Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 septembre 2006

A LA VILLE BIS

A la ville bis

Un matin pas comme les autres pour la retraitée professionnelle que je suis. La route à l’heure où les voitures paticulières, les bus, les motos, les camionnettes ont entendu l’ordre « Au boulot ! » et claquent les portières, essuient les glaces.
J. commençant à 9 h doit arriver à 8h-5 pour libérer la place de parking avant contredanse.
Les champs aux aussi brûmeux et mouillés reculent devant l’invasion des boites à savon commerciales (beaucoup) ou industrielles(un peu) dans chaque petite ville, village avant la mégapole. Tout ressemble à ces litanies aux USA ou Canada qui me navraient il y a 20 ans. Le modèle a franchi l’atlantique uniformément.
Je suis une touriste en visite au pays du travail et de l’organisation. J’observe, je note, je mate, je m’étonne … heureuse bien que frustrée de ne pas participer.
Les rapports humains dans ce bar sont humains, sourires, remerciements, échange de monnaie, d’habitudes … La rue derrière les vitres presque inaudible.
Rien que du calme, de l’ordinaire, du vivable …
A peine dans « Le Progrès » quelques assassinats.

1- « ya des yaourts pour tout le monde ! » la voix lourde, embarrassée comme sa silhouette elle affirme dans le café la supériorité de sa mère sur toutes les autres. Quand sa mère reçoit, on est tous bien nourris, sans distinction …
2- « Travailler c’est bien ! » Celle-ci aussi a un grain de différence. Mais quand elle paie, fiérement, pour le groupe le serveur la charrie comme si elle ne payait jamais ou si peu. La plaisanterie la réintègre dans le monde « normal » Elle rit, elle est heureuse …
3- « Dis bonjour à Cassey, Lucie ! » ainsi le serveur se nomme Cssey ou Cassy. Il prend dans ses bras la petite, l’emmène jusqu’à la table du fond » nous on va manger » dit la maman suggérant que les enfants n’auront rien et seront coincés derrière ou dans les pots de fleurs. Lucie frotte son nez sur son nounours blanc bien fripé ce matin. Elle a plus sommeil que faim. La menace ne l’inquiète guère …

28 septembre 2006

A LA VILLE

Assise, tranquille … immobile
Le square, la station de métro
Direction T2, gare de Vénissieux
Je joue à la ville …
Gobelets plastiques, feuilles mortes
Capsules métalliques, mégots
Cigarettes, boulot, dodo
Sous mes yeux ils défilent
Petit cabot en bout de laisse
Ils ne jouent pas : ils triment
A la ville

Il fait beau
Je n’ai plus peur, j’ai trouvé
La ligne
Gentiment renseignée
J’ai raté l’arrêt
Le garçon de café me court après
Pour un complément d’addition

Des antennes, des stops, des barrières
Du blanc, du noir, toutes les couleurs intermédiaires
Des reflets, des accents, des langues étrangères
Hors norme …
Je croque une pomme
Que j’ai apportée
A la ville

27 septembre 2006

VENDANGE

VENDANGE
Il convient de la mettre au singulier : 2 kgs une fois les grappes égrenées. Déjà transformée en confiture par les soins du maître confiturier. Une vendange à raisiné donc, pas à vin !
Aurait-il été bon ce vin blanc si notre vignoble s’étendait sur quelques hectares ? Pas certain ! En tous cas pas homologué ! Le vin des vignes d’ici ne dispensait que de la piquette et il faut bien toute mon imagination pour le ranger au rang de grand cru.
Les plants ( qui ont poussé tout seuls) sont des plants de Noah, interdits car, paraît-il, ils rendaient fou. Fous, l’ont-ils été plus que nous le sommes, nos ancêtres ?
Donc, quelques plants se sont installés en bordure de la cour, sachant bien que partout ailleurs dans le voisinage, ils ne seraient pas tolérés ; ils s’y sont développés. Nous songeons à les mettre en tonnelle pour l’an prochain.
J’y ai ajouté un plant de la vigne de mon père quand mon frère l’a vendue. Il n’est pas reconnaissable. Le goût de Noah l’emporte, ce petit goût sucré et acre. Pas plus que le goût, l’aspect de la grappe n’est pas avantageux. Ni verts, ni gris, ni dorés, les raisins du fond de la cour se confondent avec les feuilles. Pour des vignes plus spectaculaires il faut que j’aille dans les environs. Ce que j’ai fait amplement cette année sur les traces photographiques de Julie. Il est temps. La vigne disparaît lentement. Il n’y a plus que quelques « accros » de mon âge aux traditions de notre enfance pour la regarder encore. J’en parlerai bientôt. Selon mes dernières statistiques il en reste trois sur la commune.
Notre cueillette s’est faite un peu à l’avance. Les raisins ne « dégrouinaient » pas encore. J’entendis pourtant la voix du Lucien, mon vieux voisin ( je l’ai toujours connu vieux dans mon enfance). Disparu lui aussi, comme les « tires » de vigne mais cette année j’ai retrouvé une photo de lui à joindre au dossier. Que nous disait-il et répétait Le Lucien quand nous vendangions à Triel, aux Nappes et que nous lui passions les paniers pour qu’il les vide dans les « gerles » sur le char ? Ramassez les « graines » ! Il ne fallait rien laisser aux oiseaux. Tout devait aboutir dans la cuve et serait bien nécessaire pour faire la soudure, abreuver l’hiver de tous les canons indispensables au réchauffement.
Les plus petits se flanquaient par terre pour ramasser les grains de Noah, de 7055, de « merdariots « , de « coups d’air », qui étaient tombés de la grappe. J’ai aussi récupéré, cadeau de mon frère, un de ces plants anciens de » merdariots » il fait des feuilles en abondance mais pas de fruits. Il faut dire que je l’ai logé derrière le cognassier et l’ombre l’empêche de se garnir.
En me promenant hier j’ai repéré une de ces cuves de bois où les hommes foulait la vendange, la fameuse « TINE » encore en vie dans un hangar désaffecté. Je l’ai photographiée à travers le portail. J’essayerai d’avoir la clé. Au comice agricole un char reprenait tous les outils de la vendange et du pressage. J’ai de quoi garnir le dossier.
Dossier ! ça fait sérieux pour un ravaudage de souvenirs !
Vendange !
Rime avec ange !
Stupidité des syllabes quand elles n’ont plus rien à juter !

