Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

27 mai 2007

image 6/ GARDIENNES

Depuis le cimetière d'Allevard cette image du soir. D'un tombeau-palais d'une princesse peut-être imaginaire, la municipalité a fait un garde-cendres.


D’une illusoire couronne
elles portent le flambeau
Mais derrière les matrones
s’ouvrent des champs nouveaux
Ici déposent cendres
Monique et Gérard
Patrick Charles Gaston
Yvonne née Jacquard
Mariella née Normand.
Simplement sans un mot
Sans coûteuses épitaphes
Ils acceptent de n’être
qu’un nom qui se souvient
du passage éphémère.
Et de la porte ouverte
sans battants ni trompettes
On peut voir le Gleyzin
ses neiges, ses cascades
de blanc sur le ciel bleu

IMAGE 5 : trois demis

Rencontre d’un type nouveau. C’est d’abord quand je la dépasse sur le bord de route, une jeune femme enfoncée dans son téléphone. Mais non ! juste en surface, puisque je l’entends commenter mon propre passage. La communication finie, elle me demande de joindre son pas au mien.
La route monte, j’ai mon sac à aquarelle et il fait chaud, en direction de Pinsot. Nous tournons bride pour redescendre. Voilà un petit sentier sur la droite. Elle craint qu’il n’arrive à une maison. Je l’encourage : il n’y a pas de pancarte pour le défendre.
Nous avons déjà échangé les renseignements essentiels. Voici le sujet de l’examen d’entrée en école d’infirmière : la responsabilité. Beau sujet, du civil au privé, comme les chemins, pourvu que l’on ne s’y perde …
Un grand gaillard tient le portail du passage. « Ah ! » Je demande permission à la jardinière qui déboule de ses plates-bandes pour qu’il nous l’ouvre obligeamment. Et tout s’enchaîne à merveille : le rhododendron, la photo avec Lili Propriétaire, le grand escogriffe qui se prétend sorti de prison et anathématise la sarkosie toute entière. Photo. Avec la future infirmière entre les deux grands-mères par ce qui se révèle un kiné en congé. Plaisanteries. Outrances ordurières. Il faut bien épater la belle fille et entourer les grands-mères d’un frisson de jeunesse iconoclaste.


Puis, par la descente acrobatique vers le ruisseau, les ruelles, l’arrivée à Alphonse Daudet*. En voilà un dont les blocs de blog sont en exposition bien visible. Je connais. Je suis déjà passée par là l’an dernier.
On termine aux demis, (mais pas d’eau de source), à la Chartreuse, dans le bistrot guinguette où les assurés sociaux dépensent leur trop-plein d’énergie les après-midi sans cure à guincher la java de l’éternité.
Grâce aux bons soins de la Sécu, des infirmières et des kinés patentés.

*« je viens d’aller boire mon demi verre à la source, cette source précieuse est à 10mn du pays, en montant du côté des hauts-fourneaux, dans la gorge où roule et gronde un torrent tout mousseux d’écume, descendu du glacier qui ferme la perspective, luisant et clair entre les alpes bleues, et qui semble dans cette blancheur des eaux battues, fondre et délayer sans cesse sa base invisible et neigeuse. »

Image 4: QUE BEC QUOI ?


Avant que ne s’éloigne
l’homme qui chantait
Retenir de son allure
une note ou deux

A la fin d’une chanson
d’un geste léger il soulève
le pompon du couvre-chef
« Merci pour lui ! » il nous dit

Rôdé au tournois de rue
il installe la sono
et le phoque en Alaska
décore la barrière

Bien calé dans ses chaussures
Aéré par le bonnet
Il caresse sa guitare
comme un matou pacifique

Elle égrène pour lui plaire
tous les couplets québécois
Pour lui c’est pas une affaire
« Y r’viendra la prochaine foué ! »

C’est Victor qu’il s’appelle
en maudit français
Mais Yves à ce qu’il paraît
en Belle Province

IMAGE 3/ MONSIEUR !


