Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

29 mars 2008

EN AVRIL


DONA QUICHOTTINE, en pensant à toi et te lisant sur ton blog : cet écho ...

« pourtant dans les orages comme dans les moments de satisfaction, la femme cachée continue de veiller sur la magnifique force vitale et elle se démène pour faire savoir qu’au moment même où nous sommes détruites, la reconstruction a commencé. Ainsi cette force intérieure agit comme une grand-mère, la plus grande des grands mères, l’essence de la santé et de la sagesse de l’âme qui nous guide toujours et ne nous quittera jamais /…/
On sent la force et la présence la plus grande des femmes, la vieille femme sage, la grand mère, la plus grande des mères, chez celles qui sont plus ou moins dangereuses, en ceci qu’elles repèrent les idées et les existences dénuées d’âme, et qu’elles ont l’intention de les mettre en péril. On trouve toujours la preuve de l’existence, au niveau des racines, de cette source mystérieuse et sage chez les femmes qui apprennent et veulent apprendre toujours plus, développent leurs visions intérieures, écoutent leur intuition, ne se laissent jamais arrêter ni bâillonner, et qui, face à une perspective prometteuse ou enrichissante, mais intimidante au premier abord, ne vont pas dire « Je n’y arriverai jamais » mais se demandent au contraire : « Quelle énergie je dois déployer pour POUVOIR y arriver ? »
Qu’importe le lieu où nous vivons et en quel état, qu’importe notre mode de vie … nous pouvons toujours compter sur cette alliée suprême, car même si notre structure extérieure est insultée, attaquée, terrorisée, voire pulvérisée, personne ne peut éteindre l’étincelle d’or ni tuer sa gardienne souterraine.
Clarissa Pinkola Estès « la danse des grands-mères
****
:
EN Avril je me découvre de tous mes fils
enfin presque!
mes fils à la patte, mes fils tordus, mes fils emmêlés, mes ficelles, mes filoches, mes sacs et cabas ... Je fais peau neuve

Je pars chanter à la capitale, retrouver les amis, manger à leur table, boire à la source qu'ils me proposent
LE 6 avec Pascale au JAZZ CARTOON 10 avenue Parmentier 11 ième Métro Voltaire
le 12 avec les bloggers conviés par Julie
A vous revoir !

28 mars 2008

LA NEIGE FOND


La neige fond
Les primevères déplissent leur sourire frileux
Et le printemps qui s’enrhumait
Retourne à l’hiver ses atchoums

Une autre fleur
Il m’en souvient
Fit ainsi voler en éclat
La gangue qui n’en était pas …
Dedans ses pétales plaça
Du soleil en long et en large
Puis transforma sa géométrie
Voyons, dit-elle
Si on mettait
Aux palmes des bulles sonores
Des racines au cœur qui s’ignore
Du ciel dans la terre qui vagit
Et le poupon dedans mon lit ?
Si bien qu’à force de changer
De croître, d’embellir, de chanter
La vieille fleu se retrouva
Plus jeune que l’enfant qu’elle était

Quand les fleurs reprennent atours
Les abeilles viennent y butiner

La neige fond
Les primevères
ce matin ont une musique
à mettre l’endroit à l’envers
une larme sous mes bésicles

De joie

Je pense à toi si fort
Que j’oublie le sud et le nord
Et leurs courants antithétiques

27 mars 2008

CHERE JACQUELINE


Chère Jacqueline de Romilly

Je regarde votre regard si doux, si bienveillant et je me sens encouragée à cette écriture dans la nuit qui me soustrait à l’insomnie morose pour en faire une aube volontaire.
Oui, chaque fois que » je prends la plume pour écrire » - formule strictement interdite dans une rédaction scolaire ou toute tentative épistolaire – je m’allège les épaules, je chasse mes nuages.
Votre bouquet de « ROSES DE LA SOLITUDE » j’ai plaisir à le respirer, comme un premier parfum quand on sort dans le jardin au matin.
Vous parlez de vous comme d’une « vieille dame ». J’en suis une aussi. Non parce que je suis en train de passer la barrière des Soixante-dix ans mais parce que je sens ce que vous appelez « les infirmités de l’âge » se rapprocher de moi au point de me toucher aux yeux, aux épaules, dans le bassin. Pourtant – c’est drôle, vraiment drôle !- je sens aussi, parallèlement les grâces de l’âge tenter de m’aborder. Un certain sourire devant la ligne commencée, là, sur la table de la cuisine, à côté de la tisane, votre livre sous mon cahier, ma bouillotte en bas des reins calée contre le dossier de la chaise.
En fait, ma plume est un crayon, un stylomine, ma plume pour écrire, m’écrire autant qu’à vous… il court, il court vite … à son contact ma main retrouve des célérités, des allégresses de petite fille qui joue à la balle.
C’est à cause de vos nouveaux rideaux que je vous écris. Les miens, roses, que j’ai cousus, fixés moi-même et n’en suis pas peu fière, m’invitent très tendrement à me rapprocher de votre chez-vous : l’écriture close sur elle-même. L’écriture à papillons multicolores de la pensée. Car, je ne sais pas si je pense en écrivant mais ce va et vient du crayon gris sur le blanc de la page joint à la bonne chaleur de la bouillotte et de la tisane, me donne tant de bien-être que ma tête chercheuse s’en apaise.
Vous avez donc autorisé des rideaux neufs à votre grand âge. Et de la joie qui en découle je déduis que moi aussi je peux m’accorder bien des privilèges de l’âge. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! j’entends rire ma mère à l’énoncé de ce principe si conventionnel. Et nous faisons donc BIEN chaque fois que nous écoutons le rire prendre possession de nos neurones.
Je fixe un instant sur votre photo en couverture votre collier de perles. Moi aussi j’en ai un semblable. Il y a bien longtemps que je ne l’ai porté. Demain – promis !- je le passe à mon cou … Demain je passe aussi une bague. Je reprends demain mes bijoux ! il me vient une envie de gros cabochon comme le vôtre. Théoriquement il serait bon que Demain soit préparé par une bonne nuit de sommeil mais puisque mes yeux ne veulent pas s’éteindre n’est-il pas aussi profitable pendant qu’ils me servent encore de les laisser surveiller les cabrioles du crayon …
Cabrioles … Cabri … Cabochon … tête de mule.
A la chasse aux mots, à leur cheminement secret dans nos artères, à leur histoire toujours à élucider et à recommencer, que de plaisir à glaner !
J’aperçois dans la liste de vos ouvrages « DANS LE JARDIN DES MOTS » là aussi il faudra que j’aille me promener demain …
Chère Jacqueline de Romilly Merci, merci beaucoup pour le visage souriant à la nuit. Merci pour les bijoux de parure et de parade et Merci pour les mots cousus main qui donnent aux rideaux du temps si tranquille assurance et si belle prestance.
Si douce souvenance du clair pays de mon enfance …
Par la porte de minuit, du 20 Mars au 21

