Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 décembre 2008

L'ANNEE S'EN VA


MOURIR C'EST PARTIR UN PEU

Un peu, "na brise", un poccito ...

Mourir un peu, pas complètement
au coin de l'âtre
sans déranger le feu
sans éteindre la flamme
sur la pointe des pieds et en faisant semblant
Un peu de mort soudain pour ralentir le temps
A peine un départ
Juste un soupçon de piste
Un souvenir de rêve
dans le coin du miroir quand un regard achève
de regarder vers vous et de vous réchauffer

Partir sans nulle honte et sans être pressée
simplement à côté,
Aller voir qui donc ose
à petits pas menus, à demi-mots couverts
connaissant le secret mais sans en avoir l'air
partir comme chansons mourir sur quelques lèvres

et puis recommencer. S'arrêter. Se reprendre
Entendre un carillon dans le fond de la chambre
rappeler en sonnant qu'il est l'heure de rester

Partir d'aimer
Mourir de vie trop pleine
La mort est un cheval, le mot en est la bride
L'attacher dans la plaine
en caressant l'échine qu'il tend sur notre cou

Mourir un peu et pas du tout.

23 décembre 2008

VOEUX


Il y a des jours moroses
qui n’ont plus de cœur pour les roses
Des jours qui ne riment à rien ...

Heureusement pour la Noël
j’écoute chanter dans le ciel
des pétales en forme de cœur

Alors ma raison perd courage
Les rimes viennent sur la page
et s’appareillent avec bonheur ….. (hum !)

Bonne Santé ! me dit Hortense
Joyeuse fêtes ! soupire Clémence
(qui pourtant n’est jamais joyeuse)

Je collectionne les messages
Je récapitule des mages
les offres venues de Bételgeuse

Pareille étoile au nom superbe
Il ne faut rien en laisser perdre
Aussi pour ne pas déroger

Je vous souhaite en autre chose
de toujours préférer des roses
le Tout-compris Apothéose

qui vous convienne BEL et BIEN !

22 décembre 2008

PRENDS !



Prends le temps !
Comme le marteau sur l’enclume
Comme le soleil dans les plumes

Prends ton temps
Comme la goutte à ton nez
Laisse tomber, laisse tomber

Prends mon temps
Du temps j’en ai bien à revendre
Puisque nous en sommes à décembre

Prenons-le ensemble ma mie
Il est encore temps pour la vie
Celle dont on ne se lasse pas

Prenons une fois de plus ma belle
De sortir de notre escarcelle
En papillote de Noël
Le temps qui vient, le temps qui va …

19 décembre 2008

LE VENT DE L'HIVER


Le vent de l’hiver souffle sur tes doigts
Prends garde à toi !
Le vent de l’hiver écaille les bouleaux
As-tu mis ton manteau ?
Le vent de l’hiver chasse les moutons blancs
Demain peut-être
Le vent de l’hiver aiguisera ses dents
Sur les tuiles de ton auvent.

18 décembre 2008

QUI SONT ...



Qui sont ces personnages qui racontent des histoires
la nuit le long de la rivière gelée ?
Les ai-je déjà rencontrés ?
Pourquoi pleure-t-elle ?
Ce n’est pas sa faute si les papiers se sont perdus
Et pourquoi le notaire ?
A-t-il changé de nom ?
Nous sommes trois, deux femmes et puis Elle
Je dois faire attention si près de la rivière
La berge en est mortelle
Et si je tombe à l’eau qui pourra l’écouter ?


Les réponses de Dieu ne sont pas dans les livres
ni même dans la bible

« Merci d’être, Iris, ma fleur de gravité »

Les oiseaux chantent le matin

Il n’y a pas de banc d’accusé.

17 décembre 2008

JE ME SUIS CHERCHEE


proposition de jour en 1500 caractères
Illustration Grenouille

Je me suis cherchée moi-même
ce qui n'était pas malin.
En miroir et en poème
m'suis donné un mal de chien
pour accoucher dans mes langes.
Je me suis cherchée le jour
où j'avais perdu ma trace.
Je me suis cherchée la nuit
dans les bras de mon ami.
Me suis cherchée dans mes filles
et n'ai trouvé que de l'eau.
Me suis cherchée dans mon père
afin de me lever tôt
et de partir à la guerre.

Aujourd'hui que je suis vieille
je cherche où me reposer.
Sera-ce dans la corbeille
aux pelotons des années ?
Ne serait-ce pas plutôt chance
de cesser de me chercher ?
De trouver de l'innocence
au battant de la journée ?

