Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 novembre 2005

MERCI JULIE ! MERCI DAVID !

Pour lancer le petit matin
dans les misaines et les matines
je viens d'entrer en bloguerie
et là je trouve vos merci,
vos "j'adore", vos superbes mines
non de crayons mais de clavier
J'en suis toute réconfortée
car le matin, on le devine,
je dois décrasser les machines,
restaurer les espoirs transis
- il a fait très froid cette nuit-
Je redémarre l'espérance
les projets, les gammes à jouer
mieux qu'en solo, mieux qu'en regrets
en beaux trémolos et en trilles.
Merci à vous, fidèles à lire
ce que je lance dans les nues
certes pour ne plus avoir la berlue
et bien voir que Jour illumine
toujours ceux qui ont nettoyé
la crotte sale de leurs souliers.
C'est un peu pour vous que je chante
mes espoirs au petit matin
et, ce faisant, je me décante
de tous les miasmes trop chagrins
Je continue puisque vous êtes
tous deux de garde au portillon
En décembre je veux remettre
une couche aux mots de saison
C'est à vous que je dédicace
ce bonheur et cette attention
à vivre chaque jour en place
d'honneur et de célébration.
Merci Julie, toi ma pionnière
Merci David, vous le lointain
de nouer mes mots de misère
avec du fil d'or et de lin.

3 DEMOISELLES



Sur le chemin se promenant
J’ai rencontré trois jeunes filles
Presque égales de taille et fines
Comme peupliers dans le vent

J’ai dit Bonjour aux demoiselles
Toutes trois elles m’ont répondu
De ce ton souple et menu
Que l’on trouve dans les dentelles

Puis elles ont suivi le chemin
Qui les emmenait chez l’amie
J’ai gardé leur sourire gentil
Pour me réchauffer le matin

29 novembre 2005

TEMPS DE GRAND-MERE Suite


Et j’ai beau ramasser le chapelet qui s’est échappé du devantier (tablier) de ma mémé, j’ai beau amidonné sa coiffe blanche des grands jours pour la visite du docteur et pour qu’elle soit bien propre et convenable, beau nettoyer son vocabulaire de ses paysanneries, patoiseries, familiarités et autres localismes, je sens toutes les douleurs de femme, les peurs de femmes qui me remontent dans le gosier. Avec une grosse colère tout-à-l’heure quand le docteur demandera de sa voix doucereuse « ça fera Sept francs ». Colère contre ce Bon Dieu ou plutôt ses sbires qui laissera crever des gens qui n’ont jamais fait de mal, avec nécessité de l’absolution. Comme si le prix, le paradis, n’était pas automatiquement payé d’avance par cette vie ingrate et par le seul fait de la vivre.
Mes pauvres ancêtres courageuses, comme je suis arrivée trop tard, comme je vous ai aimées trop tard pour vous emmener voir la mer, ou seulement le Rhône à votre porte ! Comme ç’aurait été une belle promenade, une belle après-midi ! Une ! Rien qu’une !
Trop tard pour enfiler vos trois jupons et les faire danser …
Trop tard pour reprendre avec vous votre langue de terre et de fumier et la faire chanter par dessus la tête des peteux, des pete-sec, des pisse-vinaigre …
Il ne me reste plus qu’à ramasser vos rhumatismes et les apprivoiser pour l’hiver qui vient …
Plus qu’à déposer quelques mots-chrysanthèmes sur vos noms, seules traces de vos vies si remplies, traces mortes de vos voix mortes qui n’ont pas eu le temps, jamais le temps, en ce temps-là ni de dire, ni de graver.
Femmes éphémères, sans piano ni capeline, noyées dans la brume grise des jours gris, mes petites femmes vaillantes, mes mères, dites-moi une seule chose avant de me quitter pour toujours, une seule : Que vous ne regrettez rien et que la vie valut la peine qu’elle vous coûta. Alors il me semble que je m’en irai plus tranquille vers le reste de la mienne et ce que je vous dois de témoignage, à Dieu, au monde, de pardon.
Histoire d’oublier que le temps de ma grand-mère, sans beaucoup de chauffage, sans électricité, me brûle encore d’humiliation et de rage.
Un temps de grande mouillure en Novembre et pour tout dire un vrai temps de cochon.
Peut-être une autre fois sera-t-il meilleur …

28 novembre 2005

LA TURLUTE



LA TURLUTE

C’est le nom que porte l’appât, le leurre, petit poisson clignotant et tournoyant que le pêcheur met au bout de sa ligne dans la pêche à la seiche, sur le quai de la République entre le pont des Sétois et le Pont de la Victoire. Bien emmitouflé le pêcheur, tout comme la reporter, c’est que le mistral souffle fort ... mais la conversation sort aisément des cache-nez et la turlute de l’eau pour démonstration. L’encornet du sac en plastique, près de la bitte ( deux TT !). Le voici donc cet encornet débusqué, replacé dans la situation originelle par les soins de notre équipe de tournage. Translucide, il prend place dans la lumière pour s’éclater de reflets. Voyant, il offre son œil noir au regard des voyeurs. Sètois pour être venu mourir dans ces eaux tout comme le pêcheur à la retraite dont l’accent est bourguignon il dissoudra son encre dans un blog international. La gloire inconnue si près du but !

27 novembre 2005

LE TEMPS DE MA GRAND-MERE


NOVEMBRE 1989
Même les choses chères, ne faut-il pas les quitter avant qu’elles vous quittent, les brûler avant qu’elles vous brûlent ?

