Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

27 janvier 2011

parents-thèse


Je voudrais un petit canard
à faire flotter dans ma baignoire
Un petit canard jaune et blanc
qui ne brasse que le bon temps
Un petit canard et sa mère
Et pourquoi pas et pourquoi pas
ses frères, ses sœurs et son grand-père
Et si la baignoire déborde
je ne lui dirai pas qu’il sorte !

Si jamais vous le rencontrez
en bois en plastique ou en plume
N’omettez de me l’adresser
par e mail ou poste restante
pour le loger dans ma soupente
où ma baignoire est installée

J’ai tant envie de barboter
sans remords
quand flotte la brume
au dehors

26 janvier 2011

NOUS ...

LES ESCLAVES

Avec nos regards nus sur la réalité
Que ne transfigura l’arc-en-ciel d’aucun prisme
Nous regardons marcher votre morne héroïsme
Grelottant en hiver et suant en été,

Vous, compagnes de ceux que mange la fabrique,
Vous, épouses qu’on bat, et vous maigres catins
Sans fards dont rehausser vos maigres sens éteints
Qu’assaille le désir brutal comme une trique.

Votre destin nous frôle, austère et grimaçant :
Nous avons vu, penchées aux trous d’or de nos portes,
Vos paupières sans cils, vos faces aux joues mortes,
O chair de notre chair et sang de notre sang !

Lucie Delarue Mardrus ( 1880-1945)

NOUS QUI CONTONS ...



3-
Chacun de nous est mortel
= Nous sommes tous mortels !

Pas facile pourtant d’accepter la mort tant à titre individuel que collectif.
Nous étions donc hier en préparation de séance contée pour le mois d’Avril.
Comment organiser chaque conte en un ensemble ? Comment grouper nos voix en un chœur harmonieux ? Quel choix pour chacune afin de bien participer au tout ? combien de bougies allumer sur le devant de la scène ? quand les éteindre ? quelle taille pour le coffre d’où nous tirerons les histoires ?
Autant de questions à résoudre dans l’agitation et le bonheur de création.
J. propose et lit un conte sur l’Ankou, la mort au masculin des Bretons. Un de ces Bretons exigeants, Yann, cherche un parrain pour son fils nouveau-né. Il veut un HOMME JUSTE. Successivement il rencontre Dieu, St Pierre et l’Ankou. Il refuse Dieu, responsable de trop d’injustices, ST Pierre qui n’accueille pas les humbles, légèrement ivrognes le dimanche, en paradis mais Yann accepte aussitôt le porteur de la grande faux égalitaire.
Cependant le conte lu ne reçoit pas l’approbation de tout le monde. Difficile pour une conteuse d’accepter à la fois la primauté de la tradition du conte sur sa propre affection, difficile de faire foi à ce qui heurte. Et dépouillant nos habits de spectacle nous nous retrouvons à poil, démunies, douloureuses.
Celles en révolte (ayant souvent une plaie récente au côté): Pas plus de justes sur la terre qu’aux cieux, pas plus d’égalité dans la mort sur la place du village qu’à l’échelle de la planète. Mourir est injuste, quel que soit l’âge. Les conditions de vie de certains sont injustes quelle que soit leur bagarre pour les améliorer. Celles qui refusent l’eau bénite, les fleurs, les hommages prononcés …
Celles qui tentent de temporiser ( mettre le temps de la mort à portée humaine, accepter la souffrance, l’âge, le degré de connaissance, accepter la fin qui justifie et embellit les débuts et la route … Celles qui écrivent, lisent et disent les adieux, sur les tombes et sur les théâtres, d’une voix quasi assurée.
Unes devenant Autres selon les moments et les circonstances.
Injuste la mort qui nous a privés dans l’année de deux d’entre nous, les plus ardents, les plus inventifs, les plus chaleureux. Celle qui MORD à vif !
Juste le chemin que nous avons parcouru ensemble à conter la vie, petite et grande bougie sur le bord allumée puis soufflée. Celui qui vaut par et pour la marche
Les unes et les autres, Nous, à tirer le vin de la treille, à conter grains et pépins.

25 janvier 2011

NOUS, ENCORE NOUS


Nous allons passer un bon moment ensemble. On dirait. Même les gendarmes et les pompiers sont représentés et représentatifs. Tiens ! pas de délégués des cultes ! dommage pour la couleur locale !

