Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 mars 2011

Bouquets


le bouquet du jour

et un autre de 1939:

Sète ce mardi 17 octobre 1939

Mon cher petit mari adoré

Il est 7H30-la femme de ménage doit venir à 8H1/4. J’ai alors tout le temps de mettre mon chapeau et de partir. L’école n’ouvre qu’à moins 5. J’ai des garçons de 6 à 8 ans. Pour le moment 37 mais il en viendra d’autres. Parmi eux se trouve un petit parisien de St Ouen dont les parents sont encore chez eux. Le gosse est ici chez ses grands-parents. L’école n’a rien de beau ; c’est une école aux fenêtres hautes et grillagées aux murs peints à la chaux. Ma classe n’est pas très grande, pas de chauffage central mais un poêle cylindrique. Ça fait un drôle d’effet quand on a fait plusieurs mois dans une classe à Bondy. Enfin je m’y habituerai. Le directeur est très gentil, il m’a demandé si le petit n’avait pas besoin de têter dans la journée, il aurait permis qu’on me l’amène à n’importe quelle heure. La classe voisine de la mienne est dirigée par une institutrice qui habite tout près de grand-mère Villars. C’est sa sœur qui a le petit bazar en face la fontaine. Tu dois voir où ça se trouve. Elle a toujours habité dans le quartier et connaît très bien tante Anna et papa puisqu’ils sont à peu près du même âge. Quant à moi, elle m’a vu toute petite et s’est très vite souvenu de mon prénom. Tu vois que je ne suis pas trop dépaysée. Mes bonshommes sont très turbulents mais pas méchants et je crois que ça gazera. Je souhaite rester là toute l’année et ne pas partit le 1er novembre car il doit y avoir un mmouvement à cette date. Puisque tu dois avoir 2 demi-journées de repos par semaine je te demanderai si tu as moment de me préparer quelques leçons d’E ?P pour des gosses de 6 à 8 ans car j’ai 2 leçons par semaine et je n’ai pas de bouquins pour m’aider.
Je te quitte pour maintenant, la femme de ménage est là et je m’en vais. Bons baisers de ta petite chérie.
Ce soir 5H1/2. les classes finissent à 4H1/2 mais je suis restée un peu plus logtemps et j’ai corrigé mes 37 cahiers. Ainsi je n’ai pas à les charrier à la maison. Tu comprends que ça fait un peu lourd.D’ailleurs de cette façon je n’ai que mes préparations de classe à faire ce soir.
A midi j’ai eu ta carte du 11 et ta longue lettre du 12 comme tu l’as pensé j’ai été bien contente.
Je ne t’envoie pas de feuille de papier dans chaque lettre car ça fait trop gros. Mais j’ai mis du papier dans les colis que je t’ai envoyés.
Tu sais le petit est tout à fait guéri de son rhume, il va bien et est de plus en plus diable. Je voudrais que tu puisses le voir, je suis sûre que tu jouerais bien avec lui.
J’ai eu aussi une longue lettre de Lucienne, elle me dit que Robert doit partir d’un moment à l’autre. Quant à elle, elle n’a pas encore trouvé de travail.
Je vais te dire au revoir, je crois que ma lettre n’est pas trop courte, il est l’heure de m’occuper du petit ;
Je t’envoie encore une photo. Regarde s’il a l’air malin !
Pierrot t’envoie une grosse bise. Tout le monde t’embrasse.
Je t’aime, je pense à toi toujours et je t’envoie mes baisers les plus tendres
Ta petite Marcelle

30 mars 2011

OUi au printemps


Oui il faut avoir le courage de reconnaître en soi Printemps !
dans sa lenteur de feuilles mortes qui s’envolent, brunes, d’un grand souffle soudain de bourrasque
et se muent en joyeux papillons jaunes
ça y est ! les voilà posés sur les premières primevères !
Printemps
Jusqu’au bout de ses primes audaces et ses derniers retranchements
Pas seulement printemps de sève et de bouillonnements mais printemps de bois sec et de gui.
Printemps d’avant-printemps n’assignant à la ronde d’autre but que de tourner.
Printemps de nécessité, d’ordre d’en-haut de renouveau
Autant et davantage que d’élan animal et de bond de rivière.
Une totalité de printemps de la terre au ciel et du ciel à la terre.
Printemps somptueux d’ordinaire.
Qui se fait et se plante
Printemps quoi ! qui ne ruse plus avec l’attente
Et se donne à la Pâque et au dieu qu’il contient.
Printemps qui vient

Et le cœur net.
Entre les miroirs 1986

29 mars 2011

le bureau: premier papier



le bureau est livré, vient de trouver sa place ...