Je me suis cherchée peut-être
en quête de permission
pour m'en aller en Bohème
y danser le rigodon.
Réconcilier en moi-même
les points des quatre horizons.
Quand vous fermerez la bière,
ou l'urne de marbre froid,
ne vous donnez pas la peine
de chercher si je suis là !
Repartez sur la grand-route,
cela ne vaut le détour.
Mes enfants, mes peurs, mes doutes,
mes amis, tous et toutes,
Pardonnez à l'insistance
que j'ai tant mise à me voir
dans les yeux de vos présences,
(surtout dans les moments noirs ... )

Accordez-moi d'oublier
combien je fus âpre à dire
mes larmes et mes sourires
mes douleurs et mes succès.
S'il reste une ou deux des pages
où j'ai voulu me cerner,
un tableau clair, une trace
où j'avais pu m'absorber,
mettez-les sur le navire
qui m'emporte je ne sais où.
Il me servira de mire.
Là, bien calée sur le centre,
dévidée en ses rayons,
je retrouverai raison

et peut-être quelques frimes !

15 décembre 2008

LE dit DES GRENOUILLES et fin

Je suis passé près de la mare. L’aube arrivait. Il faisait froid. La neige commença à tomber, signe d’un réchauffement. Je ramassai la défroque que l’enfant avait laissée, sa peau de têtard. Les grenouilles s’étaient jetées à l’eau en entendant mon pas.

Les pécheurs sont-ils passés ?
Oui oui oui
T’ont-ils vu ?
Non non non
T’ont-ils pris ?
Non non non
Ni moi ni toi ni moi ni toi

Contente que les grenouilles de l’an nouveau se préparent à doubler le cap avec force et courage comme elles l’ont toujours fait. Contente de la savoir, elle, bien au chaud dans son lit bleu, bercée par Pépé Paul.


14 décembre 2008

LE DIT DES GRENOUILLES 3


Di di di di : les gnus-gnus semblaient n’avoir rien entendu et n’élevaient ni ne baissaient le ton. Continuaient. Persévéraient. Avançaient sans se soucier de sa présence. Imperturbables. Ou simplement, réfléchit-elle, hors de portée de sa voix.
Elle se remémora comment à l’école on se moquait d’eux, les habitants de la Gravelle. Comment on les traitait de « gnus-gnus » autant dire de mal dégrossis, de rustres, de grenouilles stupides. Elle n’en faisait pas une histoire. Mais son frère oui, son frère dégainait les poings et s’ils avaient perdu un peu de temps pour rentrer ils trouveraient bien un prétexte quelconque pour rassurer la Maman. Elle, la petiote, assisterait au combat, incapable de l'empêcher, inquiète des déchirures ou écorchures trop visibles. Au retour, seul le sourire du grand-père ne serait pas dupe. Lui, approuvait toujours tacitement les poings justiciers.

Di di di di
D’un seul coup cette traduction simultanée lui parut insupportable. Niaiseuses grenouilles, rabâcheuses, envasées. Eternelles et pourtant autres, filles des mères, grand-mères des filles … Litanie sans fin d’un temps perdu, désincarné, déstructuré, à jamais …
Elle les imita ironiquement Di Di Di Di Di
Entreprit de leur faire varier l’antienne, de leur apprendre la musique, la sienne, de leur enfoncer dans la tête sa version des choses …
La la la la … Elle reprenait leur tempo mais modulait des accords. Des harmoniques ! Nom de dieu ! des harmoniques ! Elle tirait de sa voix des performances, des prouesses, des intentions vengeresses … Elle avait envie de pleurer d’impuissance -comment lutter avec tant de grenouilles ?- de joie aussi de s’entendre une voix claire et forte - hein Pépé Paul ? Crois-tu ? j’en ai du coffre ? -
La basse des grenouilles continuait bravement son propos.
Sa rage s’apaisa, sa souffrance se fit calme …
Alors une symphonie s’éleva. Les deux voix se rejoignirent. Di Di Di La La La la dit ditdit là là lalaladi ...
Toute la nuit elles échangèrent leur sons, leurs notes, leur perpétuité, leur jeunesse, leur sang … Toute la nuit …

13 décembre 2008

LE DIT DES GRENOUILLES 2


Elle se laissa dériver
D’une demi-torpeur di di di di , elle passa, à force de scruter le ciel étoilé, à un état d’extrême sensibilité, de bonheur indicible. Sans rimes ni raisons. Une acuité de vision qui lui faisait sous la lune capter les formes et les définir géométriquement, les dessiner mentalement dans l’espace clos par les buissons comme des bêtes amies, attentives, immobiles … Une acuité d’audition : les étoiles reflétaient le chant. A la surface ombreuse de l’eau morte les notes tintaient.
Di di di di
A moins que Kss Kss Kss kss
Ou peut-être Gneu gneu gneu gneu