Nous sommes donc assis sagement, les derniers arrivants debout soutenant les murs, en attente paisible des vœux communaux, artistiques, intellectuels, sportifs, économiques … et forcément bienveillants. Bonne année, Bonne santé et la goutte au bout du nez !

Eh ben non ! Qu’est-ce qui passe ?
Nous avons beau avoir nos oreilles en veilleuse ce qui leur parvient n’a rien de gentil et lénifiant. Quoi Mr le Maire c’est de Nous qu’on cause ? nous les vilains contestataires dans la rue, nous les feignants qui voulons pas bosser après 6O ans alors que nous avons tant de chance de le faire, nous les monstres qui utilisons nos pauvres petits comme boucliers, ect ... Attends ! c’est bien toi NOTRE édile qui utilise la tribune payée par NOS impôts pour nous passer un savon en règle, nous promettre le bâton avant la carotte, nous fustiger, admonester comme des gamins privés du droit de réponse puisque parqués sur les chaises et sans micro … Tu te lâches, tu te révèles, tu montres bien plus que le bout de l’oreille. L’occasion était trop belle de libérer tes affects, tes hargnes, tes prétentions toute personnelles. Sur nous et en toute impunité
Ah c’en est trop ! Tant pis pour le vin blanc ou pour la limonade !
Nous levons le camp !
Non sans nous apercevoir que, derrière notre dos, l’appel de l’apéro est plus fort que l’indignation d’être pris pour des cons, que notre NOUS-ON est plus serré que notre NOUS responsable de ses actes.

Hola Stéphane Hessel ! Rappelle-nous les meilleurs vœux que nous étions venus entendre !
« Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé.
On rejoint le courant de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté mais pas cette liberté incontrôlée du renard dans le poulailler.»

24 janvier 2011

ENTRE NOUS


NOUS

DE NOUS A NOUS
Et soit dit en passant ... quelques pas ...

« Heureux les amnésiques car le passé est souffrance » pouvons-nous lire chez Mr ERIC FAYE, un des nôtres, dans ce qu’il nomme un roman « Nagazaki »
Pas sûr que cela soit exact pour les amnésiques ( ni pour le roman ! Trop de ressemblances avec nous autres !)

« Du passé faisons table rase » : nous avons vu ce que cela peut donner !

Or donc Nous nous retrouvons ici même sur le bord du chemin pour regarder ensemble où il s’en va. Et tantôt à l’endroit. Et tantôt à l’envers. Sans craindre les demi-tours et les volte-face. Les pannes et pauses, et poses et roses … Pompeusement ( car nous aimons nous pomper l’air avec des formules, les métaphores, les hallucinations et allusions …) nous pourrions dire - et nous le dirons - entre cailloux et herbes folles, macadam usé et asphalte scintillant. Toutes petites sentes d’enfance et autostrada d’avenir…
Nous sommes là (et ailleurs bien sûr) dans l’espace-temps que nous avons délimité ici.

Nous sommes si pluriel !
Nous ne savons pas.
Nous posons les questions et inventorions parfois quelques réponses satisfaisantes.
Nous sommes têtus.
Nous allons finir par savoir.
Quelques évidences toujours bonnes à redire nous accompagnent le temps d’un hors-bord ou d’un traîneau sur la neige.
Ex :
- « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras » ( nous coupons alors cours aux balivernes et revenons au logis conjugal )

Nous ne nous mouchons pas du coude pour affirmer nos différences, les combattre ou en être fiers. Cependant force nous est de reconnaître qu’il n’y pas grand chose à faire pour les éliminer en une bienheureuse unanimité.

Mais foin de généralités ! Racontons-nous la dernière !
Pas bien bonne ! pas bien fameuse ! elle est encore fichée en travers dans nos gosiers !

Imaginons une salle des fêtes communale. Sont conviés les uns et les autres pour la cérémonie de vœux. Tous les officiels à différents échelons. Avec quelques décorations pour orner les plastrons. Une partie des villageois chaudement couverts et - surtout les femmes et conseillères municipales – élégamment mis à la mode de la nouvelle année.
Les verres à pied sont prêts sur les tables.
Par-devant, les chaises sont mises en rangs pour les communs communautaires et communaux.
Une tribune avec sono propice aux discours. Après ouf ! on boira un coup ( le fameux verre de l'amitié) et cela fait particulièrement plaisir au poivrot qui s’affale déjà sur quelques épaules en hoquetant.
Des voeux claquent dans la salle chauffée et décorée. Des bises fraîches se réchauffent de joue en joue. Avec ardeur le conseiller général généralise, bise et rebise. Plus réservé le député ! avec toutes ces gastro qui trainent !