26 mars 2008

NE VEUT PAS Y RENONCER


de l'atelier d'écriture
Ne veut pas y renoncer ? Ni à braver la neige, ni à espérer le soleil. Ni à défendre l'acquis de soixante-dix années ni à envisager de nouvelles envolées dans les nuages. Parapente, avion, bulles de savon : ne veut renoncer à rien de ce qui est volatil. JE ne veux pas sacrifier le reste de ma vie à ces chimères qui m'ont limitée à la peur de vivre. JE ne veux pas renoncer à mes dents : je suis en train de me faire poser un bridge. Je ne veux pas renoncer à écrire, vagues inutiles sur la plage mais vagues dans lesquelles je me baigne. Je ne veux pas renoncer à mes yeux et je photographie tant et tant que les mille photos s'ajoutent aux mille mais c'est comme si j'avais souvenir de toutes quand je regarde à nouveau la rose, la neige ... je viens de lire Jacqueline de Romilly. Quasi aveugle elle célèbre encore de toute son âme la beauté, les mots, l'intelligence, le savoir, la chance du savoir et son application quotidienne. Elle ne veut pas renoncer à ses rideaux neufs qui calfeutrent son plus intime dedans, le protège, le prolonge. Je ne veux pas renoncer comme elle à prévoir l'impossible même au bout du chemin. Je ne veux pas renoncer à ces 300 caractères disponibles. Je pourrais en rester là, les abandonner tranquillement mais non ! j'y tiens, j'y tiens entre les dents, entre les yeux, entre les mains, entre les minutes présentes pour qu'ils me bercent et me cajolent. Je ne veux renoncer à rien de vivant et d'heureux. Je veux tout garder et tout prendre.

25 mars 2008

DIT LE CHEVAL


photo Julie

« Ce soir, dit le cheval et les trolleys chantèrent /…/" René Guy Cadou

J’ai perdu des trolleys la clochette à quatre sous
Du cheval j’ai perdu le mors et le licou
Mais j’ai gardé en moi la toison bleue du rêve.
Il se peut que demain quand j’aurais terminé
Et les labours et les semailles et les baptêmes
La fleur que j’ai voulue refleurira quand même
Et par heureux hasard sur talus protégé

C’est pourquoi Aujourd’hui passe avec les trolleys
Et le cheval hennit en saluant le jour …

24 mars 2008

FEMME, MA SOEUR


Femme, ma sœur,
en rupture d’abandon

Ne jalouse pas ô ne jalouse pas
le rythme nouveau de ma phrase
Ma toute neuve phrase que j’exerce
en même temps que tu risques tes premiers cris

Ne jalouse pas
les quelques mots venus d’hier dont tu ignores le sens
Ne méprise pas leur approche et les pas qu’il m’a fallu faire
pour les retrouver et les prendre

Ose ta danse !

Ne jalouse pas
la fécondité de mon ventre ni les tranchées toujours présentes
ce long enfantement
ces visages donnés au soleil
cette douleur de les garder encore en moi
tandis qu’ils ébouriffent ailleurs leurs cheveux de chevaux

Porte l’enfant de solitude jusqu’à présence dans tes yeux !

Ne jalouse pas
mes quelques souples élégances
le bleu caressé d’une soie
mes ongles ce dimanche c’est si rare
nettoyés de jardin ni ce bijou
parce qu’il me fut donné et que tu le devines
dans l’éclatant regard d’une reconnaissance

Déploie tes fastes ! Enroule tes dentelles !
Prépare tes fulgurances !
Femme, ma sœur, en rupture d’abandon
Ne méprise pas qu’une autre femme aille à l’amour
en robe d’apparat
Vire ! Librement
Et sache reconnaître dans le sévère regard que tu prétends porter
ta pauvre envie de gazelle blessée
Allez ! Pars ! Fais-toi belle !
Je vais être en retard
Avive tes désirs ! Décore tes tonnelles !
Et quand l’heure viendra de ton contentement
sous tes paupières mi-closes et dans tes doux sourires
Reconnais le cadeau que je t’avais laissé
- le seul cadeau qui puisse sans exiger donner-
de m’être montrée telle
qu’à cet instant tu te voulais.

Et cueille tes raisins au pampre de ta vigne !