Image 3
Monsieur, je voudrais vous dire bonjour sur le banc !
Vous faire remarquer les deux merles sur le platane et l’épicéa,
vous faire entendre les conversations d’oiseaux.
Ils s’élancent sans le moindre mot à redire, communiquent sans portable ni ordinateur.
Monsieur ! je suis devant vous et vous, plongé dans une affaire urgente de pyramide de Kéops.
Kéops, Mykérinos, Kephren … quelles belles résonances dans vos oreilles qui n’entendent pas mon bonjour. Dois-je insister ? j’insiste !
Voilà votre tête levée et votre sourire qui m’a reconnu. Peut-être m’attendiez-vous ! et vous parlez, vous parlez, sans pessimisme excessif aujourd’hui. Il y a tant à apprendre ! dites-vous. Je vous écoute, charmée. Rien d’ostensible, d’ostentatoire dans votre discours, la sincérité même. Vous êtes gentil, disent vos cinq petits enfants ( je m’enquiers du nombre), mais un peu ennuyeux de toujours chercher à comprendre, élucider, retrouver même dans votre mémoire. Car, dites-vous, vous avez abandonné les magnétophones, camescopes, boîtes à voyage et souvenirs pour refaire les parcours, de l’intérieur. Aussi bien vous ne vous ennuyez jamais. C’est que ça travaille là-dedans. Vous me montrez votre tête. Et apparemment elle ne vous fait pas mal. Vous acceptez ce charivari permanent. Vous l’alimentez de vos lectures. Je pourrais vous citer Andrée Chedid dans ce « Survivant » que je suis en train de lire : « des jours où elle ne vivait qu’à travers sa caméra, ne songeant qu’à cet album dont elle composait les images : univers de cruauté et de clarté ensemble, monde sans cesse se rachetant, racheté. La lumière rachetant l’ombre ; le rêve multipliant le réel. Ou bien parfois tout le contraire, les ombres aiguisant la lumière, le velouté des ombres, la magnificence du vécu, de la chair, donnant consistance au rêve. Les visages antidotes, les moments antidotes, les lieux antidotes et parfois dans un même visage, un même moment, un même lieu, cet entremêlement d’instants morts, d’instants de vie »
« La vie est belle !» concluez-vous. Je vous quitte, heureuse de votre changement de philosophie depuis hier.

Image 2 GINKO ...


GINKOBILOBA

Dès le réveil il me visite. Ce sera lui l’image à retrouver dans le parc des Thermes.
Toujours là, à 10 heures, au-dessus du même banc. Vert, élancé et vigoureux. Je lui ramasse une feuille sur la branche, trois que je découvre dans l’herbe.
Il a grandi : je le lui dis. Il s’en balance.
Sur le banc d’à-côté une jeune femme lit. J’aperçois le titre du livre. « Le livre de ma mère » Tiens donc ! je pense, et je me penche pour vérifier « Albert Cohen » sur la couverture. Elle s’en aperçoit, je m’en excuse. « C’est beau ! » dit-elle, bien qu’elle ne soit qu’aux premières pages. « Oh oui c’est beau !… »
Le ginko écoute la conversation, fait dévier ma marche vers le banc suivant, ses feuilles dans ma main. Un huissier en faction m’annonce la couleur « GINKOBILOBA ! »
- oui je connais ! et même, voyez-vous, j’avais l’intention de …
mais l’homme est plus rapide que moi pour confier son savoir.
- Savez-vous que c’est le seul arbre qui résista à Hiroshima ? il n’est pas nouveau. Il n’est pas rare non plus. Sa graine se transporte. Il vient de très longtemps dans nos forêts, depuis le Moyen Age, mais on ne le remarquait pas ; il aime la compagnie des autres arbres mais est seul souvent …
Je sens bien que le ginko biloba de ce monsieur disert est, comme lui, en quête d’implantation dans le lieu. Il regrette la difficulté d’être remarqué dans la forêt curiste. Il a peur que la terre n’implose de ces isolements forcés parmi la foule. Je m’assieds à ses côtés. Sans gêne et sans honte … lui montre la beauté alentour, au dessus, le ciel est bleu limpide, pour rassurer son pessimisme.

Du latin ou du grec, du Japon ou de France, le ginkobiloba garde les pages ouvertes.
« A demain ! »
Et j’ajoute « si vous le voulez bien », comme sur France-Inter.
Lui : « Si Dieu veut ! »

UN?E IMAGE/UN JOUR

Une image/un jour
Projet en roulant ce matin en direction d’Allevard d’accompagner la cure chaque jour d’une image. Une seule, prise dans la réserve ou rencontrée à l’improviste. De la passer au gargarisme des mots, aux pulvérisations froides ou chaudes des souvenirs, à l’humage prolongé sous la douche des couleurs … me limiter à l’observation de l’image, suivre son parcours dans la journée, l’accommoder des humeurs du moment, voire des doutes sur celle qui l’a saisie à bras le corps, me rappeler comment elle est venue me cueillir et lui rendre la pareille. L’appareil ?

Image n° 1
Elle est frimousse ronde et claire.
Elle est dentelles de cheveux.
Elle est des yeux cerclés de bleu comme les demoiselles entourées de galants.
Leurs écrans captent les chansons avec des hameçons numérisés de rires, découpent des losanges, ajustent des pépites dans le serti des doigts des fées.
Elle écoute son père ou l’ami de son père, québécois tous les deux, à ce qu’il en paraît.
Et, avec le refrain, danse sur mes genoux, tom di li dou, tom di lidou …
Jaune comme la pulpe d’une pêche bien mûre et bien nourrie de jus, elle mange le soleil. Sa bouche le recrache.
Jaillissent des rayons jusqu’à son front.
Elle était, samedi, fête de la Nature, festival Musique et Bonheur.
Au col du Rousset dans la Drôme.

Avec nous, tous en cœur !
Reprenons avec elle !

J’étais sur son nuage et nous nous balancions.