Nous allons passer un bon moment ensemble. On dirait. Même les gendarmes et les pompiers sont représentés et représentatifs. Tiens ! pas de mandatés des cultes ! Dommage pour la couleur locale !

A suivre …

19 janvier 2011

EVENEMENT PASSE


Quand un événement appartient-il au passé ? l'enterrement d'hier ? la naissance de demain ? Curieux comme la mort clarifie l'horizon. Cette mort vécue en direct pendant des jours, cette mort de l'autre que l'on aime mais que l'on a déjà quitté mentalement, à qui on a déjà dit au revoir, ne nous rapproche pas seulement de la nôtre mais aussi, curieusement, très curieusement, de la vie. De son urgence, de sa nécessité de justesse. Hier au soir la chanson que la mort de mon père ( le premier cataclysme) avait provoqué il y a bien trente ans revenait avec insistance me dire la même chose. "Fallait-il donc ta mort pour que je puisse voir/ l'or des matins levants et la brume des soirs ?" Hier au soir, pour une dernière visite à la tombe refermée, le couchant sur la mer était extraordinairement beau, comme une première fois ... la pleine lune éclairait l'harmonieux mélange de cyprès, de fleurs, de marbres ... Alors que j'étais déjà endormie un coup de téléphone de C. m'annonce une espérance de naissance dans sa famille. "la vie continue" banalité peut-être. Banalité que j'avais servie à ma mère ! Pourvu qu'elle reste banale longtemps ! Je vais arrêter l'atelier d'écriture. Mais j'ai gardé tout ce qu'il avait fait naître en moi. Présent encore un peu, il est déjà événement passé. Merci Evénement à ceux qui t'ont initié. Tu m'as beaucoup aidé à "faire le point " sur la mesure Temps. Je te quitte, non pour ouvrir sans toi un avenir radieux ! Seulement pour continuer la route autrement ...

15 janvier 2011

oiseau


Voilà pourquoi dit l’oiseau
j’interrompts mon vol parfois
Comme la falaise, je surplombe
Position difficile.
***
L’oiseau alors prit une plume
et écrivit son nom sur les nuages

O ordinaire
I indécis
S supérieur
E éclectique
A ardent
U Utile
***
Battre des ailes
c’est encourager l’air
à se sentir important
***
Sur l’aire de la nuit
Elle bat des ailes
et trouve
le point précis de l’équilibre vainqueur
***
Sur le fil de l’altitude et du projet
Elle cherche
avec l’oiseau
les coordonnées du vol.

14 janvier 2011

les heures longues


Vendredi 7 janvier
Les heures longues
Les heures sont longues quand elles sont grises, pluvieuses …au dedans. Au dehors.
Longues la nuit quand elles se tassent sur l’oreiller sans pouvoir endormir leur malaise
Les heures sont longues quand on a tant vécu, qu’à la porte de la chambre, personne pour ouvrir, pour demander un service … si ce n’est les soignants, les infirmières, les docteurs, à moments précis et calibrés … Bien sûr, ils font leur travail, il faut le leur laisser faire … c’est plus poli …
Les heures sont longues quand elles n’intéressent plus personne ou presque.
On attend. On attend qu’elles finissent. Poliment.
On est fâché avec le temps. On aimerait avoir deux mots à lui dire mais il s’entortille dans les rideaux. ça n’a plus beaucoup d’importance. Bah !
On dit que les heures longues s’arrêtent à découvert à la fin du désert, qu’elles s’ouvrent sur un jardin. Tant mieux !
Les heures longues c’est comme des couloirs blancs mais tu ne sais pas où frapper

13 janvier 2011

et fin


Chaque matin, chaque soir, autant de fois qu’il a fallu pour ne pas oublier, elle a psalmodié la prière d’Agni, le dieu de l’air, du souffle, des grands vents et des petites brises

Siffle sur les eaux
Souffle sur les forêts
Sacre les esprits
Saboule les oiseaux

Et puis après ? vous allez me dire. On est toujours loin des Trois Pucelles. Elle finit pas cette histoire ?
Si justement. Elle finit. Elle est finie. Vous êtes bien placés pour savoir, tout comme moi, que les dieux les déesses ont quitté le Moucherotte, que leur forêt s’est dispersée et que, même en se levant tôt pour grimper au sommet, on n’acquiert pas l’immortalité.