26 septembre 2006

VENDANGE

VENDANGE
Il convient de la mettre au singulier : 2 kgs de grains une fois épépinés. Déjà transformés en confiture par les soins du maître confiturier. Une vendange à raisiné donc, pas à vin !
Aurait-il été bon si notre vignoble s’étendait sur quelques hectares ? Pas certain ! En tous cas pas homologué
Les plants ( qui ont poussé tout seuls) sont des plants de Noah, interdits car, paraît-il, ils rendaient fou. Fous, l’ont-ils été plus que nous le sommes, nos ancêtres ?
Donc, quelques plants se sont installés en bordure de la cour, sachant bien que partout ailleurs dans le voisinage, ils ne seraient pas tolérés ; ils s’y sont développés. Nous songeons à les mettre en tonnelle pour l’an prochain.
J’y ai ajouté un plant de la vigne de mon père quand mon frère l’a vendue. Il n’est pas reconnaissable. Le goût de Noah l’emporte, ce petit goût sucré et acre. Pas plus que le goût, l’aspect de la grappe n’est pas avantageux. Ni verts, ni gris, ni dorés les raisins du fond de la cour se confondent avec les feuilles. Pour des vignes plus spectaculaires il faut que j’aille dans les environs. Ce que j’ai fait amplement cette année sur les traces photographiques de Julie. Il est temps. La vigne disparaît lentement. Il n’y a plus que quelques « accros » de mon âge aux traditions de notre enfance pour la regarder encore. J’en parlerai bientôt.
La vendange s’est faite un peu à l’avance. Les raisins ne « dégrouinaient » pas encore. J’entendis pourtant la voix du Lucien, mon vieux voisin ( je l’ai toujours connu vieux dans mon enfance). Mort lui aussi, comme les « tires de vigne » mais cette année j’ai retrouvé une photo de lui à joindre au dossier. Qu’est-ce qu’il nous disait Le Lucien quand nous vendangions à Triel, aux Nappes et que nous lui passions les paniers pour qu’il les vide dans les « gerles » sur le char : Ramassez les « graines » ! Et les plus petits se flanquaient par terre pour ramasser les grains de Noah, de 7055, de « merdariots « , de « coups d’air », qui étaient tombés de la grappe.

25 septembre 2006

ça alors !

J’ai rencontré mon chemin
Sur Internet
Mon chemin de tous les matins
Mon p’tit ch’min à tire-larigo
Oh hisse et ho !

D’abord j’l’ai pas vraiment reconnu
C’est lui ? ben p’têtre !
Je consultais un blog goulu
Qui prend des chemins à la pelle
Mais oui c’est lui ! Il le vaut bien
Mon chemin qui chante à tue-tête
Sur Internet et les noisettes

Une fille que j’n’connaissais pas
Vient de m’envoyer un e-mail
Elle se demande si elle est moi,
Ne met qu’une aile à Gisèle
Nom, prénom et même orthographe
Crénom ! Me voilà dupliquée
Même prénom et même nom
Même chemin si ça se trouve
Même souliers dans les halliers

Voilà c’que c’est ! Y a pas à dire
Quelles aventures sur Internet
Tout communique, même les délires
Et même les serpents à sonnettes
Tout s’complique quand on veut comprendre
Ça simplifie la carte du Tendre
Plus besoin d’rêver ses amours
Tous les chemins mènent au bourg !

24 septembre 2006

PAIX LES CHIENS

Ce matin, tout autour de la maison, les chiens des chasseurs aboyaient, s’énervaient, hurlaient, comme si la fin du monde arrivait. Aucun coup de fusil après les deux marquant le début de la chasse. Qu’avaient-ils donc à tant crier dans les maïs ces chiens ? S’étaient-ils perdus ?

J’ai retrouvé cette page nocturne dédiée aux chiens qui jappent trop la nuit et m’empêchent de dormir ….

« Paix les chiens !
Nous ne venons pas voler les œufs, tuer les poules …
Paix Mon Rip !
Paix la mémoire !
Paix l’inquiétude présente !
Nous ne venons qu’entrer et refermer la porte. Nous asseoir un moment.
Les jours d’autrefois étaient calmes et lents. L’étaient-ils tant ?
Nous n’avions pas d’histoire.
On s’en allait par les chemins qui retardent le temps. On n’était pas pressés et on ne savait pas que l’heure se mesure au sablier des autres.
On s’accordait son pas.

Paix mon beau chien noir et frisé !
Mon molosse qui jappe si fort que personne, jamais, n’attaquera la petite fille craintive, haute comme trois pommes, logée entre tes pattes.
Mon compagnon de retour de l’école
Mon Rip à moi, du même âge que moi, amené en cadeau alors que je me traînais encore à quatre pattes sous la table …
Mais qui vieillira plus vite que moi puisqu’à 11 ans un chien est déjà vieux et il est mort et je dois l’accepter …
Nous l’avons enterré derrière la maison, je ne savais pas jusqu’à ce jour ce qu’était que mourir et être mis en terre comme les pommes du même nom … mais on ne germe pas.
Où est-il ? Que je ne l’entends plus ?
Tous les autres chiens me font peur. Que deviendrai-je si les barrières, les chaînes qui les retiennent craquaient ?
Paix !
Les fleurs se sont fanées sur la première tombe que j’ai fleurie. Qu’est-ce qu’une fleur pour un corps enterré ?
Paix ! La ! La ! la bonne grosse voix tu ne l’entendras plus mais elle t’a laissé une poignée de poils noirs dans ta paume. Caresse-les. Ainsi les yeux fermés, à pas retenus immobiles, tu approches doucement de la maison. Tu entends la maison qui voyage. Elle t’attend.
Le sureau revenu abaisse encore ses branches. Un moineau vient de s’y loger. Et Rip jappe après le moineau pour s’amuser et me distraire…

22 septembre 2006

DALHIAS

A Lucienne De La Loue Des Dalhias

Quatre pattes d’oiseaux
Ont écrit sur le ciel
Message
Dans les fleurs ce matin
Eclate le soleil
Message
Ma voisine attentive
Offre un anniversaire
Message
Ce bouquet de dahlias
Remet mes pieds sur terre
Message
Le vent a décroché
Les feuilles jaunissantes
Automne
Et ma bouche est pareille
A un accordéon
Je chante
J’écoute, je suis là
Vous êtes mes amis
La chance
Est de prendre le pas
De qui vous accompagne
Pour mieux marcher ensemble

21 septembre 2006

MES ANNEES

68 !

