Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 mars 2007

LES YEUX BLEUS 2


Voilà ce que racontent les pies bavardes. J’en suis une. On me l’a toujours dit. C’est ce qui plaît à ma marraine. Ma langue de pie, mes yeux bleus sont la preuve que je suis bien de la famille. Son père est mon grand-père.
Grâce à ma marraine, j’ai eu toutes sortes de dons sur mon berceau. Plus tard encore. Toute sa vie et la mienne ; J’ai eu des quiquis bleus dans mes cheveux, des robes en organdi de princesse, des jupes plissées de vahiné et de petits souliers vernis. Car nos pieds sont petits, nous les femmes issues de Philémon. Nos pieds petits, notre taille petite, notre intelligence grande, et nos yeux bleus. Avec ça nous nous sommes trimballées dans la vie sans perdre un pouce de notre taille. Nous avons regardé moi, ma marraine, ma maman, le soleil en face, l’avons traité en camarade … il pétille encore dans nos yeux, à 10 ? 50 ? 100 ans, il pétille encore les matins de printemps !
Quand on a cent ans, le maire de Lyon offre un bouquet somptueux, un de ses adjoints l’apporte en personne à l’appartement. On boit le champagne. La vieille dame aussi. On rit. Le photographe prend une photo qui paraîtra dans Le Progrès de Lyon. Pourquoi pas à 101 ? à 102 ? Pensez ! Une vieille dame, debout sous les flashes, rieuse, et qui a toute sa tête à défaut de tout à fait ses jambes …
Toute sa tête et tous ses yeux … Bleus. Comme le ciel sur la Saône un matin de printemps

Vacances de blog. portez-vous bien ! au revoir !

29 mars 2007

LES YEUX BLEUS


Montée de l’observance, 9H30

Primevères, soleil, oiseaux cui-cui, pigeons rou-rou : le printemps quoi ! Comme à st Niz, naturellement chaste et extraverti.
La ville, la grand ville, roule, roucoule, pétouille, gronde, fronde, inonde de bruits le printemps. Tronçonneuse à silence.
Je viens voir ma marraine, comme je suis venue si souvent. J’ai le temps ; le temps m’a à la bonne. Un temps printemps, un temps content.
Ma marraine pour son anniversaire de printemps : 102 ème. J’ai apporté un beau bouquet, des calissons d’Aix : un bouquet pour sa bouche, une friandise pour ses yeux.
A l’arrière de l’immeuble nous attendons l’heure prévue de la visite, mes bouquets, mon cahier et sa page blanche que le soleil gagne gentiment, les pies qui cacardent, piaillent, commentent …
« Aujourd’hui, disent les pies, la Gigi est venue voir sa marraine, sa Ninou aux yeux bleus ? Va-t-elle lui raconter une fois de plus l’histoire de la braguette de l’évêque ?
Comme elle était jolie Madame C. Petite, boulotte, vive, enjouée… Assistante principale de Maître P. notaire, bâtonnier. Elle savait depuis l’âge de 16 ans taper à la machine, avait une orthographe infaillible, classait les dossiers, répondait au téléphone. Indispensable. Elle le fut bien au-delà de l’âge de la retraite, tapant encore certains courriers importants. Elle accueillait les clients. L’un d’eux, subjugué par les yeux bleus impérieux, lumineux, joyeux, audacieux, glissa à son collègue « Elle a des yeux à faire sauter la braguette d’un évêque » Madame LE clerc entendit, ne sourit pas, impassible en apparence, ravie, engrangea le compliment au plus profond de ses yeux amoureux. A 101 ans s’en souvient encore, 102 sûrement, il faudra vérifier … Comme elle se souvient des tourbillons d’après-guerre dans les guinguettes sur la Saône où la valse emportait les désillusions, les restrictions, la valse et les préférences marquées de ces messieurs pour la faire danser, elle, la boulotte aux yeux bleus.

28 mars 2007

A ANDREA


... « bas soleil habillant ma mort « ( René Char)

Haut soleil

Haut soleil habillant ma vie
Tu réchauffes mes écoutilles
Par toi je prends tout ce qui brille
Par moi tu glisses ce qui t’ennuie ( à la poubelle)

Ce qui t’ennuie on le devine
C’est les coins sombres, les pissotières
Les tunnels clos sous la mer
Les autoroutes à sens unique

A sens unique tu ratiboises
Tout ce qui n’aime pas le gel
Tu mets les servantes en éveil
Et ressuscite les bourgeoises

Haut soleil ! Ce matin pimpant
Tu le dédies à ma marraine
A 103 ans tu la fais reine
Des fleurs
Des yeux bleus,
Du printemps

Andréa oeuvrait à nettoyer les parterres autour de l'immeuble de ma marraine avec un aspirateur à feuilles pétaradant. J'ai quitté précipitamment la pierre de l'escalier pour échapper au bruit, à la poussière. Le temps de m'apercevoir que je n'avais plus mon appareil photo tombé de ma poche, Andréa me l'a rapporté. Nous avons échangé, elle a posé son casque. Poème tout frais contre Sourire tout chaud : j'ai gagné au change.

27 mars 2007

PREMIER TEXTE

PREMIER TEXTE, proposition de l'atelier d'écriture)


Le premier, vraiment le tout premier ? A part "A...R..." je ne vois pas. Je l'ai d'ailleurs mis en chanson. Le titre : "La catapulte poète". Ce premier texte inaugural ( à ...r : j'insiste) se trouve dans le deuxième ou troisième couplet
« A Reprendre la copie ratée,
à retrouver la force claire,
Qui bâtit sur des os rouillés,
Des hommes de sucre et de sel ...
Je me souviens (peut-être) du deuxième, ou du troisième, c'était une histoire de grenier, j'en ai retrouvé trace il y a peu, en retapant la deuxième, non ! TROISIEME tentative de texte complet : Ma vie, ses frontières, ses échappées libres, ses étapes ... Ect . Je plaisante. Je plaisante avec mes textes que je ne peux numéroter, mes essais de tout dire une bonne fois pour toute, pour enfin m'en aller à la pêche aux papillons. Et qu'est-ce que je trouverai en chemin ? Un texte, immanquablement. Je suis farcie de la tête aux pieds d'embrouillaminis de textes. Mini et Maxi. Chansons, poèmes, lamentations psychosomatiques, regrets éternels, douleurs rhumatismales, mots coincés dans les molaires, extraction ratée, gargouillis du ventre, soupirs à fendre l'âme, risettes au soleil ... Je me pose, pas sérieusement du tout, la question " qu'est-ce que je vais en faire ?" La bière où je partirai sera trop petite pour les contenir, il leur (mes héritiers) faudra choisir, donc lire, ils seront bien embarrassés, moi aussi, je me retournerai dans ma tombe. Non ! pas celui-ci ! Laissez- le moi, n'en faites rien ! Il est à moi, c'est le prem’

26 mars 2007

BONHOMME DE NEIGE


Un beau bonhomme de neige, n’est-ce pas ! et la neige fond comme bonhomme au soleil. Je photographie au passage. Dimanche ensoleillé. Balade, ballade, sans troïka, mais avec baladaïka ! Les oiseaux chantent. Le printemps est revenu par toutes les sentes.
Les (4) enfants qui l’ont confectionné ( la soixantaine bien sonnée) manifestent leur satisfaction que l’œuvre soit ainsi remarquée. « Paris-Match ? » demandent-ils. Leurs petits-enfants auraient dit « Internet ? ».
- Attendez ! il faut lui mettre un chapeau !
J’attends. Mais l’accent alsacien vient lui aussi de se signaler à nos oreilles. La conversation en prend des ailes. Thann, …, les noms de village défilent, Marie-Laure est en pays de connaissance. On échange, on se reverra dans la semaine. On ira sans doute jusqu’à trinquer ensemble, tokay, gewurtz, traminer …
Tout ça par l’intermédiaire de l’accent du terroir et d’un bonhomne de neige. Qu’en sera-t-il quand l’un et l’autre auront disparu des paysages ?

