Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 septembre 2014

Autom'halles


ce dimanche écriture sur une proposition. les Autom'halles à Sète mêlaient la littérature à l'Italie

La petite mémé Reposo

        " Avec le début du jour nouveau la vie se mit à animer les jeunes pins et les sveltes silhouettes du cyprès. La colline dominait le paysage, un décor sauvage qui, sur une distance de deux kilomètres, descendait vers la mer immobile en cette aube estivale."

         J’étais donc là, bien là, comme je l’avais voulu, inscrite sur la carte d’identité dans ma poche, assise sur un vieux tronc contemplant le paysage. Svelte et enracinée comme les pins, immobile et changeante comme la mer, à l’aube de ma vie et son accomplissement. J’attendais Sophia. Sophia Loren. Elle viendrait dans sa splendeur de chevelure,  l’opulence de poitrine,  la  longueur des jambes, le rire vainqueur. Elle arriverait sans mirages, sans effets cinématographiques, nue, réelle, tangible.
Mais alors que je cherchais  son apparition sur la colline, sur l’eau, sur le vert espérance de l’Italie toute entière offerte en cette aube d’été à travers les cyprès, c’est la petite mémé Reposo qui remonta à la surface des choses. Elle, dont je ne me souvenais plus du prénom mais dont j’entendais clairement le rire argenté, gamin, inépuisable. Elle, la petite souris dévouée qui trottinait de la cave  à la cuisine, disposait les assiettes, laissait à Tonio le soin de verser le chianti, déposait le plat de spaghettis débordant sur la table et attendait debout derrière son homme que nous soyons rassasiés.
Elle de la dolce vita véritable. Douceur et force, dévouement et gratitude. À l’aube de ma vie, vers mes douze ans, elle m’avait communiqué l’audace de vieillir, la joie d’être reconnue comme femme, la paix des braves et la fierté des humbles.
Elle m’enveloppa  de la longue nappe crochetée de ses mains que j'ai toujours à la maison. Enfin je pus lui dire Merci, à la façon qu’elle aimait et nous nous sommes mis à chanter  de notre commune langue patoise abolissant la frontière :
« on zo on piti piémonto
grivolave à ma pourta …

09 septembre 2014

DANSE


Danser sur l'herbe
assurément c'est mieux que devant le buffet
La maîtresse de danse  en rouge sur l'image
directement arrive depuis la capitale
d'un royaume ensablé dans ses contradictions
(Russe pour tout vous dire)
Mais au gré de la danse
nous lui ferons la grâce d'oublier tout cela

Danser sur l'herbe
fleurie de quelques pâquerettes
quelle que soit la saison
c'est affaire de préceptes
autant que rigaudon
Or donc
dansez ! danse ! dansons !
un joli mois de juin
dans l'espace encore libre !
Que les pas nous délivrent
des noeuds et des baillons



06 septembre 2014

de la perte ...


J'AI PERDU MES LUNETTES
J'ai perdu mes lunettes
en passant par les bois
J'aurais bien dû les perdre
une autre fois
car en passant la tête
à travers le feuillage
je n'ai pas reconnu
le maître d'équipage

Croyant donner à Louis
Mon coeur et ma valise
En fait je perdais
mon temps et ma chemise
puisque sans hésiter
le maître d'équipage
a envoyé les deux
derrière son bastingage

Sitôt que j'entendis
la pie du voisinage
crier qu'elle avait pris
les boutons du corsage
et qu'elle ne les rendrait
à moins qu'on n'la pendit
qu'en mains propres et lavées
en prime à mon mari

Je me sentie perdue
en plus de mes lunettes
Je me sentis volée
en plus de ses chaussettes
Mais quand sur mes yeux clos
mon maître d'abordage
posa ses papillons
je n'eus plus peur d'l'orage

Et myope je perçus
mieux qu'avec des lunettes
la proximité tendre
et la sagesse experte
Depuis moi je vous l'dis
quand vous croyez tout perdre
surtout ne cherchez pas
plus longtemps la p'tite bête.


05 septembre 2014

la reprise !




Par la fissure des mots je laisse s’échapper
la vague vague-à-l’âme qui dès le premier jour
est venue me chercher.

Je  tente du mystère d’arrêter le parcours
pour mieux l’apprivoiser.

C’est là, dans l’interstice, le fragile passage
dans l’interrogation permanente des sons
que j’ai pour habitude de retrouver la trace,
découvrir la chanson …

Et forte de ma quête, libre de mon audace
bercée par le roulis et posée sur la page
il m’arrive parfois, un jour ou une nuit,
un siècle, une minute
de tenir dans ma main un mot frais comme une aube.

Il laisse refermer les bords de la fissure
sur le calme olympien, sur le bleu de l’azur

À cet unique mot contenant tous les autres
Je dois de mieux dormir, de respirer plus fort
Et de danser ma vie sans souci de la mort