La mémoire lui revint. Un souvenir comme une lame effilée la traversa. Il avait la voix du grand-père Paul

Lo péchu sont-é passo
Ouai aouai vouai
T’ont-i vya
Non non non
T’ont-y prae
Non non non
Ni mé ni té ni mé ni té …

Psalmodiée la vieille chanson traduisait en patois l’interrogation des grenouilles. Elle rit, elle répéta à haute voix ce que lui disait la mémoire, elle retrouva les intonations

12 décembre 2008

LE DIT DES GRENOUILLES 1-


Le dit des grenouilles

Le dit des grenouilles traversait la nuit. Tout du long, devant, derrière, partout on n’entendait que lui
Di di di di
Imperturbable
Du moins c’est ainsi qu’elle le découvrait, une fois de plus, depuis qu’elle s’était assise en bordure de la mare
Di di di di
Notes uniformes, rapprochées, notes inlassables qui traçaient leur portée devant elle, autour, jusqu’à l’intérieur de son habitacle intime
Di di di di di
La mare, le creux comme chacun disait, était identique à son enfance creusée, retrouvée à chaque rebond, gardée ouverte sur le ciel
A chaque hameau correspondait une gravière. Dans le temps on y extrayait le gravier. Il y avait peu à s’enfoncer sous terre. Ancien lit du Rhône le gravier tenait les nappes phréatiques. On trouverait de quoi consolider la maison de pisé, de quoi abreuver le puits
L’été par la fenêtre ouverte de sa chambre en direction de La Gravelle - c’était tout bonnement le nom immémorial du creux, comme celui du paquet de maisons proches - elle écoutait déjà le chant des grenouilles
L’hiver, elle venait le cueillir de plus près.

C’était une nuit de décembre proche de Noël.
Di di di di di
Elle aimait enfoncer ses pas imaginaires dans cette matière sonore rassurante
Les grillons, les grenouilles
L’été, l’hiver
Ce soir de lune claire elle ressentait un mystérieux accord entre cette complainte et le profond lit de son enfance rêveuse

11 décembre 2008

DANS TES TRUCS


Tout le monde est dans ses trucs. A l’église et à l’hôpital.
Normal !
Toi tu es dans tes trucs
Laisse faire c’est pas grave
L’oiseau de paradis lui-même est dans ses trucs. Ses imaginations. Ses plumes.
Un à une il récapitule ses trucs, ses veines, ses chances, ses mandibules. Il débouche ses artères.
Il tourne en rond dans sa biosphère
C’est déjà pas si mal
Tant qu’il y a de la vie y a de l’espoir
Accorde à la nuit noire le bénéfice du doute, la permission de l’aube. Fais donc ! Tant qu’à faire !
Une chanson : des morceaux, des bribes, des haridelles, roses, bleues, pimprenelles, pour chatouiller la nuit et lui déboucher les oreilles
« J’ai de la peine à croire que tout soit blanc ou noir
j’ai juste envie d’un brin d’folie ! »
Merci chanson ; t’es chouette ! merci Pascale à la voix chouette, à la voix rossignol, loriot, pinson, merlette
Et puis la lampe de chevet. Le crayon pinceau qui colle les mots. Bout à bout ça colle Anatole, ça coule Raoul
Y aurait-il autre solution ?
Ben non !
Bailler à s’en décrocher les mâchoires
Vous me la baillez belle
Bailler belle ou bâillon ?
Mouche ton nez Nettoie tes ailes
Prends le temps
Prends le temps, serre fort sans étouffer, tant qu’il en reste
Quoi qu’il en soit au pré carré la vie est belle
En soie, en laine ou en charpie
Lon la lon laine la vie
L’oiseau du paradis renaît dedans ses cendres
Ce drôle d’oiseau, c’fichu oiseau dans ses trucs sur ta branche

Prends ton temps ! prends ton temps ! dans tes trucs ! dans tes trucs !
Vas-y j’t’écoute oiseau !
ça chante !