23 mars 2008

COUSINE PHAGOCYTE


COUSINE PHAGOCYTE

Longtemps après la lecture du blog de Gazou sur certaine cousine en visite, je tourne autour du problème. Car j’ai moi aussi dans mes tiroirs un tel cas. Et ce mot jaillit : PHAGOCYTER. « Elle me phagocyte ». Je ne peux que me le répéter en l’examinant sous tous les angles. Comme la cousine. Comme la voisine. Comme la copine.
Comment échapper au phénomène ?
« PHAGO = Glouton CYTE = cellule, cavité
Processus de destruction, d’absorption d’un individu ou d’un groupe par un autre. »
Le mot convient, bien qu’il ne me dise pas comment affronter le phagocyteur, la phagocytrice. C’est que je la comprends si bien, je la connais depuis si longtemps ! Je sais que son assurance à me désarçonner vient de son propre malaise à vivre. Vivre seule, vivre en marge des vies heureuses qu’elle envie, qu’elle désire, qu’elle méprise. Mon bonheur lui fait mal, elle le juge indécent surtout qu’il n’a rien d’ostensible, il est là simplement sous ses yeux et plutôt que de les fermer elle veut l’arracher aux miens. N’ai-je pas de multiples raisons d’être inquiète, de multiples torts et manquement aux règles de bienséance ? N’ai-je pas de multiples enfants ? de multiples amis qui me font souffrir, qui doivent, qui devraient me faire souffrir ? N’a-t-elle pas le devoir de me le rappeler ? Ainsi, nous sommes attablées devant une belle assiette de nourriture et un verre de rosé, c’est le moment de parler des problèmes de santé de X, des soucis d’argent de Y, des considérations philosophiques qui la font elle, bouleversée par les problèmes de son prochain. C’est le moment de me bombarder de questions sur ma propre attitude face à la souffrance, à la mort, au vieillissement. Pas question d’échapper à l’interrogatoire, pas question de l’envoyer paître … Car le vrai problème de phagocytage c’est celui que je nourris en moi.
Trois solutions mais aucune qui m’arrive dans l’instant même. Je ne les aperçois les dites solutions, je ne les récapitule que quand il est trop tard / Elle a perturbé mon calme, elle a détraqué ma digestion, elle a remis en route la machine à tourments, la sale petite machine à raisonnement spécieux. Elle a, pour tout dire avec élégance, foutu la merde sur mon terrain. Et je me suis laissé faire !
Alors ces 3 solutions ?
- Rire, filer doux, regarder ailleurs ... Ah t’as vu ces rideaux comme ils sont jolis. Non ? trop Violets ? Ah moi j’aime bien, et le rose leur va si bien au teint ? Non ? Les rideaux n’ont pas de teint mais de la teinture, je dis n’importe quoi ? je ne t’écoute pas. Ah ben c’est ça oui ! je ne t’écoute plus quand tu me bassines. Je suis mal élevée hein ! Je suis grossière. Je ne suis pas distinguée comme toi ! Je dis merde quand tu m’emmerdes. Comme ose-je ? toi qui as tant fait pour moi, qui a tant de considération pour ma valeur, toi qui m’aimes, qui ne me veut que du bien ? je devrais consulter un psy, un dentiste, un coiffeur, un kinésithérapeute, le tien qui est si efficace, mais je n’ai pas retenu son adresse, quand vais-je me résoudre à écouter tes conseils ?
- La première solution de la plaisanterie est la même que la deuxième de l’affrontement en direct. Et je n’exerce ni l’une ni l’autre, sauf à bout de patience, quelquefois, sur le vif, c’est-à-dire sur ce qui me complexera davantage après, rabâchage interne sur mon éternelle culpabilité, ma sottise, ma faiblesse congénitale face aux cousines, aux copines, aux voisines de son acabit.
- Non la vraie et unique solution ce n’est pas la prière pour qu’un dieu compatissant nourrisse en moi suffisamment d’amour vrai, de calme profond indéracinable jusqu’à ce qu’elle rentre chez elle et moi chez moi, qu’elle rentre ses pauvres griffes et moi mes déchirures, la vraie solution c’est de dégonfler la baudruche que JE me suis fabriquée.
- Alors j’écris, comme cette nuit, libre, libérée, silencieuse … non pas à elle, elle a perdu ses pouvoirs, elle s’est éloignée suffisamment pour que je respire. J’écris à la nuit que j’ai apprivoisée pour qu’elle me parle à la bonne heure, pour qu’elle me berce quand j’ai mal, pour qu’elle attende le jour avec tendresse. Et même -sait-on jamais ? je suis si avertie maintenant des méthodes - pour qu’elle m’endorme dans ses bras.
- Mais au fait ! je l’ai déjà écrit cette lettre, à elle, comme à d’autres, Pourquoi des femmes toujours ? des mères, des sœurs, des filles ? Des femmes tourmentées pour tourmenter d’autres femmes ?
Heureusement qu’elles peuvent aussi, ces dragons, se changer en bonnes copines, cousines, voisines … Suffit d’un coup de baguette magique … Sur leurs doigts !

22 mars 2008

ELLE VOULAIT VOIR LA MER



« La mer, la mer toujours recommencée …
ô récompense après une pensée
qu’un long regard sur le calme des dieux »

rescapé d’un naufrage
fossile d’un bel arbre
bois flotté sur la plage

la mer qui s’en balance
souligne avec la vague
le silence en rouleaux

et ciel autant que sable
fabriquent des nuages
sculptent des coquillages

silhouette arrêtée
maisons empaquetées
un petit air de brise

l’ombre avec le pinceau

21 mars 2008

LES ROSES JAUNES d'ANNIE


Il y a des roses jaunes
Ce n’est pas contradiction
Lorsque le soleil s’allume
Il en rosit d’émotion

Les guirlandes à la fenêtre
S’appellent bougainvillées
Il m’arrive, par foi, de mettre
Des guirlandes pour lacets



Un bateau ivre en plein ciel
A raison de naviguer
Le chemin sous mes semelles
A bien tort de se presser

En somme : Chacun sa mesure
Chacun ses rêves éveillés
Et pour tous la bonne allure
Suffit pour se rencontrer

20 mars 2008

LES RAMEAUX


« ce dimanche de l’ »ozanne » ou dimanche ozannier est celui des Rameaux. On l’appelle souvent ainsi en référence à l’hosanna, cri d’acclamation du Christ à son entrée à Jérusalem. D’autres l’appellent « Pâques fleuries » ou Pâques de buis » à cause de la bénédiction des rameaux verts. Palmes de palmiers sur les rivages de la Méditerrannée, ailleurs branches de lauriers, de buis, d’oliviers. «
(Comment vivaient nos ancêtre,JL Beaucarnot Ed Lattès)