LE TEMPS DE MA GRAND-MERE

Aujourd’hui le temps est à la pluie et le temps de ma grand-mère est un temps de mouillure.
Pauvre grand-mère ! Je la vois « se carapater »(se dépêcher) de l’écurie au poulailler, de l’aube au couchant, le fichu sur l’épaule, les doigts arthritiques recroquevillés sur le benon (corbeille en paille tressée d’une lanière de noisetier). Si elle se dépêche bien (depachiète lo tchin que me core apré te rattraparé ! Dépêche-toi, le chien qui me court après te rattrapera) elle arrivera peut-être à tout faire, du lever à l’aube pâteuse au coucher éreinté, du « petit jour » qui pointe vers six heures (encore que je ne sache pas quelle heure, d’été, d’hiver, ou indifférenciée, soit adoptée en ce temps-là) jusqu’à « la grosse nuit » » « la nuit noire » qui la prendra encore à la queue des vaches, au tas de godes (maïs) à déraper, à la soupe, sempiternelle soupe à « passer » « As-tu passé la soupe ? Enlève le « pore » (poireau) qui a des fils ou le Père va gueuler !) Et un gros chagrin de soupes mal passées, une imagination saumâtre de fenil transi, de bûcher branlant, de brouette rouillée, me prend tandis que le temps de ma grand-mère se brouille, se barbouille comme le mauvais temps tout court, et se mélange au temps de mes grands-pères, de mes arrière-grand-mères, toutes ces « gran » comme les appelle ma mère en patois et en souvenir douloureux. Car ce temps-là, bousculé, monotone, indigent, ignorant, est aussi le temps d’une petite fille, ma mère, si souvent raconté qu’il semble indélébile en elle comme en moi. Une toute frêle petite, fermée au bord du marais, entre la maison suintante et le cabanon des lapins dégoulinant de vent, entre l’école à trois kilomètres de brouillard et la montée des eaux à peine à quatre pas du « diable-vauvert ». Le vent souffle, faroud, bise, traverse, à quoi sert de savoir le nommer puisqu’il souffle cette bourrasque au nez de la petite fille et que, de la distance d’où je la regarde, je ne peux rien faire pour l’en protéger. Et son nez coule. Et le Père tousse à fendre l’âme et les cataplasmes n’y changeront rien. Et je sais pourquoi elle se fera toujours tant de soucis cette petiote. Aujourd’hui où peut-être elle mourra de tout ce froid accumulé, de toute cette peine ramassée, je ne peux même pas lui acheter un capuchon imperméable ni des galoches cloutées. Peut-être seulement demander à la voisine si elle veut bien venir jusqu’à la maison pour les ventouses. Car la Marcelle, l’Antonine, l’Elizabeth, ne prendrait jamais, au grand jamais, le risque de brûler leur homme avec des ventouses mal faites alors que « la bonne » ( le nom de la voisine immuable depuis qu’elle a servi comme bonne chez les bourgeois) sait si bien s’y prendre … et puis, ne sera-t-elle pas bien contente de rendre service … demain d’ailleurs on demandera à « la dame » qui est arrivée d’on ne sait où pour s’occuper des gones du voisin de venir garder les nôtres pendant qu’on ira chercher les drogues au chef-lieu. Oui ! On a demandé finalement au médecin de venir écouter ce qui ronfle dans la poitrine du père. Il ne voulait pas, cette tête de bois, mais ça ne pouvait plus faire. On l’a forcé.
Et toutes ces « gran » comptent en « marronnant » (bougonnant) les morts par coups de froid, par pleurésies, phtisies … sans parler des retours de guerres : toutes ces morts injustes, tous ces morts imprudents qui ont « bien fait faute » (qui ont manqué) à cause de ce grand travail qui reste à faire à leur place. Les curés, les instituteurs, diraient « à accomplir » mais je sais moi, de leur sang, de leur terre et de leur fatigue, qu’il reste à FAIRE, à refaire, ce grand travail de femmes pour accoucher, produire, élever, cuire, donner à manger, et consoler bien sûr quand on en a le temps … et c’est jamais fini … et quand donc ça s’arrêtera ?
Le temps de ma grand-mère, aujourd’hui, à ne pas mettre un chien dehors, est un jour des morts qui pleure à grosses gouttes sur le papier puisque c’est la saison, qu’on n’y peut rien et qu’on ne choisit pas son heure …

26 novembre 2005

PREMIERE NEIGE


Ça y est ! Elle est arrivée
La douce, la blanche, la limpide
Elle descend à pelletées
Avant que Novembre nous quitte

Ça y est ! la voilà venue
La froide, l’ennuyeuse, la livide
Va falloir la gober toute crue
Avant que nos bras se délitent

Sur les pentes à glisse-que-veux-tu
Elle est damée, tassée, vendue
Sur les chemins et dans nos rues
Elle accroche en sabots grenus

Ça y est ! Faut faire avec !
Pas d’espoir de lui clouer le bec
Elle est partie ! Rien ne l’arrête
Elle plume, peluche, fait la fête

Et nous, bonhommes rajeunis
Nous lissons aussi nos moustaches
Sur le bord de ce bol de riz
Jusqu’à ce que Noël attache

Dans le sapin ses broderies

25 novembre 2005

BANLIEUE

Je suis allée rendre visite à une amie, me promener dans le parc. Celui que j’ai souvent traversé pour me rendre à mon travail, rentrer chez moi. Oui il y a des parcs en Banlieue ! Oui il y a des gens à la retraite, au travail, des promeneurs et des sourires qui s’échangent. J’ai retrouvé mon rap d’un soir de blues (vers 1990) quand l’ « Allée de la colline » ressemblait à un terrain vague à l'âme.

Le

Le cafard a mauvaise réputation
Comme la nuit il est noir
Déambule dans les couloirs
Est préambule pour des histoires
Blattephématoires
Comme le noir il a
Mauvaise réputation
Il mène le deuil Et l’on dit
Qu’il tourne de l’œil après minuit
Mais c’est surtout dans les immeubles de banlieue
Au milieu de tous ces gens de tous ces jeunes de banlieue
Que le cafard risque d’attaquer en plein cœur
On raconte
Que le cafard n’est pas toujours à la hauteur
Il réclame moins de poudres insecticides
Et plus de coursives
Moins de pompes et plus d’incendies
Il s’indigne qu’on n’ait jamais au grand jamais
Pensé à protéger sa marque déposée
Sur les moquettes dans les armoires
dans les téléterritoires
Et j’en passe mais j’en connais
Qui ont trouvé dans leurs tignasses
Des coulées des empreintes des traces
De nuit et d’immondes cafards

Oh blues des nuits ! Banlieue
Que j’aimerais
Des oiseaux-lyres aux fenêtres
Taguer des roses jusqu’au matin
Sur les moquettes planter du thym
Viendraient y voir
Y boire ensemble des lapins
de toute illusion revenus
Mais si bien ensemble
Que marjolaine et origan
Viendraient rejoindre galipettes
Banlieues
Demain peut-être et pourquoi pas
A ma fenêtre dans de beaux draps
Plus de cafard mais un enfant qui s’en balance
Et moi grand-mère pour le bercer
Pour nous sauver dans l’innocence
Des fleurs sur béton désarmé
Banlieues Beaux Lieux
Et pourquoi pas

24 novembre 2005

REFLETS ET VISAGES



REFLETS ET VISAGES

Sur l’eau, dans les yeux
Une même lumière qui danse
Evidence de la clarté

Et des écailles de silence
Glissent dans les conversations

Ecrire : inventer des reflets
Aux visages inconnus
S’étonner quelquefois
Qu’ils répondent à l’attente

Ecrire : insouciance du temps
Pour jouer aux visages
La farce et le fabliau

Concert de reflets
Du livre lu au livre à écrire
Des visages évanouis
A ceux qui viennent se dissoudre
Dans l’eau des signes.

