Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

28 février 2011

mains


Quoi de mieux quand neige revient
Qu’un poème ancien

Dans le vieux livre essoufflé
Cueillir une cheminée

Caresser de main rêveuse
La reliure amoureuse

Et piocher comme au jardin
Un poème-mains
****

Les mains que je vois en rêve
Faire signe à mon destin
M’ont promis des roses brèves
Et des lys lointains

Les mains que je voudrais miennes
Pour leurs gestes inconnus
Ont des bagues anciennes
A leurs doigts menus

Les mains qu’il faudrait aux fièvres
De ma bouche et de mes yeux
Sont plus douces que les lèvres
Et caressent mieux

Quand j’ai cru les reconnaître
Ma vie a toujours douté :
Hélas ! elles n’ont peut-être
Jamais existé.

Mais pour avoir rêvé d’elles
Un soir, il y a longtemps,
Je leur suis resté fidèle
Et je les attends.

Henri Speers

27 février 2011

deux pies


Elles vont et viennent tout près de nous, derrière les vitres.
Se posent sur leur arbre préféré, un peu plus loin, là-bas …
Toujours par deux. L’ageasse et son mâle ?
Des jumelles ?
Une s’envole, l’autre la suit. L’autre revient, l’une aussitôt
à une seconde de différence.
Suis allée les rencontrer dans le dico :
Je connaissais leur bavardage, n’est-ce pas ainsi que l’on me nommait !
Je connaissais leur « dérobage », je me souviens d’une incursion dans la chambre pour me piquer ma bague de mariage
Blanche et noire, immobile ou en vol, je comprends mieux la robe pie bicolore des vaches au pré.

A les regarder se mouvoir, souveraines dans l’air, je vois s’incliner sur leur grâce, pour les imiter, des légions de beaux messieurs qui portent plastrons et queue ( de pie !)
Pie grièche : j’adorais ce mystère. Grivoise, rêche ? Mais non ! encore la pie que je suis, que je fus, qui est « difficile à supporter, pénible ! »
Bah je m’en moque ! des étymologies baroques !
C’est Papa qui m’a baptisée. Et lui savait ce qu’il faisait ! ne se lassait pas de m’entendre jaser.
La pie Lazuli c’est moué !
Ohé les pies devant ma fenêtre portez-vous bien jusqu’à ce que je revienne !

25 février 2011

UN LIEU

Il est un lieu où flûte de pâtre ose sa transparence" ( Edouard Glissant)



Je viens d’éteindre la bougie
Le soleil luit

Sur la chanson chantée hier
flotte un vieil air

Dans le sillon que j’ai planté
J’ai écouté

Monter la sève du printemps

Il est grand temps de continuer

24 février 2011

c'est pas rien 3


Aimer servir ... parce que depuis qu’on est sur cette terre, on sait ce qui nous reste à faire : le pâté de lapin, les pets de nonne, les œufs à la neige surtout, pour l’anniversaire de Marcel, celui qui marqua l’arrivée du printemps 1934.
Donner aux poules, donner au cochon, donner aux vaches, aux chiens, aux chats ...
“As-tu donné aux bêtes ? Je vais te donner ton goûter ”
Et puisque la pluie vient de s’arrêter, filer au jardin constater les changements, arracher là un ravon, ici un péopat, se mettre à quatre pattes, à cacabouson, pour éclaircir les semis ; empoigner la bêche, le râteau, le pique-feu, la triandine
fore couère ... S’empillyir ...
Aider, “ donner la main. ”. Aider les voisins qui en retour vous rendront service, payer les services en œufs, en fricassées, en fleurs ... En quatre mots lancés par-dessus la haie ...
Aider la nature, le temps ... Se couler dans les interstices du temps, des choses, pour les mieux accueillir, pour leur rendre leur poids de plaisir et de vie ...
et ça, d’année en année,
C’est pas rien !

Peut-être qu’en reprenant ces pans de mémoire vive, qu’en allant glaner ces traces de toi comme tu m’envoyais glaner sur le champ de blé, juste après la moisson, cette poignée d’épis pour les poules, afin que pas un épi ne se perde ... peut-être que j’essaie, définitivement, ou une seule fois à la fois de plus, d’habiter mes foyers de mémoire
peut-être aussi que je ne fais que t’imiter ...