Comme autant de robes
Pendues à la corde
Mes années
Comme autant d’été
Au chaud sous les robes
Mes années
Comme autant de feuilles
Aux longs peupliers
Qui s’envolent
Les couleurs sages
Les couleurs folles
Je les ai portées
Jusqu’à c’qu’elles m’emportent

Comme autant de jeux
A saute-clocher
Mes années
Comme autant de cartes
De châteaux hantés
Mes années
Comme autant de fées
Aux vœux partagés
Qui s’épaulent
Les couleurs froides
Les couleurs chaudes
Je les ai bénies
Quand elles se marient

Comme autant de filles
Aux doux noms de fleurs
Mes années
Comme autant de gars
A porter bonheur
Mes années
Comme autant d’amour
Aux blancs cerisiers
Des dimanches
Je les ai chantées
Jusqu’à c’qu’elles me chantent

Comme autant d’oiseaux
Becquetant et piaillant
Mes années
Comme autant de Rhône
A bord m’inondant
Mes années
Comme autant de gouttes
Au panier percé
A mon bras
Les vieilles couleurs
Les couleurs neuves
Je les ai plumées
Jusqu’à ce qu’elle pleuvent

Comme autant d’amours
Au chaud sous mes robes
Mes années
Comme autant de Rhône
Aux vœux partagés
Mes années
Autant d’arc en ciel
De rêves d’enfant
Qui s’exaucent
Les couleurs mortes
Les couleurs vives
Je les ai saoulées
Pour en être ivre

Et puis sans histoire
Sans plus y penser
Mes années
A force d’y croire
A force d’aimer
Mes années
Forcée à jouer
Libre d’en jouir
Farandole
Les couleurs fanées
Les couleurs précoces
J’l’ai avalées
Avant qu’elles me gobent

19 septembre 2006

LA CHAPELLE CHANTANTE

En direction de Paray le Monial, nous nous éloignons des grands axes pour flâner entre les coteaux. Le toit élancé d’une église en pleins champs appelle à la visite casse-croûte. Après le repas je me dirige vers le cimetière, m’assied sur une tombe présentant pour mon cahier une bonne table et pour mes fesses un bon banc de pierre. Près de moi une chapelle en réparation avec un échafaudage. Je glane dans les gravats un petit morceau de plâtre encore bleuté. Cette chapelle était un tombeau.
Le vent se lève. Je coince mon papier dessin avec une pince et tandis que je dessine l’église St Blaise, Doyenneté des moines, ainsi que me l’apprend la pancarte, la chapelle se met à chanter. Une fabuleuse chorale des âmes mortes, renforcée par la lyre de l’échafaudage. Je regrette d’être partie sans magnétophone. Selon les variations du vent la chorale change de partitions, pleure, soupire, s’émeut soudain d’un refus plus marqué puis obtempère à l’ordre divin, se calme, murmure … Hosannah !
Evidemment j’aurais dû m’en douter. Nous sommes près du village de Sainte Cécile qui est la patronne des musiciens n’est-ce pas !

18 septembre 2006

LE CHATEAU DES CYCLAMENS

A Curtil sous Buissières, du café où nous buvons … le café, nous apercevons l’église sur une butte. Arrêt Photo : intérieur humide mais extérieur qui se porte bien. Haut clocher, Cul de four rond au toit demi-sphérique : j’admire toujours cette géométrie en nuages des tuiles …
Quelques cent mètres plus loin, en direction de Charolle … en bonne logique nous abordons le Charolais. Stop !
Une tour visible de la route, des bâtiments aux frontons ouvragés, un portail rouillé qui bée sur une cour herbeuse mais praticable. Cette construction a servi de ferme. Elle en a encore l’odeur, une source détournée de son parcours sur un bassin obstrué, draine les écuries. De l’époque seigneuriale le lieu a mieux gardé les odeurs animales que celles humaines …
A droite, légèrement en surplomb, autre demeure. Deux tours carrées encadrent un bâtiment ancien (19 EME ?) plus important en taille que son voisin fermier mais plus abimé. Les plafonds en sont effondrés. Il suffit de regarder les toits pour en comprendre la cause. Sur l’avant, une esplanade plantée de platanes. J’y suis attirée par un éclat coloré de mauve qui brille dans l’ombre dense. Photo, éblouissement, des milliers et des milliers de cyclamens, arrachage d’une touffe que j’offrirai à nos hôtes. Et puis ces chardons bleus devant le château, j’en détache une poignée de 15 pour ajouter aux cyclamens. Biens qu’ils soient trop mûrs : ils tiendront mal la route.
Toujours cette impression fabuleuse pour une petite journée hors de mes murs et circuits habituels : ce que je vois, découvre, photographie est sans conteste le plus étonnant, le meilleur : vaches bourguignonnes paissant, petits vieux devisant confitures et maladies au bistrot et cyclamens, surtout cyclamens, offrant gratuitement leur abondance, leur douceur virginale, leur enthousiasme d’automne. A moi ! Moi qui suis là, Moi, la plus dégourdie, la plus curieuse, la mieux en jambes … Pourquoi diancre ! Ne le fais-je pas plus souvent ? (sortir de chez moi, pousser la porte des châteaux …
Quand je suis arrivée à Yzeure, derrière le portail ouvert qui attendait notre visite, encore et encore des cyclamens qui se riaient de ma boîte en plastique pleine de leurs congénères. Il n’y a donc pas que des châteaux dormants pour accéder aux cyclamens …
Dommage que je n’ai pas été autorisée ( la voiture était pleine de matériel) à emporter le vieil arrosoir, la cage à oiseaux, mais le cahier portant la recette du verger en belle calligraphie Oui ! Et le carreau de terre sorti du carrelage délabré, oui encore ! La suite quand la route de l’ADSL sera rétablie.
Ce soir, dans mon fief revenue, je vais pouvoir planter la touffe de cyclamens. Tiendront-ils en Bas-Dauphiné ? RDV dans un an pour autre communiqué.

14 septembre 2006

BREF !

Avant le départ ...
A HELENE

Le p’tit oiseau du bord du toit
Est vraiment p’tit, si p’tit ma foi
Qu’heureusement j’ai pris mes lunettes

Pas plus gros q ‘un point sur la ligne
Du toit, qui de pluie dégouline
Heureusement qu’il a pris sa couette

De plumes tout caparaçonné
En dessous y a qu’un grain d’millet
Qu’un grain d’riz dedans sa cervelle

Mais tout p’tit, aussi p’tit qu’il soit
Le p’tit oiseau en haut du toit
Chante une chanson guillerette

J’ai entendu distinctement
Ce qu’il disait en allemand
« Du moment que je suis perché

Je suis le roi des alentours
Le violon du roi de la cour
Puisqu’à mon toit je suis l’unique
Et le meilleur des troubadours

13 septembre 2006

TROIS RESPIRATIONS

« RECHERCHE DE LA BASE ET DU SOMMET RENE CHAR

Trois respirations
Il existe un printemps inouï éparpillé parmi les saisons et jusque sous les aisselles de la mort ; Devenons sa chaleur : nous porterons ses yeux.

La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut.