« La vie quotidienne nous berce dans la croyance qu’il existe une grosse différence entre la joie et le chagrin. Nous ne remarquons pas que la vie, comme la musique, est pleine de menus changements où, en un instant, la joie peut devenir mélancolie, la lumière, crépuscule. Un demi-ton suffit et les couleurs changent, les conversations se taisent, la musique entière se transforme. » BO CARPELAN « Axel »

25 mars 2007

SAINT-FRUSQUIN


Comment taire, dis-tu Pierre. Là est la question du matin. Aujourd’hui Dimanche.

Comment taire la beauté claire
Clamer aux cieux et à la terre,
que chaque matin je m’espère
debout dans l’espoir du matin.
Pardonne l’emphase habituelle !
Comment taire que le matin je t’aime,
je m’aime et tout le saint-frusquin
J’aime jusqu’à la brume blanche
qui mêle à la neige ses branches
J’aime, à l’avance, la tarte aux poires
que je propose de fabriquer
pour l’emmener chez Marie-Laure
J’aime manger tartine amère
à cause des oranges du même nom
J’aime boire le thé chaud
lire avec toi la bible
Et débouler sur le chemin
toujours incitant de la rime
Tourner des mots entre mes mains
à seule fin de tourner ensemble

Et de cette valse éphémère
ni plus ni moins qu’avant-hier
hier et tout le Saint Frusquin
(qui n’émarge pas au dictionnaire
Robert)
me faire l’écho de tant de biens !

*Saint-frusquin(A.REY)
1710, écrit avec un trait d’union, se dit de ce qu’on a d’argent, d’effets, et par extension, à la fin d’une énumération, pour « et tout le reste »

ps G : … et tout le reste est heureusement littérature !

24 mars 2007

MAGNOLIA


Oh ben magnauds ! ( en Bas-dauphiné on est magnauds et magnaudes ! c-a-d dégourdis, costauds, hâbleurs, farauds, les meilleurs … )
Qu’est-ce qu’ils sont beaux les magnolias cette année ! Ils sont en avance, en avant … ils pomponnent, ils se pavanent … On ne compte plus leurs pétales, ils sont si fournis, garnis, jolis, qu’on les regarde dans le rétroviseur en dépassant leur splendeur et qu’on s’arrête en bordure de route pour les saisir.
Magnolia, magniolia, maniola, un nom qui fond dans la bouche comme un caramel mou ! Avec un p’tit coup de gnole, gnola, pour faire glisser.
Jamais je n’aurais cru pouvoir en apprivoiser un, dans le froid hivernal des Terres Froides. Et puis l’intention de Pauline s’est concrétisée d’année en année. L’an dernier

L'an dernier j’avais tenu un compte exact des nids roses et blancs, capteurs de lumière endimanchés, houpettes à poudrer de jeunes filles en fleur. Cette année impossible ! Je ne sais pas compter jusque là.
En prévision du re-froid ( on parle bien de redoux !) j’en avais cueilli quelques corolles qui tiennent encore dans le vase à St Nizier. En rentrant tandis que la neige commençait à tenir j’en ai attrapé un en plein vol. Et hier pour les beaux yeux de ceux qui en sont privés, j’ai superposé aux glaçons qui pendent du toit une fleur épanouie comme un soleil de doux printemps. Contraste !
Ainsi va la nuit, va la vie, va le jour et les magnolias, mes amours.

23 mars 2007

RELIGIEUSE


Autre proposition de l'atelier :
RELIGIEUSE

Typiquement féminine, la pâtisserie en est fine, la vocation (paraît-il) prédestinée. J'aurais pu l'être si j'avais, quand le Père Perret le souhaitait, (le bon curé de mon village, bon à défaut d'être méchant mais pas spécialement saint de bure) endossé la robe, coiffé le voile, nappé de noir mes contours. La proposition me plaisait. Etre remarquée par Dieu lui-même ou son délégué sur la terre : c'était assez intéressant. Oui mais ... Qu'aurais bien dit mon Père ? Mon Père de chair et de colère ? Il valait mieux ne pas y penser. Il aurait tué le curé. Ni Dieu ni Maître ! professait-il. Je l'écoutais. J'obéissais. Si je ne suis pas religieuse en titre cependant j'écoute religieusement, je bois divinement le champagne, j'observe la neige immaculée de ce printemps pur comme eau de source avec tant de soin et prière que je crois gagner sans effort le paradis de mes amours. Religieuse je suis si j'aime. Du moins je le suppose. La religion n'a pas grand chose à voir avec le ciel et la chose. Le ciel est. Il nuage. Il s'approprie le paysage. Tiens ! s'Approprier entend Prier. Oui le ciel prie ! Je prends le ciel par tous mes pores, tous mes embarcadères. Je prends les mots à ma manière, pas forcément après avoir lu mon bréviaire. A n'importe quel moment je prends. Je prends tout forcément puis que tout est à prendre. Parfois l'ombre d'un regret, d'un remords. Je serais Soeur G. à cette heure. Ou Soeur Marie-Madeleine. J'aurais coupé mes longs cheveux. ou Soeur Mystère ?

22 mars 2007

CLOCHETTES DU PASSE


J'écrivais mon adresse avec ravissement et avec tous les détails ... Et j’ajoutais Monde, pour faire bonne mesure. Ainsi j’allais du plus grand au plus petit. J’inventais l’espace autour de moi. A douze ans, quand j’entrais en sixième, j’atteignis la connaissance du « par Morestel » le chef-lieu de canton. Jusqu’alors quelques expéditions m’y avaient conduite qui peuvent se compter sur les doigts de la main. Mon espace réel était le chemin, la route, la rivière … le Rhône … Il n’y avait pas besoin de préciser. « Ne va pas au chemin ! » « Fais attention à la route ! » Ma mère-poule n’aurait pas toléré que je m’en aille « par les chemins » autres qu’obligatoires. Je ne sauvais, pourtant, la nuit, bien entendu en rêve, le jour dans les livres et leurs chemins infinis mais aussi, à demi sous la menace de mon frère, à demi sous l’attraction de mes humeurs vagabondes, par « en-dessous » et par « en-dessus ». Le Bouchage, Cessenoud est relativement plat comme une crêpe, comme ma poitrine d'adolescente. Il n’y a que les dessous et les dessus qu’on s’invente et nous avions de l’imagination ! Par en-dessous on récupère quelques acolytes et pas des moindres ! Par en-dessus c’est La Loue, ses fossés gelés en hiver, ses jungles africaines, ses forêts de l’oubli et ses fleurs « pas-ordinaires » comme la fritillaire que Le Bouchage a baptisé clochette. Un bouquet de fleurs c’est peut-être joli mais c’est encore bien davantage utile pour éviter une « ramonée » maternelle ou une punition scolaire et excuser un retard inexcusable. La plupart du temps toutefois je devais rester à l’intérieur de la cour sous l’œil vigilant de ma mère. Je n’ai connu certains coins du Bouchage qu’après un mariage qui m’autorisait enfin à courir les chemins conjugalement et officiellement accompagnée par un gars grand-parentalement Boucharand. Et, la vie est pleine de surprises ! je découvre encore des coins nouveaux ( pas plus tard que … mais je ne vais tout de même pas raconter ma vie !)