23 novembre 2005

TABLE d'ECRITURE


Années 1980
Je lis, j’écris, je me rends à des rencontres de femmes écrivaines ( j’apprends l’adjectif). Après une de ces journées à Villeurbanne où je côtoie Régine Desforges de « La bicyclette bleue, » Emilie Carles de « Une soupe aux herbes sauvages » et autre « Ocarina rouge » j’adresse à une autre participante la lettre suivante

Chère Madame
Avant que votre visage n’ait disparu de mes yeux
J’ai aimé votre sourire et sa paix dans l’affirmation du droit et du bonheur d’écrire. Plus que ce que vous disiez sur l’écartèlement de la femme entre sa table d’écriture et les nécessités quotidiennes, entre son plaisir et le doute de trouver un compromis acceptable, votre apparence était une preuve et un encouragement.
J’avais déjà découvert que les barrières étaient en nous, les contradictions souvent complaisamment douloureuses. Le choix est relativement facile entre le bouquet et la page, le sourire de l’enfant et la grimace que cette page enfin conquise renvoie à notre vanité. Parce que le tribunal est en nous. La reconnaissance de soi-même, l’acceptation de ce que l’on est, l’amour que l’on se porte, viennent lentement certes mais facilitent ce choix. Ce qui reste difficile à vivre, ce qui me reste encore difficile, c’est d’affronter le regard de l’autre et ses critères de reconnaissance, d’acceptation, d’amour … Difficile d’admettre, et joyeusement, que nos différences soient si fondamentales que nous ne nous supportons pas, et que, loin de me lire, il me raye, il m’occulte. L’autre … dans un premier temps mon mari, ma fille, ma sœur, ma mère, mon voisin, mon collègue de travail … le terrible Autre qui veut tant sur moi, qui peut tant.
Voilà qu’à mon tour je veux. Je veux ces signes hésitants qui m’observent et témoignent. Cet acte plus fort que les naissances, les enfantements, les unions, qui ne concerne que moi, m’éloigne et m’isole. Irréversiblement. Pour la première fois j’ai pris Moi-même à mon piège et j’ai ouvert les cages. Plus de dedans et de dehors. Le bonheur de la chambre étroite et de la fenêtre qui s’ouvre. L’effarement qu’aucun grand vent n’a tout balayé, que seule une petite brise circule … La première page jaillie, arrachée, engage toutes les autres. Mais vous connaissez déjà cette histoire.
Permettez-moi de vous adresser ces « Chroniques de l’amour qui n’en finit pas et de la vie qui continue »
Peut-être disent-elles, pas seulement pour moi que l’écriture est acte d’amour, de construction de la personne. Ce qui fera toujours d’un livre, quel qu’il soit, un bouquet parmi tant d’autres. Rien qu’un bouquet éphémère. Tout un bouquet, couleurs, parfums, audaces, d’un bel instant cueilli.
La dame m’envoya un avis précieux sur le recueil « la vie gronde en vous » dont je me souviens ce jour de retrouvailles avec le brouillon de la lettre. Mais j’ai perdu le nom de la dame …

22 novembre 2005

LES GRUES, LES BATEAUX


Les grues, les bateaux
Samedi se reposent
Immobiles virtuoses
Pensent à tout autre chose
Qu’au boulot

Les grues, les bateaux
S’abîment en prières
Sur les canaux transfèrent
en bleu de l’eau
ciel outremer

Les grues, les bateaux
A force de se prendre
Pour des dockers géants
Grignottent un peu de temps
L’horizon, un nuage
Morceaux de bastingage
De l’automne au printemps

Les grues, les bateaux
Gymnastes impénitents
S’étirent et se tendent
Nagent et font la planche
Sous l’aile du couchant

21 novembre 2005

ECRIRE,LIRE


1985

Je suis assez fière quand j'ai réussi à m'acheter des bouquins. Idem quand je m'accorde du temps pour écrire. Toujours les vieux complexes à déjouer. Lire, écrire, occupations inutiles, vanités tolérées mais globalement défendues. Ma mère réussit à m'en faire honte ou peur. En lisant j'allais m'abimer les yeux d'abord, toute la tête ensuite ! Elle me faisait responsable à neuf ans de ma myopie naissante. Plus tard jeune épouse et mère je continuais à me cacher pour avaler des pages. Non que l'époux ne soit pas fier de ma boulimie, qu'il alimentait d'ailleurs, mais il avait si bien installé en moi la statue de la bonne mère et épouse occupée d'eux, les enfants et lui, de leur bien-être, de leur compagnie que je censurais moi-même mes poussées vers le papier noirci. Bref ! J'aime bien acheter des livres. C'est mon luxe. Et l'écriture m'a permis de revenir à la lecture avec une toute nouvelle passion. Bachelard en ce moment me parle de "sa table d'existence" et j'imagine déposer sur la mienne mes "Ecrits comme ça" bientôt.
Ma mère, mon mari, ne voulaient guère que je lise, ne voulaient pas que j'écrive parce que c'était DANGEREUX. Ils avaient deviné juste. En écrivant moi, de moi, je faisais remonter devant mes yeux mon propre jugement, ce qu'ils avaient enfoui en moi pour mieux me posséder. Certes ils m'aimaient mais ils ne pouvaient m'aimer dans l'incertitude de cette femme nouvelle que l'écriture allait créer. Ils ne pouvaient faire confiance qu'à celle qu'ils modelaient à leur image. Le désenvoûtement a été long, difficile, Ma révolte alla plus loin sans doute que j'aurais voulu. J'ai gagné ma liberté, cette liberté-là de dire ce que je pense, ce que je ressens, avec MES mots. Oh je n'ai pas totale illusion. Je sais que dans ces mots que j'ai récupérés, se glissent encore beaucoup de convenances, d'habitudes, de joliesses d'apprentissages, de scolaires académismes ... Mais je cherche. C'est ça qui est amusant ... et douloureux ... et heureux