Tant qu’on peut ... Pas don ! À quoi ça servirait de rester lali lala avec un nez bouché, de faire la bobe au mauvais temps, de regarder n’importe quelle cucuterie à la télé hein ma Cucute ?
À rien !
C’est pas rien Maman la vie. Nous ne sommes pas “ peu de fait ” encore moins des riens du tout, nous, la Gie et toi, ma Maman, nous sommes des petits morceaux de Bon Dieu tombés en terre Dauphinoise par pur hasard mais ce langage, ces mots installés en nous, par héritage, par autres hasards, par écoles successives, c’est pas rien d’avoir voulu et réussi à le mélanger à notre sang, à nos cellules pour, chaque jour, le faire intrinsèquement nôtre, le définir de notre propre manière ...
Mais oui ! Il y a de quoi en être fières !
Nous sommes QUELQUE CHOSE“ QUOQUORIN ” et là, tu ris, tu appuies sur le patois lourdement pour se moquer de lui et pour le faire chanter. Volontairement tu t’en empares ; tu fais de “ ton lot ”, bénéfice. Et à force de faire quelque chose tu es devenue quelqu’un. Et pas n’importe qui !
Oh ! C’est pas rien la Marcelle ! Et ça, au-delà même du quartier, tout le monde le sait.
Le savait.

23 février 2011

c'est pas rien 2


Va chercher ! Va chercher !
De l’eau au Rhône avec ton panier ...
C’est presque naturellement, de lui-même, que le premier cahier de chansons est venu se loger dans mes mains ce matin
- et ça, c’est pas rien, hein ma Gie ?
C’est pas rien ce qu’on fait toutes les deux !

Non ! Maman, c’est pas rien de remplir toutes ses journées de tant de travail ; c’est pas rien de faire à manger tous les jours sans en négliger un seul ; c’est pas rien une tartine de ton beurre du lait de tes vaches, recouverte de chocolat râpé ! Du pain de ta moisson et du Papa !
Et c’est même drôlement bon !
C’est pas rien de traire les bêtes matin et soir, l’hiver les engelures aux mains font si mal, et ces moments à la cuisine où les mains viennent se réchauffer dans l’eau chaude cuisent à en hurler mais on ne peut travailler avec des mains gelées ou dans des mitaines, et le froid mord si fort ...
C’est pas rien d’aller de l’avant avec un corps qui renâcle, qui s’épuise, qui n’aspire qu’au repos mais qui, vaille que vaille, ira encore au boulot parce qu’il est dirigé par un esprit de commandant, de général des armées de terre ...
C’est pas rien de s’extasier à chaque naissance, de regarder sa fille comme si elle était la Sainte Vierge et même son gendre, ce brave homme, comme s’il avait été pour quelque chose dans l’avènement du divin enfant ...
C’est pas rien de s’occuper d’un petit-fils, puis d’un autre avant de repartir à l’écurie ou au jardin, de leur préparer un bon petit-déjeuner, de les laisser dormir tout leur saoûl alors qu’il y a tant d’ouvrage qui attend et qu’ils pourraient d’ailleurs en faire leur part ces grands dadais, ces gognans mais les temps ont changé, les gones ne travaillent plus maintenant ... On n’ose plus rien leur demander...
C’est pas rien de regarder tomber la pluie en profitant de l’accalmie de travail au dehors pour rehanter une paire de bas, de mettre une pièce à un vieux drap avec couture, anglaise ou rabattue je ne sais plus faire la différence, mais j’ai reconnu les coutures, son aiguille, sa main, lors du grand nettoyage de placard d’après sa mort ; un drap de plus dans l’armoire, ça peut toujours servir, même aux enfants devenus vieux qui n’ont pourtant plus de souci à se faire pour se payer des draps de dessus, de dessous ... Il paraît même qu’on n’en met plus ! Des couettes, ils disent ! Ah ! les temps changent ...
Servir, servir à table, servir à vie, servir la vie ... Servir son homme, servir ses enfants, ses petits-enfants comme on avait servi ses grands-parents ...
Sans se raconter des histoires pour faire plus joli, sans faire la bobe, la bobèche, sans se raconter des daraisons, des niaiseries ... Sans gnusseyer, perdre son temps
Non par humilité, mais par générosité pure et simple

22 février 2011

c'est pas rien ... 1



* je cherchais la chanson de (du) coeur et suis tombée sur Ce texte vieux de 9 ans