Depuis mon enfance je pensais que les rameaux ne pouvaient être que du buis que nous allions cueillir chez la voisine. Depuis ce Dimanche à Perpignan je sais que les rameaux peuvent être un mélange d’oliviers, de … heu ! lauriers peut-être, en tous cas autres que le buis. J’ai brisé deux branchettes d’olivier chez Sylvie en prévision de cette bénédiction, sans doute un peu païenne. Pâques coïncidant avec le printemps officiel. Bonheur sur la maison pour quelques gouttes d’eau précieuse. La dame à la boulangerie à qui on fait remarque de son gros fagot de rameaux bénits suggère que « ça été vite fait ! », le prêtre ayant aspergé rapidement et avec parcimonie son bouquet en descendant et remontant l'allée centrale.
La semaine qui suit ce dimanche , « semaine noire » en Limousin, « semaine pénible » dans le Nord, « semaine absolue » en Anjou, « semaine peineuse » ailleurs … dit le livre, ne fut pour moi que consacrée à me réinstaller dans l’habitude de la maison, le froid revenu et pour demain, paraît-il, la neige …
Dans l’église j’ai été sensible au caquetage du fond qui attestait que nous étions bien en pays d’expression volontiers sonore ( catalan que je prenais pour de l’espagnol ), aux petites filles décorées comme des Barbies chrétiennes de rubans et frous-frous roses, attendrie par la tendresse d’une mère dorlotant son gros poupon de neuf, dix ans sans manières ni fatigue, touchée au cœur par la ferveur de la chorale qui portait loin ses voix et son espoir de résurrection. J’ai même aperçu une petite fille portant un rameau décoré de gâteaux. Elle passait dans l’allée, je n’ai pas osé la photographier et à la sortie elle avait déjà disparue. Ma mère m’avait raconté la tradition des « craquelins » en forme de bracelets que l’on mangeait ce jour-là. Il n’y a qu’ici que j’ai vu, pour la première fois, trace du mélange de nourritures spirituelles et temporelles.
J’ai pendu les rameaux d’oliviers et leur double symbole de paix et de renouveau à la porte. Mais je n’ai encore pas commencé le grand nettoyage de printemps, ni fait des provisions pour le dimanche de Pâques.
Les traditions se perdent ! dirait ma mère ...

19 mars 2008

FRUITS DE MER




FRUITS DE MER

Je ne suis pas née au bord de la mer. Longtemps je n’ai connu que les fruits de terre, les pommes, les poires et les scoubidous, quelquefois les fruits de ciel quand j’avais la tête dans les nuages et m’y trouvais bien.
Mais aujourd’hui, je dois reconnaître aux fruits de mer bien des vertus civilisatrices. Autour de leurs plateaux, de leurs assiettes, les visages sont épanouis, les verres tintent. Santé !
Dès l’arrivée au Sud il y a du désir de consommation dans l’air ! oh pas moi ! j’ai eu beau chercher à apprendre à les épeler ces fruits rares, je reste une terrienne incapable de les consommer crus. Cuits, s’ils poussent sur les mouliers, les coquiers, les crevettiers, je les accepte. Avec des frites de préférence. S’ils se mélangent à de la verdure je tente l’aventure ! las ! le soir même je suis malade, complètement malade, et mon organisme les rejette.


Cependant dès l’arrivée à Sète j’ai sacrifié à la tradition. Passant près de leur étal j’ai eu envie de les offrir à mon invitée et nous nous sommes retrouvées Au Flo des Mots, librairie porte-pot, avec le plateau réfrigéré, joliment emballé de papier cristal comme un bouquet de fleurs. Et c’est vrai qu’ils tiennent des fleurs tendres et suaves ces fruits, rosés, nacrés, sveltes et bourgeonnants.
A Port Bacarès ils furent montés en colliers, en rivières, si manifestement faits pour séduire que je m’y suis laissé prendre. A Perpignan, forte de la leçon de la veille, j’ai dédaigné leurs sourires pervers et me suis contenté d’une 1/2 assiette de Tagliatelles à l’eau. Mais quel ravissement de lire autour de moi tant de perles de convoitise et de satisfaction dans les yeux de mes voisins.
J’ai au moins le privilège de les dévorer de l’appareil photographique. Et ne m’en prive pas !

18 mars 2008

LE CHEMINEAU


Le chemin d’abord, sa direction …
Le chemineau ensuite
Il est sur le quai A à Sète, s’inquiète si c’est bien le bon auprès de moi pour le train pour Perpignan
Un vrai chemineau, parcourant ses quarante Kms quotidiens, à pied bien sûr, la coquille est fixée à son sac qui garnit tout son dos de la nuque au postérieur : il va à St Jacques de Compostelle
Un petit bonhomne aux modestes proportions mais qui attrape ma valise comme un fort des halles quand le cheminot OT nous ôte du quai A pour nous virer au quai C ( escaliers compris)
Il a les cheveux blancs, gris, embroussaillés sous la casquette
Il a la candeur d’un enfant et la sagesse du vieillard
Il est parti de Rome il y a deux mois. Il arrivera Dieu sait quand, au hasard des étapes et des rencontres
Vocation : cheminer
Profession : chemineau
Il a déjà fait plusieurs fois le chemin. Les allers sont exaltants, les retours tristes. Personne ne l’attend
L’Espagne est plus compatissante que la France et meilleur marché . neuf euros la nuit dans les gîtes en France : c’est cher
Une fois en Espagne on lui avait confié un couple âgé. Oui il ya des gens âgés sur le chemin : une femme de Quatre vingt ans et pas la dernière à presser le pas ! le couple a glissé dans son bagage une enveloppe. Il ne l’a trouvée que plus tard. Il aurait refusé.
Il traverse le wagon pour descendre à Agde alors que j’étais en train de penser à lui. Je le suis jusqu’à la portière. Au retour j’observerais le quai avec l’espoir de l’apercevoir. Mais le chemin a avalé le petit bonhomme costaud et candide.
En revenant m’asseoir je raconte son aventure. Le beau ténébreux au regard lointain d’en face s’illumine. Son explication fuse « c’est qu’il a la foi !» J’approuve « oui ! celle qui soulève les montagnes et qui fait marcher en avant. »
Deux apparitions ce jour-là de … ? l’esprit saint ? la beauté de l’homme en marche, les révélations insoupçonnées du chemin ?