21 mai 2007

NE PAS


Ne pas fermer la porte quand la nuit se fait noire comme l’encre d’hier.
Ouvrir les mots des jours qui brillent.
Revenir doucement sur la joie endormie, sur la joue qui se tend
et effleurer des doigts le clavier du silence.
Ne pas oublier la saveur des oranges.
Ne rien brusquer de la tourmente, la regarder d’un œil de travers, de l’autre lui sourire.
Se dire que dans la pierre survit encore la fleur.
Tant et tant. Tant et tant qu’à le dire, reviendra sur le front, l’offrande des matins.
Tant et tant de chansons sur la route qu’on croise, et, drapés dans leurs plis, tant et tant de chanteurs pour reprendre un refrain.
Oui ! simplement. Plus que « ne pas » : l’acquiésement.

20 mai 2007

PROVOCATION



Combinaison de la promenade en Vercors et de l'atelier d'écriture
J'en ai le souffle coupé. L'inducteur : le provocateur. Je ne voulais qu'un devoir de vacances, penché sur le dimanche finissant. Un mot à musique tourbillonnante. à cui-cui d'oiseaux sur la branche. Rien qui puisse m'empêcher de pêcher à la ligne, comme sans y toucher.

Alors je tourne bride. Je vais plus loin que le chemin. Je défriche ailleurs. Je vais écrire dans le pré. Là est posé un épouvantail rigolard. La figure de la mort en barre. Constitué de faux, de cornet de poële, d'un chapeau rouillé, d'écrous qui ne serrent plus, d'un râteau à vendanges. Qui s'est bien amusé à le faire, à l'offrir aux regards des touristes en Vercors ? Quel inducteur-provocateur ? Je fais arrêter la voiture, je foule un peu l'herbe du pré en remarquant que d'autres l'ont fait avant moi. Je le mitraille. Son sourire de guingois se change en grimace à contre-jour. Sur le flanc Est il immobilise la farce. A l'ouest il résonne encore du choc des outils sur l'enclume. Derrière mon dos, quand je le quitte, je crois l'entendre se gausser. "Ah ! Ah ! Je t'ai bien eue ma belle dans mon pré ! Comme je t'ai bien attirée ! Tu aimes, on dirait, les rencontres insolites ! Tu aimes imaginer la suite. Qui viendra me chercher, me remplacer à la prochaine saison ? Qui jouera du pipeau de la provocation ? de l'orgue de la fantaisie ? de l'ordre des outils rangés sur l'établi des créations originales ? Qui saura, à ma place, te faire sortir de ton abri ? "
Cette rencontre, ce matin : une aubaine !

PS: j'ai oublié le chargeur de mon tel portable ! Zut alors ! Comment ma cure va-t-elle pouvoir faire de l'effet sur mes neurones sans chargeur ?

17 mai 2007

MAISON


j'ai toujours du mal à quitter une maison pour une autre. c'est comme si chacune ne voulait pas me laissser partir. Il me faut bien un jour ou deux avant de retrouver l'accord entre nous. Mais la proposition d'écriture cette fois brusque les choses . 1500 caractères, 1heure maximum . OK ! MAISON !

J'ai terriblement écrit déjà sur le thème. "Elle a trois maisons " fut pendant un mois un exercice chaque jour de deux heures. " La maison de pisé" fut un long poème d'une traite, écrit au lit, pendant une vacance de boulot obligatoire pour me retaper. De ce poème vint un spectacle du même nom, qui mêlait textes et chansons. Au gré des années et des besoins de maisons de papier, j'écris, je décris, je photographie, j'expose, je peins " la maison dans les peupliers" "la maison a froid" etc... Tous mes rêves de maison, mes obsessions de maison. Si bien qu'aujourd'hui je reste (presque) coite devant le mot. Je m'interroge alors sur le "terriblement" d'ouverture. Oui, les maisons d'enfance, de mariage, de retrouvailles avec le moi du moi, je les ai terriblement approchées, regardées pour comprendre ; j'ai tourné autour pour les clore à jamais. Sans compter tout ce dont j'emplis les maisons comme vieils objets, photos, livres, meubles et ustensiles ... Terriblement c-a-d jusqu'à la fatigue, jusqu'à l'épuisement. S'il me reste un rêve non exaucé, c'est une maison de vent, transportable sur mes ailes. Pour utiliser tous mes caractères disponibles, peut-être pour clore le chapitre, je ne peux que me citer, moi, la propriétaire d'une maison mentale :
"je suis d'une maison, unique, intraduisible
je m'y perds parfois à vouloir m'y loger
une maison si belle, une maison si grande
que je m'y cherche encore de la cave au grenier."

grain du sable des mots ... MAIS... ZON

15 mai 2007

Mai des cerises


LES TEMPS DES CERISES


Les cerisiers chantaient la chanson des cerises
C’était un mois de mai comme il y en eut tant
L’espérance en fleur ; tout près, la terre promise
Puis la brusque bourrasque étrangle le printemps

La femme qui dansait dessus la barricade
Elle s’appelait Elise, elle n’avait pas vingt ans
Quand elle tomba, fauchée, doucement, par bravade
Un poète la prit qui s’appelait Clément

Cerisier, mon amour, Hiroshima en pleure
Des lambeaux de ta chair accrochés à son dos
La montre calcinée fixant la dernière heure
Ne retirera pas l’aiguille sous ta peau