Nous ne serons jamais assez attentifs aux attitudes, à la cruauté, aux convulsions, aux inventions, aux blessures, à la beauté, aux jeux de cet enfant vivant près de nous avec ses trois mains, et qui se nomme le présent »

1- « Comme la fleur replie ses pétales de soie …
De qui, d’où cette chanson ?
Du Moyen Age, de la Renaissance
De Claude voyons ! Il l’a chanté avec toi !
Elle déplie notes en boutons
du bout du pinceau chinois
(Ah ah ah ! Comme il va droit !)
pendant que j’attrape
les pétales d’un bouquet …

2- offert par Corinne.
un point à la ligne
il convient de signaler
que ces fleurs savantes
qui composent ce bouquet
sont moins belles à regarder
que son ventre
fleuri d’une fille à ce qu’il paraît …

3- Une chanson
un bouquet
une femme enceinte :
trois raisons de respirer
un mercredi treize
Au revoir pour une petite semaine !

12 septembre 2006

LA GALERE


Pourquoi cette galère est posée là, à quelques mètres du four à pain, pleine de fleurs ? Et depuis quand ? Pourquoi on appelle « galère » cette charrette désaffectée ? Vraiment, Claire, tu veux tout savoir ?
Et bien laisse-moi te raconter !

HARDI PETIT !
HISTOIRE DE LA GALERE VOLANTE

Cette année-là l’automne ne pouvait plus s’arrêter de fleurir. On aurait dit un second printemps, un autre été … Les glycines, les rosiers en était à leur deuxième ou troisième floraison et la façade des maisons croulaient sous les boutons et les branches, oui ! comme aujourd’hui ! Il y avait bien des feuilles mortes pour craquer sous les pieds et parler d’hiver à venir mais personne ne les entendait.

Ce dimanche-là, comme tous les dimanches, le Phonse s’était levé à cinq heures pour pétrir. La petiote, la dernière, la vraiment petite, était encore dans son lit pour trois ou quatre heures supplémentaires, à courir dans ses rêves devant un loup ou occupée à cueillir des champignons géants dans des livres illustrés … Sans doute entendait-elle les grands coups de pâte à pain jetée contre les flancs de la maie, que le papa travaillait pour rendre souple et aérée quand elle lèverait dans les benons de paille mais la gone n’avait pas encore émergée.
Comme tous les dimanches la galère était devant la porte d’entrée à attendre les benons pleins de pâte. Campée sur sa béquille de derrière, bien horizontale, les ridelles enlevées, elle bayait aux corneilles qui chez-nous s’appelle seulement des corbeaux. Une galère, le dimanche, ne travaille pas vraiment. Elle s’occupe. Emmener le pain au four de La Loue est plus qu’un plaisir, c’est une fête ! Sentir le Phonse dans les brancards qui tire de toutes ses forces - et Dieu sait qu’elles sont grandes - pour l’enlever d’un coup de reins et la rouler doucettement ensuite sur le chemin quel repos dominical ! C’est bien mieux que les lourdes galérées de maïs, d’herbe à lapin … Et cette grignette qui pose sa main sur celle de son père en s’étirant pour être à la hauteur, cette gamine qui croit qu’elle est la force motrice de l’attelage c’est pas un cadeau ? Quelle bonne petite du dimanche!
- Depachiète ! crie le Phonse à la petite en train de lanterner sur son petit déjeuner. No y van ! Vous pensez si elle ne se le fait pas dire deux fois ! La voilà prête à accompagner la galère jusqu’au four du voisin, elle a mis son quiqui bleu dans les cheveux, ses sandalettes, et vogue la galère ! Non ! le terme ne convient pas . (Quoique …) Non ! Ce n’est pas ce que dit le papa pour démarrer ! Le mot de passe est toujours « hardi petit ! »

Hardi petit ! Nous voilà arrivés au four. Les benons pleins de pâte attendent sur les étagères devant le four chauffé. Les fagottes ont bien pris. La bonne braise est dispersée par le racloir métallique pour que les flammes s’arrêtent. Le Phonse connaît son affaire. De l’avis général son pain est le meilleur de tout le quartier, peut-être bien de tout le village …
Bon ça y est ! La pâte levée a glissé du benon à la pelle et, d’un petit coup sec, de la pelle à long manche vers les profondeurs du four. La douzaine de miches enfournées en ont maintenant pour une petite heure à mûrir. Normalement, à ce moment-là, le Père Bavu se rapplique sous l’appentis avec le vin blanc. La petite rejoint la mère Bavu dans sa cuisine et se plonge dans l’almanach Vermot.


Mais, je te l’ai dit Claire, cette automne-là n’était pas ordinaire ! Ce dimanche non plus ! Au lieu de s’installer à boire un coup devant le four et à attendre son pain cuit, le Phonse attrape la petite d’un bras et la pose au beau milieu de la galère, tourne celle-ci en direction du charret et .. Hardi petit ! A grandes enjambées le voilà qui enfile le chemin de la Loue à celui du Gravier comme si on allait jusqu’au Rhône. Mais qu’est-ce qu’il fait ce papa ? Qu’est-ce qu’elle va dire la maman ! Vous pensez si elle est étonnée la petite, et ravie ! Les enjambées se font de plus en plus rapides, la galère cahote sur le charret, on est déjà au pont de Champiot sur la rivière, on vient de doubler le traquinet du Louis qui n’a même pas le temps d’inviter Phonse à boire un canon. Où on va comme ça ? La petite vient de se souvenir que ce n’est pas un jour ordinaire, aujourd’hui elle a sept ans. Vous vous rendez compte ! Sept ans et le papa lui offre comme un tour de manège puisque il n’y a pas la vogue mais que c’est son anniversaire ! Tant mieux ! Elle ne pouvait pas rêver plus belle aventure ! Même dans les livres on ne trouve pas tous les jours un jour pareil ! Un anniversaire rien que pour soi ! Au trot ! Au trot ! Comme quand elle était petite sur les genoux du papa ! Elle rit comme une folle ! Elle est si heureuse qu’elle va s’envoler ! Au galop ! Au galop ! Au galop ! en compagnie des belles dames et des beaux messieurs de légende ! Infatigable le grand Phonse ! ça ne m’étonne pas ! Il a toujours de ces idées celui-là !
Mais qu’est-ce qui se passe ? Le vent vient de se lever. Un grand vent, pas un petit vent de rien du tout pour sécher le linge. Un grand vent du tonnerre de Dieu … La galère se soulève un peu, cogne sur le chemin, se soulève encore, tangue … et d’un seul coup se met à flotter dans les airs. « Serre la mécanique ! » crie Phonse ! On peut pas ! Elle ne peut pas. Sur la galère il n’y a pas de mécanique comme sur le traîneau. Est-ce qu’il a peur aussi le papa ?
Pas du tout ! Comme d’habitude rien ne l’étonne. Une épaisse brûme recouvre maintenant le fleuve car on est arrivé au hameau de l’Ile. Le papa, qui s’y connaît pour traverser le bois sur son bateau, dirige la galère vers l’Ile elle-même qui a donné son nom au rivage du fleuve : l’île des Brotteaux. Comme si de rien n’était on arrive à l’île. Le bateau volant se pose doucement juste devant la cabane que le Phonse a aménagée pour ses longues journées de bûcheronnage. Ils sont tous deux maintenant assis sur le petit banc. En dessous de la couche de nuages qui les protège des regards. Personne ne peut les voir, pas même un avion de reconnaissance.
Ce qu’ils se sont dit ? Quels secrets le Phonse a transmis à la petite ? Combien de temps a duré le voyage ? Est-ce que les pains étaient brûlés au retour ?
Patience Claire ! Je ne saurais tout te dire. Il n’y a que les papas qui puissent raconter. Expliquer l’essentiel sans oublier le détail. Mais ce dont je me souviens bien, si ce n’est des mots exacts de mon père, c’est que ce jour-là j’ai tenu de lui les mancherons de la galère et les secrets qui vous font vivre : secret du pain juste à son goût, secret du vin juste à sa soif, etc … etc …
Par contre je me souviens très bien qu’ils sont revenus à pied. La galère les avait précédés et s’était posée toute seule là où tu peux la voir. Elle n’a jamais voulu en bouger. Depuis soixante ans. Il a fallu ramener la fournée sur une autre charrette, celle du Père Bavu sans doute. Il n’y a pas eu d’article dans le journal. Pas de photo. Personne n’avait rien vu ni entendu, sans doute à cause de la brume. Du grand vent certes on s’est souvenu car il avait décoiffé quelques toits et déraciné quelques arbres … Mais du vol de la galère par dessus la rivière, les peupliers et les godes, personne n’a parlé jusqu’à maintenant. Personne n’a rien jamais su. Hormis, peut-être, la mère Bavu qui écoutait toujours avec bienveillance les histoires de la petite.