17 mars 2008

LE CHEMIN


Mercredi 12 Mars

Oh mon biau p’tit chemin gris et blanc …
Ce matin la chanson de gaston Couté se lève en même temps que moi
Réveil léger
Direction Le Sud
Le soleil inaugural derrière les volets
Je visualise d’abord l’Eternel petit chemin que j’ai marché ce dimanche. LE Chemin. Le mien, l’unique, qui va de la maison de mes parents à MA maison de La Loue / 300 m.
Cette impression à chaque fois qu’avec lui je respire un air différent d’ailleurs. Malgré les soucis des vieillissements lents, inexorables de ce vieux pays, mon propre vieillissement, son air qui requinque …
« A tous les coups c’est pas l’même chien
Qui gueule à mes chausses …
Allégresse du chemin au matin. Toute une journée devant soi :des embranchements, des bifurcations, des retrouvailles et des rencontres
Des escargots, des primevères
Surprenant comme chaque touffe colorée, chaque chevelure d’herbe nouvelle m’est réjouissance … à cause de la fin du voyage ?

Le sud en arrivant à Romans, Valence m’envoie au visage ses cerisiers blancs, ses pêchers roses et ce piquetis jaune à points serrés le long des talus
La vitrine du car exposée comme celle d’un magasin de luxe qui a de quoi se payer étalagistes, décorateurs brevetés. Le sentiment réconfortant de faire partie de ce système bien rodé : car pullman, route asphaltée, signalisation efficace …
Mais la chanson têtue rabâche
« A tous les ans j’trouve du changement
Dessus mon passage …
Changement bien accepté des saisons quand on marche dans le bon sens, de l’hiver à l’été
Changement naturel du Nord au Sud quand on va de l’habituel au fantaisiste : on annonce 21degrés à Perpignan et donc balnéothérapie à Port Bacarès sans bonnet de laine ni parapluie
Le chemin n’est pas obligatoirement orienté vers la décrépitude, même si la SNCF se dirige vers une grève prolongée aujourd’hui de retards et surprises !
Bah ! Comme si notre temps de bourgeoises repues était précieux au point de s’offusquer d’un peu d’aléas de la route.
La chanson a un effet apaisant sur le rythme cardiaque …
Toutes les chansons, même les révolutionnaires, s’émoussent en vieillissant.
Pas celle-ci venue à mon avance dès le départ du jour sur sa trajectoire
Tant que perdure l’arithmétique têtue des pas Un et Un et deux et deux quatre Avanti !

14 mars 2008

TRAIN DE L'EST 4



Orage. La pluie martèle le toit métallique de l'hôpital, roule dans les chenaux, cogne aux fenêtres comme une malapprise. Une bouème ! Voilà ce que c'est, la pluie. La pluie, la grêle, la “nae”. Tous des bouèmes.
Mais tant et tant de barrières, de frontières invisibles entre elle et le grand soleil, qu’elle n’entend plus la pluie tomber ni le vent plaindre.
La pluie, la grêle le vent le tonnerre l’inondation la guerre le brouillard
L’infirmière de jour a reçu les consignes de celle de nuit : augmenter les doses de morphine.
- Sait-elle où elle en est ? N’a-t-elle pas le droit de savoir ?
a demandé sa fille.
C’est la première fois qu’elle ne me reconnaît pas
- Elle sait ! a répondu le spécialiste du sixième étage, venu en voisin.


Allons faut que je me dépêche de me repeigner. On arrive. Me voilà toute farfassée. Passe-moi ton peigne Fred ! Et mon porte-monnaie ? Ils me l’ont pris. Ils me prennent tout dans cet hôpital. Et mon panier ? Où sont mais passés les gones ? Et ces infirmières. Ils vont être tout trempe. Elles pourraient pas leur donner un parapluie quand même ces infirmières ? Gran ! As-tu attaché le Fend-l’air ? Tu sais qu’il est tout fou depuis qu’on nous l’a rendu de la guerre, tout fou quand ça pète de partout.
Gran ! Gran ! Fais bien attention à toi ! Fais bien attention qu’il te piate pas !
Ah ! La tante Philo, vous êtes donc venue attendre. C’est ben gentil. Fred, Louis, la Jeanne. Toute la famille ! Mais les gones. Où sont passés mes gones ? C’est mes enfants, mes petits.
Je vous ai apporté du cabri. On l’a tué hier. Et des petits pois. Ben non je suis pas fatiguée. On n’a pas soif. Merci bien
Fred remets donc ton mouchoir dans ta pichole. Et toi, ma fille va te gôner. Tu me fais honte avec tes quines sur le nez.
Maman t’es donc là ma maman. T’es venue aussi.
On a pris le train de l’Est. Le tacot. Il avait du retard.
Me voilà. C’est fini.

Guignole = s’amuse ( référence au Guignol Lyonnais)
En camate = en colère
Charret= petit chemin
Quines, quinettes, mèches de cheveux
Garouchon = gros morceau
Bouèmes= bohémiens
Nae = la neige
Farafassée = mal peignée
Feds-l’air = nom du cheval
Piater = piétiner

13 mars 2008

TRAIN DE L'EST 3


Il pleut. A seaux. Comme des cordes maintenant. La grande eau naturelle qui lave les chemins et va faire verser les blés et les avoines.
Les deux cyclistes se sont réfugiés sous le grand chêne à la croisée des "Ecuelles de bois" et de la Nouvelle route, quand le charret de terre de la Ginon rejoint la belle Route neuve goudronnée.

- Te voilà trempée comme la soupe, ma Nini ! T’es ben jolie avec tes quinettes sur les yeux !

- Dépêchons-nous Fred. On va être en retard aux Avenières. Et le temps de ranger nos vélos chez ton cousin le bourrelier, le train de l'Est sera parti.

Fred sort sa montre de son gousset. Il a mis son beau complet de noces. Elle, la robe de taffetas de sa mère que la gran lui a arrangée et que tout le monde a cru qu'elle était neuve. Et que son ventre se voyait même pas encore. Mais les voilà tout mouillés. De quoi ils auront l'air quand on les verra arriver à Lyon dans cet état?

On aurait pris le train aux Avenières. On aurait mangé dans le train le saucisson, la tomme avec un gros garouchon de pain. On serait arrivé à Perrache. Le beau-père est là qui attend. Son chapeau tout mouillé. La paille est fichue. Et ma voilette. C'est ma demi-soeur qui est avec lui. Elle a bien grandi dis donc !
J'ai pas osé aller au cabinet dans le train ! Où c'est qu'on peut faire pipi dans la gare ? Attendez-moi. Faut que j'aille faire pipi.

