Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

28 février 2012

Fil de l'eau 2


A la base nautique
Et sur l’étang de Thau
Il y a des moustiques
Bronzés comme loustics
Il y a des bateaux
Silhouettes pathétiques
Il y a des grues perchées
Qui ne sont pas cendrées
Et bien sûr il y a
Depuis quelques minutes
Un nouveau capitaine
Sa fille et son gendre
Sa copine attitrée
Ils vont partir ensemble
Sur la mer calmée
Et l’étang apaisé
Jusque Z’en Amérique

27 février 2012

fil de l'eau


Sur les remparts de St Malo
Impossibilité du ciel à descendre jusqu’à nous …
Nous à monter vers lui …
Il suffirait pourtant de faire la courte échelle à nos désirs
Désirs de crayonner l’instabilité des nuages
L’immortalité de notre regard …

25 février 2012

ROGER BERNARD

« Je vais vivre.
Je vis !
Je vis
Sur l’éternelle joie vivante de mourir !

Prononce le mot joie ;
Mon souffle s’écourte maintenant.
Je commence à tout gagner. »

Roger Bernard. Le moulin du Cavalon,1943


« Le moulin du Cavalon. Deux années durant, une ferme de cigales, un château de martinets. Ici tout parlait torrent, tantôt par le rire, tantôt par les poings de la jeunesse. /…/
Roger Bernard : l’horizon des monstres était trop proche de sa terre. Ne cherchez pas dans la montagne ; mais si, à quelques kilomètres de là, dans les gorges d’Oppedette, vous rencontrez la foudre au visage d’écolier, allez à elle, oh ! allez à elle et souriez-lui car elle doit avoir faim, faim d’amitié »
René Char
***
Mon cher petit-fils

À toi qui t’intéresses aux poètes et à la poésie vivante, toi qui risques parfois une phrase pour capter la réalité du monde sous le ciel et la profondeur de l’eau dans ta pensée du matin
Voici cette note de lecture
Les poètes, les vrais, comme René Char que tu étudies et ce Roger Bernard inconnu aujourd’hui, savent allier l’engagement total et la ferveur des mots justes ajustés à leur parole vibrante.
Le 22 juin 1944, au cours d’une mission de liaison, près de Céreste, Roger Bernard ( il avait 23 ans) tombe aux mains de Allemands, qui, après l’avoir questionné, le fusille sur place.
En 1945 René Char publiera quelques-uns des poèmes que ce jeune homme lui avait montrés au maquis. René Char, le capitaine Alexandre, en était alors le " patron".
« ceux qui ont souffert ne parlent plus.
(et ceux qui ont la joie : silence.)
/…/ »

Je suis heureuse Siméon que nous puissions nous rencontrer sur cette terre de poésie que j’aime à fréquenter si souvent. Je te promets qu’elle te donnera bien d’autres joies et étonnements que ceux d’aujourd’hui.
Et je fais mienne la conclusion du poète Roger Bernard
« un baiser
et que la paix soit dans tes yeux ! » ( R B)

24 février 2012

cadeaux


*trouvé ce matin dans la malle aux souvenirs cet "exercice" en groupe d'apprentissage du français pour étrangers.
Ceux qui avaient beaucoup perdu étaient capables de m'offrir en couleurs et en écriture ( ma transmission respecte leur orthographe !) ...
30 ans après j'en suis encore toute revigorée

Je te donne
une montre
un avion
des roses
un devoir
une villa
cinéma
l'amitié
rose noire
rose rouge
rose poire
en cadeau
un bouquet de roses rouges
un disque de Mozart
je suprime le souci
et je donne l'amour
dans un paquet cadeau
une montagne de bijoux

et à vous, passants de ce jour, j'offre en photo le pot de narcisses offert par Minou. Autre richesse de coeur et d'esprit immigrée en France pour partager les hivers et les printemps avec nous

23 février 2012

pas envie !


J’ai pas envie
pas envie d’écrire à la pelle
Ni même à la petite cuillère

J’ai pas envie de sortir d’ici
Ni même de sortir du placard
J’ai même envie de rien du tout

J’ai pas envie de r’prendre du service
Dans les allées des jardins clos
Mère, grand-mère, femme, fille itou

Pas envie d’aller sur les pistes
Même pas envie d’aller du tout

Suffirait p’têtre que j’me secoue
Au moins que j’me secoue les puces
Allez ! à mon commandement
Secouons notre tempérament !