On dit « son » village. C’est aussi le village des autres. On dit « hier », c’est aujourd’hui.

21 mars 2007

CLOCHETTES DE LA LOUE


Les clochettes sont une spécialité de La Loue. Nommées ainsi par nos ancêtres qui ne s'embarrassaient pas d'étymologie compliquée, elles sont en forme de cloches comme les chapeaux du même nom et comme les tulipes dont elles sont cousines. J'avais découvert en Hollande dans une superbe exposition qu'elles étaient honorées par les botanistes et fleuristes à leur juste valeur. Fritillaires pintades est leur nom chic. On comprend pourquoi : à cause de leur pelage tachetée mais elles ne gloussent pas pendant la sieste, elles !
Chez Nous elles ont été repérées de loin dans tout le canton mais comme il est interdit de les cueillir, elles ne sont que raisonnablement dévalisées dès qu'arrive le printemps. Espèce protégée, elles ne craignent pourtant pas de disparaître de ce terrain humide, ancien lit du Rhône, qui leur convient parfaitement. Elles ont même tendance à s'étendre mais chut ! leur réputation n'étant plus à faire, n'avertissez pas les hordes lyonnaises !
Heureusement que je les ai photographiées avant la tempête de neige ( tempête est un mot un rien exagéré, grosse bourrasque tout au plus). Heureusement que je les avais déjà mises en poème avant qu'elles se congèlent, encore que je ne le retrouve plus ce paquet bavard.

Les clochettes de La Loue
carillonnent en ding ding doux
et moi, en accordéon
j'écoute chanter les clochettes ...

C'est tout ce dont je me souviens, il faudra vous en contenter ...


Ayez bien conscience cependant que les Clochettes de La Loue sont, tout comme moi, exceptionnelles, fleurissent ici d'abondance en mots et couleurs, et que votre chance unique sur le web est d'être témoin de leur apparition fugitive, modeste, aristocratique et gratuite, à chaque printemps, précoce ou non, neigeux ou ensoleillé.
allez va ! Je vous donne tout le bouquet, à défaut du poème !

20 mars 2007

ça alors !


Ça alors !

Je n’en reviens pas ! Je découpais en petits dés à picorer la langue de bœuf dont je venais d’enlever la peau blanche soigneusement – une bonne idée pour l’apéritif hein ? – et elle disparaissait au fur et à mesure dans la bouche de mes voisins de cuisine avant même que j’ai pu la goûter ! Il y a des gens mal élevés tout-de-même.
D’accord c’était en rêve. Je dormais et j’épluchais la langue de bœuf.
Merveille du rêve où l’on peut faire deux choses à la fois !

Je suis souvent épatée par mes rêves, leur présence aussi forte que la réalité, leurs odeurs, leurs couleurs, leur musique !
Mais oui ! Je rêve en musique. L’autre nuit donc, à La Loue, ( magie du lieu si silencieux, magie de la soirée d’improvisation de la veille ?) je dormais profondément. Je dis « profondément » quand je dors sans me sentir mal quelque part. Le bon sommeil d’enfance réparateur. Donc, je dormais et je jouais aussi de la flûte ( ce dont je suis incapable éveillée). Je m’éveille et la flûte continuait à chanter. Si guillerette que, consciente de la qualité de cet air, je me lève et note la mélodie. ( il est cinq heures) Puis je retourne me coucher, je dors à nouveau. A neuf heures, je peux déjeuner avec mon air tout frais comme un œuf à la coque, et en retrouver intact l’instantané et le bonheur.
Voilà ! J’ai raconté cette histoire que je trouve incroyablement nouvelle à Pierre qui n’en a pas paru étonné. Au contraire il me cite un certain Tartini (?) coutumier de la composition musicale rêvée. Bon ! je me croyais exceptionnelle ! tant pis ! tant mieux ! je ne suis pas la première !
Il n’empêche que je suis encore toute émoustillée de vous raconter ce fait divers de printemps !

19 mars 2007

IMAGINE


De l'atelier d'écriture : IMAGINE
- Imagine que tu puisses revenir en arrière
- Comme sur un ordinateur ?
- Si tu veux ! Comme sur un ordinateur, eh bien qu'est-ce que tu ferais ?
- Dans un premier temps je crois que je resterais pétrifiée d'effroi. Ne pas reprendre le même mauvais chemin, ok ! Ne pas faire souffrir sur mes bifurcations, hésitations, ceux qui me voulaient entièrement leur, qui avaient misé sur ma pérennité... mais choisir une autre voie tout aussi incertaine, choisir de ne pas bouger : pire encore ! Non ! non ! Ne me donne pas cette possibilité. Je ne peux l'imaginer, à mon âge comprends-tu, on sait qu'il n'y a pas de retour possible, que les machines les mieux réglées soient-elles ne sont jamais que le jouet du sort qui les détraque, qui les jette ou les détruit.
- Imagine alors que tu sois un oiseau.
- Mais je le suis déjà. A quoi bon des imaginations ! Chaque jour je me pose sur la branche du jour et je chante.
- Même en hiver !
- - Il n'y a plus d'hiver, je n'ai plus froid. Je sais me prémunir contre le froid. Je sais accorder ma voix à celle des autres. C'est beau !
- Alors imagine ... imagine ... que tu ne rêves plus, que tu ne te perds plus dans les marais.
- ça je veux bien ! je vais essayer de visualiser toutes les spongieuses terres de mon enfance, celles délibérément perméables de ma maturité, celles encore inexplorées de ma saison présente et une fois la carte dressée, je me mettrai en route pour le couchant.
- Imagine que le soleil se couche à l'est.
- et toi imagine-moi !

16 mars 2007

DENUEE DE SENS


Depuis la proposition de l'atelier d'écriture
DENUEE DE SENS

S'agirait-il de moi-même
Au féminin singulière ?
De la vie que je mène ?
Obscure et sans manière?
S'agirait-il de quelques lettres?
Pas forcément signifiantes ?
Qu'est-ce qui est, Qui serait?
Ainsi toute dénouée de sens ?
Dénouée : le terme m'allèche
Passée au karcher du désir
Dénudée, flattée de caresse
Souvenir
A m'interroger sur le sens
J'ai perdu mon temps et le vôtre
Ne me reste que la prescience
De ne pas continuer ainsi
ô mon corps ! ô ma conjoncture !
Rien ne vaut jamais que le vent
Que mes jambes prises aux voilures
Du bonheur simple en passant.
Rien ne vaut que ces mots sans suite
Tirés par l'ancre des cheveux
Que ce soleil sur mon enclume
Que l'espoir passé par le feu
De la misère de ne savoir
Extraire du sens de si peu
Un enfant joyeux Une femme
Et mon reflet dedans les yeux
Je ne veux rien, je laisse faire
Je dispose de caractères
Qu'importe leur nombre si je sais
Les ajuster sur la patère
Du Bon Dieu !