Relever le couvercle du bureau c’est retrouver le geste tant de fois retrouvé dans l’enfance pour plonger chercher le livre, le cahier, la règle, dans ses profondeurs. Geste utilitaire et bien dosé « Prenez votre cahier de récitation ! » Geste de bravoure pour faire du couvercle un paravent afin de « rifougner »(rire) ou « narouiller » à l’abri des regards de la maîtresse ou du maître.
Ce plan incliné qui incline donc vers mes penchants et pentes préférées me permet, aujourd’hui comme hier, de caler les avant-bras, de poser la main gauche en serre-papier et de laisser la droite filer vers ses vagues, revenir sur les commencements pour rattraper une majuscule ou souligner le mot nouveau du jour afin de me l’approprier …
Ainsi BUREAU
composé d’EAU et de BURE
devient un inépuisable équipement pour naviguer par tous les temps !

26 mars 2011

arrivéderchi ?


Arriverderchi !
C’est sur ce salut joyeux que je me réveille ! arriverderchi ! eRchi ?
Oui je vous reverrai encore en rêves les femmes, toutes les femmes actives, vives, mutines, titines, super nanas, mes frangines … comme cette nuit où nous étions en train de repasser des piles et piles de draps, de nappes, blancs, colorés, nous allions en faire des penderies sur fil pour animer la fête, je demande à l’une de m’aider à plier un drap, geste si courant du temps où mes deux sœurs et moi étendions la lessive au jardin, et repassions les lourds draps de longotte, de métis, de lin, de chanvre ( mots inusables) sans fer à repasser, rien qu’en les étirant entre nos bras vigoureux ! De temps en temps une paire de bras lâchait et le drap s’écrasait au sol. Bras draps abracadabra ! Quelle rigolade ! Quelle joie ! la nuit m’a rendu les draps à étendre et le rêve, arriverderchi ! me laisse sur la plage du jour avec le même entrain ! ah ces femmes ! l’une a tout lavé, l’une a découpé des bandes dans les tissus pour les guirlandes, pas grave ! pas besoin d’ourlet ! très bien comme ça ! bonne idée ! une anglaise ! super aussi les anglaises ( dans la réalité j’en ai une comme voisine !) mais alors pourquoi les saluer avec du pseudo italien ? pas grave ! universelle la langue des femmes joyeuses qui préparent la fête ! Plus forte que tout : les tsunamis, les guerres, les morts …
Arriverdechi les filles !

25 mars 2011

les écrits restent ...



"Dans l'écriture ce qui est dangereux, comme le disait ma mère (encore elle !) c'est qu'à l'inverse des paroles qui s'envolent,
les écrits restent ..... on ne sait qui en prendra connaissance même des années après.
Bon n'y pensons pas, il faut écrire, ça me démange, c'est nécessaire à ma survie."

immédiatement dans la foulée de ma lecture de ton mail ...

Si je reprends maintenant cette poussée d'écriture pendant ma psy en la tapant et sans rien en changer c'est que je suis heureuse de voir cette trace. Qu'importe ce qu'elle deviendra après moi, je ne me fais pas d'illusion sur la durée de notre souvenir bon ou mauvais chez les autres. Par contre, et c'est là le motif principal de mes précédents dépôts à APA (as. pour l'autobiographie) c'est que je pense que ma quête honnête de ce que je suis, de ce qu'est une vie parmi tant d'autres mais unique, peut accroître la masse autour de LA femme qui s'engrange depuis longtemps et un peu plus à notre époque. Qui sait ? aider cette femme immortelle à entrer dans son éclat et sa sérénité définitifs. Je suis surtout, je continue, d'être intéressée par ce personnage que je fus. Je n'ai pas fini d'en faire le tour en ELLE, en JE ou TOI ou NOUS ...
Je n'ai pas l'intention pour l'instant de le communiquer. Juste une conversation entre ELLE de ce temps et MOI d'aujourd'hui. A de certains passages j'aimerais le donner à lire à mes filles ... puis ça me passe, à un passage sur "Le désir" thème de la soirée café- philo à Sète, j'ai eu envie d' échanger avec mes voisines de la soirée, j'ai même téléphoné dans ce but à l'une d'elles qui ne m'a pas répondu ...
Nous continuons Pierre et moi à lire les lettres de 39-40 qu'échangeaient ses parents. L'idée m'a effleurée que c'était inconvenant mais les larmes qui viennent à nos yeux, l'image qui me vient, qui m'habite même, de Marcelle, jeune femme et mère, cette image qui apparaît comme une ascension et qui la ressuscite ce n'est pas du voyeurisme. Et puis si elle avait voulu les cacher elle les aurait détruites. Or elles étaient bien là sur l'étagère du haut du placard à chaussures, enveloppées, en attente, vivantes encore de leur humanité. Pour qui ? si ce n'est pour nous. Nous au sens large : les témoins qui cherchons toujours entre la guerre et la paix, nos différentes strates de vie, une certaine approche de la vérité ...