Un peintre japonais chaque jour recommence
Pourtant, du cerisier, de peindre la chanson
J’ai vu son long pinceau se prendre dans les branches
Et soudain refleurir aux murs de ma maison

Au pendant des oreilles, cerises sont des notes
Rouges de sang vermeil et blanches d’émotion
Cerisiers chantent encore les lendemains de vote
A leur voix opiniâtre je reprends la chanson

Je n’avais que deux ans en mil neuf cent quarante
Mon père avait planté un frêle cerisier
Parfois il me revient en rêve et me hante
En me tendant des mots en guise de baisers

Et ma voix cueille encore cerises aux cerisiers

Et ma voix cueille encore cerises aux cerisiers.

14 mai 2007

OUVRE LES YEUX


Dans mes mémoires complètes (sic!), c'est la suite de " Le dessous des paupières" , que je suis en train de taper.
Retour ce soir vers la source d'Internet ( brrr qu'il fait froid : 5° degrés en arrivant), en voici donc un extrait de ce matin ... pensant qu'il vous fera sourire. J'étais alors en pleine révolution féministe. ( 1981) mais je n'en soustrais rien !

"Je peux aimer. Je veux aimer. J’aime. Mais que cet amour ne se dissimule pas dans ces méandres de mon être, que l’amour qui me vient ne me ramène pas à obéissance, soumission.
Appelez-moi : je viens ! Ne me retenez pas : je fuis. Ne me retenez pas : je reste.
Vie rivée. Vie enclavée. Vie paysanne dans ce que le mot a de plus contraint et de plus attaché à la glèbe. Femmes de labeur ; femmes de devoirs. Femmes d’habitudes. Femmes sans métier et sans cris. Femmes sans ventre à elles. Etonnez-vous qu’elles soient maladroites dans leurs premiers essais, qu’elles parlent trop ou parlent mal.
J’arrache, une à une, les peaux successives. Elles reviennent. J’ai mal. Je ne suis pas le Jésus Christ des femmes. Je ne suis pas leur voix. J’essaie seulement d’être un peu la mienne. Mais parfois, comme aujourd’hui, il me semble que me traversent des voix multiples. Voix de ma sœur morte, voix de ma mère, voix de passantes que leurs visages ou leurs jambes à varices ont inscrit en moi. J’en veux à leurs tourmenteurs, leurs maris, leurs patrons, leurs pères et frères. Même à leurs camarades (socialistes ou non). J’en veux à elles de ne pas avoir été plus braves, plus fermes, plus intelligentes quand il fallait l’être. J’en veux aux mères qui ont perpétué sur leurs garçons les causes de leur mauvaise humeur, de leurs ulcères, de leurs « pertes » de sang hors des dates permises.
Et je ne leur en veux pas. Ni aux hommes ni aux femmes. Parce que je fus et suis encore celle qui accepte et magnifie, faute de pouvoir changer. Ma tâche urgente, ce n’est pas de brandir les pancartes, ni de convaincre, ni de perdre le temps précieux qui me reste en agitations pour me rassurer. Ma tâche urgente est d’accoucher de moi, d’être à l’aise avec moi-même. A travers tous les avatars, les aventures de ma petite vie, ma tâche est de conserver et faire grandir l’amour de moi.
Pierre, tu aimes mon sourire, tu aimes mon poème, comme j’aime la tranquille assurance en toi qui te fait m’écouter et me permet de te dire ma rage. Alors je dois. Je me dois.
Je veux vivre comme l’arbre et comme l’animal. Retrouver la sève. Et la sève est amour, est confiance, est don. Mais non aveuglement, exaltation, subterfuge de vie.
Non rattraper le temps perdu, prendre MON temps."

12 mai 2007

LE DIABLE

Rencontré le diable dans « Le voyage d’Anna » d’Henri Gougaud, en plus de 1500 caractères. De quoi le défier.

« Un jour ce que je sais tu le sauras aussi. Puis j’appellerai à notre aide les plus vieux cousins du pays. Ils te mèneront où il faut pour que tu rencontres le diable. Tu devras le combattre seul.
Elle sursauta, elle s’effraya et se signa en grande hâte :
-le diable ? tais-toi donc ! Carlotti, tu es fou ! je ne permettrai pas cela.
-le nôtre n’a ni queue, ni corne, ni mufle qui crache le feu. Il ne pèse pas lourd, pourtant il nous écrase si on ne sait pas l’affronter. Alors, tu le connais, Anna ; il n’a qu’une arme, c’est sa voix ; Elle ne te vend aucun plaisir, au contraire elle te serre, elle te glace, elle t’étouffe, elle te prêche que tu n’es rien mais que tu es coupable d’être simplement qui tu es. Elle ne sait dire que la peur, la peur d’être puni par Dieu, la peur de souffrir, de mourir, la peur qui empêche de vivre, la peur, voilà tout, voilà rien. /…/
Alors le plus ancien des maîtres le ramènera, ce dernier matin, sur le chemin de sa maison. Du bout de son bâton il tracera un trait en travers du sentier. Il lui dira : « Garçon, franchis cette frontière, et que le Dieu des charbonniers te vienne en aide, s’Il le peut. »
Simon soupira amplement.
- j’ai connu cet instant, Anna et je ne l’oublierai jamais. Les vieux ne m’avaient pas menti. C’était en vérité l’épreuve la plus dure.
- Et dis-moi qu’as-tu fait ?
- J’ai avancé d’un pas. J’ai enjambé la ligne, sûr que j’allais mourir. Je n’ai pas prié, j’ai haï, je en sais qui, je ne sais quoi. J’étais d’un orgueil intarissable.
- Et que s’est-il passé ?
- Rien. Le brouillard de sang qui me cachait la vie s’est tout à coup défait. J’ai vu venir mon père. Il m’a ouvert les bras. Mes maîtres autour de moi souriaient plaisamment, tapotaient mes épaules,en disant « bienvenue cousin, bienvenue ». je venais de passer au travers de ma peur. J’avais vaincu le pire monstre que je puisse un jour rencontrer. »