" Ah ! Charlotte! Allons gauler dans les champs
Prends ta hotte ! Que j'y mette mes noix dedans”

- Tais-toi donc Fred ! Qu'est-ce qu'on va penser de toi ?
- Et ben alors ! Qu'est-ce que tu veux qu'on pense ? Je m'en fous pas mal ! C'est le Louis qui va en faire une jaunisse quand il va te voir avec moi, la bague au doigt.
Veux-tu que je te dise, ma Nini, ça te va bien la flotte, t'es encore plus jolie toute mouillée que sèche ; Pareil que sous le grand chêne. Tu te rappelles ?

12 mars 2008

LE TRAIN DE L'EST 2


Et pourquoi il s'est endormi lui Fred avec tout ce qui me trotte par la tête ? Et s'il ne voulait pas se marier avec moi ?
Et si ses parents ne voulaient pas d'elle, une fille qui n’a pas de père déjà, qui a même pas un nom de père. On sait même pas qui est son père, à cette gosse. Ils diront que c’est sa faute à elle s’ils ont fauté.
Et si c'était une fille, le petit ? Mon Dieu ! Une fille comme Elle qui sait pas … Qu'est-ce qu'on va devenir ?

Il pleut. Quelques gouttes d'abord sur la peau douce. Quelques gouttes recouvrent la douce caresse qui a bouleversé la peau douce, là, à l'arrondi de la joue, la douce caresse des bouts de doigts qui a bouleversé dix-huit ans d'obéissance joyeuse à la grand-mère.

Tous les deux, on ira à Lyon par le train de l'Est. On prendra le train, tous les deux. Ma mère, elle, elle comprendra. Elle nous trouvera quelque chose pour habiter. Elle nous aidera à trouver quelque chose. Et Fred est pas feignant. Ça je le sais, tout le monde le dit “Oh Le Fred c’est un sacré bûcheur ! ”
Il saura bien la réparer la vieille bicoque. Pour commencer on restera avec mes grans ... quand la Mémé sera plus en colère. Puis on reprendra la vieille grange et on en fera une belle maison. Pourquoi pas ?
Faudra que je demande un jour de libre à l'usine. Pour aller voir ma mère. Je dirai qu'elle est malade. Et Fred aussi, chez Servonnat. Ils pourront pas refuser. Il dira, lui, que le Rhône est gros, que le Père veut en profiter, qu’il a besoin de lui pour rentrer le bois des îles comme chaque année. Comme chaque année voilà ! C'est pas bien difficile. C'est pas des vrais mensonges ça. Quand il faut s'en sortir, on peut
Mais on s'en sortira.

11 mars 2008

LE TRAIN DE L'EST


LE TRAIN DE L'EST LA FIN DU TRAJET

La jeune fille est allongée sur l'herbette. Elle voit la feuille à l'envers. Chansons d'amour. Chansons coquines. Elle ne connaît rien des chansons de foire. "Ah Charlotte ! ..."
Le ciel troue le feuillage du vieux grand chêne. Il guignole avec le soleil.
Elle ne connait rien des mots d’ici, on dira plus tard “des mots du terroir”, de leur origine. Elle les parle. C'est tout.
Il fait si bon, si doux.

Peut-être que le petit aura les yeux bleus comme Eux-autres. Peut-être que ce sera un garçon. Peut-être qu'ils se marieront. A la Saint-Jean. Peut-être, sûrement. Il tiendra ses promesses, le Fred. Puisqu'il a dit "A la Saint-Jean"
A dit aussi "D'accord ! Va voir ta mère à Lyon. Elle a bien quelques sous pour nous, ta mère. Elle nous aidera à s'installer"
Puis, comme d'habitude, il a chanté. Il a toujours une chanson pour tout.

" Cin(q) sous, cinq sous pour monter notre ménage
Cin(q) sous, femme que ferons-nous ? "
Faire « cin’ sous », quand on est petit c’est serrer la pogne, la main si tu aimes mieux, gentiment,.

Au petit elle apprendra à faire cin(q) sous. Tous les jours. A tout le monde. Il sera gentil.
Mais que va dire la Gran ? Ah ! Mon dieu! Ce qu'elle va être « en camate », la gran
"Je t'avais bien prévenu pourtant ! Malheureuse ! Si c'est pas Dieu possible. Un petit. Ça n'a même pas vingt ans ni l'un ni l'autre Qu’est-ce qu’ils vont devenir ! "
- Mais Gran ... Je savais pas. Et puisqu'on va se marier à la Saint Jean, le Fred l’a dit

10 mars 2008

PETITS LAPINS BLANCS




Aucun rêve qui puisse se laisser saisir par les oreilles et se retirer de la cage
La cage à lapins
Quand la nuit a resserré les barreaux jusqu’à les transformer en un mur transparent à demi
On y voit derrière s’agiter des formes, une lueur qui appelle

Il a neigé … un peu … sur l’herbe un plumetis léger aujourd’hui

Comme …

Comme une pluie se transforme en neige quand la température descend

Indélébile la neige de l’enfance …
Eternellement blancs les lapins neigeux.