24 mars 2011

LA glace 3


“Glace de la famille, dis-moi qui je suis ! ”
Fille à ma mère, mère à mes filles, et quelquefois l’inverse, mère à ma mère, fille à mes filles ?
Femme sans aucun doute, essentiellement et jusqu’au dernier souffle. Maintenant que les glaces ne servent plus à vérifier que la vie s’arrêtera, maintenant que le dernier souffle est vérifié par des techniciens puisqu'il s'arrête en hôpital, je garde pour cette glace-ci une tendresse semblable à celle qui présida à son achat.
Aujourd’hui où je l’ai sortie de ses mémoires elle continue à me dire, dans le cadre de l’ordinateur où elle me voit écrire :
“ Regarde-toi donc dans la glace ! ”
et je m’amuse de ses clins d’œil.

Je lui réponds :
Mais je ne cherche rien d'autre. Tu sais bien que je m'interroge beaucoup plus sur moi-même que sur mes images publiques, beaucoup plus pour me plaire que pour me renier et davantage parce que tu me viens de ma mère et que tu l'as regardée, elle, la tendre Marcelle née en 1903, que parce que tu as bientôt un siècle.*
Tu es maintenant à Saint-Nizier, dans notre chambre, posée sur la commode. Un des rares témoins qui me viennent de si loin.

De ma tante Elisa, jamais connue, je tiens donc une glace qu’elle n’a pas eu le temps d’user ni même de tenir entre ses mains. Je tiens aussi un cahier de chansons commencé à La Ginon, à six heures du soir, le 26 novembre 1919, commencé donc avec ma mère qui avait alors 16 ans. “ Fini le 2 décembre 1919 à 9 heures 25 du soir ”. J’ai trouvé le cahier après la mort de Marcelle dans les quelques trésors de l’armoire, preuve qu’il l’avait suivi toute sa vie.
Sur la première page s’inscrit le quatrain suivant :

Mademoiselle Elisa Moyroud
Route d’Evieu à Morestel
Sans contours ni débrions
Vers le pont.

Ce qu’elles ont dû rire toutes deux en inscrivant cette préface !
Un débrion c’est un contour, en patois, donc plus qu’un contour, un tournant de Chez Nous, un virage en plaisanterie, un croc-en-jambe au chemin, une cabriole, une galipette !
Suivent les chansons : Les femmes des mobilisés, Margot la blonde, La dentellière de Bayeux, Sous les rosiers ... Des pages manquent. La table des matières porte en 11 le nom de la chanson “ Marcelle ” Quel dommage qu’elle ait disparu !
Quel tardif reflet dans la glace !

* écrit en 1993

23 mars 2011

la glace 2


Avant sa mort, ma mère me l’a offerte et comme je protestais qu’elle pouvait encore s’en servir malgré les autres reflets qui s’étaient installés dans la maison, elle insista pour m’en transmettre sans attendre la valeur en même temps qu’elle offrait à mon nouveau logement une présence attentive à mes soins de beauté. Encouragement pour une solitude qui m’apprendrait à me voir, à m’observer sans complaisance ni coquetterie, transmission de femme à femme pour une indépendance toujours à conquérir.
Elle l’avait achetée, cadeau du cœur qui ne sait que faire afin d’arrêter l’horreur, pour l’offrir à sa douce amie qui s’en allait de tuberculose. Cette amie n’aurait pas le temps de devenir sa belle-sœur, mais elle l’ignorait encore. La glace ne dépassa pas le papier-cadeau qui la protégeait. La mère d’Elisa, ma grand-mère paternelle donc, barra le chemin à la glace, l’empêcha d’atteindre sa destinataire, c’est tout ce qu’elle pouvait faire pour protéger encore sa fille. “ Il ne faut pas qu’elle se voie, elle comprendrait ” dut-elle dire à Maman et Maman affolée et désespérée, repartit avec son offrande inutile.
Le secret n’avait jamais été brisé. Jamais dit non plus avant ce jour de transmission solennelle, près de soixante ans après. Et l’émotion fut grande entre nous de tout cet arriéré de tendresse et de malheur à dévoiler. La glace continue donc chez moi à perpétuer le regard sur la vie, l’exigence de foi nécessaire pour nourrir chaque matin la conviction qu’il faut continuer encore, qu'on peut encore y croire.
J’ai accepté le don.
Dans cette glace qui reste mon unique témoin, qui a tout vu de moi, de ma frimousse rougie par le froid, à mes lèvres pincées pour que le sang y afflue et supplèe au maquillage interdit encore, dans cette glace qui continue à me voir maintenant que je décide seule de la couleur de mes yeux et du peu d’importance de mes rides, je n’hésite plus à me reconnaître.
“Glace de la famille, dis-moi qui je suis ! ”