11 mai 2007

SATAN

ATELIER D’ECRITURE
Satan, je ne te parle pas, tu m'énerves. Est-ce toi qui met ton nom dans la bouche de l'ami Emmanuel ? Sans blague, tu serais l'anti-dieu, le méchant, le pervers, et il faudrait t'anathématiser à force de bénitiers, t'enrober de prières, te renvoyer à coups de fourche en enfer, et même ! (vraiment il pousse Emmanuel ! )"désenvoûter pour t'exorciser" ?
Or donc, si je t'ignore, si je dis que tu n'existes pas, me voilà débarrassée de l'explication simpliste du mal. Le mal incarné, le mal parachuté, le mal millénaire celui-là je ne peux le nier. Habillé de rouge avec Pol Pot, de noir avec tous les obscurantismes, de toutes les couleurs et de tous les bariolages : ce n'est pas en fermant les yeux que je le supprime. Alors Satan, puisque c'est dimanche, je vais m'occuper à te couper l'herbe sous les pieds, au moins dans mon jardin, c'est à la mesure de ma faux. Je vais interposer entre toi ignoré et moi qui sais, les efforts de l'intelligence pour comprendre le monde et l'améliorer autant que faire se peut. Je vais interposer entre mes petits enfants et les écrans magiques, ma présence. Qu'ils me regardent ! Je suis leur grand-mère ( que diable !) amoureuse, vigilante, cuisinière, pâtissière et j'en passe ... Je vais continuer la chanson, la petite chanson d'espérance que beaucoup de faits viennent démentir et qui persiste pourtant à sourdre. L'écouter avec les oiseaux du voisinage, démystifier les subtilités des accords, lier les couplets aux refrains. Satan fous le camp !

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10 mai 2007

AUTOUR DU POT 3


D’où vient ce pot-là, ce chef d’œuvre ? Où a-t-il été fabriqué ? Je sais que le musée dauphinois a engrangé une belle collection des Terres Basses. Tuileries, poteries y ont eu leurs jours de gloire. Je devrais retourner au musée pour en savoir plus. Danielle peut-être au Groupe d’Histoire des Avenières ?
Je me souviens combien j’avais payé ce précieux pot. Pas à sa valeur. 4OOO francs (anciens bien entendu). Ce n’était pas me moquer du vendeur et lui procurer quelques subsides pour quelques pots à tupiner. Mais ce n’était pas non plus un prix d’antiquaire.
En tous cas il est là, pot majeur, pot chef, pot magique. Plein de vide du passé. A remplir de ces quelques lignes. A toucher de mes doigts, à caresser comme un ventre de femme enceinte. Miracle de la forme pleine, accomplie. Miracle de l’imagination créatrice.
Et son bec, quelle élégance pour un bec souligné d’un cercle qui permet de soutenir d’une main tandis que l’autre s’est glissée sous le bras de l’anse. Bavard ce bec, ! aujourd’hui, comme les intarissables oiseaux de La Loue, qui piaillent, qui ramagent, qui cuicuitent autour du pot avec autant et davantage de disponibilité que moi !

Libellés :

09 mai 2007

AUTOUR DU POT 2


Celui-là je viens de le vider de ses fleurs sèches. C’est le plus gros, le plus beau. Je l’ai récupéré il y a plus de vingt ans de justesse et je m’en félicite. Je l’avais repéré au haut de l’escalier de la maison Togo. Seul y restait le dernier des frères : Marcel. Je lui demandai s’il voulait bien me le vendre. Ce qu’il accepta : un vieux pot du temps de ses parents, donc du début du 20ième siècle peut-être plus ancien. Comment avait-il survécu ? Décoré de savantes arabesques blanches encore bien visibles malgré la couche de crasse et d’huile mélangées. Oui les pots contenait aussi l’huile de colza dite de choux-huile ou de noix, quand on avait assuré la récolte. Une élégance ventripotente, une verve de centenaire au moins. Pourquoi les pots ont-ils cette forme évasée en leur milieu, resserrée au sommet et à la base ? héritage non discuté des civilisations millénaires. Tourner un pot je l’ai vu faire par le potier Zizi Pivon, mon voisin des Abrets. Il y faut de la régularité dans le geste et de la fantaisie pour rabattre sur l’argile molle le morceau de bois qui guide et rétrécit. Une virtuosité des mains et de l’œil tandis que le pied fait aller le pivot sous la table tournante. Quand le pot sera achevé le potier prendra le fil de fer entre deux bâtonnets, le glissera sous la pièce et doucement le détachera du support pour le poser à sécher avant l’enfournage.