20 novembre 2005

TIBIE PAIOM




Autour de TOM, et au-dessus, l’aréopage des mamies, papis, arrière grand-mère, en ligne directe ou indirecte, pour son premier anniversaire. Il ne s’inquiète guère des flashs de la notoriété sous tous les angles et toutes les coutures. Davantage s’il reste du gâteau au chocolat dans l’assiette. Mais l’étonnant (pour nous) est de l’entendre spontanément se caler sur le Tibié Paiöm. Un grand-père et une grand-mère viennent de l’entonner pour échanger leurs harmoniques de chant choral. Tom, très attentif, captivé, met en mouvement ses fesses, ses épaules, d’avant en arrière, de droite à gauche, tire de sa gorge quelques gargouillis et - oh miracle ! - cet enfant a la musique dans le sang ! CHANTE avec eux, sur quelques mesures chante JUSTE, accompagne et est accompagné, visite et est visité par la voix du bonheur de chanter.
( Il y avait huit témoins, aucun n’était ivre)
Tibié Païom ! Alleluia ! Hosannah au plus haut des cieux ! Bon anniversaire ! Joyeuse entrée au club Tom !
Il était un petit Tom
Pirouette cacahouète
Il était un petit Tom
Qui connaît déjà la chanson
Qui connaît déjà ! la chanson !

19 novembre 2005

TANT D'ESPOIR


Au passé, (1983), une page de journal où je m’irrite fort contre le bombardement de Baalbek ordonné par Mitterrand. Pêle-mêle j’incrimine dans mon humeur noire l’inconséquence des socialistes qui sont « bien comme les autres », mon inaptitude à surveiller mon porte-monnaie qu’on m’a chouravé dans un bus lyonnais, ma tendance à mêler les grands problèmes avec mes petits soucis, le socialiste de base (comme qui fut mon mari défendant bec et ongles ses petits intérêts privés, ses meubles de famille et argumentant sur les grands principes) avec Le Président de la République … un drôle de méli-mélo pour me redonner de l’assurance et du pouvoir d’achat.

Au présent, à Sète-ville, l’ami Pascal qui comme chaque vendredi a installé sur la place son bateau-livre. Nous évoquons l’amie disparue qui continue dans nos mémoires à interroger. Pourquoi n’étiez-vous pas là quand … ? Pourquoi tant d’espoir en la poésie, tant de pratique, tant de prosélytisme, pour finir, sans mots, sans la moindre douceur des phrases enrubannées ?
D’un poète et amateur de poésie Pascal a racheté un gros stock de diverses publications éphémères. Je feuillette, j’accroche quelques termes, note les contorsions typographiques et les abus de langage pour sortir des sentiers battus, me souviens de mes attirances de ces années-là pour prendre place sur la scène par de tels procédés. J’abandonne finalement la caisse de dépôts soixante-huitards pour revenir aux valeurs sûres, aux noms connus dont j’ai déjà éprouvé la justesse. J’achète d’Edmond Jabès « Elya », l’inusable Gaspard des MONTAGNES de Pourrat et de Marie Rouanet « Quatre temps du silence » sorte de journal intime qui commence par un 17 septembre, « mon » 17 septembre anniversaire. Un signe !

Trois phrases de ces trois sources pour les déposer sur la tombe muette mais peut-être pas sourde.
- « Notre arbre est plante nocturne qui ne produira jamais de fruits ; mais sur ses branches nocturnes s’endorment quelquefois des étoiles»
Jabès
- « J’aime tant le pays que quand je reviendrai, j’irai embrasser tout le monde dans toutes les maisons »
le personnage de Pourrat curieusement porte le même nom et la moitié du prénom (Marie) que notre amie portait.
- « 19 Novembre - Le ciel de plomb du jour s’orne de bleu au moment du dernier, du tout dernier soleil qui passe à l’horizon dans une fente entre les nuages. » - M. Rouanet

18 novembre 2005

SES POEMES

Chaque semaine je participe à un atelier d’écriture en ligne. Une expression inductrice, un temps (1 H) et un nombre de caractères limités (1550) Ecriture instantanée, immédiate, autobiographique. A quelques mois de distance le résultat est intéressant.

Il y a peu la proposition était « SES POEMES » J’ai cru rester « sèche » mais le blog et sa fréquentation m’ont donné la secousse initiale.

SES POEMES

Ses poèmes; Le possessif me gêne. LES poèmes, ça irait. LE poème aussi. MES poèmes à la rigueur je peux en parler. Mais que dire, pire qu'écrire ? de ses poèmes de qui je ne connais pas le nom ? Eh bien si ! J'ai trouvé. Je vais me saisir de SES POEMES sur Internet. Il s'appelle le Poéphile. Et j'aime ce qu'il propose, de ses lectures, de ses écrits, de ses photos. L'autre jour je lui ai adressé un court commentaire sur son poème "où va le vent. ?", sans réfléchir, dans le souffle qui passait ...
"le vent va par les grandes orgues
revient par les petits détours
le vent me veut.
Je veux sa langue
lisse sur les mots de l'amour"
Il m'a retourné la balle en qualifiant mon commentaire de "poème" dont il appréciait la musique. J'aime ce petit badinage de mots ailés. Zélés aussi bien sûr ! Nous nous prenons au jeu de nos poèmes. Ses poèmes font aux miens le signal que nous fréquentons la même planète. Une planète habitable. C'est peu mais cela suffit pour une journée. Il y a de la belle et bonne poésie qui circule ainsi dans les airs. Celle qui aide à vivre. Celle qui donne des idées de voyage. Celle de mon pote le gitan, qui est un gars sérieux, qui reste des heures sans dire un seul mot mais qui a une roulotte qui flotte dans sa tête.
Et quand elle voyage plus rien ne l'arrête.