Je convoque les morts ; j’explore les albums photos ; j’envoie à Féodor les images les plus significatives de son allure( ma mère), de son visage, de son sourire, avec celles de Papa. J’espère que Féodor qui ne l’a pas connue fera surgir de ces moments saisis par l’objectif un portrait ressemblant. À charge pour vous, lui ai-je écrit, de les faire revenir.
J’écoute et parle avec ma sœur Yvette au téléphone qui me demande de mes nouvelles post-opératoires. Je ne lui dis rien de ce que je suis en train de faire en compagnie de notre mère, d’Antoine son mari décédé l’an dernier
de Lise, de Papa,
de Ninis, ma marraine, encore vivante
du Père Cachard, de Roger Colas, tous deux “ partis ”
mais la voix de ma sœurette, aimée maintenant sans soubresauts, sans crainte ni jalousie, m’aide à retrouver les pistes du passé.
“ Le chemin est en nous, nous sommes notre chemin, notre progression vers l’avenir ne serait en fait qu’un retour aux sources ; passé et futur ne sont qu’un même inconnu auquel tantôt la mémoire nous ramène, tantôt nous pousse notre soif de savoir ” (Jabès)
Dans la quiétude de la maison fermée sur mes soins de restauration nasale, avec des éclats de soleil et de neige qui y entrent, je visite, non pas une fois de plus, mes envoûtements de terre maternelle mais une fois nouvelle, une foi nouvelle. Peut-être pas la dernière, mais celle, apaisée, où tout peut se dire, peut s’écrire ...

21 février 2011

coeur à coeur


C’est un cœur.
Il repousse la glace par tous ses ventricules et ses oreillettes
Il l’embrase, il l’embrasse
C’est un cœur au milieu du torrent
Au milieu de l’hiver
Il obtempère et il renâcle
Il ne se soumet pas au diktat du temps, au gel des sentiments
Il fait ce qu’il peut

C’est un cœur vaillant et amusant
C’est un cœur en marche dans le sens du courant

Quand je l’ai découvert je n’avais rien pour le photographier
Je suis revenu le voir, deux semaines plus tard
Il battait toujours
Il avait même agrandi son aire de battage
J’étais heureuse de le retrouver à la même place …
Et je lui ai chanté ma chanson ...

NB Le torrent en question s'appelle l'amour, on peut vérifier à Villard de Lans en Vercors. Il y a un pont de l'amour indiqué sur pancartes, c'est de ce pont que j'ai attrapé le coeur au lasso !

07 février 2011

faut rigoler 4 ou 5


Hello Bidule
Comment qu’tu bulles et déambules
Quand la nuit crache ses poumons ?

« alle s’appellait Rose
Alle était belle
Alle sentait bon la fleur nouvelle
Rue St Vincent … »

J’on mal à ma souffrance
J’on mal de la penser
De l’écrire
D’y souscrire
C’est qu’à minuit passé et trépassé
Tout comme ma mère et ma belle-mère
N’allez pas m’dire à c’t’heure
Qu’elles furent heureuses d’aller aux fraises
Grâce à quoi elles n’ont rien senti
Moi je prétends qui les regardais faire
Qu’elles en ont souffert comme les pierres

Allez Bidule je t’en veux pas
A quoi ça sert
Qu’ tu sois Jésus, Allah, Bouddha
T’as tout de même pas que ça à faire
De nous tenir tous dans tes bras
Jusqu’à c’qu’on chante Alleluia

06 février 2011

NOUS /PAS ENCORE ...


6 fèvrier

entendu à la radio : « Chaque JE est en grande partie un NOUS »:

