Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 octobre 2011

lettres d'automne N


N

Ma fille bien-aimée, mon ardente, ma justicière
Ne demande pas trop à la lumière
à l’heure où il fait noir

Cachée dans tes yeux clos sommeille
la petite fille accordée au soleil
Appelle-la pour qu’elle te prenne par la main
et te repose en direction de la maison
aux volets verts et à la cour bien close.
L’automne arrive. Vois-tu le marronnier
tendre ses pipes et ses paniers ?
Comme ton père tu humes avec délices
un tabac autant fictif qu’éphémère
Et le creux de ta main se creuse
à la douceur de ton bonheur et à tes ressemblances
Je vois moi, le tas de feuilles où tu vautres
l’insouciante joie des apôtres
Car tu sais tout déjà et pour longtemps encore
mon Nanon inquiet, ma Nanette offerte

Si je rappelle à toi ta joie secrète et première
c’est parce que je sais pertinemment
que tu sais tout et comment faire
- en tous cas bien assez pour réussir demain-
puisque tu sus aimer dès le premier matin.

30 octobre 2011

lettres d'automne M


Gouttes d’eau Perles de miel
La vie est un arc en ciel
Mon cœur danse
Dans l’étreinte du vallon
les machines tournent en rond
Mon cœur danse
J’ai un grand copain très loin
qui me glisse dans les mains
un crayon
Aux lèvres une chanson
Mon cœur danse

Ps : C’est mieux que la sécheresse de son pays
Mais moins bien
que son vin

29 octobre 2011

lettres d'automne L


ce matin à St Nizier:

Il y a des mots de papier
qui ne savent où donner de l’aile
Des mots, quoi ! rien que des voyelles
assorties aux assiettes à fleurs
Et derrière les mots la musique
- Savoir d’où viennent les violons !-
qui répète, improvise, répète
obstinément cogne à ma tête
ou à mes pieds le rigodon
Des mots sur portée de pirouettes
Car ils n’ont rien à dire les mots
Rien à extraire rien à comprendre
Allons les sortir sans attendre !
Les mots peut-être se tairont

27 octobre 2011

lettres d'automne K


Juliana tu t’en vas sur un navire si bleu
Que la mer même en sourit d’aise

Ô Juliana partie !
( je te vois bleue à cause des reflets)
aux yeux de ton ami
tu versas un café si fort
que j’en hume l’arôme.

Ses doigts confèrent au papier
ce goût léger d’éternité.

Juliana belle et douce
Juliana d’encre et d’eau bleues et douces
J’écris ton nom nouveau entre les lignes
d’un aujourd’hui lové dans sa tendresse
Et s’il pleut à torrents c’est pour nourrir
- Bonjour !-
tout l’au-revoir amoureux de ce monde.

26 octobre 2011

lettres d'automne J


Ma chère voisine peuplière,

Nous irions marcher le matin
avec deux sous d’orgueil et un quignon de pain
Moi, mes virgules en bandoulière
Et vous, votre tricot pour le petit dernier
la petite dernière
Parfois lâchant toutes aiguilles et tout stylo
Nous nous prendrons les mains …

Nous nous prendrons les yeux aussi
aux feuillages d’automne
Heureuses qu’ils soient ainsi, les feuillages et les yeux
mûrs de tant de couleurs et de tant d’harmonies
L’une dira en riant « J’ai vieilli »
Et l’autre « Tant que jambes nous portent
Vieillir n’est rien, c’est avancer qui réconforte !»
Et l’une, évoquant les frères, les maris, les fils et les filles
racontera sa dernière recette
pour les accommoder aux désirs d’aujourd’hui.

En revenant chacune, sur le pas de la porte,
souhaitera à l’autre
Bon feu ! Bonne table ! et bon lit
Car nos automnes … vous le savez ma chère voisine
ont froid à leurs épaules et quelques vieux soucis
comme ces peupliers qui, certes, chatoient de leurs feuilles
mais frissonnent !