Secouer la neige sur le palier
C’est un bon début pour trouver
La pièce en dessous du billet

21 février 2012

quand c'est si beau


que le soleil brille, que la neige étincelle, que tout le monde a bien dormi, qu'à côté japiote un garçon nommé Matis en train de jouer avec son père aux cartes sur le tapis, que Yves my dear nephew a laissé sur l'écran une photo précédente d'un autre beau jour
... laisser filer un alleluia

"Le présent est l'origine
il est comme l'oeil
qui voit et ne se voit pas

le présent est ma demeure
mais qui l'habite
toujours un volet bat
/.../
Bernard Noël

je vais aller fixer au mur le volet qui bat
alleluia

19 février 2012

reflets et sillages


enregistrée sur mon ordi sous le numéro 2000
merci le hasard des nombres et des gouttes

et jet d'encre



le texte :
me suis levée au bord de la rivière
me suis couchée dedans le lit de l'eau
et j'ai tant bu qu'aux rives de mes lèvres
ont ruisselé plus d'un petit ruisseau

Jeu de gouttes



je suis installée sur la véranda. C'est le dégel. J'ai entrepris de calligraphier sur un tableau à l'huile un petit quatrain précédemment imprimé. Pour ne pas me tromper j'ai posé le papier à ma gauche. Des gouttes ruissellent du toit sur le double vitrage et avec le reflet s'inscrivent sur le papier. C'est beau non ? Cependant je poursuis ma copie sur le tableau après un petit coup de flash

16 février 2012

Bah !




Je ne peux apercevoir quelque chose à terre sans la ramasser, l’explorer, la ramener à la maison et l’utiliser. Long atavisme paysan : tout ce qui tombe du ciel est béni !
Par ailleurs la sophrologie me recommande l’inventaire de cinq bonnes choses par jour. Toujours par la même formation terrienne j’assimile le mot Choses, au pluriel, à du concret et du solide.
Hier c’était donc, sur la neige, la prudente descente vers le sentier, pour y prendre successivement : 1- un crayon gris, 2-une sucette rose d’enfant, 3-une carte de circulation à ski de fond dans le Mercantour, 4-un tube de crème au chocolat reconstituant.
Quatre seulement ! le chien n'a pas voulu lâcher son ballon rouge !
Qu’à cela ne tienne ! Aujourd’hui j’entreprends d’utiliser le crayon ( la crème est déjà mangée, la sucette en porte-bonheur au bas de l’escalier, la carte à la poubelle …)
Las !

Je croyais avoir trouvé
Un crayon sur la chaussée
Mais ce n’était qu’un bâton
Nom de Nom !

Un cadeau du ciel gelé
Afin de bien réchauffer
Mes mots et mes sensations
Nom de nom !

Quand je l’ai eu retaillé
De l’un et l’autre côté
Il me disait toujours Non !
Nom de nom !

Alors j’ai pris mes pinceaux
Pour étaler mes soupçons
Et rassurer mes principes
Nom d’une pipe !

15 février 2012

des fleurs vite !


la neige tombe, tombe et s'écrase, monte en hauteur ... demain matin elle aura recouvert la maison
c'est le moment de faire appel aux fleurs pour annoncer le printemps.
sur le balcon les géraniums, les clivias, ont gelé malgré le chauffage
sur la table les narcisses en pot offerts par Minou ( authentique prénom persan) éclatent en boutons frais
Minou ( la chatte) ronronne à qui mieux mieux dans mon dos, elle a sauté sur ma chaise : elle vient de manger ses croquettes, elle vous communique son contentement

il paraît que cette fleur cueillie dans ma collection s'appelle Vierge.
Au revoir ! à demain peut-être ...

14 février 2012

comme je voudrais ...


Comme je voudrais
la nuit
poser ma tête sur l’oreiller
et m’en aller sans elle
Elle est si lourde
Elle est si pleine
Oh revenir bien sûr
Ne pas quitter la barque amarrée
Faire cadeau aux étoiles
de ce qu’elle a gardé
des repas du dimanche
où on se chamaillait
mais où dans les assiettes
le fricot était bon
et Maman reposée

Le temps s’en va
Le temps s’en est allé
Comme je voudrais
du temps
Ne garder que les miettes
ensoleillées

13 février 2012

paysage intérieur

derrière les décombres ...


