
Il y a une odeur de poulailler.
Une odeur de délire sur un poulailler en dérive.
Françoise ne sent rien quand Marguerite se pince le nez.
Outrageusement hume, renifle ostensiblement.
Non ! l’odeur de Marguerite Françoise ne la sent pas.
«  à force … à force … » dit Marguerite
et puis plus rien, le silence, le silence complet.
Alors Françoise se lève, marche vers le piano, s’élance …
Dans l’amitié de sa cadence
Elle sent sa force au bout des doigts.
Et le tourment s’en va.
Plus de petit vélo dans les bronches, dans les branches.
Plus de rouge outragé, outrageant,
Plus de mots sur la langue.
Plus de poulailler, plus de fiente, plus de méfiance.
Deux Nanas : une qui joue, l’autre qui danse
Dans la chaleur de la cadence partagée de l’amitié.
Enfin ! 

26 septembre 2015

Maurice Carème


POUR MA MERE

Il y a plus de fleurs
Pour ma mère, en mon cœur,
Que dans tous les vergers ;

Plus de merles rieurs
Pour ma mère, en mon coeur,
Que dans le monde entier ;

Et bien plus de baisers
Pour ma mère, en mon cœur,
Qu’on en pourrait donner.

Maurice Carême
La lanterne magique
© Fondation Maurice Carême

poème qui se retrouve dans le livre d'Isabelle Monnin " LES GENS DANS L'ENVELOPPE" en calligramme du personnage de petite fille Laurence, certes un peu modifié mais l'auteur est nommément cité : "j'aime bien les poèmes de Maurice Carème"
J'aime bien les livres qui parlent aujourd'hui des poètes disparus "longtemps longtemps après ... parfois on change un mot, une phrase ..."et leur petite chanson paisible ouvre la journée en douceur

24 septembre 2015

pour Aneta de ce jour d'hui ...


Tu prendras l’anse du panier
Et tu iras cueillir des pommes
Légère
Tu attendras qu’il te revienne
Car c’est légère tu le sais bien qu’il te préfère
De toi le rire sur une courbe
Qui dévale jusqu’à sa peau
De toi l’haleine sur sa bouche
Légère comme plume d’oiseau
De toi ce temps sans démesure
Et sans mesure tout autant
Aux paradoxes de vos rives
Un seul courant …
Ne tarde pas
Sur la nuit douce pose ta forme dans un lit
Laisse le sommeil effacer
ce vilain pli coupant ton front
En deux hémisphères tortueux
Va-t-en, légère, réconcilier
Et le cadet de tes soucis
Et l’assurance des filles aînées
Bien sûr qu’il t’aime puisqu’il le dit
Bien sûr qu’il t’aime en ce moment
Dormant déjà, déjà rêvant
Et devenu lui-même oiseau
il traverse les continents
Pour te caresser, pour te prendre
Et te bercer jusqu’au matin
Volons ensemble mon amour
La vie est parfois si légère
Qu’elle nous sert de porte-avions
Rien ne viendra troubler ce songe

De n’être qu’un en étant deux
La minute d’éternité
Vaut bien un siècle
Si nous savons la faire durer jusqu’à la minute prochaine
Qui nous verra nous retrouver
Vers toi je viendrai si légère
Que tu oublieras qui je suis
Et me gobera toute entière
N’oublie jamais cette nuit claire
Où me suis faite mouche ou moustique
Pour l’oiseau bleu

22 septembre 2015

choses simples


ces mots de Yves Bonnefoy :
«  Oui, toutes choses simples
Rétablies
Ici et là, sur leurs
Piliers de feu.

Vivre sans origine,
Oui, maintenant,
Passer, la main criblée
De lueurs vides.

Et tout attachement
Une fumée,
Mais vibrant clair, comme un
Airain qui sonne. »
  ... choses simples, adolescentes, avec bouchon, papiers, couleurs ensemble et bonne dose de bonne humeur ...

21 septembre 2015

entre les mailles et les années ...




Entre les mailles de lumière

L’eau de la rivière s’en va
Soleil, ouragan et zinnias

Des fleurs que j’ai senties naguère
Je ferai une bamboula
Je préfère le pinson au chat

Jamais je ne mettrai en terre
Tous les bateaux qu’on me donna
L’eau de la rivière s’en va

Moi je reste sur le qui-vive
Sur le ponton où la dérive
Passe entre les rangées de lilas

Puisse courant entre les rives
M’emmener à la source vive
Pour le dernier alléluia

L’eau de la rivière s’en va

18 septembre 2015

nouvelles de la Rue Basile


Je viens de faire découverte

Mon voisin est sur Internet
J’aurais pu passer à côté
De mon voisin, n’était la chance
D’avoir tapé le bon indice
Oh par hasard, sans rien savoir
-       c’était à quatre heures du matin-
La rue figée sur ses béances
Immobile, coite, en silence
Me regardait, cligna de l’œil
Mon voisin voulait me faire signe
Depuis longtemps mais n’osait pas
( il avait remarqué ma ligne !)
Du moins c’est ce que je crus comprendre

Mais Zut ! j’ai fait fausse manœuvre
D’un seul clic j’ai tout effacé
Comment retrouver mon voisin ,
Quel moyen de communiquer ?

Un chat se promène sur le tas
De gravats de la Rue Basile
C’est un chat noir. Les imbéciles
Disent que le noir porte malheur

Et si mon voisin était chat ?