La nuit où les quatre points cardinaux se confondirent avec le centre, les quatre garçons et la fille se jetèrent de toute la force de leurs jambes et de toute la puissance de leur mémoire sur les lisières de la forêt de l’oubli. Chacun récitait, chantait, sifflait, psalmodiait le morceau de sa partition et il entendait dans les fourrés les sabots de Lili et sa voix qui reprenait avec eux sans relâche le grand cantique des Dieux déchus pour apaiser leur colère et attendrir leur âme.
Déjà ils étaient tous quatre presque hors de portée. Une dernière enjambée, un dernier saut et hop ! ils voyaient déjà les chandelles de Saint Nizier qui apparaissaient sur le rebord du grand chapeau. Ils croyaient presque entendre les cloches qui sonnaient leur délivrance.

Mais Thor
Qui brûle et chauffe
éclaire et tabise
avant d’éclater en mille morceaux lança sa foudre sur leurs têtes,
Nixe
qui coule, abreuve, arrose, et sacre,
avant de s’écouler en myriades de gouttes, déferla ses flots sous leurs pas

Agni
qui siffle, souffle,
saboule et sacre,
avant de s’étouffer d’impuissance, engouffra ses ouragans dans leurs oreilles et leurs poumons

et Mami la rusée, peut-être plus par tendresse pour eux que par désespoir pour son culte, elle qui, de toute façon, se savait immortelle, creusa, pétrit, engrossa, leur corps tout entier pour l’absorber en elle à jamais, au grand jamais. Mais en leur laissant leur taille et leur forme presqu’humaine.

Dites bonjour le matin à Riri des Arcelles, Lulu des Volants, Bébert du Molard, Gégé des Jaux ! Cherchez sur votre droite si vous êtes face à eux, la silhouette de Lili des Guillets, qui avait eu le temps de crier “ Mémé, me voilà !” à sa grand-mère qui s’était levée cette nuit-là pour aller la chercher coûte que coûte ! Et vous aurez peut-être la chance de voir les têtes s’incliner pour vous rendre le bonjour.

Si vous avez encore plus de temps un matin, montez vers eux, prenez-les en photo, dessinez-les, peignez leurs belles couleurs, chantez-leur la chanson de l’air, du feu, de l’eau, de la terre. Vous en serez si contents que vous comprendrez leur bonheur.
Immortels, ils continuent d’être avec nous, au jour le jour, à nous accompagner et à nous regarder faire et quand on fait des choses plutôt bonnes, bonnes pour l’air, bonnes pour le feu, bonnes pour la terre, bonnes pour l’eau, ils sont contents je vous jure.

12 janvier 2011

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Alors ça a été le tour de Gérard, celui qui avait perdu une dent, le jour de sa capture par Thor le dieu du feu, arrivé dans un rayon du soleil de Germanie d’origine. Gégé tout piqueté de taches de rousseur qui semblaient autant de grains de feu de beauté. Et Lili bien sûr a reconnu le portrait que lui en avait fait sa grand-mère
- Est-il gentil avec toi ton maître qui t’a attiré dans le buisson en flammes ?
- Oh oui, c’est un brave Dieu ! Même si personne ne le reconnaît maintenant, même si on oublie de l’invoquer, le matin il forge les charrues, le soir il fait chauffer les soupes. Toute la journée il travaille.. Mais malgré sa bonté j’aimerais tant revenir à Saint Nizier.
- Tous tes frères et tes soeurs sont morts, tu as des petits neveux maintenant
- Je sais aussi qu’il est bientôt temps que tu rentres et je veux t’aider à le faire;
Et Lili qui commençait à avoir une petite idée de ce qu’est l’immortalité, toute une vie éternelle à jouer à la poupée, s’appliqua à reprendre les litanies du Dieu Thor