Le paysage, la plage, la mer, un bateau qui passe .. ;
Le paysage est là, devant elle, immuable et changeant. Immense et circonscrit à son regard : la mer, le ciel.
Calme, tangible, à toucher de la main et des yeux, à respirer à longues lampées solides … à en prendre plein la vue, à s’en remplir la panse, ad vitam eternam. Fugitif et donné.
Un bateau passe sur LA mer, c’est LE bateau de l’instant et du jour. Qu’importe d’où il vient, où il va . et Elle, qui est aussi sur le bateau vogueur, sur la plage en exil. Toute et une. Multiple et unie. Enfin !
N’attendant rien et prête à tout accueillir.
Enfin.

11 février 2012

le monsieur


Quand nous passons à la ferme, le monsieur est accroché en l'air à une échelle : deux moitiés plantureuses, dans la température ambiante c'est-à-dire moins 8. La chaudière à cuire le boudin laisse échapper sur le bord du fossé gelé sa petiote musique de fumée.
Dans l'atelier installé dans un bâtiment fermé, les pro de la découpe sont à l'oeuvre. Le chef est en train de tester de la louche portée en direct à ses lèvres l'assaisonnement du sang frais. On me propose d'en faire autant. Non ! merci !
Je ne trouve pas mon appareil pour fixer la scène mais je reviendrai le lendemain ! promis ! pour récupérer l'andouille qui m'est offerte.
Le lendemain le monsieur dépendu et au chaud est prêt pour la découpe et la transformation en saucissons, saucisses, andouilles. l'andouille qui m'étais offerte vient d'un précédent crime sur un précédent cochon. Celui-ci affiche modestement 160 kg.
Contente d'avoir assisté à la perpétuation des coutumes. La crise financière ici est arrêtée, la campagne politique ignorée. Seuls comptent la parole précise et compétente, l'appréciation chaleureuse des petits bonheurs de la vie paysanne. Ma mémoire émue
fait son petit tour du côté de l'enfance, le temps où je portais dans le panier recouvert d'un linge blanc, la fricassée aux voisins.
il en aurait même une pour le maître d'école, pas dédaigneux ces jours-là de communier à notre culte ancestral

10 février 2012

à bise que veux-tu pas



tandis que souffle la bise
( la bise, celle qui mord les doigts)
à la Loue la neige est grise
et l'arbre niche sous mon toit

Tant qu'à réchauffer sa chemise
mieux vaut un que deux tu l'auras
et dormir en faisant la nique
au froid
chez Monique,

Monique, la tant chaleureuse
que neige fond entre ses doigts
et papilles gonflent de plaisir
dans la bonne soupe aux pois

07 février 2012

à toi !


A toi qui aimes les frimas
et tradéri déri déra
à toi qui sue sous ton burnous
à toi qui cherches de partout
de l'eau pour préparer ton thé
j'offre la fontaine gelée
elle coule pourtant par dessous
prends-en exemple et tiens debout !

A toi qui voudrais te pencher
j'offre le bec relevé
à toi souvent tenté de taire
tes remords avec tes colères
j'offre une rose bien dressée
vers la lumière et la beauté
rose du vent chargé de pluie
rose de neige gonflée de ris

de ris, de rivages, de source
de confluents et de rivière
de remous fous et de secousses
d'attente nue et de prière

et tradéridéri déra
et tradéri déri des ris
des cris plus forts que la tempête
des pleurs étouffés par la fête

06 février 2012

la souris grise ...


C’est une souris d’montagne
Une p’tite ronde pas fûtée
Qui s’en va-t-à la ville
Pour se désinhiber

D’un mouvement facile
Elle quitte ses bottes fourrées
Mais part à la godille
Sur des talons perchée

Quitte itou ses mitaines
Sa culotte en pilou
Enfile robe de panthère
Affriolante et tout …

Et tout et tout elle tente
Pour séduire quelqu’ beau rat
Qui lui proposera
D’habiter sa soupente

Mais pas d’peau ! la souris
Sur le trottoir espère
Rate le train pour Cythère
Fatigue ses abattis

Remet ses bas de laine
Pas si folle la Madeleine
Et sans perdre le quart
Reprend l’car pour Villard

Quand elle arrive enfin
Elle retrouve ses potes
Elle joue pas au plus fin
« Eh Saperlipopote !