15 mars 2007

LE PEINTRE EST à L'OUVRAGE


« Le peintre est à l’ouvrage, il respire la lumière, en évalue le grain ; il respire le silence, s’en imprègne ; il songe tout éveillé, il veille à fleur de songe ; il sonde le visible, il caresse l’invisible. Il ne fait rien, il s’applique juste à devenir lui-même rien – un corps de résonance, de réverbération, un passeur de lumière. »
SYVIE GERMAIN « La Vie » à propos de « L’atelier » de Rembrandt

Elouan ( 6 ans) s’est mis à l’œuvre sur la table de la cuisine. Il a grimpé sur la chaise pour être à bonne hauteur. Il a étalé la boîte de couleurs, est resté silencieux puis lentement a placé un arbre dans le coin gauche, a commencé à le garnir de feuilles. Les couleurs sont arrivées sur le parterre de fleurs. Il a nommé les fleurs innombrables, saisi d’admiration pour la variété de leurs noms. Nous sommes allés voir de près les crocus qu’il venait de citer, les avons ramenés près de lui. Cueilli aussi deux coquilles vides d’escargot dont il fera collection m’a-t-il dit ; Il a étendu le projet pictural aux quatre saisons. Malgré les autres activités de la matinée ( le gâteau) il a tenu à poursuivre à chaque moment disponible, entièrement envahi par le bonheur du projet. Mais l’hiver n’a pas eu le temps d’arriver. Il continuera chez lui …
J’ai contemplé la scène, éblouie.

« Il est en train de naître au monde, à l’instant, à la grâce de la lumière, à la splendeur des formes, des couleurs et des forces immenses qui oeuvrent en secret dans la beauté du monde, de la chair, de la vie. »

14 mars 2007

UN GROS RHONE(suite)

Aujourd’hui, près de l’eau, j’évoque en quelques mots pour Anne et Patrice, les bateaux chargés de bois qui apportaient des îles jusqu’à la berge la coupe de l’hiver. Je n’en ai qu’une vision abstraite soutenue par quelques mots – l’harpie, le courant, les tourbillons, le Rhône est traître – Je n’ai jamais vu mon père en capitaine, dirigeant la traversée avec les frères Togo. J’ai entendu le récit, en fin de dîner de cochon, entre deux coups de gnole, de ces bagarres épiques contre le fleuve car, seules, les hautes eaux permettaient ce travail. Le risque accepté. A la maison les femmes, toujours elles, « se faisaient du souci » du mauvais sang. Elle piaillent un peu plus après les gones ces jours-là, elles disent « le papa » avec plus de mollesse dans la voix et puis, j’imagine, le soir où les trouvères racontent leurs exploits elle se taisent. Elles seules savent que leur Charlemagne, le soir du grand combat, était bien pâle, se mit au lit au plus vite en les pressant d’en faire autant, frissonna brusquement et s’endormit comme une masse en les serrant un peu plus fort.

Je quitte les enfants – quand donc perdrais-je l’habitude de les appeler ainsi ?- Ils font demi-tour, concentrant une amoureuse attention aux pissenlits de la peupleraie. Aubépines en préparatifs de première communion …

« Ce pays, nous n’avons pas fini de le découvrir ! » Homme venu d’ailleurs, neuf, tendre, subtil, modeste, homme de sympathie, je te salue Aïn, au-delà des nuages. Plus loin, ton île. Peut-être es-tu là-bas qui regardes aussi. Je me suis élevée d’un mètre environ dans la fourche d’un arbre qui lance trois troncs à l’oblique autour de moi. J’entre en Rhône. Je ne sais où donner de la tête. Je ferme les yeux pour mieux entendre les oiseaux et c’est le vent qui siffle dans mes oreilles et l’oiseau juste au-dessus de ma tête descelle mes paupières. Il s’envole Frrrt … pour se poser sur une branche extrême qu’il fait plier, se balancer, s’arrêter, s’extasier … Puis s’envole plus loin. Le toupet de l’arbre très doucement caresse le ciel. Le soleil me chauffe. A droite, l’eau, au travers du lacis des branches, à gauche les champs ennoyés. La trace qui se perdait se retrouve entre deux eaux, épaisseur du fleuve dans son lit et mares tranquilles sur le blé et les « cutères » fraîchement retournées. Ce petit sentier philosophique qui demeure à pied sec et permet, contre toute vraisemblance, l’approche de tout cela. Je sais que ce bonheur n’est pas allégorique. Je sens que je suis bien, tous mes sens déployés, ardents, vivaces. Je sais que ma tête repose. Et si je mets des mots, maintenant, après, entre cette quiétude et la page, ce n’est pas pour revivre ( j’en connais l’impossible) mais j’ai besoin de dire, ne serait-ce qu’à moi : Alléluia ! Alléluia !
Je suis un arbre immense. Quand j’ai sifflé toutes sortes de trilles sont venues à mes lèvres. Parfois j’imitais les oiseaux, parfois j’inventais des musiques. Une fois, je le jure, l’un d’eux m’a répondu dans le même langage.

Je suis rentrée d’un bon pas. Sans fatigue, sans hâte, en prenant bien le temps de revenir dans mon ordinaire, plus unies Elle et moi, depuis cette fusion dans l’heure et le soleil.
En équilibre Elle et moi, à cheval, nous nous tenons à la frange du vivre et du mourir.

-Tu m'paieras ?
- Non !
-Tombe, tombe, tombe dans l'eau

- Tu m’paieras ?
- OUI !
- Reste, reste, reste dans mon bateau

13 mars 2007

MESSAGE D'ELOUAN


(Pour Mariel spécialement à ma demande, ce matin)

Des oiseaux, cette fois-ci c’est des corbeaux. Sur l’autre c’est un pélican et un corbeau.
Là c’est l’automne, après je ferai l’hiver et l’été.
En Automne y a plus d’oiseaux.

Sur le dessin du printemps y a des crocus, aussi y a des perce-neige, c’est elle, une seule, elle est très belle), y a des pensées, on en en a planté à l’école, l’année de Théotime, avec Michèle parce qu’elle fait pousser des plantes aux enfants, Michèle. Moi je l’ai fait cette année. En fait elle nous appelle à la récréation pour planter.
Des roses, ensuite des coquelicots. Des tournesols pas jaunes, j’en ai fait des bleus, ça n’existe pas mais je m’en fiche, c’est pas grave, ensuite j’ai fait des marguerites, des jacinthes, une seule, elle est là …

L’été : un crabe sur la plage ; une grosse pierre,un coquillage et ça aussi, dans l’eau et les grains de sable, plein plein plein, un seul arbre et le soleil qui brille.

12 mars 2007

LE RHONE EST GROS !

J’évoquais la semaine dernière le Rhône sorti de son lit, pas encore dans la cuisine non ! mais en mouvement …
Il semble pour le moment resté dans des limites raisonnables, bien que extra-conjugales
C’est l’occasion de ressortir « Le Dessous des Paupières » où j’avais pour la première fois essayé d’expliquer les subtiles relations d’amour-haine que nous entretenions avec lui.