08 mai 2007

AUTOUR DU POT-1


Le tupin, c’est un pot, celui autour duquel je tourne, j’ai décidé de tourner avec quelque constance et application, depuis l’inventaire en photos et rangement de ma collection de La Loue. Or je suis à la Loue ce printemps, la fenêtre est ouverte, les oiseaux font un raffut de tous les anges. Je suis bien. Je suis bio. Pour continuer le jeu : je suis bien bio, tout est bien biau. Les insectes bourdonnent. Je viens d’ouvrir le volet où des guêpes avaient fait leur nid. J’ai donc dérangé l’ordre naturel des choses, mais j’assume ma condition de prédateur pour la survie de mon espèce.
Des pots, des tupins, j’en ai une belle collection, tous trouvés dans la maison. Pots à faire cailler le lait. Pots à présure. Pot à beurre cuit. Pot à traque ( la petafine). Pot à divers trempages : pour la gnole aromatisée, pour le sang des boudins, pour … finalement la liste s’arrête vite quand les pots ne sortent plus de sur les étagères où ils ne sont qu’objets d’un passé perdu, inutiles décorations à l’ancienne.
De tupin, vient le verbe « tupiner » c.a.d boire immodérément. Ils ne furent donc pas exclusivement réservés au lait ! c’est vrai que c’est avec un pot que l’on va à la cave tirer le vin du tonneau. Plus facile à loger le pot à vin dessous le dusil quand on enlève celui-ci et que le liquide vermeil gicle. Même sous le robinet. Plus large que le goulot de la bouteille. La bouteille, on la remplira avec le pot. Le pot autorise un léger tremblement de la main, vieillesse ou ivresse : deux mots qui se terminent par les mêmes lettres et les mêmes détresses.
Ils étaient fabriqués localement avec la belle argile du Rhône, inépuisable. Celui-ci est à deux poignées. Il contient autour d’un litre et demi. Vernissé brun à l’intérieur et par moitié à l’extérieur, couleur terre cuite beige dans le bas. Il est beau, harmonieux, équilibré avec ses deux anses à verser. C’est lui que je préfère. Aujourd’hui. C’est lui qui est là, posé sur la cheminée. Le rescapé du déballage d’automne. Pas de marque de potier mais, encore lisible au cul du pot, un nombre : 21 tracé en dessous. Un gabarit ? une date d’utilisation ?

07 mai 2007

PREFACE


Autour du pot

On dit qu’autour du pot il ne faut point tourner
Point à la ligne
C’est pourtant l’intention que je vais affirmer
Autour du pot d’hier, le vieux pot ébréché
Pour le pot d’aujourd’hui déjà par l’Est en feu
rose sur le côté.
Il y a tant à dire, tant à rire, à tourner
autour du pot morose comme du pot vermeil !
Je suis en mon logis : j’ai allumé le feu
Ma foi ! il fait bien chaud au creux de mes oreilles
Je peux tout écouter, tout entendre de la veille
comme du jour qui vient …
Je peux, du pot à lait ou du pot à vendange
verser un verre ancien, un beau vert cathédrale
Une pinte d’humour pour chanter ce qui chante
ou qui ne chante pas encore sur le foirail

Je peux tourner, virer, valser en cherchant la cadence
Comme je peux améliorer mon pain avec du miel
Je peux me raconter l’histoire du pot qui danse

Je peux, du pot, quicher la lune avec le soleil.

*quicher= presser, pousser

06 mai 2007

URGENCE DES CHANSONS


PROFESSION DE FOI :

Quand il pleut, quand le temps est sombre, un dimanche pas comme les autres, tout comme Mme McLennan dans « Dernières Nouvelles des Oiseaux » d’Eric Orsenna, tirer le piano au soleil et chanter …

« Approcher un tabouret, poser les doigts sur les touches et commencer à jouer. Elle ne s’est plus arrêtée. Variant les tonalités et les rythmes en fonction des évènements. Apaisant par les berceuses les flux d’angoisse des constructeurs … relançant l’enthousiasme par des marches militaires. Se moquant de nous lorsque le besoin s’en faisait sentir, lorsque notre tête enflait, lorsque nous ne doutions plus de rien, lorsque nous croyions être devenus les rois du ciel. De tels orgueils sont des plus dangereux. Alors, enchaînant des notes courtes et aiguës, telle une mouette, elle ricanait de nous. Des ballades inventées par elle qu’elle entrelaçait de refrains traditionnels (Aux marches du palais, …*)
Grâce à sa musique, à ses chansons, ELLE AVAIT APPRIVOISE L’AIR QUE NOUS RESPI RIONS,"

ndrl *disponible aussi à l’orgue de Barbarie

Apprivoiser l’air : beau programme électoral, celui de la chanson qui circule dans les poumons. Si c’était possible !