17 novembre 2005

SOUFFRANCE

SOUFFRANCE au passé 1988

Curieuse coïncidence que votre envoi au moment où je croyais n’avoir plus rien à me dire, à m’expliquer sur la souffrance. Le texte de la conférence m’est abstrait et la réflexion trop enrobée de cette distance qu’a pris l’auteur à l’égard de son sujet, distance trop grande pour que j’y puise un réconfort. Le réconfort c’est l’envoi lui-même mais le scandale de la souffrance m’atteint toujours quelle que soit la parole qui tente de l’approcher. Je ne crois pas qu’on puisse aborder la souffrance par quelque biais de compréhension que ce soit sans se dire SA souffrance, sans se la chanter, sans se l’extraire, sans s’en moquer. Le scandale est d’avoir donné à Plaisir et Souffrance qui siègent dans ce même corps-esprit, des lieux sociaux d’expression ou de soins différents. Hôpital, Eglise, Ecole, Maison de retraite … Commodité des distinctions. Si la souffrance est la séparation d’avec soi-même dans un monde divisé, notre seule chance de bonheur, de sens à notre vie, est l’acceptation de l’unité, de la globalité de chacun, de soi en particulier. Et donc … je vous en prie : décrochez cette image abominable, obsédante, du Christ en croix. Choisissez s’il est homme de lui donner une paix en cendres ou en terre. Nous ne pouvons naviguer entre cet angelot dans les bars de sa mère et cette torture savante, noueuse, répétée, d’un homme arraché, (un parmi tant d’autres) à sa destinée d’homme entre Noël et crucifixion.
Ma mère souffre aujourd’hui de l’attrait de la souffrance comme moyen dernier et dérisoire d’être importante aux yeux des autres et à ses propres yeux. Cette souffrance qu’elle s’ingénie à communiquer, inconsciemment bien sûr, lui fait par son intensité passer à côté du seul remède qui l’apaiserait : accepter que ses enfants ne soient pas elle, qu’ils mangent quand elle n’a pas faim, qu’ils aiment ce qu’elle déteste, qu’ils vivent quand elle va mourir. Que la nuit vienne après et avant le jour, la mort après et avant la vie.
Et moi, sa fille, je ne peux l’aider qu’en fuyant cette souffrance, qu’en regroupant en moi suffisamment de légitimes joies pour que s’arrête cette bagarre en elle qui va aller jusqu’à délabrer son esprit.
Je ne sais pas ce qu’est la prière. Je sais qu’on a parfois prié pour moi et que ça m’a aidé. Je sais aussi qu’il y a des formes d’amour qui éclosent quand on ne les attend plus. Parlez-lui et si vous le pouvez priez pour elle.

16 novembre 2005

BRUMAIRE


BRUMAIRE dans le calendrier républicain est plus justement nommé que NOVEMBRE, le neuvième, dans le calendrier Julien mais le 11ème dans le nôtre dit Grégorien. Encore que cette année il ne se précipite pas dans les brumes. Nous avions hier une belle mer de nuages au-dessus de Grenoble mais nous, nous étions en plein soleil. Aujourd’hui encore.
Pas si facile que ça cette navigation entre Hier et Aujourd’hui. Parfois Hier me submerge, que j’attrape au hasard dans les cahiers avec le seul critère d’écriture en « Novembre ». Je m’étonne de ce que j’ai noté. Des évènements, de mes réactions. Insensiblement la machine à remonter le temps se met en route et pour lui échapper, revenir au moment présent et à son soleil, à l’urgence d’en profiter, j’ai des hésitations d’un pied sur l’autre. Un : je descends à ce cours de paléographie ? Deux : je reste ici et blogue et chante et lis et … ? Finalement je fonce vers le bas, avec la curieuse impression que je ne sais plus ce que je veux.

Ce matin de Brumaire, retombant sur une citation, je la trouve si juste aussi bien Hier qu’Aujourd’hui que les frontières disparaissent, que la valse hésitation s’arrête et que je reviens au blog sans plus d’attente.

De Claude Morenas ( Parenté de l’homme et de la terre)

« Interroge la terre
Interroge-toi

Les sursauts de la braise

Le mouvement qui nous attelle
Aux flammes
A l’onde
A nulle part
A partout

Interroge l’image
écho intarissable

L’incision des sols
Les cadences qui mobilisent
Le souffle qui surprend
Distance où bascule le jour

Ce souffle à gorge d’oiseau »

15 novembre 2005

VIEILLE MAISON

ncapable de saisir Aujourd’hui par les mots ou l’image. Non qu’il n’y ait des occasions de voir et commenter mais le cœur n’y est pas. Un besoin de silence. Je suis allée tout de même au cours de paléographie, en suis revenue avec détour au supermarché. Je vais restaurer ma carcasse à la séance de Fedelskry et peut-être que le reste suivra.


I
De loin, derrière ses rideaux
Peupliers, Novembre et dentelles
Elle apparaît encore si belle
Qu’on en oublie ses grains de peau
De près, le corps du mur s’écaille
Elle a des cernes sous les yeux
Combien d’espoirs encore, de vœux
Pour une autre année de grisaille ?

14 novembre 2005

L'HOMME VIVANT


L’HOMME VIVANT

Louis Calaferte
« Le monde est exactement ce que tu le fais.
Le monde est exactement à l’image de ton âme.
Tu l’as donné à ces jouisseurs que sont les chefs d’Eglise et à ces forbans de la politicaille.
Tu n’as rien à attendre d’eux.
Reprends-le.
Reprends le monde.
Le monde est toi.
Le monde est à toi.
Fais du monde ce que tu désires qu’il soit.
Un espace de liberté.
De sympathie.
D’entente.
Un espace libre de ce fléau que sont les guerres.
Ces guerres de religion fomentées et entretenues par la complicité des pouvoirs d’Etat et des pouvoirs d’Eglise.
Ces guerres de l’ignorance populaire.
Le monde est dans ta main.
Fais-le savoir.
Dis que tu n’obéis plus.
Ils vont trembler.
L’économie n’est pas la Vie.
La machinerie n’est pas la Vie.
La Vie - c’est ce qui est libre.
La Vie - c’est ce qui ne coûte rien.
Vis avec la Vie - pas avec l’argent. »
Editions L’arpenteur-Gallimard

13 novembre 2005

ECRIRE (au passé)

NOVEMBRE 1983 Journal

( vers le premier livret de poésie, le divorce, reprise de cours de philosophie …)

J.G me donne l’impression d’être en représentation tant son naturel pour s’intéresser aux élèves, leur demander de lui apporter une épreuve, répondre au tél, bref ! être un homme actuel important, efficace, bien dans sa peau, me paraît forcé. Je l’aime bien. Je n’ai pas, moi, à jouer le rôle du poète qui parle « affaires » puisqu’il me donne ce rôle. Les poèmes de G. c’est d’abord dans sa bouche que cela est venu.
« Il faut écrire pour soi-même c’est-à-dire pour tout le monde et pour personne, pour ceux qui en voudront et non pour ceux qui en veulent »