Bûches brûlent
Cendres chauffent
Etincelles éclairent
Tisons tabisent

Et le soir où son ami Gégé alla rejoindre le Dieu Thor, la laissant auprès d’un feu de sarments qui pétillait de gaieté, elle a attendu le quatrième compagnon. Elle a reconnu le tourbillon qui l’annonçait, et,

10 janvier 2011

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Et tous les soirs, et tous les matins pendant le long temps qui n’arrivait plus jusqu’à la forêt Riri disait la récitation de la terre

J’ai creusé le sable avec mes mains
J’ai pétri l’argile avec mes pieds
J’ai engrossé la plaine avec mes graines
J’ai engendré la montagne de mon cerveau

Quand il a été sûr, le Riri, qu’elle la savait bien par coeur , il est parti dans les profondeurs de la forêt mais elle est pas restée toute seule bien longtemps. Le même jour, vers midi, car les jours et les nuits continuaient de se lever et de se coucher sur le Moucherotte même si le temps n’existait pas, elle a entendu une voix joyeuse qui sortait de derrière un gros chêne :
- Bonjour Lili. Je t’attendais ...

C’était le Lulu des Volants qui tenait à la main un plein panier d’écrevisses et s’était assis au bord d’un ruisseau . Et pendant des mois et des mois, des jours et des jours, personne ne sait, il l’a promenée à travers les gouttes et les vagues, les ondes et les rosées, les rus et les cascades et il lui a expliqué que sa patronne à lui, c’était Nixe
- Nixe, comment tu l’écris ? Avec un X ?
- Oui ! N I X E La nymphe , la déesse de l’eau, mais on n’a pas de temps à perdre Lili. Ecoute bien ce que je vais te dire et surtout , si on y arrive un jour à s’ensauver, rappelle-toi du refrain
- Un refrain ? C’est donc une chanson ?
- Oui ! L’eau goutte et glougloute, chante et chantonne
Répète

Coule coule eau de rosée
Rosée de lune abreuve abreuve
Arrose arrose lune de mer
Eau de lune Vive vie !

Obéissante, chaque matin et chaque soir Lili répétait
et le unième soir quand il a été tout à fait certain d’avoir transmis la chanson de l’eau, Lucien a disparu.



..

09 janvier 2011

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Lili voit un petit chien noir qu’elle connaît pas qui s’avance vers elle, en gambadant. Elle l’appelle, il s’approche, il a l’air bien mignon et puis comme pour s’amuser, il attrape sa poupée de chiffon que sa grand-mère lui a faite, il la mordille... Lili a pas envie qu’il lui l’abîme, sa catin, elle lui crie après mais lui, au lieu de la lâcher, il se sauve avec, dans sa gueule. Elle lui court après... et Patin peto...les voilà partis, les voilà qui s’éloignent des Guillets. Personne pour lui crier “ N’y va pas Lili ! Reste là, reste à la maison, j’t’dis, Personne ne revient de la forêt de l’oubli...
Et la petite Lili se rend pas compte que c’est déjà trop tard. La forêt s’est ouverte sur ses pas, s’est refermée derrière elle. Le petit chien s’arrête de courir. Il a posé la poupée par terre, tout triste. Le temps qu’elle se baisse pour la ramasser Lili se sent soulevée par des mottes de sol qui poussent sous ses pieds. Elle a pas peur. Elle est même assez intéressée par ce qui se passe. Ça la change un peu de l’habitude.
Et sur les mottes , dansant comme sur ou des chevaux de bois, le petit chien noir, et un grand gaillard, blond comme les blés... Lili a pas de mal de le reconnaître, sa gran le lui a décrit si souvent