11 septembre 2006

AIMEE

Je ramasse des fleurs les pétales tombés
Et si j’en trouve un, égaré,
Ce matin, de dahlia rose
Je prends le temps de le porter
dans la corbeille avec les autres

Ce matin, j’ai ouvert un rouleau oublié
C’était Aimée qui l’avait roulé
dessiné et écrit d’une main hésitante
Mais le propos était si clair
Aimée disait :
« Un jour tu as émergé
à la surface de la terre
Cot, cot, cot
tu t’es libérée au petit matin.
Tu n’es plus celle qui s’entortille
mais la promesse de l’aube
pour ce qui est humain …
Tu m’invites à suivre le chemin
qui est liberté
qui est élargissement …

Coquille,
tu es la promesse
qui me fait éclore
sans trop me presser
en toute radicalité »

Aimée s’en est allée …
De son chemin de mots
Elle voulait que je garde
Un pétale

09 septembre 2006

SOIR DE COMICE

Les grands-mères roses et les oranges
Ont pris place sous les cocotiers
Dans les cheveux et dans les branches :
Des colliers
Marthe et Jeannette
Jeanne et Louis
Marc et Marie

Jeunes parents et futur père
( quel beau melon dans ce jardin !)
discutent de tout et de rien
couches, biberons
landaus, prénoms
boutons pression sur les brassières
Jo Isabelle, Adrien
Nadège
(en forme pleine qu’elle est belle !)
Et l’appétit de Jérémie
pas mal aussi

Un soir de comice agricole
On peut bien se détendre un peu
Le char est rangé dans la grange
Le défilé pris en photo
Ce fut vraiment un beau dimanche

Michel à griller les côtelettes
met toute sa science et son art
Monique et Jean, stoïques, attendent
Qu’on serve entre fromage et poire

Enfin pour corser le corso
Notre Danielle a pavoisé
Danielle des fleurs et colliers

Et des idées …

08 septembre 2006

COMICE AGRICOLE

Nous avions rendez-vous vers la caserne des pompiers. Nous : le groupe d’histoire au grand complet de 33 à 93 ans. Une sacrée escouade !
Le char avait été préparé trois après-midi de la semaine à la ferme. Une ferme ancienne et nouvelle dans un quartier que je découvrais. Bâtiments superbes, allure de château. L’alliance du pisé et de la pierre plus l’inévitable hangar métallique moderne fonctionnel. Je suis allée jusqu’aux greniers par l’échelle qui ne me fait plus peur maintenant que je suis grande. J’ai eu mon saoul de vieilles planches, vieilles machines, ferrailles, ombrelles, casque de 14, cahiers et livres : poussière et faste du passé. Nous y retournons ce samedi pour tourner l’orgue de Barbarie.