Si je me souviens de cette image première des lapins blancs en guise de flocons, c’est bien sûr parce qu’on me l’a amplement revisionnée.
« Oh ! aurais-je dit en voyant tomber la neige derrière la fenêtre « des petits lapins blancs ! »
Sans doute depuis les bras de ma mère, à hauteur de carreaux, en position haute d’admiration
De même, quand la portée était éclose elle m’emmenait vers les cages. Avec beaucoup de précaution pour ne pas déranger la nichée recouverte des poils maternels, elle extirpait doucement une petite boule chaude, gluante, de la grosseur d’une boule de ping-pong et la posait dans ma main ; je l’effleurais d’une caresse …
La vie, la naissance, en direct, à toucher des yeux, des doigts pour en sentir le mystère, en percevoir l’immensité
Les lapineaux grandiraient, certains atteindraient la taille monstrueuse d’un chat sauvage, se couvriraient de fourrure grise, brune, tachetée. Ils ne m’intéresseraient plus que dans l’assiette. Parfois, rarement, une exception confirmerait la règle. Un lapin blanc, tout blanc, sans une tache, quelquefois aux yeux rouges. « Albinos » j’apprendrais plus tard …
Ainsi vont, volent, se posent les flocons heureux de mémoire

« Mon petit lapin » Douce caresse du langage
Non pas souris-lapin de la naissance, tout juste sorti du ventre maternel mais lapin blanc de quelques semaines, avec des pattes bien déterminées, garni de fourrure profonde comme celle des parents.
Je fus - et suis encore dans les profondeurs, ce petit animal, ce fragile flocon
Surtout à de certains réveils où j’ai traversé victorieusement la nuit noire.
En suis sortie, blanchie, neuve, grandie, les oreilles dressées, attentive au jour, affirmant mon regard et la palpitation étonnante de ce cœur doué de cervelle, de cette mémoire douée de bons sentiments

08 mars 2008

LA FLEUR BLEUE


What if you slept ? And what if, in your sleep, you dreamed ? And what if, in your dream, you went to heaven and there plucked a strange and beautiful flower ? And what if, when you awoke, you had the flower in your hand ?
Et si vous dormiez ? et si dans votre sommeil vous rêviez ? et si, dans votre rêve, vous alliez au ciel cueillir une fleur aussi belle qu’étrange ? et si à votre réveil, vous teniez la fleur à la main ?
Coleridge, cité dans « Le monde de Sophie » Jostein Gaarder

And what then ?

Et si la fleur bleue était sous la neige ? Attendant qu’on la cueille ? et si, au réveil, avant de lancer la main en direction de n’importe quoi d’utile, d’habituel, de rassurant, tu commençais à la respirer, à la regarder ? à étanchjer sa soif ?
Et si la fleur bleue était pour aujourd’hui ? Sur la route, à côté de toi à table, dans la musique que tu t’apprêtes à partager avec Claire ? dans l’espoir des cerisiers cherchant à fleurir, à fructifier malgré les retours de saisons, les retours de bâton, inévitables dans toute vie.
Et si le bleu primaire de la fleur était dans tous les mélanges de couleurs que tes yeux vont rencontrer ? Regarde mieux ! Apprends à fondre et démêler les nuances !
Et si le petit côté fleur bleue dont tu as honte parfois était le meilleur côté des choses ? le côté de ta vérité fondamentale ?

Je vais passer à Botania pour acheter des plantes, une pour Yvette, une pour Claire, une pour Pierre …
J’ai envie d’abreuver la terre sèche de fleurs bleues …

07 mars 2008

L'HEURE



-quelle heure est-il ?
Pourquoi ce réflexe ancestral de nommer l’heure quand la nuit cligne de l’œil, ne veut pas le fermer. A quoi ça sert de marquer le temps d’une pierre blanche alors qu’il coule sans début ni fin ( « las ! le temps non ! mais nous nous en allons … »)
De mon lit je peux entendre sonner l’heure, deux fois, une fois la demi-heure. Le vieux mécanisme balance le temps comme un panier au bout de la main. La la la, la la lère … Tic et tout et tic et rien ! Le temps saute sur le chemin, joue sa sarabande …
Pourquoi allumer la lampe ? faire feu dans la nuit jamais noire mais scintillante de pensées accessoires, tourmentée de flashes de mémoire ?
Pourquoi interroger l’écran ? Non tu n’es pas seule, la terre tourne dans son filet de parallèles et méridiens, les fils Internet te raccrochent à la toile commune. Araignée marche, araignée tisse ! allez ! encore un peu de salive !
Pourquoi numéroter les pages ? ajuster encore les syllabes ? photographier l’insaisissable ?
Ta ra tata ! Pourquoi ? Pourquoi ?
Pourquoi pas ?
attache arrache vieille carcasse tes os au flot qui te menace

06 mars 2008

QUiCHOTTE


J'avais rendez-vous hier au soir avec Quichotte. un cousin éloigné, que j'aime bien, dont je n'ai pas de nouvelles pendant longtemps et puis qui réapparaît dans ma vie. Hier il était sur la scène de la Maison De La Culture, avec trois de ses potes : Sancho, Rossinante, Dulcinée, et même l'ane de Sancho Pança qui n'a pas transmis à la postérité son nom. Il en est ainsi de beaucoup d'ânes dans l'histoire : Bêtes de somme à la comprenette limitée, oublié des monuments commémoratifs.
Ils avaient emprunté la voix de ERRI DE LUCA, GIANMARIA TESTA, GABRIELE MIRABASSI," Le Têtu", "Trinité", et le clarinetiste au souffle puissant, à la démarche instrumentale tant sa clarinette insuffle à son allure chaloupée des bémols et des dièses inédits.
Bref un ravissement ! Entendre ce que l'on aime entendre, sur la vie, sur la honte de ce qui se passe, sur la victoire finale des paumés, des intransigeants, des invaincus à force de recommencements et d'espérance.

Je connaissais Erri de Lucca comme écrivain, familier de la bible et de sa rélecture au regard d'aujourd'hui. J'ai aimé le style du gars, sa façon de rire au nez des étoiles quand elles menacent de s'éclipser. J'ai aimé l'accent italien, l'accent cousin avec notre patois du Bas-Dauphiné, les virtuosités des voix qui savent se redéployer dans l'aisance de la justesse de ton entre le dire et le faire. Oui vraiment des cousins très proches, de notre jeunesse et de ses espoirs. Quand Gianmaria a chanté mi-français, mi italien, le déserteur j'ai sent mon coeur palpiter de la même émotion que lorsque, jeunes étudiants, nous brandissions la chanson de Boris Vian en même temps que nos pancartes ...
"Messieurs qu'on nomme grands je ne veux pas la faire
on n'm'a pas mis sur terre
pour tuer les pauvres gens"
j'ai aimé les emprunts aux vieilles chansons anonymes liées aux textes des plus grands Cervantès, Nazim Hikmet ...