05 mai 2007

La TERRE ENCORE


Matin ronronnant.
Le vieux tracteur passe la terre sous les peupliers devant la maison au peigne fin. Je connais bien le vieux tractoriste. Je sais qu’il s’est levé ce matin, malgré les douleurs, les soucis, plein d’entrain pour ce nettoyage appliqué. La terre ici n’est plus dévolue qu’aux grands arbres à cagettes. Elle ne produit plus ni blé, ni tabac, ni pommes de terre, choux …ou guère. Elle n’a plus le temps. C’est plus rentable !
Quelques jardins plantureux mais pour les vrais agriculteurs (une dizaine tout au plus, le 3°/° national) productions standard : peupliers, maïs, herbages à bestiaux de boucherie. Cultures intensives, engrais intensifs, arrosage pris sur les nappes phréatiques, aspersions de phyto-sanitaires, travail intensif pour tenir les normes et les quotas, résister aux sautes d’humeur du 4 /40.
Cependant, prise dans la douceur du soir, j’ai dit à Pierre en nous promenant : « Qu’est-ce que j’aime voir la terre nue ! » La belle terre venue du Rhône ; nous sommes ici sur d’anciens lits, la belle terre labourée, hersée, avant les plantations qui la couvriront de couleur. En attente, prête pour la semence. Jeune fille à chaque printemps.
Je regrette, nostalgie vieillissante, qu’elle ne fasse plus guère de mariage de raison qui la fixerait au pays, à sa survivance, à son développement. Je regrette que la candidate n’ait guère parlé agriculture dans sa prestation. Bien sûr on ne reviendra pas à une agriculture vivrière, à mes enthousiasmes paysans revigorés par des lectures. Ce n’est pas tant l’ancien temps que je regrette que cette adéquation entre la terre et ceux qui s’en nourrissaient. On travaillait beaucoup, on mangeait à ce travail, on espérait en lui. On était responsable de la terre. De la manipuler avec ses bras, ses mains, on en entendait les raisons. On savait lui faire rendre raison.
Le village nourrissait son monde. Pas un jardin d’Eden non ! mais une vie avec un sens et de bons moments de satisfaction, de gourmandise et de fierté. Une place clairement assurée sous le soleil.
Avec « L’amélanchier » je viens encore boire à cette nostalgie.
« … des endroits qu’affectionnait mon père, autour de ce qui avait été des champs portant moisson de blé, d’avoine, de sarrasin, d’excellentes moissons, prétendait-il.
« Vois, Tinamer, comme la terre est bonne », et il la laissait couler entre ses doigts, toute noire et un peu poisseuse, comme si cette terre eût été la substance la plus précieuse au monde, un principe de vie ; il le faisait avec un air de bien-être et de délectation qui se mitigeait peu à peu de tristesse. Les murailles, constituées par les cailloux enlevés un à un, à la main, des planches de labour, restaient le monument d’une peine infinie, d’une peine à faire pleurer, disait-il, du moment qu’elle est devenue inutile. /…/

Il n’y a pas de murs de pierres, de cairns, ici dans ce pays d’eau. Le soin des ancêtres à protéger la terre se mesurait aux fossés et à leur entretien. Aujourd’hui un fossé sur deux est comblé, les tracteurs sont vigoureux pour récupérer la moindre langue de terre. Il n’y a plus de corvée collective pour entretenir les fossés. Mieux vaut les combler. Une digue protége, en principe, des inondations. Bref ! le paysage comme les mœurs ont changé.

« Il n’y a rien de plus beau, prétendait-il encore, que le travail de l’homme marié à la générosité de la terre maternelle.
Il disait encore :
- Tu verras Tinamer, quand ils auront tout bouzillé, tout gaspillé, Hérode, Ogou Feraille, Papa Boss et compagnie, tu verras, ils te feront manger du plancton et de la cellulose. »

Pour l’heure, je m’accommode encore, par chance familiale, de la salade et des patates nouvelles.
Dans le jardin d’ mon frère, les paniers sont remplis
Tous les oiseaux de monde ….

04 mai 2007

deux visites

« C’est une femme très simple et dont les yeux sont de nougat clair »
Christiane Singer « Derniers fragments d’un long voyage »

Je l’ai rencontrée ce matin. Elle lavait la vaisselle. Lui ai demandé de ses nouvelles. En réalité lui ai parlé de mes soucis, d’une situation familiale difficile. Elle, jeune femme et moi, âgée. Elle pourrait être ma petite fille.
Les rôles furent inversés. Non pas les rôles, mais les raisonnements, les savoirs, la maîtrise de l’émotivité, la « positivation » possible et nécessaire. Leçon gratuite : elle, en frottant les bols du petit déjeuner dont le mien, moi, attentive à comprendre, à retenir, à m’imbiber de cette clarté des yeux qui voient au-delà.