22 mars 2011

LA GLACE 1-


autre objet d'utilité et de mémoire ... la glace de famille ...

LA GLACE

Dans notre “ milieu ” comme nous ne disions pas alors faute de savoir que nous appartenions à un certain milieu, on ne se regardait pas au miroir mais dans une glace. La glace de la cuisine accrochée à côté du compteur électrique sur le panneau de bois.
“ Regarde-toi donc dans la glace ” signifiait très clairement : Considère ce que tu es avant de juger les autres ! Examine-toi sans complaisance et tu sauras ce que tu vaux : peu de chose ou mieux encore “ peu de fait" .
La reine qui interrogeait le miroir, persuadée de la bonne réponse avant même de l’avoir posée : “Miroir magique, dis-moi que je suis la plus belle ! ” n’avait pas comme nous à se soucier de la soupe du soir et du « qu’en dira-t-on » du voisinage. Elle avait aussi bien du temps de reste pour s’interroger. Nous, nous "passions devant la glace" pour trop de luxes pour ne pas nous réjouir du court instant d’intérêt qui nous ferait nous rapprocher de notre image et nous ne perdions pas notre temps en inutiles questions.
C’est donc dans une glace, LA glace pour sept visages, cadre de bois sculpté, tain sans accroc, accrochée près de la fenêtre que les filles se donnaient le bref coup d’œil indispensable pour fixer correctement la barrette ou le nœud dans les cheveux avant le départ pour l’école, plus tard avant le départ pour le bal, que les garçons à la rigueur quand ils s’intéresseront aux filles interrogeront leur reflet.
Mon père décrochait la glace pour l’installer face à lui, le dimanche, jour solennel du rasage au sabre. La lumière qui viendrait de la fenêtre éviterait la trace sanguinolente sur ses joues et nous pourrions y déposer notre bise sans risque de ramasser une trace rouge.
Maman savait d'un seul coup de peigne remonter son chignon et le piquer d'épingles sans même se regarder, tant le geste était sûr et rapide. Il fallait un grand évènement au-dehors pour qu’elle consulte le miroir.
Glace modeste de dimensions, mais somptueuse de cadre. Glace à la fois quotidienne et exceptionnelle. Il a fallu bien plus de cinquante années avant que je connaisse son histoire et hérite de ses splendeurs et de ses contradictions.

21 mars 2011

ENVIE, DESIR ETC ...


Comme un jet de vapeur qui sort du bec de la bouilloire … désir …ne parle pas, exécute, embarque … hier c’était sur la route en rentrant le coup de volant sur la droite et la brocante remarquée … l’œil attiré d’abord par une chaise dormante juchée sur une sorte de … remorque … branlante la chaise mais intéressante, puis aussitôt, dans une pièce : un bureau, un vrai bureau, de maître d’école peut-être ou de notaire, bon état du dessus, pieds chironnés, large tablette avant le plan incliné … Plan incliné, bureau : voilà l’amorce d’une explication au désir soudain de l’acquérir, les mots mêmes utilisés le matin dans la phrase pour évoquer le petit bureau du matin, le plan incliné du matin … le prix est soldé, 40 euros au lieu de 60, je ne résiste jamais à l’occasion qui passe. Evidence, j’achète, je retiens, il sera livré lundi prochain … cela ne prend guère qu’une dizaine de minutes … qu’ai-je à faire d’un tel bureau et où vais-je bien pouvoir le loger ? bah ! aucun remords, le jet s’est envolé et la bouilloire chantonne …
Comme une légèreté nouvelle qui me vient sur le tard …
De quel désir le GRAND bureau va-t-il combler la béance ? De quelle imagination va-t-il assouvir le vaste projet ? sous le hangar ou dans la salle à manger pour ranger les pinceaux ? pour une brocante future rempli d’histoires à revendre ?
Un bureau en bas, un bureau en haut ! bureau à chaque étage comme un jet de vapeur jailli du bec de la bouilloire … bah ! ça ne brûle pas ! c'est l'printemps !