Mais nous voilà en plein soleil attendant que le cortège se forme. Notre numéro d’ordre est le Vingt et un. Il y a 32 chars : tout le monde des sociétés locales est là, dans une ambiance hétéroclite sans concessions ni complexes, du Don du sang aux Chasseurs, des personnages géants qui se déplacent sur roulettes aux petits poussins emplumés de carnaval. Représentations fantasmatiques de l’Afrique, des marais, … en carton, fil de fer et fleurs en papier. Surtout des fleurs. Notre char se signale par le bleu blanc rouge patriotique. Un Dimanche à la Campagne en 1900. Tout le monde joue au soleil, comme dans la cour de récréation. Les déguisements permettent les audaces. Dan en petite fille à costume marin a des ardeurs juvéniles qui propulse son cerceau dans la foule. Les cyclistes ont fabriqué des vélos d’apparat et de rigolade, les collectionneurs sorti les voitures rutilantes et astiquées. Une belle rouge tombera en panne au milieu de la progression. Car finalement et presque à l’heure dite on s’est mis en route. Aussitôt me vient une chanson que j’égrène le long du parcours, plutôt dans les descentes et dans les plats que dans les montées, et que j’inscris subrepticement sur une mini page de carnet . A l’arrivée au Champ de Mars j’en suis déjà à six ou sept couplets. Ce n’est pas très raisonnable et vraisemblable pour une paysanne (la Pélagie) qui devrait surveiller son panier et mettre avec plus d’application un pied devant l’autre pour tenir ses mollets en bon état et les reposer un peu à chaque halte. Car l’avancée du long cortège par les rues est imprévisible. Parfois on avance à pas lents, très lents, quasi du sur-place, parfois des ordres de se rejoindre tombent et c’est le petit trot … De longues stations pas forcément où il y a le plus de spectateurs …
Car nous ne sommes pas seuls à nous baguenauder en musique : le ban et l’arrière ban du char à banc cantonal. Et comme je les aime mes concitoyens qui applaudissent ! Comme je reconnais leurs trognes rouges, leurs élégances du dimanche, leurs pliants posés pour reposer leurs vieilles jambes. Ils sont des miens, je suis des leurs ! Nous nous donnons la représentation de notre bonheur d’être là, vivants, sur ces terres si belles auxquelles nous sommes attachés par tant de coups de bêche et de pioche. Passons sur le fait que les agriculteurs aujourd’hui ne sont plus qu’une poignée parmi nous, la plupart âgés. Passons sur les problèmes de l’heure d’une agriculture qui ne dévorerait plus les talus, les fossés, le sol lui-même à coups de chimie et qui produit, qui produit tant et tant qu’elle en est malade d’indigestion … N’en parlons pas ce n’est pas le moment. Continuons la chanson du Comice agricole. Mais où est-elle cette chanson ? Elle a disparu du panier. Oh c’est trop bête ! Elle était géniale, marrante, partageable aisément et la voilà qui a « joué à Rip » Je referai tout le trajet, avec mes bottines et mes petits pieds souffrants pour la retrouver. En vain. Curieux acte manqué. Ne joue pas ma belle au témoin de l’événement. Tu es en plein dedans. Tu sue des mêmes soifs que les copains. Ne crois pas t’en tirer indemne de participation effective sans réserve.
La rue vidée de monde laisse flotter ça et là quelques papiers. Je les vérifie tous. De la pub, de la pub, encore de la pub. Au Comice Agricole on n’oublie pas les lois de la communication commerciale. Plus de flons-flons. Des rues désertes. Rien qu’une vieille qui arpente la chaussée et qui se souvient, vaguement, qu’en 1956, elle en faisait autant en jolie robe rose, à côté du char de son village … Il faudrait qu’elle retrouve la photo, Sa photo, Bof ! A quoi bon ! Les photos, les chansons, les jeunes filles c’est fait pour passer, défiler, s’envoler et se perdre.

07 septembre 2006

LE BEROT

Le berot

(L’AMANT DU VOLCAN SUSAN SONTAG
« Le véritable thème de ce roman original se situe … dans cet amour que le collectionneur voue aux objets, mais avant tout l’objet manquant, celui qui viendrait parfaire la collection et n’y prend place que pour mettre en évidence l’absence du suivant ; /…/ montrant par cette métaphore que toute passion, comme l’existence, se nourrit du manque »)

J’ai cru hier ne plus l’avoir « mon » berot. De m’être souvenu de lui dans cette escalade dans le grenier, au dessus de la grange, pour photographier ce que je ne veux ou ne peux descendre dans l’herbe (ah les échelles et le poids d’effort et d’excitation qu’elles soulèvent ! ) m’avait donné l’envie subite de le revoir. Comme un rêve où l’on retrouve un absent. Le manque au réveil devient insupportable. Un goût de mort envahit la journée qui était pourtant guillerette.
Papa, Maman …
J’ai fureté dans l’ancienne écurie, sous le hangar … Que diable ! il n’a pas pu disparaître. Ce n’est pas une épingle de nourrice ! Généralement mes voleurs s’intéressent à d’autres valeurs plus marchandes. Quoique … Les brocantes ne sont pas achalandées uniquement avec des héritages de grand-mères … Et ce berot exceptionnel a pu tenter plus d’un fouineur …
Heureusement que j’en ai fait une photo du temps où je le plaçais en évidence dans la cour avec des fleurs. Mais, cette année, où est-il donc passé ?
Et puis non le voilà ! Encore une fois dans mon collimateur. Dans le bric à brac, sous le hangar, coincé entre le scooter inutilisable et la vieille brouette de chantier que Louis m’a apportée connaissant mon goût immodéré pour ce qui a la mémoire qui flanche et tient à peine sur ses pieds, pattes ou roues.
Dans le cas présent : deux roues. Le berot est un Deux Roues indiscutablement. Plus grandes que celle de la brouette, moins que celles de la « galère » Des bras reliés d’une barre pour mieux tirer en cas de charges trop lourdes. Comment s’appelle cet attelage ? Ce n’est pas un timon ? Un brancard ? Papa disait : Mets-toi dans le brancard pour la galère dont il ne me reste que le chassis et une seule roue là-haut.
J’ai été bien étonnée de le découvrir dans la maison après démolition et inventaire de petites constructions effondrées. « Un berot ça alors ! » Il y avait belle lurette qu’il avait disparu de Chez Nous. Il fallait bien cette maison hors du temps pour en avoir conservé un, en bon état encore.
Tout de bois, seules les roues sont cerclées de fer, made in ici-même en planches assez grossières mais tout de même rabotées, peint en bleu, le joli bleu des volets et sûrement le même pot de peinture. Il en a charrié des berottées de godes (maïs), d’herbe à lapin, de bois, de carottes … le dimanche peut-être, un gone ou deux, que l’on trimballe en riant pour qu’ils se croient sur un manège ( la vogue n’a lieu qu’une fois l’an).
Permission rare pour se distraire. Un berot, une berotte, est fait normalement pour servir. Comme la femme dont il a la petite taille et l’application quotidienne. Les hommes, eux, sont des hauts chars à ridelles pour ramasser la vendange, la fenaison ou la moisson … Ils en ont la carrure. Le berot, la berotte, lui, enfin… elle … Non ! Curieusement je retombe sur une question bizarre de genre masculin ou féminin. LE berot c’est lui, LA berotte c’est la brouette. En dessous du petit il y a encore un plus petit : c’est comme ça dans les familles, j’en sais quelque chose …
Il existait le verbe « berotter » qu’utilisait largement ma mère.
N’as-tu pas bientôt fini de berotter = Tiens toi tranquille ! Repose-toi un peu !
Alors qu’est-ce que tu « berottes » aujourd’hui ? = Que fais-tu ? Petits travaux ordinaires, petites promenades nourricières, les poules, le cochon, les lapins ...
Berotter c’est s’activer sans trop penser, sans réfléchir. L’ouvrage est là, à transporter à petites brassées, à petites fourchées … Pas besoin de sortir ses grands chevaux ! On berotte en sabots.
Les sabots … justement. Les zekios. Demain pourrait bien être leur jour si je ne suis pas trop occupée à berotter par le pays, à ber, à cer … et si j’arrive à les chausser de bonne heure.