10 décembre 2008

LA MOIRE



de l'atelier proposition d'écriture
La MOIRE Majuscule, à ne pas confondre avec l'ArMOIRE de Grand-mère, recelait plus d'un secret. L'une et l'autre étaient douées de méMOIRE. J'aurais aimé, en ce temps-là, leur parler à tue-tête mais elles s'entouraient de mystères. Il ne fallait pas les bousculer sinon elles se fermaient. Je compris assez tôt leur fichu caractère et fit semblant de les ignorer. En leur présence je me plongeais dans des griMOIRES, vieux forcément, plus vieux qu'elles. Je mettais la radio à fond. Elles se vexaient. Je les vis alors s'entrouvrir en grinçant. J'éteignis la lumière. Un pâle halo s'échappait de La Moire. Comme un soupir. De l'habitacle de Grand-mère des plaintes phosphorescentes. Un parfum d'idylle et de roses. Je ne bougeais toujours pas. Depuis le temps que je les guettais je n'allais pas bêtement perdre ma longueur d'avance. C'est elles qui firent le premier pas. L'Armoire en couinant d'un pied sur l'autre. La Moire en cahotant comme en 14, sur de longs chemins neigeux. Les essieux se bloquèrent puis reprirent leur avancée de plus belle, mûs par je ne savais quelle volonté farouche. A la trente deuxième minute, très exactement, nous nous rejoignîmes. " Enfin" dit la Moire " C'est pas trop tôt" ajouta l'Armoire. "J'écoute"leur proposai-je gentiment. Ce fut divin. La Moire m'enveloppa de brûmes soyeuses, de reflets harmonieux. L'Armoire ouvrit un à un ses tiroirs. Mais le mot de la fin, auquel ni l'une ni l'autre n'avait songé passa au travers de moi devenue EcuMoire

05 décembre 2008

LES TOGOLAIS



venaient juste d’arriver de l’aéroport. On nous demanda l’indulgence pour le spectacle à venir. Qu’est-ce que ç’aurait été s’ils avaient été en forme !
Je venais voir à l’œuvre la troupe avec qui nous n’avions eu qu’un contact épistolaire. Notre groupe de conteurs envoyait là-bas quand il le pouvait quelques sous. Nous connaissions l’intention de leur projet : sortir des enfants de la rue et de la délinquance par la pratique artistique : théâtre, musique, danse, artisanat … Sur trente-cinq, nous dit l’instigateur du projet, deux (seulement) y sont retournés.
Le conte mettait en scène les dures réalités que chacun connaît de l’Afrique d’aujourd’hui. Cependant la verve, la qualité de l’engagement vocal, la souplesse des corps oiseaux, la transposition poétique donnait au spectacle une force de vie, une joie jaillissante qui emballa le public jusqu’à le mélanger aux acteurs en un bouquet final sur le plateau.
Dans l’échange sérieux qui eut lieu ensuite ( nous étions à l’IUFM tout de même) une anecdote fit plus pour entraîner mon adhésion que la théorie. C’était à Grenoble que prit naissance l’intention d’agir. Le directeur du centre, lui même conteur, raconta simplement comment une femme âgée vint le voir en fin de séance et lui tendit un billet de cinq euros « c’est tout ce que j’ai sur moi » …
Bien sûr ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des misères. Mais dans les tubes à essais une seule goutte ne peut-elle changer la solution et la faire virer de couleur ?

04 décembre 2008

PLUS QUE LE RECIT ...


plus que le récit la gestuelle, le dynamisme, la voix de ces artistes togolais. Une histoire de la rue, de la souffrance et pourtant un souffle de vie extraordinaire

( de l'atelier d'écriture)
Plus que le récit, je voudrais trouver le sens du flot des paroles. Je suis toujours émue, intéressée
quand quelqu'un se met à parler de lui, de sa vie, de ce qui lui arrive. Ainsi récemment dans le train
un homme est monté dans cette partie immédiate près des toilettes où s'entassent les gros bagages.
Son sac était lourd, long et manifestement dense. Puis le téléphone a sonné. En quelques phrases
Douai, Bordeaux, Pontcharra ont défilé. Une toute petite remarque de ma part l'a lancé dans le récit. Il
m'a raconté sa vie de travailleur itinérant, très spécialisé. Trois semaines sans voir la famille, le retard
à cause de la grève. Puis, de détail en détail, il analysait comment faire face aux difficultés : le chantier
où on recrute des intérimaires mal formés pour gagner sur les salaires, le deuxième travail pour
mettre du beurre dans les épinards, lui il coupe et vend du bois de chauffage pendant ses week-end
libres. Vers cinquante ans il arrêtera s'il peut vendre ses terrains au prix de terrains à bâtir ce qui
dépend de la politique locale. On lui a volé tous ses canards. Rien n'arrête personne. Chacun se
débrouille comme il peut. Plus que le récit j'écoutais le souci qui barrait son esprit pourtant délié,
hardi. "ça va péter, on ne peut pas continuer comme ça". Un petit homme calme, costaud, décidé. Un
père attendri par son garçon de treize ans qui veut devenir patissier et fait déjà des gâteaux tout à fait
acceptables ! nous nous sommes souhaité bonne semaine