Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

20 février 2016

les oranges sur le quai


Les oranges alors n’étaient que pour les riches

Si bien empaquetées que, même du regard,
Les gamins faméliques n’en voyaient la couleur.
La veille de Noël les mères, les nourrices
Tentaient d’imaginer comment les faire tomber
D’un arbre prolifique jusque dans les souliers.
Sur le quai les dockers gardaient la cargaison
Pas besoin de fusils, de lances et de piques
La loi dessus les têtes suffisait à proscrire
Et bien mieux que des chaînes protégeait le navire.
Voiles et cheminées au fin fond des ruelles
Afrique, Amérique, tropiques et oranges
Étaient des mots abstraits comme sourire d’ange.
Jusqu’où sont-ils allés ces ballots légendaires
Jusqu’en lointaine Hollande ou prude Angleterre ?
Il ne s’en souvient plus, il a tout oublié
le vaillant capitaine au fond de la tranchée
Immobile dans la boue en attendant les Boches
Il tient entre ses doigts, surgie de quelle poche ?
Une peau craquelée, orange de mémoire
Lui parler lentement d’improbable victoire
déchargement des oranges Port de Sète Anonyme

15 février 2016

encore la colombe !

si rapide l'alouette
qu'elle attrape un coin de ciel
pour le porter plus loin
le jour de la St Valentin

14 février 2016

brin de chanson

Ah ! retrouver la chanson bien douce

La chanson vague sur la mer
La chanson feu des soirs d’hive
La bonne chanson familière
 
Ah ! quand le chemin s’allonge sur le tard
Ah retrouver son pas et peut-être l’espoir
Au rythme d’un refrain accrocher ses semelles
Au pas d’un rigaudon trouver la ritournelle
 
Ah voyageur sans bagages
D’un train fantôme sur un quai désert
Retrouver la chanson douce et familière
La chanson vague sur la mer
La chanson feu des soirs d’hiver
 
Et puis s’en aller prendre l’air !

13 février 2016

st Valentin



L’amour te regarde
Il te fait les doux yeux, tu as baissé la garde
Tu as tout oublié des anciennes blessures
Et, neuve comme un sou, tu pars à l’aventure.
Tu le vois dans le ciel, tu le vois au jardin
Et riche de ses dons, tu donnes à pleines mains

12 février 2016

une phrase


A plat sur la nuit avec des chaînes d’or aux pieds
marche une phrase belle
Comme une femme elle avance
avec des chaînes d’or aux pieds
Elle ne sait pas si la nuit sera assez grande
pour acueillir son roulis de marcheuse
Elle ne sait rien des villages à traverser
rien du monde nouveau des carrefours
Mais elle avance
Elle marche. Elle met un pied devant l’autre
cette femme obstinée
Finalement
 parce qu’elle est belle
belle de cette obstination
belle de cette espérance de lumière
belle de ce bruit de chaînes qui tente de transmuer en musique
les aspérités de la route
                           la nuit s’entrouvre pour la laisser passer.
Et derrière elle dans son sillage volontaire
comme sur un promontoire
on voit jaillir des mots qui brillent et étincèlent
des mots de farandole en goguette
des mots de gloria de gloriette
Sous l’orphéon des mots éclate une fanfare
La phrase belle un à un les recueille
prend par la main ces mots de rien
porte les plus petits sur ses épaules
cale à sa hanche les plus légers

Le jour se lève.
La phrase les dépose
au point du jour comme en un grand panier

09 février 2016

reste du jour


Ce qui reste à la fin du jour
Parfois caché dans les chaussettes
Est-ce un louis d’or, une violette
Ou simplement un mot trop court ?

Trop court d’avoir manqué d’audace
Pour se poser bras grands ouverts
Entre la serviette et la tasse
Pauvre chat miaulant sous l’hiver

De ce mot tronqué sans retour
Rien ne sert de sonner trompette
À ce louis d’or dévalué
Rien ne vaut que donner congé

Garder seulement sur l’oreille
Et sous les yeux la violette
Même fanée d’un jour gagné
Tout bonnement à respirer

07 février 2016

las ...


Je ne t’aime plus comme à fend la bise

Tu ne m’aimes plus comme à deux battants
L’été est resté coincé sous l’hiver
La joie se ballade seule sous les tourments

Des mots ribambelle s’en vont à la queue
Leu leu ou la la Lison ou Suzette
Je ne m’aime plus transie sous la couette
J’ai mal à mon âme et j’ai mal aux pieds

Bref ! il n’est qu’un mot qui pleure en sourdine
C’est un verbe tû, un  verbe tué
C’est un verbe clos derrière la grille
Dépêchons-nous vite de le libérer

Pauvre verbe aimer

02 février 2016

et vogue l'aventure !


et vogue l'aventure !

à chaque jour renouvelé
le bateau part à la dérive 
est-ce le moment d'accoster ?
celui de laisser là la rive ?

sans bateau pas de soleil du large
sans voiles pas de vent du matin
sans toi de regard pour le suivre
sans lui de départ vers plus loin

monter à bord  seul ne demande
que de garder le coeur marin !