06 septembre 2006

APPEL A TEMOINS

APPEL à TEMOINS

A propos de l’enquête en cours concernant les vieilles choses l’inspecteur G. tient à faire toute la lumière sur cette affaire enténébrée et, sans relâche, de jour comme de nuit, dépêche ses agents troubles sur le terrain.
Le document saisi ci après ne saurait constituer une quelconque preuve de quoi que ce soit mais il tient à le révéler sans tarder à la presse … On ne sait jamais … A été trouvé sur le coup des 3H du mat entre le Livre de Suzette ( Mme Marie Robert HALT Lauréat de L’Académie Française) ( p33 la préparation du café, cafetières et moulins) et le Deuxième livre des petites filles de Clarisse Jor….ille (p81 : le chanvre et le lin).
Quiconque y verrait un indice prémonitoire de cet acharnement du suspect pour échapper à l’interrogatoire est prié de le signaler à la brigade. Des mesures seront prises.

Un livre en mains j’allais par les Dimanches
Et mes repas mangeais mieux ce jour-là
Sans m’arrêter à l’ombre sous les branches
Seulette étais, ralentissant le pas

A chaque fois je découvrais l’offrande
Que font les mots venus sous d’autres nues
Et je rêvais de garder dans mes manches
L’odeur de sel d’une mer inconnue

Puis les dimanches sont devenus si lisses
Que ne couraient plus sur eux de frissons
Et je lavais visages, bras et cuisses
En oubliant le cœur de la chanson

J’ai retrouvé le livre du dimanche
Mais cette fois je l’écris en entier
J’aime sentir autour de mes dix hanches
L’ambre et le musc que font les mots liés

Si par hasard, par fatigue peut-être
J’oublie ou nie pourquoi je suis ici
Rappelez-moi qu’un livre doit paraître
Quand une page vient à être finie

05 septembre 2006

EN DIRECT LE TOMMIER

Depuis le temps que personne ne me regardait ! Qu’est-ce qui se passe ? Seuls les mulots trottaient parfois sur mon couvercle. Mes flancs étaient vides. Dans un coin de la grange je ne comptais même plus les jours. Et puis du soleil ! Une main qui me désareigne, un bon coup de balayette sur mes pattes branlantes. Que veulent-ils de moi ?
Oh c’est que je pourrais encore servir !
Je connaissais mon importance au temps où j’étais encore en fonction. N’allez pas croire que j’ai tout oublié ! Il a suffi de cette lumière pour chatouiller mon modeste bois blanc lavé et lessivé tant de fois et me voilà rendu à la mémoire vivante.
En dessous du pertuis d’où s’écoule le petit lait se trouve la seille : un simple baquet où tout le monde dans la famille jette les miettes laissées sur la table, la bouque de pain oubliée au fond d’une poche. Rien ne se perd qui nourrira les cochons. « Va mettre donc ça dans la seille ! » crie la Marcelle à force de s’énerver après cette gone, cette pignouche qui ne veut pas finir sa soupe.
Les jours de grand nettoyage elle prenait carrément la brosse à chiendent, de l’eau bouillante avec des cristaux de soude et frotte que frotteras-tu. Les rainures de la planche du fond accrochent les saletés, c’est là qu’elle insiste le plus. Puis elle me rinçait à grandes eaux. Elle m’avait conduit près du bachat dans la cour. Il vaut mieux me tenir propre comme un sou neuf que laisser cette bave de fromage qui dèle, aigrir et contaminer les autres tomme. Un bon tommier pour de bonnes tommes ! Elle s’y connaît la Marcelle. Depuis le temps … Depuis sa « gran » qui lui a appris à faire les tommes … Depuis toujours …
La Marcelle a relevé mes pieds de derrière plus longs que ceux de devant. Elle accentue la différence pour que l’eau dévale la pente plus facilement et entraîne les dernières saletés.
Voilà la grande lessive de fin de saison. Il n’y en aura pas d’autre de cette ampleur avant l’année prochaine.
Mais je rêve.
Allons bon ! Les voilà qui me reloge dans le fond de la grange au lieu de me replacer dans l’évier juste en dessous des étagères, entre l’évier de pierre et l’envers de l’escalier, à borgnons. Pourquoi me sortir du sommeil si c’est pour m’y replonger aussitôt ?
Quelle ingratitude !
Ah ! J’ai compris qui vient de me tirer de là ! La Gie ! Celle que le fromage fait dégobiller avec sa seule odeur. Elle se venge ! Elle pince le nez de dégoût. De se souvenir de la petafine que la Marcelle fabriquait pour le Phonse en touillant les vieilles tommes sèches dans du vin blanc avec un peu de gnole, elle est prête à s’évanouir cette donzelle ! Jusqu’à obliger son père à aller manger sa tartine de traque à la cave ! Si c’est pas Dieu possible ! Faire tant de manières ! Aussi on voit ce que ça à donner ! Une institutrice ! Une blouse blanche, pas un tablier de devant ! Un bon devantier à carreaux de vichy qui couvre les robes de damuzelles.
C’est pas elle qui aurait soulevé lentement mon couvercle avec respect pour faire les tommes chaque jour. Elle n’aurait même pas su comment s’y prendre ! Elle aurait pu demander tout de même pendant qu’il était temps … Au moins essayer …
Moi, le tommier fabriqué par le menuisier de Cessenoud, morceau d’un arbre abattu au troussier, taillé à coup de hache, raboté avec le grand rabot, rainuré à coups d’aigoïne, je mériterais tout de même une autre retraite ! Je sais pas moi … au moins, en exposition sur la place du village, une fois l’an pour la vogue, plutôt que dans le fond de ce hangar à rats où j’achève de me délabrer.
Enfin … aujourd’hui, c’est un peu mieux que rien.

04 septembre 2006

LE TOMMIER

J’avais tiré le tommier de l’ombre du vieux toit
Bien m’en a pris ce matin il joue avec moi
Me fait des avances
Un rayon entre ses pattes

Légèrement en pente, le plan incliné
c’est comme s’il voulait
faire du soleil, des tommes

Et moi qui n’ai jamais aimé les fromagers
je suis bien satisfaite
de pouvoir lui parler
quasiment en direct
et termes non équivoques

Oui je t’aime tommier
pour ce petit bonjour
qui glisse sur mon thé
mes tartines de rhubarbe
Et pour ce goût d’enfance
bien campée sur mes pieds
Et pour ce petit lait d’amour
Et même cette larme
qui me vient à t’entendre
encore me raconter
que la vie est si belle
puisque nous la vivons
tous les deux au soleil

Ne vois-tu pas l’échelle
Qui pourrait nous rejoindre ?