-Disent les gars amusés-
T’es plutôt plus gironde
T’as pas à avoir honte
Fallait bien essayer !

Et t’es plus dégourdie
Renfile-toi donc les skis ! »

C’est une histoire banale
D’une souris de montagne
Qu’aurait pu tourner mal
Une histoire d’aujourd’hui
Qui r’ssemble comme deux gouttes d’eau
à une très vieille histoire …

05 février 2012

du soleil à la lune



du soleil en bourgeon qui s'élève au dessus de la chaîne de Belledonne et le double vitrage ( hé ! moins 20 ce matin vers 8 heures

à la lune presque pleine au-dessus du Taillefer vers 17h 15

03 février 2012

bulletin psycho-météo



« Sur le blanc chemin
Tout blanc de neige blanche …

Mais oui elle avance la vieille dame !
Deux bâtons de survie, une chanson d’accompagnement, les moufles doublées du Québec inusables, les bottes fourrées et ferrées, dans les poches du falzard de ski : les boules de graines chaudes …équipement ad hoc d’une montagnarde professionnelle avertie.
Tiens au fait ! c’est à cause de Michèle qu’elle avance toute chaude de plaisir dans le froid blanc et mordant ( eh ! moins 12 quand même) les boules à chauffer au micro onde c’est elle, Michèle, la lettre familiale annuelle guillerette, c’est encore elle et la diffusion dans les globules et les neurones continue après la lecture d’il y a un instant …
Elle s’est mise en chemin pour aller récupérer ses lunettes oubliées hier au soir chez les Golton. À cinq mn si elle pouvait prendre le raccourci en sautant par dessus la haie mais … point trop d’exploit ma belle par le temps qu’il fait …
Il fait le temps ! il fait ce qu’il peut pour qu’on s’intéresse à lui. Il y parvient très bien ; c’est un heureux temps que le temps des grands parents, le temps des voisins, le temps des bonheurs de rien et de tous …
C’est quoi là-bas côté Est ? Le soleil ? la pleine lune givrée ?
Comme c’est beau ! c’est super ! c’est génial « j’suis géniale ! je vais bien ! je vais drôlement bien ! j’avance ! »
Le chemin, la petite vieille, l’harmonie complète et totale ! tout en route tout en chemin tout en traces sur la neige … ça marche !
Beware ! la pente hallucinante des Golton à la montée, à la descente, à prendre en douce, en chasse-neige, en biais …
Et ces Pucelles toutes empaquetées de blanc. Pas géniales les Pucelles ? wonderful ! somptuous ! fabulous ! delicious ! à photographier sous cet angle, sous ce manteau, à peindre juste ce qu’il faut pour qu’elles s’immortalisent … pas maintenant ! par la mémoire uniquement !
C’est comme les jambes, la mémoire : ça marche en avant !

Par le long chemin
tout blanc de …
( car elle a pris maintenant le chemin du retour, le grand tour, le grand tournant) le soleil, c’est bien lui ! jaunit, puis disparaît à nouveau ; le petit vent grignote ce qu’il peut du visage à découvert à coup de piqûres taquines …
vite ! la maison ! ouf ! la voie du thé !
il était temps.

Le temps le temps le temps n’est rien au au tre
Le tien, le mien celui qu’on veut nô ô tre …

02 février 2012

hiver


Je mourrai en hiver
Ça c’est bien décidé
J’ai horreur des cimetières
Et n’y veux point t’aller
Si donc j’m’fous par terre
Sur une plaque de verglas
On rira aux éclats
Ce qui serait vraiment super
C’est sûr Vu qu’en été
Les risques sont limités
Je mourrai plus tranquille
Plus docile et mobile
Si les copains sont là
À se fendre la poire
Et à me ramasser
Chacun entre leurs doigts
Donc par ce testament
J’affirme mes exigences
J’aurai bien de la chance
Si vous obtempérez
Débrouillez-vous quand même
Et même quand même pas
Pour qu’je meure en hiver
Et qu’on entende le glas
résonner sur la neige
qui étouffe nos pas …