25 octobre 2011

lettres d'automne I


À toi,

Je vous suis revenue mon ami
C’est l’automne qui nous revient
Le temps me presse fort d’aller cueillir
la rose de vos lèvres et le gris de vos yeux
Mon cou et mes épaules empanachées de brume
disent aussi
-de cette voix légère pourtant bien qu’insistante-
« Ne prolongez ma mie les roses de septembre ! »

je vous suis revenue mon ami
C’est l’automne qui vous revient
mais avec ses paniers, avec ses pommes
avec ses mains …

24 octobre 2011

lettres d'automne H


H
Yvette,
Vous me demandez mon amie
ce que sont chez moi les automnes
Et ma maison est-elle blottie
dans la neige déjà tombée ?
Bien sûr que non ! Mon Canada
Mon Québec, s’il a de grands froids,
à l’automne s’efforce d’en rire
Et le plus souvent y parvient.

Je vous vois au petit balcon
tenter comme moi des syllabes
pour retenir les fruits aux arbres
et leurs dernières pamoisons
Je vois votre sourire penché
au plus haut de la Tour-prends garde
et vos larmes vite séchées
s’en aller fleurer le gâteau
Derrière la maison blanche et bleue
-chez vous les fermes sont princesses-
sont le lapin et les chevaux.
Mais vous l’avez déjà quittée.
Faut-il donc qu’à chaque revanche
que l’occasion offre à notre âge
nous laissions tomber une page ?
Continuez ma douce et tendre
Ma forte ma fragile en fleurs
à m’envoyer par le vapeur
jusqu’au Rhône de mes Atlantes
la neige en feu de votre cœur !

21 octobre 2011

lettres d'automne G


Automne infâme
Tu te fous de mes états d’âme
Ma solitude de couleurs
Tu t’en pavoises
Et quand du bout de mes pinceaux
J’essaie d’attraper mes sanglots
Tu ris aux larmes

20 octobre 2011

lettres d'automne F


F
Geneviève,

Si formidable la fenêtre Encadrée aux battants du temps !
La solitude a fait son nid au balcon doré des amis
Et la pie ? et la pie ?
Oh ! Glorieuse elle s’appuie sur son chant.

Si admis dans le paysage, l’écureuil !

Voilà ! C’est simple
Le contre-poids de l’équilibre au balancement.

(la pie sursaute sur sa branche et se tait
il se pourrait il se pourrait ….
que l’écureuil soit son amant)

en tous cas je ne sais si vous êtes au courant
- les voitures roulent les voitures roulent
et vous là-bas et nous dedans-

Si formidable la fenêtre Encadrée aux battants du temps !

19 octobre 2011

lettres d'automne E


E

Tu t’appelles Léo et c’est comme un ballon
J’aime ton rire et tes prunelles bleues
acides comme oseille et douces comme miel
Qu’il est beau ce soleil à perdre haleine que tu crées
Et mon livre, si rond soit-il, ne s’en approchera jamais

Mais pour répondre à ta question
-de toi rien qui ne sente l’inquiétude ni l’indiscrète mansuétude-
Les mots me viennent
Comme à toi cet enfant
Comme la nage
Comme l’amour qu’on fait plutôt que d’en rêver
Par simple mouvement des lèvres sur la page
Comme un beso( vois-tu ?) comme un baiser
Comme tu es venue nous rejoindre à l’automne
sans même y penser, sans avoir peur de rien
En grande fille nue qui ne s’étonne
d’être un ballon arrivé d’Argentine dans l’air d’Ici
Pour qu’on lève les yeux de l’habitude et de l’ennui
et qu’on regarde mieux encore
la lune le vent l’enfant
ce qui roule et qui rit
ce qui donne et appelle

