Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 octobre 2015

le fruit accordé


Le fruit accordé


C’est le contraire d’un fruit défendu, tu cherches des équivalences, c’est un fruit inconnu soudain qui passe à portée de ta main, qui se montre, devient visible.
Au départ tu t’interroges : «  est-ce un fruit, un ballon ? » Tu penses à ces pelotes de crêpe que ton père ramenait de l’usine : les semelles de crêpe inusables avaient remplacé les semelles de cuir à ressemeler dans les années cinquante.
Le fruit te présente maintenant un intérieur éclaté après que tu l’aies essayé en ballon et montre des sortes de graines.
Tu le rencontres à nouveau le lendemain. Pas de doute possible ! ils sont si nombreux les fruits que tu regardes l’arbre de plus près, élève ton visage vers ses frondaisons d’automne, aperçoit, tout là-haut, un ballon similaire, un autre un peu plus bas. Et puis voici l’évidence de la chute d’automne, rassemblée dans la gouttière une collection de rondeurs verdâtres, mordorées.
-       le connaissez-vous ?-
-       no ! I don’t known
et de questionnement en questionnement, de visiteurs en visiteurs, tu reviens vers le guichet d’entrée où la préposée n’attend que de répondre aimablement en précisant l’orthographe :
Oranger des osages pour l’arbre et MACLURA pour le fruit

... qui espère en demain


Quand la nuit s’interrompt pour chercher un passage

à quelques mots anciens échappés du carnage
Quand la lune renonce à trouver forme pleine
Je sens venir soudain comme un bruit sur la plaine
J’écoute son lointain

Ce que j’entends bien sûr était déjà logé
dans la niche du chien où je l’avais laissé
Mais qu’importe ! j’aime à m’imaginer
Que la nuit s’interrompt pour le laisser passer
ce passé de mots libres de reprendre tournure
Et je regarde rire dans le creux de ma main
le souffle de la nuit qui espère en demain

24 octobre 2015

au p'tit bonheur la chance


Le ciel ne t’attend pas pour corser ses contrastes

N’espère pas du ciel retenir ses faveurs
Mais du bout du pinceau essaie l’invraisemblable
D’un ciel d’un jour, d’une éclaircie, d’une heure
Accordé à ton souffle, à ton œil, à ta chance
Au p’tit bonheur

23 octobre 2015

"l'homme est tout

Si une chose lui manque c'est qu'il ignore sa richesse"  Silesius

Tandis que la lumière sur le bord du matin
tente de déjouer les chagrins de la veille
Tandis que le calame te fait signe soudain
pour affûter tes mots sur la pierre du style
et tandis que le monde roule un tonnerre sans fin
Tu dois prendre l'espoir dans le creux de ta main
pour l'amener plus haut que l'usure de ses lignes

15 octobre 2015

être heureux


ETRE HEUREUX

1
Etre heureux pour la vie
2
Par science
Par calcul

Étonnement
Ivresse
Innocence
Jeunesse
Etre heureux
3
Etre heureux
par amour

Etre heureux
Etre heureux
4
ETRE HEUREUX
Simplement

Comme un grand courant d’air
Qui s’en va balayer les espaces stellaires
5
ETRE HEUREUX
Comme un lierre
Comme un lys
Comme un loriot

6
à chercher vrilles
            trilles
à l’envi
à l’envers
à qui mieux mieux

en large et en long
tout droit et de travers

09 octobre 2015

Chanteclerc


Petit Poussin sort de sa coquille

Sans attendre le codicille
Pousse un premier cocorico

Coq hardi s’exclame en silence
Mesure le nombre de ses chances
Entend l’écho

Déjà sa crête se colore
des premières lueurs de l’aurore
Plaque un accord

Chanteclerc sur le lac des signes
Sur la palette bleue des rythmes
Est le premier conquistador

Puisse-t-il donner à la ronde
L’espoir intarissable d’un monde
Sans regrets et sans chair de poule
Uniquement pris dans la houle
Des gammes, des goûts et des couleurs !


07 octobre 2015

réveil


RÉVEIL


Retrouver au réveil ce miracle de rire

cette rage d’aimer, cette station debout
Qui sait ? Au bout du compte retrouver
dans les bras de ta mère l’étreinte de ta fille

Par quelques mots cueillis dans les fourrés des songes
Oh ! Retrouver le fil de la phrase sans fin
Par ta bouche avaler le sourire du matin
jusqu’à ce que la joie descende en tes chevilles

06 octobre 2015

ce Vent ...


« Ce vent ! » Il pensa tout haut
Il empoigna la boule d’ivoire de la rampe, la quitta, cracha dans ses mains, les frotta compulsivement l’une contre l’autre
Guetta le haut de la cage d’escalier « la cage » il dit. Et d’un seul coup d’un seul il enfourcha la rampe … dévala …
Un grand rire l’accueillit au 9 ième étage.
Au 8 ième madame Michu menaça d’appeler la police, les pompiers : « Intolérable ! un fou ! un fou dangereux ! depuis le temps ! toujours ! à son âge ! »
À chaque passage d’ivoire, il ralentissait, sautait le pas, la rampe, léger, acrobatique, anticipant …
7ième étage Melle Gros-Nichons ! la pauvre ! pas de veine, l’artère fémorale. Tant pis ! on verra plus tard …
6ième Ah non ! pas celui-là ! pas aujourd’hui ! déjà le vent ça suffit ! ça suffit comme ça ! basta ! bastille ! bastingage !
5, 4, 3 ième il eut envie d’un changement, d’une occasion, d’une irruption imprévue ; l’étourdissement, l’implosion ! la panne , la rencontre finale …
2ième, 1er . Il avait fermé obstinément les yeux. Ou ça passe, ou ça casse. Les boules d’ivoire de l’immeuble antique et solennel s’entassaient sous ses paupières. Les houles des années déferlaient sous ses fesses. Y VOIR ! Y VOIR CLAIR ! Y grec ! les points sur les i. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ?
Jusqu’à plus soif.
Et le voilà au rez-de-chaussée, Niveau 0. Il a descendu. Il est descendu.
Tout le monde descend, c’est normal. Glisser vers le haut ? Impossible. Ça n’a pas de bon sens !
Le sens, le sang, le temps … Bout bouillonne brouillon
Il a passé l’âge, le Rubicon Cré Nom de Nom ! Madame Michu pas ce soir pour la soupe ! Nini - Pattes en l’air plus jamais pour la belle braise !
«  le temps s’en va ! le temps s’en va ! …
on connaît la chanson
Las le temps non ! mais nous nous en allons …

Alors les portes palières … 6 5 4 3 2 1 … une à une s’ouvrirent
Lentement infirmiers, infirmières, docteur Michu, Madame Rombière, tous ceux qui étaient au courant et attendaient le moment.Présents.  Très respectueusement. Dame ! ils étaient payés pour ça. Ils ramassèrent dans le drap blanc l’éternel gamin du dixième, le magicien de ses propres années qui avait ce jour-là préféré passer la rampe à sa manière. De l’aube claire au point final.