MARS 1980
Ce matin, le monde tout entier était au bord du fleuve. J’étais au monde. Vendange et pressoir. L’eau passait par-dessus la digue. Blanche, limoneuse, elle courait vite en direction de L’île des Brotteaux. Un pêcheur m’a dit (petite parole de pêche pour dire « je suis là ») « Le Rhône est gros. Il baisse un peu. Regardez ! ». Une trace mouillée sur la « bonne » (la rive). J’ai remonté à contre-courant vers le pont d’Evieu, sans songer que j’irai jusqu’au pont. Jamais je n’avais dépassé la plantation de peupliers. J’ignorai même qu’un passage était possible entre les vorgines, les buissons. Sur la berge, en face, deux étages de végétations, le premier, régulier, vert-jaune, en quête de printemps ; le second, au-dessus, gris encore, branches fines se découpant sur le ciel. Le tout bien tracé au cordeau en deux lignes parrallèles ; le fleuve est si gros : Rhône-Amazone-Congo.
« Toi aussi tu t’offres tes rêves ? »
Je ne l’avais jamais vu ainsi. Ce paysage, à deux pas de mon quotidien, je ne suis jamais venu le regarder. Ce sont les hommes qui viennent ausculter le fleuve en période de gestation. Mètre ou bâton-témoin en main. Il monte, il descend, un centimètre à l’heure, deux centimètres … Il galope. Que dit Seyssel ? Que dit Génissiat ? Le maire a-t-il des nouvelles ? On enfourche les vélos. On se réunit en petits groupes compétents. On parle de choses et d’autres. Il y a des frissons de plaisir. « Ya du nouveau ? » Interrogation ? Exclamation ! et les deux à califourchons. Si la plaisanterie risque de durer, on sort les barques, on rehausse les poulaillers ; selon la saison, on tire les carottes, les pommes de terre, on ramasse l’herbe aux lapins ( l’herbe rhônée ça donne le gros ventre), la salade … Mais surtout on se promène, on se champèye, on parle … le Rhône arrive, on peut arrêter les routines. On l’attend.
Combien mon inaction, mon immobilité à la maison me pesait. J’étais une fille, je n’avais pas le droit de sortir. Je n’avais pas de bottes, de cuissardes. Le Rhône en crue me confinait au monastère. Pourtant, au réveil, je l’avais vu de la fenêtre. L’eau frise sur le chemin, sous le vent. Les piquets des parcs sont raccourcis de façon comique. On entend des voix qui viennent de l’eau. « L’eau, ça porte ! » c’est bien connu. Sans doute aussi les hommes s’efforcent-ils à grossir leurs voix pour les entendre porter sur l’eau. Les pas dans l’eau, pas ralentis, alourdis, tracent un sillon sonore. L’eau affleure dans la cour. Je vais regarder de plus près. Je pose une pierre, une autre, mais où me mènera cette aventure de pierre en pierre ? A cinquante centimètres de la limite de la cour, le chemin me rappelle ses creux, ses fossés « Tu n’iras pas plus loin, allez ! rentre à la maison ! » J’ai aperçu cependant entre son coude avant et son coude arrière, le chemin d’eau. L’odeur fade m’a piqué le nez. Aurons-nous cette fois un « gros Rhône » -celui qu’on sollicite de toutes les vessies enfantines du quartier – une grande catastrophe dont le journal Le Progrès fera part … comme en 1944 … un de ces bons cataclysmes naturels qui font s’effondrer nos granges, crevassent nos murs de pisé, soudent nos familles, amènent sur nos bords le regard des autres et leur sollicitude, nourrit les solidarités fondamentales.

11 mars 2007

VAS-Y FRANGIN !


VAS-Y FRANGIN

Vas-y frangin, l’heure est venue. Prends ta canne. Ne te demande pas si la route sera longue ou pas, bien goudronnée ou caillouteuse, avenue ou ruelle. Démarre. De chaque côté pas de miroirs pour te renvoyer ton reflet. L’inconnu qui t’habite vient juste de te souffler de t’en aller. Là-bas t’attend.
De toutes tes précédentes escapades tu as retenu le savoir de ton pas, son étonnante aptitude à s’allonger. Tu es maître, tant que faire se peut, de ton itinéraire. Tu sais que tu ne l’arrêteras que repu de ta marche à travers mots, à travers rythmes. Tu sais que tu vas sans doute avoir des moments de doute et des fatigues et des haltes hallucinées. Où donc suis-je ? Qui tient ma main ? Qui me gouverne et qui me tue ? Je deviens fou : exagération, périphrase, enflure du style et du projet.
Bois un bon coup. Va voir le voisin. Et puis revient ! Reprends ton souffle ! Nourris la bête aux souvenirs, la cavale aux désirs, et laisse faire ! Jusqu’au bout. Ce bout de toute façon provisoire. Ce passage. Ce paragraphe à tout le mieux. La métaphore du conte incarnée.
Voilà c’est tout ce que je voulais te dire et c’est pas grand chose. De quel droit te donner un avis, un encouragement ? Tu es seul dans l’aventure. Tu veux seul. Ce que tu veux n’a pas de nom, n’est pas une œuvre, même pas un commencement, juste une direction.
Te dire que ton annonce me ravit. Prends ton temps. J’attendrai avec confiance ton retour. Je me passerai de ta compagnie, même si elle me rassure. Je ne te dirai pas que l’heure de ce retour souhaité en est bonne ou mauvaise, que ta récolte est réussie ou non. Je ne te demanderai aucun compte.
Marche mon frangin, mon ‘tit frère. Et ne dis rien ! Ni télégramme, ni mail, ni trompettes, ni communiqué. Je suis heureuse pour toi. Et pour moi donc ! Toute la famille se réjouit !
Relis peut-être avant de partir, ou mets dans ta poche, ce qui suit. De Francis Ponge. Je l’avais placé en exergue de ce qui me fut ma première traversée solitaire de la langue. Ma langue. Calquée sur mon petit moi tremblant d’écrivain à part entière. Ma part.

« Un corps a été mis au monde et maintenu en vie pendant 35* années dont j’ignore à peu près tout, présent sans cesse à désirer une pensée que mon devoir serait de conduire à jour.
Ainsi, à l’épaisseur des choses ne s’oppose qu’une exigence d’esprit qui chaque jour rend les paroles plus coûteuses et plus urgent leur besoin.
N’importe. L’activité qui en résulte est la seule où soient mises en jeu les qualités de cette construction prodigieuse, la personne, à partir de quoi tout a été remis en question et qui semble avoir tant de mal à accepter franchement son existence. »
* 35, 70 ? peu importe ! Le temps ne fait rien à l’affaire.
Vas-y mon frère en écriture.

10 mars 2007

RENCONTRES


LYCEE PABLO NERUDA St MARTIN d’HERES
Vendredi 9 mars
Rencontres avec des femmes écrivaines, artistes

SILVIA BARON SUPERVIELLE
« L’alphabet du feu » Arcades Gallimard
Petites études sur la langue

« Passer d’une langue à l’autre signifie se séparer d’un moi instauré afin de trouver un univers où le voyage n’a plus de fin et où se produit une transfiguration de soi et des mots »

elle a dit : on reçoit l’exil en héritage …
De toutes parts palpite la limite de l’horizon …
Partir à la rencontre du mystère … et d’une langue plus proche de soi
Vous ne serez jamais seul avec un carnet , un livre près de vous … Vous êtes tous capables de très belles choses. ( Applaudissements fournis des lycéens

NELLY PAIRAUDEAU, (organisatrice de la rencontre)
Toutes les rives se rejoignent
Une seule langue : celle de mon moi véritable

ELISABETH CHABEUIL « Intime violence »
« Dis oui
froid sur la peau me cingle la figure
et les doigts dans la glace
m’aveuglent
cristaux de bruine »
Elle a dit :
J’entends l’histoire
( une page par jour pendant le mois de juillet)
… près de la mort, la survie plutôt que la résistance, pas des héros, des gens ordinaires ( en Vercors pendant la guerre)
La femme chargée de tout son périple

DANIELLE BASSEZ
« Ecrits dans les marges » Cheyne éditeur
De la pratique du gribouillage comme art gourmand de la lecture
« Ecrire, marcher : de mon père je ne retiens que cette allure du corps, balancée, ce geste de la main qui tournoie autour d’elle, l’absente, autour du vide qu’elle laisse, /…/
Il s’enfonce dans la brousse des phrases. Lire le soustrait au monde, des assauts du monde, le rend à sa solitude, à cette blessure toujours vive dont il ne parle pas /…/ »

Elle a dit : Ecrire, marcher … le besoin de dire d’où il vient
Son père, tous mineurs de fond
Les mots de son patois régional
Nelly « Votre père entrant dans la lecture comme dans un paysage »

08 mars 2007

SALUT LES FILLES !