19 mars 2011

Il suffit ...


"il suffit
sur la pointe des pieds que passe l'églantine
pour absoudre la terre"
Anne Perrier

Il suffit d'une phrase
tournée vers le soleil
pour le voir se lever

pour que le matin leste
se dresse sur ses pieds
plein de promesses de prouesses

il suffit d'un écho pour que mon chant s'élève

écho ! ohé !
Merci à la voix morte
mais encore immortelle
pour le don d'aujourd'hui

Merci à l'églantine
rose du jour présent,
de son ciel bleu, de son ivresse
sobrement recueillie
et merci au printemps.

18 mars 2011

lllustration ...


Alforville le le 2 septembre 1939


Ma petite femme chérie
Ça y est je susi pris dans le pastis général. Ce matin nous nous sommes présentés à Vincennes et tout de suite on nous a affectés au 13i R.A qui est disséminé à Alforville. Je suis à la 4 i Bie qui est dans une école maternelle, et en ce moment je t’écris sur un petit bureau de gosse, le papier provient d’un cahier de préparation trouvé dans un placard, je n’ai pas encore d’enveloppe mais je vais me débrouiller. Il paraît que nous ne partirons d’ici que dans 4 ou 5 jours. Je compte quand même aller à Fontenay laisser les clefs à Lucienne ce soir ou demain et il faut que je me débrouille, j’ai encore quelques affaires à prendre. Pour l’instant c’est la pagaille on ne sait pas encore ce qu’on a à faire exactement.
En arrivant au fort de Charenton j’ai rencontré Eugène Decourty qui lui allait à Vincennes pour la réquisition. Il faut conserver le bon moral, moi je l’ai, il faut que tu l’ais aussi mon amour.
Je t’embrasse bien fort de tout mon cœur ainsi que le petit poulet. Ecris moi toujours chez Lucienne

Ton chéri qui t’aime pour la vie.
R
****
Sète ce 2 septembre 1939

Je viens de recevoir ta lettre à l’instant et je suis étonnée que tu n’aies rien reçu de moi. C’est la 3ième lette que je t’écris. Ici tout est bien calme et papa ne part pas. Jeannou, lui, a eu son fascicule changé ce matin, il ne partira que le 27ième jour de la mobilisation.
Le petit bonhomme va bien, aujourd’hui il n’a pas eu de diarrhée verte, j’espère que ce sera fini pour cette fois.
Comme tu me le dis j’envoie cette lettre chez Lucienne qui te la fera parvenir si tu n’es plus à Vincennes. Ecris-moi vite pour que je sache ton adresse comme tu le penses j’ai hâte de savoir où tu es et ce que tu fais.
J’ai su ce matin par la mère de Rose Caussel que Germain était à Rethel et s’il y a un coup dur il sera aux premières, Paulette reste à Mèze et n’a pas demandé son changement c’est tout à fait normal avec le petit. Mais je n’ai pas d’autre nouvelle, elle n’a pas écrit, pas plus qu’Emy.
Je ne vois pas grand chose à te dire. Je t’envoie une photo du petit. Tu me diras si tu en veux d’autres.
Mon cousin Pierre est arrivé ce matin avec sa femme et la petite. Il part demain au centre mobilisateur de Montpellier.
Je vais sortir un peu le petit car il fait aujourd’hui très chaud.
Je voudrais être tout près de toi pour te dire mon amour et t’embrasser tendrement.
Je n’ai encore reçu aucun colis mais ce sera sans doute pour lundi.
Le petit poulet t’embrasse ainsi que toute la famille.
Je t’aime de toutes mes forces et je voudrais t’avoir tout près pour te donner mes plus tendres baisers.
Ta petite M

17 mars 2011

les pas du passé


te rejoignent toujours
au moment où on s'y attend le moins
là, sur l'étagère du haut du placard le plus discret, le plus utilitaire, celui des chaussures dans le WC
attendaient, fermées dans leur boîte poussiéreuse enveloppées de papier décoloré
les lettres des deux jeunes mariés et parents de 1940

la dernière esquisse sur l'album avant qu'Elle s'en aille

le jour se fend
comme un noyau de pêche
amande amère amande
un oiseau passe
l'air tremble un peu plus fort
ce n'est rien
que le rire en pente
des morts
( Anne Perrier 1960 1986)

16 mars 2011

à tout coeur !


Oui coucou enfin, enfin raccordée !

A propos de cœur trouvé celui-ci, hier, sur le pavé de Montpellier et tout mouillé !

Il y a de pauvres cœurs
Transis, mouillés, sans pudeur
Que faire pour les réchauffer ?
S’arrêter.