- C’est toi Le Riri des Arcelles ?
-Ben oui ! En veux pas à mon chien Lili de t’avoir attirée jusque là. C’est la déesse qui lui a commandé.
- Qui ça la déesse ? La vierge Marie ?
- Non ! La déesse . Tu viens d’entrer au Moucherotte Lili, là où tous les derniers dieux se sont réfugiés, vu qu’on les chasse de partout dans le monde. Ma patronne, c’est Nintu, la terre, on l’appelait aussi Mami-la rusée dans son pays. C’est elle qui te voulait.
- Moi, mais pourquoi moi ? et de quel pays tu veux parler ? de la France ,? De L’Allemagne ?
- De bien plus loin Lili. Il paraît qu’elle arrive de Mésopotamie. Je t’expliquerai. Mais elle te veut, toi, parce qu’elle te regarde du haut du Moucherotte chaque fois que le temps est clair et qu’elle te trouve la plus jolie de St Nizier
- Comme toi, tu étais le meilleur berger
- Exactement. Elle réclame toujours les meilleurs
- Mais pour quoi faire.? Ça pousse tout seul dans cette forêt, Je peux servir de rien C’est pas l’tout, moi, il faut que je m’en retourne chez ma Mémé !
- Tu peux pas Lili, tu pourras jamais
- Jamais au grand jamais ? Mais dis-moi Riri, T’as pas grandi depuis que tu es là ? T’es pas vieux ? Ma grand-mère m’a raconté que tu avais disparu l’année de son mariage à elle et que tu étais conscrit avec elle. Elle est vieille maintenant et mon pépé est mort
- Ici Lili les années comptent pas. Ni on grandit ni on rapetisse. On meurt plus .
- Quoi ? je vais pas mourir. Je serai comme la terre. Comment on dit déjà : “ Immortelle”?
- Oui ! Le temps n’arrive pas jusqu’à la forêt du Moucherotte
- Oh ! Mais c’est plutôt bien, ce que tu me dis . Je pourrais toujours jouer avec ma catin, m’amuser comme une p’tite folle toute la journée.
- Tu pourras mais crois-moi, tu en auras vite assez ! Mais je peux t’aider si tu veux. Retiens bien ce que je vais t’apprendre. Répète-le avec moi, tous les soirs et tous les matins, même quand je serai plus avec toi et surtout souviens t’en le jour où on pourra s’échapper.

08 janvier 2011

SUITE à ...


Et le lendemain la grand-mère de Lili, qui de fait est aussi une de mes arrière-arrière grand-mères, répétait la leçon, renouvelait ses recommandations, ajoutait l’histoire de Lulu des Volants qui avait pourtant dit qu’il allait pécher des écrevisses dans le Furon et qui n’était pas revenu lui non plus...
Et le sur-lendemain celle de Bèbert du Molard qu’on a seulement vu disparaître derrière un feu de broussailles à l’orée de la maudite forêt...
enfin, le jour d’après, celle de Gégé des Jaux, Gérard ! hein ? , ça vous étonne pas un peu ? disparu un jour de grand vent, une forte bise qui secouait les toits, faisait hennir le cheval à l’écurie, bêler les chèvres, meugler les vaches, si tant que les chiens se mettaient à hurler à la mort...

- Et alors mémé, jamais ils sont revenus ?
- Jamais ma Lili
-Et personne est allé les chercher ? Ils se sont peut-être perdus. Fallait leur montrer le chemin !
- Personne. Pas même leur père. La forêt se refermait devant les secours. Impossible de l’ouvrir ! Impossible d’entamer la première rangée d’arbres.
Et puis la petite Lili grandissait. Elle devait bien avoir dans les douze ans maintenant, et sa grand-mère qui vieillissait commençait à plus trop se méfier, à croire que la forêt de l’oubli les avait oubliés . Elle racontait moins souvent les histoires des quatre pauvres garçons. La malheureuse, comme elle en a eu du remords !
Un jour qu’elle avait bien des lieues à parcourir pour aller porter ses tomes, son beurre et ses oeufs à Grenoble, à pied bien entendu, c’était une sacrée trotte ! elle a laissée sa Lili toute seule au Guillets, à jouer à la poupée sous le pommier, bien gentiment, sans lui redire ce qui était défendu, formellement défendu : ouvrir la cabane des lapins, boire de l’eau au bachat, se mettre sous un arbre en cas d’orage et surtout, surtout, prendre la direction de ce que nos appellons aujourd’hui Les Trois Pucelles ...