Denise (90 !) était venue nous écouter à Sète, indulgente à nos faiblesses musicales, elle qui consacra sa vie au violon. Quel sourire ! De quoi dire en la regardant :
QUE C'EST MERVEILLEUX D'ETRE FEMME !

paroles de Gelzy, musique de Claude ( Un gars ! et heureux de chanter un tel texte déniché dans ENTRE LES MIROIRS, composé il y a vingt ans maintenant pour la naissance de ma première petite fille.

La femme toute - duo (Do)
mai 2005

Lam Lam
Intro : arpège 6 temps
Guitare Voix Claude Voix Gelzy
Refrain :
Lam Rém _ _
Que c'est merveilleux d'être femme la si do ré mi fa sol fa mi mi mi fa mi ré do ré
Sol Do _
que c'est beau que c'est doux fa sol fa do ré mi ré mi ré do si do
Mi _ _ _
le saviez-vous la belle do ré do si la si mi fa sol mi ré mi
Mi7 Lam _ _ _ _ _ _
la belle le saviez-vous si do ré mi mi mi mi mi mi la .... .... fa mi ré mi


Lam Rém Sol
1 – Quand le petit goulu se pend à vos mamelles mi mi mi mi sol fa fa fa mi ré do ré

et qu'on s'écoule en lui et qu'on tête l'amour sol sol sol sol la sol sol sol fa mi fa sol

le saviez-vous la belle sol sol fa mi fa sol sol sol fa mi fa sol
Lam Do
on n'est que ce téton que cette outre ce miel sol sol sol sol fa mi mi mi fa mi ré do
Mi Mi7
et tout ce lait la belle ce lait qui suinte et sourd do do do ré mi si si do si la# si mi
Mi7
qui suinte et sourd mi ré mi si

mi sol fa mi


2 – Quand la fleur du pommier rosit se fait dentelle
sait qu'au printemps elle est ignore encore le fruit
le saviez-vous la belle
on n'est que ce jupon cette odeur aux aisselles
et ce printemps la belle ce fier printemps qui dit
printemps qui dit

3 – Quand la pâte savante s'enroule à la paume
claque sous le battoir lèche les doigts grossit
le saviez-vous la belle
on n'est que cette pâte que ce gâteau qui cuit
et ce battoir la belle la table et les petits
et les petits


4– Quand le livre qui s'ouvre chuchote parle rit
jusqu'à prendre ta main pour écrire ta vie
le savais-tu la belle
n'être que ce frisson ce chant celle voix elle
ce grand balancement aux hanches de l'esprit
oui de l'esprit
te suffira la belle mi fa mi ré do si mi mi mi sol fa mi


5 – A la fleur du pommier mi mi mi mi sol fa
suffira l'arc-en-ciel fa fa mi ré do ré
à la pâte craquante sol sol sol sol la sol
les dents qui l'ont croquée sol sol fa mi fa sol
et tout l'amour la belle sol sol fa mi fa sol
suffit à tout aimer si sol la mi fa ré sol sol fa mi fa sol


Que c'est merveilleux d'être femme la si do ré mi fa sol fa mi mi mi fa mi ré do ré
que c'est beau que c'est doux fa sol fa do ré mi ré mi ré do si do
le savais-tu la belle do ré do mi fa mi
et vous, le saviez-vous Lam (P) ... ... si do ré mi mi mi mi mi ré mi

07 mars 2007

ELLES ECRIVENT


Elles s'écrivent. elles écrivent ... Pas seulement le jour de leur fête ! Elles font la fête de leur vie en belles lettres, en belles pages. Elles s'appellent d'un nom de plume comme des colibris. des hirondelles, des oiseaux-lire ... ou bien gardent nom de jeune fille et rajeunissent d'autant d'années que de livres.
Dominique Barbier.
Elle sont mes amies. Elles m'apportent et me lisent à domicile ce dont elles sont le plus fières.
Juste avant l'édition elles basculent le manuscrit sur mon ordinateur
Marion Page
Elle m'offrent leur petit dernier et je savoure la dédicace.
Anne-Marie Bisson-Martin " Trois roses"
Elles vont publier, ça y est elles ont trouvé un éditeur ! Elles m'en informent au téléphone.
Simone.
Elles viennent de signer le bon à tirer, elles en roucoulent de bonheur.
Maria London
Avec la vie elles luttent, elles ne capitulent pas, elles insistent jusqu'à ce que les murs s'ouvrent
Chloé Laroche
Elles, les belles, les généreuses, les ardentes, les superbes ... les femmes
mes amies, mes complices, mes reines, mes voisines, mes frangines

Demain, en pensant à elles, je leur dédierai ma chanson

"Quand le livre qui s'ouvre, chuchote, parle, rit
jusqu'à prendre ta main pour écrire ta vie
Le saviez-vous la belle
n'être que ce frisson, ce chant, cette voix-Elle
ce doux balancement aux hanches de l'esprit
te suffira la belle ...

06 mars 2007

MAITRES-CHATS


(chat hiératique égyptien)

- Pourquoi n’avez-vous pas de chat ?
- Euh ! ... Nous en avons eu. Deux. L’un a sans doute été attrapé par le renard, l’autre a transporté ses pénates chez les voisins. Pendant un temps il fut en co-propriété mais il mangeait vraiment trop à double ratelier. Il a finalement préféré rester avec les enfants des voisins plus attentifs à ses humeurs.
Nous bougeons trop. Nos chats n’aimaient guère les déplacements dans le panier à chat. etc … Non ! Nous n’avons pas de chat.

J’ai reçu gratuitement deux cours particuliers de sagesse et bien-être avec des maîtres chats, ce week-end. Chats qui dorment. Chats qui choisissent leur emplacement de méditation, canapé ou couette du lit. Ils refusent d’être délogés et quand ils y condescendent … oh ! cet air dégoûté pour les humains et leur agitation ! Un chef d’œuvre de « qui-n’en-dit-pas-plus » mais n’en pense pas moins !
Chats-pachas qui acceptent toute caresse pourvu qu’elle ne chatouille pas, soit légère, souple, en quelque sorte absente de leur repos-dodo-rêve. Effleurée. Tolérée.
Chats jaloux de leur autorité et nue propriété. Principalement envers leurs congénères.
Chats si bien dans leur peau qu’ils l’étirent longuement, langoureusement, intelligemment. Se pourlèchent à s’en faire péter la peau du ventre mais en en mesurant strictement le volume.
Maîtres in techniques de relaxation, chats-lumeaux en veilleuse, chats-piteaux sans répit, Mâts-Tout toujours au mieux de leur forme et mensurations. Chats-loupés marlous, chats-virés filous, chats-teints ou blancs comme neige, chats-toyants et chats-bottés, chats-mots évidemment et qui ne dit mot consent, participe présent et participe passé, bref ! chats très bien achalandés sous tous les aspects, les registres et autres cours huppées.
J’en ai fini avec ce ron-ron souvenir.
Il m’arrive d’avoir des reflux félins câlins dans les neurones, comme dans ce refrain qu’Odile affectionne particulièrement, de circonstance avec ce printemps précoce :
Hip hip hip ! ouah ! ouah ouah ! Miaou ! miaou ! Miaou
Un brin d’herbe a poussé sur ma plaque d’égoût … (herbe à chat bien sûr !)
( tous droits réservés ! texte et musique : la minette à Pierrot !)