01 février 2012

le pou de Turlendu 3-


On a beau dire, Mesdames et Messieurs, que la nuit porte conseil, je n’en suis pas si sûre !
A quoi ça peut bien servir - à qui ?- que je la raconte jusqu’au bout cette histoire ? Le pou est mort, la poule idem, le cochon de même, la vache semblablement, Turlendu pour finir …
De toute façon avec votre Internet vous vous l’êtes déjà transmise dans la nuit. Vos e mails qui font du 100 à l’heure et même davantage, l’ont dispersée aux quatre coins du monde. Avertis de tout, vous l’aviez deviné la suite avant même la fin.

La fille, mes pauvres petits, la malheureuse fille, a bien vieilli. Des fois sa mémoire se sauve comme le loup qui a mangé le nez de ce pauvre garçon. Le nez d’abord, la raison dans la foulée … et, en fin du compte, qui l’a emmené au cimetière.
On a beau dire, personne ne peut rien contre le temps qui passe, pas plus que contre les démons de la vourientise, de la bêtise, de l’accaparation …

Mais ça fait rien je voudrais quand même conclure.

DEUXIEMEMENT : D’un côté :j’avais raison de vous faire peur de l’avenir. Ne croyez pas mes enfants qu’on peut IMPUNEMENT troquer une poule contre un cochon, un cochon contre une vache, une vache contre une fille, en se croyant le plus fort, en se montant le bourrichon jusqu’à penser que des coups de chance pareils ça ne s’arrêtera jamais.
Ne croyez surtout pas qu’avec de la colère, de l’intimidation, on peut faire trembler les braves gens jusqu’à ce qu’ils vous donnent leur chemise, jusqu’à ce qu’ils s’arrachent le pain de la bouche pour vous.
Turlendu aurait dû le comprendre à temps. Mais il était lancé. La préfecture avec la progression des exemplaires : 20 pour la poule, 30 pour le goret, 40 pour la vache … lui avait tourné la tête. Il n’avait plus de bon sens. Et le préfet lui-même qui voulait profiter de ce grand dadais pour montrer la montée du sens des affaires sur le plateau, la loi du marché triomphante jusque dans les campagnes profondes, hein le préfet ! il aurait bien pu réfléchir un peu tout seul sans les communications de ses communicants en communication. Sans la télé, sans la presse régionale et internationale, la floppée des images, le tintamarre des sons, le préfet, dites-moi un peu, il aurait pas pu faire attention et se la fermer à temps sa grande … bouche ?

Mais, d’un autre côté je n’ai pas été plus maline que le préfet, je n’en suis pas plus fière que ça d’avoir survécu à l’histoire même quand elle a mal tourné.
Et c’est pour ça que je dors plus la nuit.
J’imagine … je pense … je peux pas me faire une raison.
Si au lieu de me laisser enfermée dans le sac pendant que Turlendu allait déclarer sa vache, de me laisser conduire chez le philosophe, le soi disant philosophe, pour me faire garder, je m’étais débattue, j’avais flanqué des bons coups de poing, j’avais - pourquoi pas ?- usé de mes charmes, parlé tant et plus qu’il serait resté KO sur le carreau, mon gros couillon de Turlendu … à l’heure qu’il est, nous aurions une nia de petits enfants pour nous distraire à la Noël.

Mais j’ai rien fait. J’ai laissé le soi disant Philosophe enfermer le loup à ma place. Je suis rentrée chez mon père, bien contente du tour qui se préparait. J’ai même informé Tuène, la Maria, le Glaude, le maire, le curé, Mr Eyraud notre instituteur, tous, pour qu’ils soyent aux premières loges. Tous ! on a attendu le résultat en ricanant. Tous ! on s’est pas demandé par exemple pourquoi, déjà à l’école, Turlendu n’était bien qu’avec son pou.

Bon ! voilà le jour qui vient. Il faut que j’aille traire mes belines. Je m’en vais boire le café.
J’ai déjà dit mes prières pour ce pauvre Turlendu.
Pardonnez-moi si j’ai été un peu longue. Ça m’a fait du bien de parler.
Faites bien attention mes petits. Tous les jours que Dieu fait, faites bien attention !