Il y a des cœurs si gros
Que l’on entend leurs sanglots
Dans la foule ou le métro …
Que faire pour les consoler ?

Leur parler.

Et si mon cœur devait battre
En grand cœur aristocrate
à la fin de mes pénates
Euréka !

L’écouter !

11 mars 2011

la vieille ...


qui rêvait d'amour ...

Tous les jours je pense à la mort
tous les jours un peu plus fort
tous les jours à dieu ne plaise
je prépare mon enterrement
et je laisse à mes enfants
bon souvenir de leur mère
( enfin ! j'espère !)
Cependant tout en pensant
je ravaude mes refrains
j'invente des chansons à boire
je prends mon bol de grand air
et je file à Vancouver
Si j'ai l'temps !

10 mars 2011

histoire comme ça

Plantations de printemps

Chaque année, en Avril et Juin, c’était plus fort qu’elle : elle plantait. Il lui fallait planter.
“ La terre est basse” soupirait-elle, à chaque raie que la pointe de son piochon creusait dans le sol meuble qu’elle avait bêché, pioché, ratissé de ses propres reins et épaules. Mais, chaque année, elle reconnaissait à la terre le droit d’exiger que l’on se courbât devant elle. Son piochon doucement suivait le cordeau, se reculant un peu plus penché à chaque sursaut. A l’arrivée, elle se redresserait, elle savourerait le coup d’oeil sur les raies bien parallèles et elle ouvrirait le paquet de petits pois de sa poche.
Pourtant, cette fois-ci, elle avait beau fixer la trace en train de se faire, beau récapituler fièrement les quatre rangées de radis dix-huit jours, les deux de scarole, les deux de Trévise, les cinq de Nantaise améliorée, elle se sentait moins faraude qu’à l’habitude, comme si un regard sur son dos courbé le faisait piquer encore plus vers le sol et lui gâchait la conversation avec la terre.
L’air était doux, les hirondelles refaisaient leur nid dans la grange, elle était chez elle : qu’est-ce qui se passait ?
Au bout du rang elle se redressa pour interroger le buisson, le ciel, la maison sur les raisons de ce malaise.
Elle l’aperçut derrière la haie.
Elle laissa tomber le piochon, s’essuya les mains à la blouse et s’avança à sa rencontre.
“ Entre don ! Le portail est pas fermé.”
Elle ajustait ses pas, ni trop rapides, ni trop lents pour l’approcher sans qu’il se sauve.
Des années, des années qu’elle attendait ce moment ! Si longues qu’elle ne se souvenait plus du nombre ! Si dures parfois qu’elle ne les traversait que par l’espérance de ce moment et la certitude qu’elle saurait le saisir.
Le pauvre ! Il ne pouvait pas se sauver. Il était là raide comme la justice, planté sur ses béquilles. Elle se rappela l’opération récente dont les filles lui avaient parlé. Il avait dû s’en voir pour se traîner jusqu’ici. Entre leurs deux maisons au moins cinq cents mètres.
- Veux-tu t’asseoir ?
Elle se sentit vaciller sous son regard tendu, avide. On aurait dit qu’il allait l’avaler toute crue. Comme il avait maigri ! Ses traits était creusés par la souffrance. Un peu de plus, elle ne l’aurait pas reconnu mais son petit doigt lui disait qu’elle le reconnaîtrait toujours. Sa tête avait blanchi comme celle de son père - Tout-de-même ! Il aurait pu se faire couper les boucles, toujours aussi folles, qui lui tombaient sur le cou et le front -
C’est bête, elle n’avait vraiment pas prévu ça : elle se mit à pleurer. Il aurait bien fallu des béquilles à elle aussi pour s’appuyer. Mais - Naturellement! - les opérations, les béquilles, les visites des filles, le jardin qu’on fait à votre place : tout ça, c’était encore pour lui. Elle songea à lui en faire le reproche.
A la place, elle lui tendit son mouchoir un peu terreux et les rigoles sur leurs joues, comme les raies ouvertes par le piochon, semblaient prêtes à planter. Du coup elle eut envie de rire. Ce n’était pas le moment : elle se retint.
- Rentrons ! Nous serions mieux à la maison !
Ils avancèrent d’une même démarche cahotante Il fallut encore franchir les trois marches du seuil en s’appuyant l’un sur l’autre et sur les béquilles.