02 septembre 2006

BOUQUET DU JOUR

Un bouquet de plus
Hortensias et tournesols
Branche de l’onagre
Dahlias du jardin :
Un bouquet qui parle

Un cadeau ancien
Les hortensias c’est Anna
Dès que j’eus repris
de la maison vieille
Les peurs ancestrales
les espoirs fleuris

C’est Maria qui a donné
pas plus tard qu’avant hier
à Julie la Parisienne
cette fleur jaune pétant
dite fleur du diable
qu’elle avait tant admirée
et qui croît chez nous
à n’importe quelle place
à l’envers des talus
et jusque sous les fenêtres

Les tournesols de Sylvie
posent en permanence
l’éclat du soleil
mais il me faut aller voir
si j’en crois ses dires
la plante étonnante
qui a poussé chez Jeanine
bien plus belle que la sienne

Le vase est modeste
juste suffisant
pour la grosseur du bouquet
Il vient de Turquie
et d’une brocante :
Une bonne affaire

Un bouquet de femmes
Les fleurs fanent c’est certain
Et les fleurs demeurent

Sur mon cahier ce matin
S’affirment immortelles
Comme les rosières

J’ai aimé cette minute
En leur compagnie

01 septembre 2006

LA PELAGIE ET LES VIEILLES CHOSES

La Pélagie est de retour ;
- Dis donc !
(Je sursaute. J’aime bien quand elle revient chez elle mais aujourd’hui … vraiment … ce n’est peut-être pas le jour … )
- Oui ? ( je ne l’écoute que d’une oreille. Il fait beau. Le soleil m’appelle …)
- Dis donc ! Ces vieilles choses que tu disais que tu allais t’en occuper ? Et alors !
- Oui ! Promis ! Tout à l’heure, demain ….( si je lui assène le « Je n’ai pas le temps » sur la tête est-ce qu’elle va rentrer sous terre ?)
- Et alors ! Pourquoi pas voua, te t’heure ! le Père Durand astiquera les vieilles choses, les vernira. Te suffirait d’un bon coup de brosse à chiendent sur les benons, tu as pensé aux benons … les balles à grains et à linge, le corbillon tu sais qu’il est au fin fond du buffet. Le buffet faut t’en occuper lui aussi c’est une vieille chose … tu peux même laisser les toiles d’araignée dessus. Ça fera plus … comment tu dis ? … couleur locale …
Quand la Pélagie est partie on ne peut plus l’arrêter. J’essaye le patois pour lui clore le bec.
- Kajyète ! de né pö lô tion, voua !
Mais elle ne bronche pas, s’assied sur la pierre devant la maison, si usée la pierre qu’elle retrouve automatiquement la forme de son derrière, et me scrute. Quand elle me regarde d’un tel air j’ai intérêt à filer doux. Une fois assise elle repart en campagne
- On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! Des vieilles choses tu en as ! Plus qu’il n’en faut ! Qui s’abîment ! Tu n’as plus toute la vie devant toi pour t’en occuper. Elles ne vont pas tarder à tomber en duelles. Le temps te passera sous le nez que t’auras rien vu. Arrête don de narouiller ! Tiens toi tranquille et occupe-toi d’elles, les vieilles choses. Crois-tu que je les ai laissées dans la maison pour qu’elles disparaissent au grand jamais, non mais des fois !
Je ne l’écoutais plus. Je l’ai abandonnée sur le pas de la porte. J’ai sorti les vieilles chose de l’ombre de la souillarde, du récanton … Je me suis barbouillée de couleur locale et quand ma sœur est arrivée je lui ai fait cadeau de quelques toiles en l’embrassant …
Julie a de bonnes suggestions quant à l’art de photographier les vieilles choses. Projecteurs ( ils sont encore en place) mur blanc ( celui-ci près de la cheminée devrait faire l’affaire). Pourtant c’est le soleil qui continue d’appeler. Pas si lourdes que ça à charrier dans la cour les vieilles choses. A écouter. A conter. Voire à chanter.
Chanson 1 : les vieilles choses au soleil
Chanson 2 : les œufs dans le corbillon
Etc …
- Tu sais Pélagie … Je travaille pour toi. C’est parti ! Pas plus tard que ce tantôt je vais aider à décorer le char pour le Comice Agricole de Dimanche. Je t’invite, Viens ! 1900 : un dimanche à la campagne, ça t’inspire ? Tu en as connu plus d’un. Si tu y allais à ma place tu serais bien à la tienne. N’oublie pas ton devantier, ton panier de jarboui. Mets tes bottines ! Prends ton temps comme tu l’as déjà pris si souvent, à pleines pognes, à pleine pôche …

( préparer aussi un dictionnaire pour les non-initiés. pognes : les mains ; pôche : la louche) En attendant qu’ils se débrouillent pour deviner ! Ce n’est pas difficile. Le Père Duarand : le soleil bien entendu.
Ex « kajyévodon ! = taisez-vous donc !)

… M’a laissé sur le seuil, juste avant de me lâcher les baskets, ses bottines et ses sandalettes ( photos suivront comme preuves tangibles)

BRUME

La brume hier …
revenue sur les champs, les toits, les chemins et leurs peupliers.
Partie du fleuve et de la terre.
Ce pays d’eau rendu à ses vapeurs, ses humeurs naufragées …

Hier matin sous les yeux et dans l’objectif. Insaisissable et pourtant insistante. Veut se loger dans nos tourmentes, veut dénicher nos incertaines tentations.
Non ! Tu ne pourras atteindre la rive sans délire. Sans mirage.
Un rayon de soleil vient déchirer l’espoir de brume en toi qui te captive.
Non ! Tu ne peux danser !
S’il ne tenait qu’à toi tu partirais dans les nuages. Maintenant. Tout de suite. Tu franchirais le fleuve d’un seul bond. Sans barque à ta portée tu serais brume simplement. Sans extase inédite.
A modérer tes enthousiasmes tu as appris à accepter tes désillusions.
Tu n’aurais plus besoin de mots à définir. Des sons peut-être. Simplement des sanglots. Des onomatopées. Des rires. Avec le soleil. Lutte d’égalité. Ni vainqueur ni vaincu. Deux voix uniques dans leur recherche de liberté. Flirt appuyé. Léger soudain. Chant de l’être qui se réveille dans sa totale plénitude. Cache-cache enjoué …
Les deux côtés de l’eau dans une seule main.

Un rayon frotte les feuilles jusqu’à ce qu’elles récurent leurs ombres et brillent à neuf dans la cuisine du Bon Dieu.
Car Dieu est bon, il n’y a aucun doute. La brume est là pour te chuchoter tes automnes et te préparer à l’hiver
Car Dieu a tout prévu. Les routes et les distances. Les bifurcations et les chutes. Simplement ne t’a pas donné la carte pour conduire.
Fais attention ! Aux marches de l’escalier. Aux cailloux sous tes pieds. A cette erreur de paralaxe. A l’appareil photographique qui croyant tout saisir te rejette sur l’envers des choses.

Hier c’était la brume. Cette nuit s’en souvient.