Enseignement, éducation, Socrate …
Arriverai-je à écrire sans faire allégeance au professeur ? Simple analyse du texte sans me projeter, m’impliquer. C’est la formule, je dois m’y soumettre. Barrière entre les portions d’être pour développer chacune au mieux ? pour protéger chacune des autres ?
La vie cavale plus vite que ma plume. Je voulais fixer quelques impressions parisiennes dès le retour et puis le séjour à Sète se termine …
Je me veux de plus en plus dans un projet personnel mais voilà que l’image vers laquelle je tends s’est formée dans l’esprit des autres. Philippe, surveillant, me dit « tu écris… » D’où lui vient l’info, de France, de Paule ? Je ne nie pas. Je ne m’en sens pas fière autre mesure. Mes voies sont-elles pour autant tracées ? Sûrement pas. Mon « BRISE-BILLES, NIDS d’AGATHES » paraîtra en février. C’est sûr. Il reste encore à faire. Comment le faire ? Quel plan me donner ? Le temps si vite dévoré et les jours à moi encore si lourds tant que je n’ai pas déposé le dernier fardeau

Jour de ma mère. Jour de moi. Je lui ai lu mon poème. Elle a pleuré, dit-elle. J’ai pleuré aussi. Je lui ai dit « je t’aime »

(A Danielle M. qui m’encouragea à cette parution, passage chez elle dans la Drôme au w.e du 11 novembre)
« Tu le sauras si rien qu’un seul instant tu m’aimes
le gâteau était bon autant qu’un angélus
les arbouses ont laissé quelques gouttes de plus
C’est ce que j’espérais : le temps perdu se sème. »

12 novembre 2005

BESOIN DE POEMES




J’ai besoin de poèmes

Pour accrocher mon cœur quand il a mal aux dents
De poèmes bien lisses qui démarrent en chantant
Et en flèche atterrissent

Ce besoin de matin ascendant et joyeux
Fut entendu au loin par la voix amicale
D’Anne-Marie Martin, Femme à six syllabes
Qui les porte fort bien

Grâce à l’appel j’ai pu me remettre au clavier
Laisser les touches nues me tapoter les joues
Jusqu’à ce qu’un sourire les fende jusqu’au cou
Et le soleil enfin entra dedans mes yeux

Et j’ai vu sur mon mur, le nez à la fenêtre
Entre les pages anciennes sourire la nouveauté
L’image affichée se reconstituer
Mêmes couleurs certes mais autres prétentaines

Tous ils étaient là : les amis, les enfants
Le ballon rond si beau de la femme en gésine
Les dossiers préparés pour quelque autre rapine
Aux frontières du temps

Tous ils étaient là les mots :
Les bons, les doux, les braves
Les fatigués bien sûr burent le sirop d’érable
Et le miel Toutes Fleurs passa sur le chemin

Car le chemin n’est pas quelconque baliverne
Quand il te serre de près c’est pour te consoler
Quand il presse ton cœur c’est pour le faire juter
Jusqu’à ce que tes larmes deviennent de sagesse

Oui il est bon de boire aux larmes quand elles ont
Ce parfum de vanille cherché dans les étoiles
Trouvé parfois soudain à la courbe des voiles
Que le bonheur te tend chaque premier matin

J’ai besoin d’un poème pas forcément sublime
Pour accorder mon pouls à l’air des violons
J’ai besoin d’un violon pour accorder ma lyre
Avec l’accordéon

Et j’ai besoin de toi encore pour écrire
Et j’ai besoin de tous encore pour me lire
Avec des yeux plus bleus que ceux de la chanson

11 novembre 2005

VERVEINE


Ma chère Verveine,
Ici à La Buisse, près de Voiron, dans une maison amie dotée d’un beau piano à queue et où nous allons essayer d’enregistrer six chansons.
Cette nuit j’ai été malade « comme un chien » j’ai vidé « tripes et boyaux » aurait dit ma mère. J’espère que ma voix va sortir claire et légère. Claire assurément. C’est le prénom de la pianiste qui m’accompagne. C’est elle qui a porté mon rêve de chanter jusqu’à cette réalité présente.
J’ai la chance d’avoir rencontré au bon moment des nanas superbes, des frangines pour dépasser mes immenses frousses. Tu fais partie de cette troupe. Ton coup de téléphone avant-hier m’a remis ta voix dans les oreilles : ta douce voix musicale. La nuit précédente (sans cataclysme) j’ai accouché de textes pour accompagner une série de douze photos de maisons, la mienne à La Loue plus d’autres abandonnées et prêtes à rendre l’âme. J’avais l’impression que tu me regardais faire. Je te prenais à témoin des mots que je choisissais, de la beauté des photos à choisir. Et le projet a abouti. J’emmène ce soir les tableautins pour une expo. Ils seront dans le stand du Groupe d’Histoire auquel j’appartiens de longue date. Le groupe c’est surtout Danielle, la présidente et cheville ouvrière. Elle, qui a cru en moi, à ma force de vie. Dieu que j’ai de la chance de vous avoir aujourd’hui dans les parages : Claire, Danielle, Verveine.
« La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
/…/
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté »

10 novembre 2005

RETOUR DU PASSE

RETOUR DU PASSE

Par des voies un peu détournées, curieuse réapparition de QUATRE serviettes de toilette nids d’abeilles, marquées de mon nom et prénom pour la pension, de TROIS torchons de cuisine brodés à mon chiffre et de ma main, tout neufs, ayant fait partie de mon trousseau de mariage préparé par ma mère et d’UN cahier de notes de lecture ayant fait partie de ma vie de normalienne. Une seule note personnelle dans ce cahier:

24 novembre sans doute année 1958, j’étais en Philo

-Ai lu « Le diable et le Bon dieu » de Sartre. Beaucoup intéressée. Je ne sais pas ce que c’est que l’existentialisme, le livre est humain c’est tout.
-Devoir de morale, cinq causeries sur la formation du caractère. Ai l’impression d’avoir passé à côté de la réalité ? Trop théorique.
- La pièce de Dasté vendredi « la queue du diable » peut-être pas sensationnelle mais excitante. Interprétation formidable. Discours d’un acteur à l’entracte contre « Strapontin 12 » du Dauphiné Libéré. Un théâtre populaire ?
- Hier journée heureuse. Pourquoi mes fantômes ? Manque d’équilibre. Manque de volonté.

09 novembre 2005

LETTRE a TOUSSAINT

AU PASSE
Cher Toussaint,

(Toussaint est un prénom porté encore par quelques Corses dont celui à qui était adressée cette lettre en 1987. J’écrivais alors la lettre en direct mais la recopiais dans mon cahier avant de l’envoyer quand elle correspondait à quelque chose de difficile à exprimer mais d’essentiel pour moi. Aujourd’hui, retrouver cette écriture continue à nourrir mon espérance en un sens de la vie.)