Soudain, pendant qu’elle s’affairait à préparer le café, une inquiétude la traversa. Elle se retourna d’un bloc.
- Qu’est-ce que tu veux ? Hein ? Qu’est-ce que tu veux ?
Plus de vingt ans, peut-être trente qu’ils ne s’étaient ni regardés, ni parlé, à plus forte raison ni donné le bras. Les enterrements des parents, les naissances des petits enfants, 9 maintenant depuis le mois de Janvier : rien, pas un mot, pas le moindre petit bonjour. “ Si tu passes la porte, c’est comme si tu étais morte” il avait dit. Elle avait passé la porte quand même.
Et aujourd’hui il était venu, comme il avait pu, sur ses quatre jambes.
- Qu’est-ce que tu veux ?
C’est par cette petite phrase pointue qu’il avait accueilli toutes les tentatives de rapprochement - au moins pour les petits si c’était pas pour elle!- et voilà que la petite phrase pointue s’était jeté sur sa propre langue sans qu’elle y pense mais maintenant qu’elle y était, elle la répétait âprement. Oui ! Elle franchirait le regard apeuré. Elle descendrait dans le puits de sa violence à lui. Elle lui ferait avouer ce qu’il voulait, ce qu’il était venu chercher si tard. Elle materait en elle cette pitié qui l’avait jetée à sa rencontre, cette tendresse intacte qui lui avait tiré des larmes des yeux. Elle qui croyait ne plus en avoir.
- Qu’est-ce que tu veux ? Dis ! Qu’est-ce que tu veux ?
Elle exigeait.

Il retrouva son souffle, sortit de son silence stupéfait devant cette colère qu’il n’avait pas vu venir , comme si la colère avait changé de maison elle aussi. Il dit lentement :
- Rien ! Je veux rien ! Je voulais seulement te voir.

“ Quoi ? Me voir ! Tu pouvais pas me voir plus tôt ? Tu entasses des jours et des jours de brouilles, des 365 nuits et des 365 nuits à nous morfondre chacun dans un lit vide. Tu montes les enfants contre moi. Tu essayes. Au moins tu essayes. Tu me laisses me débrouiller toute seule avec le jardin, les terres. Tu viens même pas me voir à l’hôpital quand j’ai failli y rester de mon cancer. Tu ne m’as jamais rendu le service en porcelaine de Limoges de ma mère. Et maintenant que je suis vieille, que tu peux plus arquer, tu veux me VOIR. T’as retrouvé tes yeux !”
Elle ne dit rien de tout cela. Elle servit le café. Elle regardait les grandes mains osseuses qui brassait le sucre dans la tasse avec cette lenteur nouvelle, si étonnante chez un tel homme. Elle se sentait revenir à la vie.
Après le café elle sortit les petits verres pour les cerises. Il prit quatre cerises mais refusa la gnole.

Ils recommencèrent à causer.
- Moi, des petits pois, j’en mets plus. Je peux pas les digérer.
- Moi, j’en mets toujours. Au congel, c’est meilleur et ça va plus vite que les bocaux. Et puis ça amuse les petits de les dégrener . Ils aiment bien.
- Oui, je sais. Ils m’y ont dit. Ils me disent tout. Je pourrais venir vous aider à dégrener.
On ne savait pas si c’était une demande ou une promesse.
- Ta terre est bien prin. Ils vont pousser dru tes petits pois. Tu as toujours un beau jardin.
Allons ! Elle le savait ! Il avait pu fermer les yeux sur elle mais pas sur son jardin. Elle l’avait toujours su : un jour cette tête de bois franchirait les cinq cents mètres et passerait la porte en sens inverse.
Mais tout de même, plus de vingt ans, bientôt trente, pour se décider !
Serait-il encore capable de poser sa tête sur son ventre, en faisant semblant de ronronner ? Et elle, capable de caresser la tête du vieux matou ?

08 mars 2011

mots poids plume


« Le poids des mots devient vite celui des plumes au vent. Qui ne connaît plus le sens des mots a beau parler beaucoup, il ne parle de rien. »
Que voilà belle citation de Claude ROY ( Permis de séjour) qui me tombe sous les yeux tout en tentant d’approcher les étagères du haut par escabeau interposé ;
La phrase descendue à niveau révèle des entourages intéressants mais je l’abandonne telle quelle à vos méditations, politiques, économiques, sociales, voire ontologiques …vous n’aurez pas de mal à l’illustrer d’exemples.
Mais pour nous évidemment, blogueurs conséquents, la citation ne vaut pas.

Et je m’en vais au vent douillet qui m’emporte
Cueillir ( sans aucun mot d’aucune sorte)
le soleil à ma porte

à vous revoir !