05 mars 2007

TANT et TANT


Tant de pluie sur les primevères
qu’on n’entend plus les étourneaux !
Et tant de pluie sur les violettes
que les volets sont au repos !
Tant et tant de jacinthes blanches
semées dans l’herbe ce matin
qu’on se croirait sous avalanche
de neige, au sommet d’un fortin.
Mais il n’y a pas de redoute
à redouter sous ce beffroi
de feuilles mouillées et de gouttes.
Voilà que les fossés sont las
de collecter l’eau des marais
des prés verts et des gras labours !
Pourvu qu’ils ne débordent pas !
J’ai vu le Rhône au Pont d’Evieu
sortir de son lit de guingois
comme un ivrogne, un petit vieux
qui penche de l’aile et s’en va
dormir au chaud chez la voisine
chatouiller les pieds du sonneur
et s’écrouler dans la cuisine
tout en ronflant comme un sapeur.
Mais de pompiers il n’y en a pas
c’est bien dommage et c’est dimanche
ils ont fui leur caserne blanche
pour s’en aller cueillir des fleurs !

04 mars 2007

A PROPOS DE

LE DESSOUS DES PAUPIERES

Le titre m’en avait été proposé par Pierre. Je le retrouve sur une feuille blanche au crayon au-dessus de la liasse de feuillets. Je retrouve tout ce « dessous » en dessus d’une pile, sans l’avoir cherché, en quête d’un autre écrit. Mais je savais bien qu’existait quelque part ce qui fut une de mes premières tentatives pour tisser entre passé et présent une toile cohérente.
C’est donc une double intention qui m’anime alors :
- AUTOBIOGRAPHIQUE Ex : Jacques est le nom d’un psychothérapeute, Philippe celui d’un élève devenu écrivain, Maryvonne est une compagne de formation en vue d’être formatrice pour adultes, les hommes au chômage dont il est question furent mes premiers stagiaires en stage dit de réinsertion, l’exercice proposé : écrire sur dix mots, un des premiers de la première séance.
- ECRIVAINE Je décide alors, comme en beaucoup de domaines, de réaliser mes vœux les plus chers. Influence de la psychothérapie !

Aussi Julie quand tu me demandes d’être plus claire, je me retranche derrière le droit de l’écrivain à l’allusion. Je ferai appel à ta part d’imagination. ELLE n’est pas moi, c’est un personnage hors du temps. Astucieux non ?

A toi Aben je répondrai que ce texte n’étant pas destiné à l’origine à un blog ( ils n’existent pas encore et je ne crois pas à cette époque avoir envisagé quoi que ce soit de cette confession publique) je n’ai ni à faire long ni à faire court. J’ai le droit d’auteur d’obéir à sa seule nécessité intérieure. Le « qui m’aime me suive » est bien loin de mes idées. Mon premier lecteur sera Mon psy qui aura très clairement répondu qu’il ne me répondrait rien sur l’écrit lui-même mais le lirait en entier et sut habilement me suggérer que … oui ! mon affaire c’était peut-être bien une affaire d’écriture, toutes affaires cessantes ! Mon deuxième lecteur sera Pierre dont j’aurais fait la connaissance sur le terrain des langues régionales et de la chanson. Pour faire bonne mesure des besoins d’épater un lecteur averti, ajoutons l’écrivain officiel dont j’essaie de retenir le regard sur toute ma personne en plus de mes dons artistiques !
L’écriture est d’abord une affaire d’amour mais les tenants et aboutissants ne sont pas toujours ceux que l’on imagine !

Merci à vous David de sentir si bien que le cœur de l’intrigue de cette petite histoire est de clarifier ce qui agite nos esprits jusqu’à les faire perdre pied. L’écriture comme moyen de faire face aux délires, aux obsessions, aux divagations de l’âme perdue qui se cherche. Moyen dérisoire et pourtant qui vaut la peine d’être vécu comme je peux le dire sans rire aujourd’hui.
Oui Mariel ! c’est pour retrouver la joie d’exister que j’ai tenté l’aventure. Rien ne peut me faire plus plaisir que ce cadeau de « Rieuse » que vous me faites.

Pour les photos ajoutées au texte, successivement :
- dans la partie 1 un tag relevé sur un mur à Sète
- en 2 : une photo d’une encre sépia sur papier chinois, faite il y a longtemps mais dont j’aime bien le mystère. ( Ah l’incertitude de l’encre, comme dans l’écriture, on ne sait jamais ce que ça va donner !) Elle s’est plissée sous le verre et je l’ai photographiée depuis mon tabernacle d’écriture où elle me tient compagnie.
- En 3 le reflet dans une bille de verre est pris à St Petersbourg dans un restaurant où il m’a sauté au regard. De même (en 4) dans une visite de monastère je repère ce troublant personnage bleu qui apparaît sur une peinture défraîchie ! Pas une peinture réelle, seulement une couche colorée écaillée par le temps. Ce fut l’affaire d’une seconde de le saisir et de rattraper le groupe qui s’éloignait.
- En 3 encore les yeux avec leur lac bleu à gauche en place de pupille sont ceux d’une amie d’amie rencontrée cette semaine dans un bistro grenoblois. J’ai traficoté la photo pour faire ressentir ce trouble quand les yeux, comme les glaces, se mettent à faire voir autre chose que la réalité. Qu’on se rassure ! J’ai bien les pieds sur terre maintenant et je suis très heureuse d’avoir rencontré cette personne qui conte, écrit … comme moi … comme cet ancien élève qui prétendit que loin de l’avoir fait taire je lui avais donné la foi en pratiquant avec lui la méthode Freinet du Texte Libre.
Elle et moi, je crois que nous nous reverrons.

Vous et moi, nous nous reverrons peut-être aussi avec des passages de ce « Dessous des paupières » qui ne s’arrête pas là … Merci pour l’accompagnement !

03 mars 2007

LE DESSOUS DES PAUPIERES


Et les yeux ?
Les yeux sont et ne sont pas.
Les yeux parlent et ne parlent pas.
Elle repensa à ces premiers yeux d’élèves. De toute la première fournée il ne restait véritablement que les deux paires stupides. Joël, la regardant bien droit, placide. Elle le reprenait après les autres, devant le tableau. Joël ! Comprends ! Tu peux comprendre ! Je veux que tu comprennes. Tu vas comprendre puisque je veux que tu comprennes, puisque je m’occupe de toi. Et le regard ne bronchait pas, toujours aussi calme, toujours aussi vide. Elle a oublié le prénom de l’autre petite larve. C’étaient des yeux bleus verts, flottants. Cheveux blonds frisés. Elle s’en souviens bien. Très souvent la boule venait rouler dans ses jambes alors qu’elle était occupée dans la classe, sur l’estrade, puisqu’il y avait une estrade. Elle la ramassait, allait la poser sur une chaise. Les yeux tournaient vers l’arrière, affolés, restaient en place quelques instants puis revenaient la chercher.
Il y en avait eu tant d’autres …

Voilà que ces hommes se mettent aujourd’hui à regarder, à la regarder. Et qu’elle les voit. Elle les a vus dès le départ, tremblant intérieurement, mais intérieurement quel progrès !, de ne que les apercevoir, de les déterminer trop vite par quelques couleurs sommaires. Ils sont d’abord arrivés avec leurs silhouettes d’ouvriers en chômage, puis quelques visages se sont détachés, des voix se sont mises à parler. « Ouïr »
- Qu’est-ce que tu dis ?
- Ouïr
Il avait l’impression de faire une bonne blague. Il rit en proposant ce mot anachronique, précieux, saugrenu, au milieu des « soleil- printemps- canne à pêche- plage » qui étaient déjà arrivés sur le plateau. Ouïr ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment ça s’écrit ? Il rit encore. Il ne savait pas. Ils mirent en texte et apparut « entendre ouïr » Rapidement elle pensa : Entendre dire, Ouïr dire. C’est amusant !
J’ai entendu Ouïr les cigales au bal du quatorze juillet.
Regarder voir !
Eblouissement de la petite fille devant la subtilité de la langue. Ecouter et entendre. Regarder et voir. Ecoutervoir. « Ecoute-moi voir un peu ! » « Qu’est-ce que j’entends ? » La voix de sa mère.