Ce matin, au réveil, je veux essayer de te dire ce que la nuit brassait dans ma tête et en dérouler le fil.
Comment parler de la mort sans raviver la douleur ? et pourtant, je crois que c’est en en parlant que nous l’accepterons mieux. Antoine par tout le temps passé avec toi, avec vous tous, était plus que ton neveu. Je m’en souviens comme d’un grand garçon silencieux et je le revois s’essayer à la planche à voile sans beaucoup de conviction. Il me semblait qu’il était coincé entre la plage et la maison, sa fidélité à vous tous et son envie mal assurée de se mêler aux autres jeunes, de vivre des choses nouvelles. Mais peut-être n’ai-je vu de lui que l’extérieur et je ne me sentais pas le droit de bousculer un peu l’intérieur pour savoir ce qui s’y passait. Tu me dis que vous l’avez ramené dans sa terre corse et cette promenade à pied à O. que j’avais faite me permet de mieux voir votre cortège ami et familial lui donner la main une dernière fois tout au long de la route. J’envie ce sentiment de la famille, ces traditions venues du cœur, cette appartenance à un pays, un village, qui assouplit, j’imagine, l’horreur, l’injustice de toute mort. Je sais que pour ma mère, ma sœur, c’est ce qui les fait s’apaiser, fleurir les tombes, aller journellement au cimetière et finalement enterrer la mort sous les soins domestiques.
Moi je ne peux pas.
Ni me plier aux visites régulières, arranger les fleurs et balayer les grains de terre. Je n’ai pas fini de me révolter sans savoir si c’est contre un Dieu indifférent ou contre des conventions que, par ailleurs, j’envie parce qu’elles rassurent. Je ne sais trop où sont mes tombes, dans ma tête ou dans mon cœur. Je les fleuris surtout du regret de ne pas avoir vécu plus intensément, plus franchement mon amour pour ceux qui ont disparu. Disparus ? Je m’achemine vers une idée confuse que la vie reste la vie toujours, que ce qui fut des âmes s’évapore pour rejoindre ce qui continue peut-être sous une autre forme, peut-être sous la forme du tout. Je veux te raconter ce qui s’est passé à La Loue, sur le chemin derrière ma maison. Je sais que tu peux l’entendre sans en rire.
J’avais une amie, Bernadette, que j’aimais beaucoup. Elle a été tuée dans un accident de voiture. Après sa mort j’avais des remontées de larmes brutales et puis je me suis apaisée. Longtemps après, sur ce chemin donc, où j’étais seule, soudain, je ne dis pas que j’ai pensé à Bernadette. Elle était là, avec moi, autour de moi, dans l’air. Je la sentais. J’étais très heureuse, étrangement heureuse. L’essence de Bernadette était venue me rejoindre.
Ma sœur, c’est en rêve qu’elle m’a fait signe, un vrai signe de la main et elle m’a dit de continuer.
Mon père, par sa mort, m’a aussi éloigné de ma propre envie de mourir et je n’ai su qu’alors à quel point je l’aimais.
Toussaint je t’aime aussi. C’est moins la mort d’Antoine que je pleure que ta propre souffrance. Je pense aussi à tes sœurs et à leur éblouissement devant leur petit neveu. D’autres enfants viendront. D’autres de votre nom et de votre sang. Et Antoine lui aussi viendra peut-être un jour, au jardin, dans une orange ou une rose, te dire que tout amour sincère est immortel.
Merci de me dire ce qui te fait peine. Je t’embrasse bien fort.

08 novembre 2005

PLAQUEMINIER


C'est le nom de l'arbre qui porte les kakis. Je l'ai appris en en cherchant l'orthographe pour accompagner la photo. Je l'ai envoyé à Ernest qui sait tout des arbres et du vocabulaire, en même temps que "le cormier" dont je découvrais à la fois l'existence et le nom. C'est souvent ainsi les naissances. Nommer pour garder dans sa bouche, pour redonner au vent. Au jourd'hui m'est revenu d'Ernest une "arboriculture rétro" dont j'extrais ici les meilleurs fruits.
Plaqueminier : en 1961 la fille d'un copain en avait offert à son grand-père.
Cormier : dans Rabelais, Frère Jean des Entomeures " le bâton de la croix en coeur de cormier" et la bouture que Jean R. avait donnée pour la planter à Lancin en même temps que la fille de" la ferme du Cormier" en Touraine qui prenait racines en Dauphiné.
et ce fruit nouveau : le blogue porté par "le bloguier" dont j'avais envoyé un échantillon à Ernest. " Merci pour le blug" (!) et surtout pour l'art de survivre qu'il voudrait enseigner"
Merci à toi Ernest pour ta longue tendresse avec les mots qui donnent la pulpe à la vie. Y compris avec ces mots de patois dont notre enfance a été nourrie.

07 novembre 2005

EXPERIENCE DEPRESSIVE

Au passé Journal 1998

Cher J.
C’est en pensant à toi que je suis retournée chercher « l’expérience dépressive » de Yves Prigent. Je te l’envoie.
Ses mots m’ont souvent servi
A dépasser mes propres mots, maux
A répondre à mon désir insatiable de comprendre, de me comprendre, en privé comme en public
Mais davantage, à accompagner ma petite voix intérieure, têtue, rabâcheuse, d’une autorisation permanente de parole.
Yves Prigent est psychiatre, chrétien ; comme on peut faire du yoga mentalement quand les postures sont impossible au corps en l’état, je crois qu’on peut le lire au point où on se situe, sans adopter forcément sa foi.
Bref ! J’ai à te parler, par Prigent interposé, de l’amour que j’ai pour toi, du tourment de ton tourment que j’ai ressenti et de l’espoir que, de ce terreau-là, naîtra une certaine qualité de paix. Plus qu’un espoir, une certitude. Go boy ! les bons-pieds, bon-œil se mettent en route de bon matin
***
De Reb. Rebeh ( chez Jabès je crois) cette copie
« Avance, avance toujours
Avec eux ou sans eux !
Ne regarde jamais en arrière.
Avance toujours
Et s’il y a des embûches
Lève le pied très haut
Et tu verras que tu y arriveras !
Avance toujours pour connaître
Ce merveilleux bout de chemin
Avec la grâce de Dieu »

06 novembre 2005

RETOUR


Dans l'ordinaire, retour...
Sur l'écran de télé surchargé de violence : plus que nécessaire retour aux fragiles images de paix.
Je suis passée ce matin des brumes du Rhône aux fastes de Belledonne transfigurée par la neige ce soir et de la visite au cimetière à la bonne chaleur dans la maison. Tout ce capital à jeter à travers l'espace, l'espoir, quand même ...