07 mars 2011

ELOGES


ELOGES
1- pendant que deux petites filles font une « grimpade », ainsi qu’elles l’ont annoncé, le vent se sent tenu de dire « chut ! »
2- Alors l’oiseau, lequel ? pie grièche, pic vert ou gris ? ne contient plus son enthousiasme. Sur deux notes stimule le vent « Chut ! » et « Encore »
3- Le grand chien noir racé, planté sur hautes pattes-pédigree déboule. Un ballon projette sur son nez l’appel du maître
4- L’épilobe a choisi le vide le plus fertile au pied des longs feuillus … si longs que l’épilobe et ses petits s’en tordent le fuselage
5- Un autre chien, les yeux cernés de blanc, traverse au bout d’une laisse, le champ virtuel du premier. Lequel aboie ? Le ciel les gronde tous deux
6- Irruption des Indiens … mais pourquoi du sud-est ? Mystère de petites filles télévisuellement commandées à distance
« Venez ! Montez Indiens ! Si haute que soit la colline, elle n’atteindra jamais votre espérance ! »
7- Éloge à dire le soir à Trois Pucelles qui veillent peut-être, en silence, sur la promenade des chiens, la grimpade des filles, l’élan irrésistible des indiens …

03 mars 2011

fondu enchaîné

en compagnie de Solange( le blogue de grand-mère) lire SE FONDRE DANS LE DECOR
la peinture est de ses soins, la capture de ceux de Pierre
et le texte joint de votre servante ...
un super bonheur de composition via Internet


" se fondre dans le décor


Essai. Acrylique sur toile cartonnée.

Se fondre dans le décor

Je cherchais quels mots mettre avec cette peinture différente pour moi. Puis, j’ai lu sur divers blogues des textes sur « se fondre dans le décor ». C’est une expression qui me va bien. Je ne fais pas grand bruit, j’écoute beaucoup, mais je n’éprouve pas le besoin de parler.

Parler dans un groupe, c’est de l’ouvrage. Il faut se lancer pendant que l’autre prend une respiration, tenir son bout pour ne pas être coupé, parfois être attaqué, se confondre en explications, etc.

Cela me demande trop d’effort, j’aime mieux me fondre dans le décor."

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la frondeuse de fond du décor

Elle aimait mettre ses deux mains
A la pâte de toutes les couleurs
A tous les mots de son chagrin
Comme à tous ses petits bonheurs

A force ses mains se firent belles
Du souvenir de tant d’années
Surent construire ou caresser
Aussi bien les nids que les ailes

Mais elle ne s’était aperçu
Qu’à se fondre dans le décor
Tout en reluquant vers les nues
Elle avait ramené à bord

Tant d’idées neuves sous son chapeau
Tant d’histoires dans son escarcelle
Que les pies et les étourneaux
Faisaient la ronde autour d’elle

Et que les couleurs forcément
Enlacées dedans ses pastels
Froides et chaudes en même temps
Riaient de la voir éternelle

01 mars 2011

quand un coeur ...


Quand un cœur … apparaît sur un volet et est photographié par une amoureuse amie attentive …

Quand Fanny
Site https://sites.google.com/site/associationquandfanny

au petit déjeuner
s’invitent ensemble
il me vient l’idée de tresser des cordes entre l’un et l’autre, l’une et moi, de peindre le volet de mots en couleurs

Un cœur

sur le volet penché
demande l’ouverture
Ohé ! ohé ! ohé ! je suis un cœur perdu
J’ai tant besoin d’apprendre le pourquoi de ma rue
Fanny qui le regarde, éblouie du miracle, n’ose encore l’appeler
Et si elle se trompait ? Et si ce coeur passant n’était pas pour ses charmes ?
Et puis elle est si vieille ! Ses printemps sont finis
Qui se souvient encore de cette autre Fanny qui riait sous la tente ?
Qui avait boucles blondes, jambes lestes et encore
tant de rêves à filer dessous le sycomore
dans la cour au soleil quand Juillet se fait tendre.
Les voisins de Fanny revenaient d’une gare
incertaine où trouver la faim et la pitance
Ils entendent parler les deux cœurs dans le noir.
lls remarquent Fanny derrière le volet clos, immobile en son lit
Ou plutôt l’imaginent. Pour la première fois ils acceptent qu’un volet de bois plein puisse ouvrir
Sur l’inconnu d’un autre qui ne veut pas mourir sans avoir dans ses bras serré toute une vie.
Ils acceptent d’ouvrir à côté de chez eux une fenêtre neuve.

Un coeur
Ombre discrète et lumière reflétée
Claire-voie de printemps sur l’âge projetée
Un seul cœur et plusieurs
Qui puissent encore
AIMER