Bref j'ai tout aimé, malgré le froid revenu. J'y ai puisé une énergie nouvelle à recomposer avec la musique et les mots le Chant Général, l'inlassable chant des partisans d'amour et d'humanité. De quoi requinquer les primevères transies !

05 mars 2008

EXALTATION IMAGINATIVE



"exaltation imaginative" Aïe ! précisément là où le bât blesse, où le haut a la tête dans les nuages L'ennui c'est que si l'on se sait doué d'imagination, on ne sait jamais très clairement quand elle est créatrice ou simplement exaltée par des processus chimiques héréditaires ou génétiquement modifiés. "On" c'est moi bien entendu ! Je m'explique ( dans la mesure du possible où "on" peut être observateur clinique et sujet observé). Partons du vocabulaire de base. " Exaltée" chez Moi, chez Nous, chez On, le terme signifiait très clairement "tabourée", folle quoi ! Une exaltée est 1-une femme 2- parleuse invétérée 3- à l'accoutrement hors normes 4- scandaleusement libérée, voire dévergondée. C'est plutôt la voisine que la cousine. Elle peut aller à la messe mais penche dangereusement du côté de l'enfer. La question est fondamentale et je n'ai cessé de me la poser. Quand je vois Dieu et que je l'entends, là assise sur le chemin de terre à garder mes chèvres, est-ce le soleil qui m'aveugle ou la transmission intime d'une certitude ? Quand j'ai senti tant d'amour déborder de la coupe, est-ce ma main qui tremblait, mon imagination qui habillait le Prince d'habits de lumière ? Quand je deviens ondine dans la mer, oiseau dans les airs, à qui appartient ce corps sans entraves, si puissamment fluide et vaporeux ? Quand je retombe au sol, où sont passées mes ailes ? Ne les avais-je que rêvées ? "ce n'est peut-être qu'un peu de cuivre et de verre que je prends pour de l'or...

Ps( hors 1500 caractères) : et des diamants » Descartes

04 mars 2008

AGOURER


AGOURER

Pourquoi ce mot de patois et d’enfance remonte-t-il en surface au réveil ce matin ?
Mauvaise digestion ? les mots ont une existence physiologique à mon âge
AGOURER – avec l’accent dauphinois lourd et pâteux sur le A inaugural ( nos A ont plusieurs chapeaux circonflexes)et le OU qui traîne sa besace comme un écolier fatigué - c’est ce que fait la batteuse quand on la presse un peu trop. Juché sur l’étagère du haut, l’homme qui reçoit la gerbe déliée et étalée devant lui, l’engage entre les grilles de l’engrenage. Or « ça bourre » ça ne veut pas passer, la machinerie se bloque. Elle a agourée. Elle s’est agourée. Peut-être le blé, l’avoine, sont-ils un peu humides s’il a plu sur la meule en attente dans la cour du passage de la batteuse, dont le propriétaire loue les services. La « Taïsse » est protégée par une « Cuche » chapeau encore mais s’il y a eu une grosse averse … Toujours est-il que le servant a étouffé la machine en lui proposant trop à manger à la fois. Il faut retirer par poignées, quelquefois démonter, arrêter le moteur bien sûr pour que les mains n’y passent pas … Finalement la bête repart. On a « réengrené »

Qu’est-ce qui agoure en moi dans les gerbes et javelles de mémoire ? la quantité, la qualité ? car de même qu’à la batteuse toute nourriture trop abondante, trop collante, épaisse « agoure », déclenche des nausées, des hoquets, des renvois …

J’ai besoin après ces pauses chansons en direct dont je reçois tant de bien-être de faire carême des écritures, les miennes, celles des autres. J’ai griffonné un peu de couleurs sur des dessins de visages, j’ai marché, j’ai fait du repassage et du ménage avec un plaisir suspect et il faut que je me force un peu pour alimenter le blog. Rien, ni personne ne m’y oblige. mais voilà c’est fait je viens de réengrener , Un peu, pas encore beaucoup, ni passionnément … demain sans doute je me réveillerai avec un autre mot à manger et un autre appêtit.

03 mars 2008

APRES


Mais non Aza je ne m’en vais pas. J’ai seulement opéré un dédoublement. La Femme Patchwork, je la portais depuis quelques temps dans ma tête, mon souffle, ma voix. C’est un combiné de toutes celles que je fus, de la petite fille à la grand-mère, de toutes celles qui ont tissé mes saisons et mes jours, de toutes celles que j’ai côtoyées, rencontrées, aimées. Depuis Vendredi soir, où elle a fait sa première sortie publique, elle a pris son autonomie …
Je ne sais jamais comment va se faire la mutation. Quelle part aura l’imprévu.
Ça a marché. Il y a bien eu des accros de sonorisation ( ceux qui ne se produisent jamais en répétition mais déboulent ce soir-là) Je suis heureuse. Samedi, toute la journée, je me suis trimballé un bonheur béat, un calme plat. Aucun projet. Quand je me sentais sommeilleuse, j’allais me coucher une petite demi-heure. Toutes les tensions lâchées, les projets arrêtés. Repos. Comme à la parade ! Repos !
Aujourd’hui Lundi il en reste encore en réserve de cette passivité lente, souple, bienheureuse … mes obsessions ne sont pas encore revenues. Déjà bien sûr il faut penser à « après », à la prochaine …, maintenir la forme, corriger les approximations … mais rien qui presse … on verra demain
« Demain Demain à la source encore fraîche
Demain Demain attends-moi Capitaine ! »
Le mot de « demain » vient de faire jaillir ce refrain, preuve que la mécanique ne va tarder à se remettre en route, l’envie de piano me démanger les doigts …
L’envie, le besoin, de me déplacer avec elle « La femme Patchwork », celle qui se trouve tellement à l’aise d’avoir assemblé ses carrés de mots et de notes, celle qui espère ce dosage subtil entre ceux qui attendent, écoutent, rient, applaudissent et sa propre joie.
« Que c’est merveilleux d’être femme, que c’est beau, que c’est doux
Le saviez-vous la belle, la belle le saviez-vous ? »
Une photo un peu floue mais le souvenir est toujours flou n’est-ce pas ? pour l’éclaircir il n’y a qu’à le recommencer …