05 novembre 2005

AUTRE TOUSSAINT

5 NOVEMBRE Au passé Journal 1993

Les morts ont vieilli d’une année. Une page de plus a tourné sur ses gonds.
J’ai retenu de ce temps de Toussaint, qui était bien un temps de Toussaint et rien d’autre, les piquets noirs des maïs coupés plantant sur le sol leurs « ici-gît » serrés dans le brouillard. Les chasseurs des deux villages avaient uni leurs attentes immobiles, l’arme à l’épaule, pour battre les sangliers sur leur propre terrain. Mais, à ce qu’on m’en a dit, au soir les treize sangliers avaient déjoué les chiens et les vestes vertes pour rejoindre à la nage l’île des Brotteaux. Ne restaient sur le sol que les sabots ravageurs des la nuit, les salades mangées, les choux éventrés.
Une volée de moineaux a écrit sur le ciel un au-revoir gentil à ceux qui passent. Les corbeaux, affairés sur les récoltes encore sur pied, se sont à peine ébattus à mon passage. Ils savent que, les derniers maïs rentrés, personne ne les dérangera pour plusieurs mois.
C’était un bien beau cimetière. Il n’a pas plu, il n’a pas gelé, les chrysanthèmes cette année ont marié leurs collerettes à nos souvenirs et nous avons admiré à pas lents et révérencieux, l’abondance des fleurs sur une même plante, la variété des couleurs sur une même pierre tombale. Les horticulteurs sont de grands gardiens des âmes. Ils rappellent à nos yeux des regards enfuis et tirent des lueurs nouvelles de l’iris des vivants. La Sylvie, la Maria, la Juliette ont entamé avec leurs morts une discussion apaisée que ne porte plus que sur l’insignifiance des détails : où est passée la clé de la cave ? il restait un morceau de gâteau sur l’assiette à midi … La commande de Damart n’est toujours pas arrivée …
Le prêtre s’est mis à parler comme Dieu lui-même. Il s’adressait directement à nous avec, semble-t-il, la permission de tous les saints dont c’était la fête à ne pas oublier. Et tous les saints faisaient partie de la famille ; ils nous touchaient de leurs ailes. Dieu avait la voix rassurante et lente d’un vieillard qui ne doute pas du sens du parcours. A l’élévation l’hostie luit comme un soleil blanc et la mort devint un hiver noyé de brume, dans un pays humide et froid où il suffit, somme toute, de bien se couvrir et de rentrer son bois à temps. « Aimer, dit Dieu, sans tambour ni trompette, tel que vous êtes et tel que je suis pour vous et sans attendre. » C’est du moins ce que j’ai entendu. La mort devint aimable et ronde, abordable, dans le clignotement du soleil pâle à travers le halo.
Une page de plus a tourné sur ses gonds. Les morts enfoncent la porte ouverte.

04 novembre 2005

SORCIERES


A l'académie des sorcières
il y a des sorcières grands-mères
et des sorcières apprenties
Toutefois quand les grands vents soufflent
il y a des sorcières qui louchent
sur leurs balais et les enfourchent
au village noyé de nuit



J'ai rencontré dans la petite classe
une sorte de sorcière apache
qui fait encore pipi au lit
A vrai dire, à l'école des anges
je crois qu'elle aurait quelque chance
de passer le bac à minuit

03 novembre 2005

SOURIRE


Au passé
3 NOVEMBRE

1995 « Dessous ma fenêtre »

Je voudrais voir la mort sourire
mon ami
quand elle viendra
pour vous, pour moi
prendre le temps d’entrebâiller la porte
et nous glisser
avant son pas et son haleine forte
le rayon frais
de ce sourire nouveau

Avoir alors en cet instant
la chance
des yeux ouverts
bien au-delà de l’espérance
des yeux qui voient

Sans cette mort qui bée sur nos attentes
nous n’aurions pas
eu pour la nuit tant d’égards extrêmes
et tant d’amour
pour le jour

02 novembre 2005

PATATRAS !


Deux Novembre : Au jour d’hui

( J’suis pas allée au cimetière
mes chrysanthèmes y sont pourtant
ma sœur, mon beau-frère, mes parents
que j’aimais tant)

J’l’avais annoncé en fanfare
Je vais chanter, je chanterai
à la Toussaint de cet été
Tant indien !

Mais ce projet ne se fit pas
à la valse manqua l’contre-temps
Mon ange gardien n’était pas là
Patatras !

J’avais pourtant planté ma tente
En Drôme au milieu du ciel bleu
Et mon lit clos dans la soupente
Du Bon Dieu !

J’avais commencé la romance
Le matin, ouvert grand mes bras
La nuit même les referma
Sur le tas !

Normalement, j’aime quand la vie
Propose des surprises à ouvrir
L’occurrence je n’ai su choisir
Sapristi !

J’ai toujours bien aimé ma fiole
Même en vieillissant elle me plaît
Cette fois-ci j’l’ai bien arrangée
En beauté !

Quoique ! Pour jouer la sorcière
A Carnégie Hall l’an prochain
J’ai mes chances et l’sens des affaires
Nom d’un chien !


Maintenant en toutes circonstances
Je positive, j’pousse plus des cris
J’file sur mon blog avec constance
Merci Julie !

01 novembre 2005

AU PASSÉ


1989 « Mon pays par-devant notaire »

Non ! Vraiment, les morts ne sont pas au cimetière.
On leur a assigné une place étroite, là,
Entre la fleur du souvenir qui sèche et le nom gravé sur la pierre.
Mais c’est ailleurs qu’ils ont choisi de continuer la ligne.
J’entends leur syllabes amusées poursuivre à travers nous le chemin des mots sans rivages
Je reconnais à la fantaisie d’un pignon, au penchant d’une faîtière
La liberté de leurs mains.
Jusque dans la terre d’un pisé qui s’effrite
Jusque sur la tuile de cette même terre qui fendille
Jusqu’au rosier blanc resurgi d’un buisson
Se lit l’inaltérable continuité des morts.
Mais encore
Mais davantage que les photos jaunies et le certificat rongé
C’est ce souffle immobile qui me jette au visage, à l’improviste
L’ordre de faire très attention où poser les pas.

Car les morts ne sont pas au cimetière.
Ils marchent.
Nos traces en témoignent