Justesse de l’expression, regard sérieux sur la réalité de notre vie et de celle des personnes dépendantes qu’elle aide, acceptation lucide des inégalités de salaire, de considération faites à sa jeunesse, à son choix de travail. Choix ? partiellement, bien entendu. On ne choisit guère aujourd’hui la hauteur sur les barreaux de l’échelle si tant est que l’on choisisse d’y grimper. Choix courageux.

« Ce n’est que rarement la réalité qui nous prend à son traquenard. Le plus souvent, la représentation que nous nous en sommes élaborée suffit. C’est en elle que nous vivons »
Entre la force des phrases écrites par Christiane dans le dernier parcours et celles, orales et quotidiennes, de Chantal, les mains occupées par son travail et l’esprit libre au-dessus, j’ai reçu deux visites sur ma réalité fermée. Deux visites qui m’ont ouvert les volets.
Merci à l’une et à l’autre.

03 mai 2007

ILS

Ils parlent. Dans le creux des rochers, le dos calé pour l’un, pour l’autre les jambes étalées au petit vent marin. La mer bat la plage rétrécie cet hiver à quelques centimètres.
L’un vient de la goûter, la mer. Il lui dit qu’elle est bonne. Ça fait du bien un bain. Ça déride les flots et ça soulage les vieux os. Ça cautérise.
L’autre hésite encore. Il préfère échanger. Et combien vous gagnez de retraite ? Deux mille ! Respect. Ah ! une complémentaire ! Je me la suis payée ! Bien sûr ! c’est normal.
L’un dans le bâtiment, mais attention ! les gros chantiers ! et l’autre dans les cadres, et les hélicoptères.
Pour les enfants ils ont eu ce qu’il faut : quatre pour l’un et trois pour l’autre.
L’un rentrera à la maison, près d’ici. Un bon achat à temps, secondaire essentiel. L’autre est de nulle part : Tunisie, Malte … la Suède …
Son vieux slip fatigué lui pend entre les jambes. Sur les conseils de l’un il asperge sa nuque, risque trois pas de plus dans l’eau et la vague aguichante. C’est qu’elle est fraîche encore ! Ce sera pour demain … peut-être …
Demain … Peut-être qu’ils mangeront ensemble, et parleront encore : le travail, les enfants … Silence sur les femmes …

et la mer, oh la mer ! qui lave les poussières et laboure les chagrins.

02 mai 2007

MUGUET

Elle a vingt ans, le bel âge à sortir les vélos pour aller au muguet.
A Evieu ! dans les bois, et le loup n’y est pas …
Elle cueille, elle cueille, infatigable ouvrière de jeunesse, brin à brin, joie pour joie, blancheur immaculée. Bonheur est sa provende et elle le distribue.
Elle offre le muguet, en brassées, en bouquets. Muguets sur la commode et muguets sur la table ; muguets dans les pages du livre.

Elle a quatre-vingt ans. Elle part. Prend la voiture. Elle sort de l’hôpital. On lui a fait des vitamines. Elle renaît.
Les muguets sont au rendez-vous dans le bois des amours. Si beaux, si tendres, si fragiles. Brin à brin, elle se baisse, se relève, et encore une fois, puis une autre, plus de cinq cents peut-être. Elle ne peut renoncer à celui qui se cache sous la mer des mensonges, sous l’humus des fatigues, il le lui faut, elle le veut. L’offrir au printemps, à la vie innombrable.
Elle s’en va, le bâton à la main, quitte le bois, des muguets plein la hotte … Père Noël aux quarante écus. Elle tombe à terre. Elle ne peut plus se relever. Un enfant dans le bois. Elle appelle. Il vient. Il va chercher son père. On la relève.
« C’est le dernier » dit-elle en offrant ses bouquets, à sa sœur, à son frère, aux enfants, aux voisines, à son ange gardien qui loge au cimetière. Elle dépose un baiser sur la pierre. Elle remercie pour la protection rapprochée, pour le muguet cueilli, l’adresse à qui l’on donne.

Elle ne s’est pas fait mal. C’est une chance, non ?

01 mai 2007

BRINS

Bribes
Bribes de chansons … bouquet de violettes, l’amour en serait fait, dit-elle …
Brins de muguet, de 1er mai en 1er mai …
Bribes, brins de sommeil
Mots débridés qui caracolent à l’entrée, refusent d’y entrer …
Tic tac têtu des mots nocturnes, maux malveillants …
Echos-mots … et tous les sans-histoires pendus à la cuisine comme des écumoires
Voilà pourquoi …
Envers de lettre inachevée …
Ah si j’avais le temps !
- serais-tu présidente ?
Brises
Lignes brisées sur un papier pour souffler dans les trompes d’Eustache ou d’Eusèbe
Remonter du tic tac la pendule imbécile à compter les à-coups
Bribes, brides, et brise-billes … à brider, à briser …
Et te tenir toujours, si possible, à l’orée de ce chant, à la portée des mots toi qui écoutes sur le papier muet les miettes du silence