Regard en arrière sur le 4 fèvrier
Je marche sur le sentier, temps vif, bonnes jambes, beau silence sur les prés, les arbres, le moindre brin d’herbe qui se dresse, givrés. Zut ! l’appareil photo ne se déclenche pas. J’ai dû oublier de le recharger. Quel dommage avec ce soleil qui commence à émouvoir le givre et ce ciel qui bleuit tendrement !
Une silhouette emmitouflée va me croiser, ne serait-ce pas J ? Mais oui c’est bien elle. Privée de photos elle aussi ( sans doute le trop grand froid qui bloque les appareils). Il y a bien longtemps que nous ne nous sommes pas vues mais le récit coule de source …
NOUS marchons maintenant dans le même sens. Nous donnons le même sens à notre marche. Elle préparait en marchant sa conférence sur « Comment entrer ou rester en relation avec des personnes désorientées ou confuses ». Moi, je venais juste d’inscrire sur une carte postale dans ma poche ce qui me trottait dans la tête en pensant plus spécialement à Rose et à la toute petite Mm D., de la maison de retraite, à leur sourire d’enfants, à leur présence chancelante dans les couloirs … J’avais envie de les revoir … de retrouver des forces neuves au contact de leur fragilité et de leur acceptation du Grand Age. Car c’est bien ce qu’elles m’avaient donné : du bonheur.
Nous pensions toutes deux à plus vieux, plus désorientés que nous, ceux que l’on appelle gentiment « les personnes dépendantes. » Gentiment, ou économiquement rentable ?
Et l’essentiel de nos pensées se sont transvasées sur le paysage. Et le paysage a traversé notre regard. Et ce n’était pas triste. Et nous pouvions nous dire l’une à l’autre que nous les aimions ces plus vieux encore, que nous aimions la vie sous toutes ses formes … et je pouvais sortir de ma poche ma carte postale interrompue

Nous ne sommes pas encore comme eux
Pas encore ridés d’autres failles
Pas encore guidés d’autres yeux
Lavés d’autres mains, criblés d’autres grenailles

Mais nous nous entendons déjà
À travers leurs rires qui s’écaillent …

04 février 2011

EAU de ROSES


Les roses roses, les roses blanches
Les roses blanches, les roses noires
L’amour s’en vient en avalanche
Et c’est en poussière qu’il repart

Et c’est en poussière qu’il repart

Les roses roses, les roses rouges
Et les joues roses, les joues en feu
L’amour ne sera pas farouche
Si nous jouons à être deux

Si nous jouons à être deux

Métaphores Roses Métamorphoses
S’il reste encore sur le rosier
De quoi trinquer avec les choses
De quoi troquer nos vieux souliers

Pour des ailes roses à lier

Alors reprenons de la prose
Scintillements et falbalas
Je sais qu’il faudra bien qu’on ose
Accrocher des roses au lilas

Au fond de l'eau est une rose
c'est ce que nous chantait Lorca

et dans la rose une rivière ...

02 février 2011

CHERS NOUS


1-MATINALE

Jean Pellerin, Jean Pellerin
Pour la gloire j’ai pris le train,
Mais chanteur ivre de lumière,
Je suis tombé par la portière :
Et me voilà sur le talus,
Là-bas le train ne paraît plus,
Et je goûte, suave étude,
Les roses de la solitude.
TRISTAN DEREME

Cité dans la préface du livre de Jacqueline de Romilly pour en justifier le titre.
J’aimerais que cette MAMIE EN ROSE dont je dis ici l’émergence dans mes neurones ait le même courage que celui de Jacqueline de Romilly, le même sourire devant la vie qui reste, la même confiance dans les yeux même fatigués, même aveugles …
La même abondance sur sa table que sur la vôtre. Il y a tant de roses, de nuances, de variétés, sans compter les hybridations. Du boulot sur la planche à pain !
En plus ( quand on lance un projet, il vaut mieux en assurer avec des ficelles, mêmes grosses, la sûreté d’exécution ) je rajoute la ténacité de ma marraine en préambule ( Pré en bulles roses évidemment !)
Son cri de victoire jusqu’à 103 ans « FAUT RIGOLER ! »

Oh je sais il n’y a pas grands motifs d’éclater de rire quand l’Ankou chasse sur nos terres, la brume encercle la maison. Mais avec un peu d’efforts et des moyens de chauffage, le tic tac de la pendule, la bougie rose d’émoi mais filant la métaphore jusqu’à son terme, je sais ( je crois … peut-être … enfin ben oui, ben non) que Mamie Rose va parvenir à se marrer un peu avec vous autres, chers Nous que j’aime autant que Moi m’aime !
Et je fais confiance au Pot Aime (hum !)


NOCTURNE

Cette trace inconnue qui de ma MAIN précède
Ce lever de ce jour qui ne saurait tarder

La COURBE est le meilleur moyen pour y aller

Des MOTS reprendre la gouverne
Tout en laissant l’esprit dessiner le chemin

Bien sûr angoisse sourde et arrêt sur image
Tant de mots inutiles, tant de COULEURS blessées !

Confiance au vent ! Paix sur la terre
Hommes et femmes de meilleure volonté !

MEILLEUR (e, s) est bien ce mot choisi pour qu’il appelle
Et je laisse ma main doucement le courber