18 octobre 2011

lettres d'automne C


C
Quand on ouvrit son estomac
C’est fou tout ce qu’on y trouva
Mieux qu’en un estomac d’autruche
On trouva le miel et les ruches
Le grand couteau et le jambon
Et les saisons
Et les raisons même en automne
Le vin vieilli dedans la tonne
Le pain gardé pour les oiseaux
Juste à côté la cruche d’eau
Et les consonnes et les voyelles
Quand on lui ouvrit la cervelle
On crut voir Tolstoï et Pasteur
La table et la motte de beurre
La carte en relief, les mines
Le crayon gras avec la gomme
Une tarte garnie de pommes
On courut voir dedans ses pieds
Ce qu’ils avaient bien pu garder
On vit l’eau sourdre, les châtaignes
Rouler sous la denture des peignes
Qui sans doute peignirent le chanvre
On vit l’or bien sûr et l’ambre
La main gardait encore ouverte
Une caresse toute prête
Et des cheveux encore tressés.

Curieux de tout répertorier
L’autopsiste glissa vers l’écrin
à peine plus secret que la main
Retrouva le grain de la paume
Trouva la blancheur des fantômes
devenus réels en aimant
Les noms balbutiés de amants
comme un écho repris aux bornes
d’un horizon tout affranchi
de science et de philosophie
Un peu inquiet du sacrilège
le savant osa le scalpel
aux alentours des aisselles
et prit, sous un frisson caché
un papillon qui s’y muait
en tourterelle
Et là, bien qu’il s’y attendît,
Malgré l’audace, malgré la peur
trouva l’homme, trouva l’enfant
qui s’y étaient cachés dedans
Alors, pour toute identité
sur la fiche anthropométrique
écrivit :
« Soldée de tous comptes
C’est une femme. Avec sa honte
Avec sa fièvre et ses grands froids
et ne fut pas femme de bois
mais de soupirs et de tempêtes
C’est une femme avec sa tête
avec le ciel, avec la terre
bref ! une femme toute entière.
Laissons-la dormir maintenant ! »

Et il partit la rime en peine
Se fit poète au plat des plaines
Au haut des monts, au bord des routes …
Avait gardé pour tout secret
Rien qu’une perle de rosée.

17 octobre 2011

aujourd'hui


J’ai reconnu mon bonheur au bruit qu’il a fait en partant (Prévert)

Sur le mur de mon tabernacle
Quand la nuit a bien remué
Les appels des morts pour ne pas oublier
Les chimères des vivants pour que je les enlace
Au matin frémissant de soleil et de vie
Je vois briller les yeux de mon bonheur enfui
Et je reprends alors besace sur le dos
Echelle du ramoneur, casquette du cheminot
Dentelles de la mère, falbalas de la fille
Je marche assurée jusque vers mes béquilles
Je les jette au feu, démarre le tracteur
Pour aller labourer d’autres champs au bonheur

16 octobre 2011

lettres d'automne B


Ô ma Jeannette voilà l’automne
Et plein de pommes

Où est donc passé mon stylo
Est-il en bas ? est-il en haut ?

J’ai toujours perdu quelque chose
Je m’en vais fermer la maison
Crois-tu qu’elle passera l’hiver ?

Il y a des fils et des feuilles
Des nuits qui battent de travers

Je pars demain mais j’ai grand peur
Là-bas saurai-je dormir par cœur ?

Moi qui voulais tant prendre automne en ce pays
Sens-tu comme mes roues cahotent, toi qui m’envies ?
Bien sûr la ville va me distraire
C’est long les heures à prendre l’air
à prendre l’eau
et le jardin commence à rouir ses chagrins
Et puis les bottes, toujours les bottes
Et puis les reins !
Ô ma Jeannette !
Voilà l’automne et tant de pommes
Tant à cueillir et je m’en vais
Moi qui voudrais tout prendre ensemble
et demeurer …

13 octobre 2011

lettres d'automne A


Moi j’ai un conifère
quelque part dans ma tête
Il a feuilles de chêne
fréquente les guérets
et domine la plaine