Regards. Regards de toutes parts.
Regards d’aller et regards de retour.
Et j’entends des regards que je voudrais poser sur moi.
Entendez-moi bien, Il ne s’agit pas de …
Entendons-nous Entendons-nous !
Entendez vous dans la carrière ? clairière ?
Cela passe l’entendement !

Elle se dit qu’une fois de plus elle était en train de dériver.
Ne pas s’interroger. Ne pas s’interroger sur les deux apparitions du visage. Il était là, dans la chambre. Il s’en fallait de peu. Une fois par le dessous. Il ne manquait plus que les yeux, un tracé plus précis de la bouche. Elle allait pouvoir l’identifier. L’autre fois ce furent deux lames, à gauche et à droite, de feu, qui convergeaient l’une vers l’autre, à la ligne des yeux et puis plus rien. Qu’une interrogation. Ne pas nommer. Ne pas dater. Ne pas, surtout ne pas … Elle ne rêvait pas. Elle voyait. Jean, dans la chambre avait dit « Oui ! Comme je te vois. Mais je ne le connaissais pas ! »

Tant de regards
Et tant de voix !

20 mars 1980

02 mars 2007

LE DESSOUS DES PAUPIERES



Il pleut et je chante. Je marche vite dans les ruelles mixtes du quartier Notre-Dame : immigrés et clients des boutiques « in » ; une chouette gentille petite pluie. Le capuchon de mon anorak commence à goutter. Dans deux pas je double le coin de la rue. « Bonjour ! » Quatre pas en avant pour ignorer le bonjour qui pourrait être racoleur. Je me retourne. Philippe s’est arrêté. Il m’attend. On s’embrasse. Une fois, deux fois, trois fois. Je lui dis : « J’ai lu. Je suis bien contente. » Et son regard me balaie toute. Quel chemin n’a-t-il pas marché ce petit veinard, parti à temps dans la colère et le refus, et aujourd’hui, visage doux, yeux de lumière et ce « parti-pris d’aimer ».
Ils sont grands, ils sont beaux et ils n’ont pas vingt ans …
Philippe c’est à toi que je pensais quand je soufflais dans mon mirliton clandestin cette année-là, à toi et à Hervé, Christian, G Lacomte, Patissier … ceux et celles de la promo de 3ième… oui je suis bien contente !
Le petit fleuriste a dû s’en douter puisqu’il m’a donné une rose. De la limpidité de ton regard, ce jour-là, de la petite pluie, j’ai tiré une de ces vérités premières que j’aimerais poser en canne à mes côtés pour m’aider les jours de grand vent : On ne donne une rose qu’à la joie.
Devant l’immeuble le lampadaire est une boule de verre. La bougie blanche de la lampe en distrait 1/5. Il pleut ; quelques petites gouttes pressées dans les flaques au pied du lampadaire. Il s’y découpe. Dans la partie supérieure, ce gris-vert pourrait être le reflet de pelouse mais la surface concave du verre fabrique la ligne d’un buisson plus ombre. Le ciel bien sûr en bonne logique. La boule s’ourle par le dessus d’un trait blanc crémeux. La bougie aussi a sa cire partagée en deux zones inégales. Le lampadaire est éteint. Le ciel du lampadaire est gris-vert. Le vrai ciel est gris-bleu-blanc. La ligne blanche rompt la sphère parfaite en deux fesses. Un potiron. Il reste le bas, plus vaporeux, plus dense, plus blanc. Ce pourrait être l’eau.
Je vois le lampadaire. Ce lampadaire-là je le vois.
La pluie n’est qu’une anecdote. Le lampadaire est un lampadaire. La description d’un lampadaire n’est pas un lampadaire mais je vois, en le décrivant, le lampadaire.

01 mars 2007

LE DESSOUS DES PAUPIERES


C’est en été qu’avaient commencé les paysages. Jacques lui avait tendu ses yeux comme un miroir pour ses alouettes. Elle était venue, fascinée, au bord du marais. Il y avait des rideaux d’arbres qui se faisaient, se défaisaient, au bord, dans, sur l’eau. Très doucement Jacques essayait de la ramener sur la rive. Sur la terre ferme.
Elle écrasa ses propres poings sur ses yeux fous. Ne rien voir, ne rien entendre. Il y avait déjà eu l’illusion des gouttes d’eau, ploc, ploc, qui tombaient de la voûte. Si les yeux maintenant s’en allaient aussi … Et pourtant ! Vers quelles beautés n’étaient-ils pas capables de monter, ces yeux, arrachés, libérés de la tête, points brillants dans le scintillement d’une abstraction totale.
Un jour elle parla de cette vieille hantise revenue : les yeux fermés, il n’y avait pas de nuit, pas d’immobilité, pas de silence. Le sommeil ne parvenait pas à s’installer dans cette brillance affolée de jaune, sépia, bleu, noir, vert … rouge et noir, noir gris, noir blanc … qu’après une longue, longue attente qui s’apaisait et retombait sur l’oreiller. Elle avait toujours eu envie, sans oser le demander aux autres, de savoir si leur nuit était comme la sienne, si la nuit n’était jamais noire, si elle ne serait jamais noire, seulement noire. Elle ne le regrettait pas vraiment. Il y avait tant à observer dans ce bal costumé ! Et le bourdonnement de l’air qui vibrait tout autour …
Elle ne fut guère satisfaite de l’anecdote sur Salvador Dali. Que ce bouffon joue aussi aux poings sur les yeux ne l’encourageait pas à accepter sa nuit colorée.
Il y avait eu la colère de Ferruchio. Leur approche tendue, douloureuse, attentive, yeux contre yeux. Sa blessure à l’épaule saillait, ses joues blanchissaient, s’étiraient. Ses yeux hurlaient, suppliaient, exigeaient : Je veux te connaître, j’ai peur, je n’ai pas peur de toi, je veux t’aider. Elle répondait, se sentant profondément calme, sans prononcer les mots jaillis du fond d’elle-même, Regarde encore ! Je ne suis pas un mystère. Je ne suis ni ta mère, ni ton institutrice. Je suis … et puis, tout à coup, ces yeux d’homme devinrent des billes de verre à paysage. Peut-être à cause d’un rai de lumière qui arriva de derrière la fenêtre. Elle lutta de toutes ses forces. Elle ne voulait pas, plus d’arbres, plus de marais. Elle laissa précipitamment le regard, vacilla de droite à gauche ; les yeux tournaient, viraient, les larmes coulaient. Face à elle Ferruchio ne la quittait pas, suivait l’oscillation et ils réunirent leurs yeux dans le doux apaisement d’un sourire.
On avait fait deux longs voyages.
On en reparla. Il y eut la colère, les poings serrés, prêts à frapper, la blessure horrible, l’accent italien qui martelait « Je ne suis pas un autre. Je veux que tu me regardes moi. Tu me fais mal »
Il avait raison bien sûr. Mais cela ne permettait pas, dans l’immédiat, de voir les yeux de l’ombre.