Et pourtant c’est un arbre
puisqu’en toute saison
il m’a tendu ses feuilles
où j’ai pu lire parfois
les dernières nouvelles

Allez savoir pourquoi
lorsque je m’en approche
il s’éloigne de moi

Aux dernières nouvelles
cet arbre insociable
mais gentil à ses heures
a choisi pour demeure
ma bonne tête en bois


Celui qui dans mon ventre
fait des pieds et des mains
oui, c’est un peuplier

Si souvent il frissonne
et surtout à l’automne !

il garde la maison, dit-il
lorsqu’il penche
tendrement ses racines

Mais j’ai peur qu’un orage
le disperse soudain
J’aurai bien mal au ventre
si la foudre l’atteint


L’autre arbre est exotique
il cache un peu son nom
ne mesure ses oiseaux

Il a des fleurs étranges
quand un voisin pénêtre
C’est peut-être un hêtre
peut-être un palissandre

Rouge et vif, bleu et fluide
les branches en arceau
et j’oublie mes rameaux
quand la mer le visite

Allez savoir pourquoi
tous ces arbres éphémères
m’ont choisie pour leur terre

J’en gémis quelquefois
Tant d’ombre et de lumière
Tant de glands et akènes
et tant de poires bien sûr !

Pour fêter mon départ
ne choisissez le saule
déjà roi du marais
mais venez s’il vous plaît
à l’heure qui vous convient
planter sur mes racines

un souvenir nouveau.

12 octobre 2011

lettres d'automne


à d’autres,

J’ai remarqué que depuis quelques années l’automne concentre les lettres et que m’arrive, plus drue mais avec toujours la même émotion, la pluie de mots chavirés de barques sur Le Rhône.
C’est mon pays qui tinte de ses couleurs fortes et fluides, mon pays du grand dehors et du petit dedans ( à moins que ce ne soit l’inverse) et ce sont mes oreilles, chaque année plus tatillonnes mais plus subtiles, qui me renvoie le charivari*. J’oublie les lois de la pesanteur, de la poste, les adresses s’inversent, les morts eux-mêmes donnent de la voix. Aux quatre coins de la maison et de la nuit appareillent mes neuves certitudes et mes vieux doutes rhumatisants.
Cette année j’ai DÉCIDÉ de tout confier à la boîte à musique. Sinon, pourquoi m’aurait-on volé au printemps celle, à lettres, que j’avais décorée de fleurs et de mon nom ?
Amicalement vôtre.

* la baï, comme on dit Chez Nous

11 octobre 2011

Lettres d'automne


à moi,

Il y a des mots de papier
qui ne savent où donner de l’aile
Des mots quoi ! Rien que des voyelles
assortis aux assiettes à fleurs
et derrière ces mots la musique
- savoir d’où viennent les violons ?-
qui insiste, répète, répète …
obstinément cogne à ma tête
ou à mes pieds le rigodon
Des mots sur portée de pirouettes
Car ils n’ont rien à dire les mots
Rien à extraire, rien à comprendre
Allons les coucher sans attendre
Les mots peut-être se tairont

10 octobre 2011

lettres d'automne


1-
LETTRES d’AUTOMNE

À mes amis, à mes amours,

À parler seule aux peupliers
On perd ses feuilles forcément
À parler seule à ses amants
Sans en écouter la réponse
ou le désir
On se retrouve vieille fille
avec un tablier à pois.

C’est donc ainsi
C’est donc pourquoi
je dis aux peupliers pour l’avant-dernière fois
« Défeuillez-vous sans moi ! »
Les épinards dans le jardin jaunissent
Ils feront en salade
comme déjà l’assurait la grand-mère de Maman
un délice.

À la ville
ou aux champs
c’est toujours la même heure
qui nous ramène à nos humeurs
et à nos appêtits

L’heure tout bonnement de dire OUI !