07 janvier 2011

LES TROIS PUCELLES


LA VRAIE HISTOIRE DES TROIS PUCELLES

L’autre jour, voilà mais pas que je tombe dans le journal sur l’histoire des Trois Pucelles. oui ! les nôtres, c’est bien elles Regardez! J’ai tout lu, en entier, parfaitement, moi quand quelque chose m’intéresse, je lis tout. Le chef Sarrazin, le seigneur de Naves et ses filles ! les pauvres emmenées par le Maure et Roland - attention ! Le neveu de Charlemagne, celui à l’olifant - qui les délivre et qu’elles tombent amoureuses de lui les pauvres petites etc ... etc... Mais permettez ! C’est pas parce que l’histoire est triste qu’elle est vraie ! Désolée de vous décevoir !
La vraie histoire pensez ! moi, je la tiens de ma grand-mère qui la tenait elle-même de sa gran, et ainsi de suite jusqu’au début des temps, date à laquelle ces ... disons “statues de pierre” sont apparues, flanquant le Moucherotte de notre côté-ci, à Saint Nizier. Et vous allez comprendre pourquoi.
Continuons à les appeler “ Pucelle de Saint- Nizier, Grande Pucelle, Couteau, et Dent Gérard puisque c’est ainsi qu’on les nomme sur les cartes, mais je vous en prie, retenez bien l’histoire de ma grand-mère et racontez-la à vos petits enfants plutôt que de transmettre des âneries, des affabulations, des menteries ... des légendes quoi !

Donc, en ce début des temps, le Moucherotte était planté là, tout seul, une sorte de chapeau dont les bords descendaient en pente douce jusqu’à nos fermes. Le haut du chapeau, comme qui dirait la tête était recouvert d’une forêt drue, épaisse, sombre, sans ces éclats de pierre qui brillent au soleil et que vous avez l’habitude de regarder chaque matin, et si vous ne le faites pas, essayez ! en souvenir de ces quatre garçons et de cette fille de Chez Nous dont je vais vous conter l’histoire.
Dans cette forêt personne n’osait s’aventurer. Au contraire ! Les mères, les grands-mères surtout , chaque matin répétait à leurs petiots “ Surtout surtout, mon petit, mon grand, ma cocotte, ma poupette jolie, ( bref avec toute la tendresse et la persuasion dont elles étaient capables) Surtout ne t’aventure jamais dans la forêt. Jamais , au grand jamais, tu n’en reviendrais pas et nous on en mourrait de chagrin...”
Et de leur raconter pour qu’ils aient encore plus peur, l’histoire de Riri qui gardait ses chèvres du côté des Arcelles et qu’on n’avait jamais revu ni lui,, ni son chien, ni le cabri bêlant qu’il avait sûrement voulu suivre quand il s’était ensauvé vers la forêt.

“ Jamais, au grand jamais, ma petite Lili, même si tu vois un beau papillon comme tu n’en a jamais vu, surtout , jamais, ne va pas chercher à l’attraper, il t’emmènerai là-bas...

05 janvier 2011

SANS ORDRE


Sans ordre.

Ca ! Pour n'avoir pas d'ordre, elle n'avait pas d'ordre ! Elle n'avait pas d'ordre du tout et n'en recevait d'ailleurs de personne.
C'est comme pour sa chambre ! Un chat aurait trouvé dans son buffet toutes sortes de cuisine mais surtout pas ses petits. Depuis le temps qu'elle n'y cherchait même plus ni ses bagues ni ses légumes.
Elle avait bien essayé d'interroger le compteur des choses duquel sourdaient parfois des réponses quasi exactes. Mais le plus souvent elle avait perdu le code et n'en recevait que des indications tronquées. De guerre lasse, elle entassait les trous dans les ramilles.
Quand elle postula pour cet emploi d'archiviste, évidemment elle dut faire la preuve de ses compétences en matière de rangement. Elle fournit les duplicats de ses premiers diplômes : verticalité, horizontalité, descendance et transcendance. Elle était capable, à les croire, de déplier, défolier, inventorier en tous sens et dans les trois dimensions. Mais dès qu'elle entra en fonction, elle ne put dissimuler davantage que les duplicatas eux-mêmes avaient été inversés, dévariés et pour tout dire édulcorés par la pratique de telle sorte que le soir même, elle fut mise à la fenêtre.
On alla jusqu'à interroger sa formule sanguine. Un tel acharnement ne pouvait être qu'un oubli génétique. Mais puisqu'elle n'avait pas d'ordre du tout, on ne trouva rien qui vaille.
Quand je l'ai rencontrée hier au soir, elle s'était égarée du côté de la rue Sans-Souci, à deux pas des Pas-Perdus. Je voulus la raccompagner à son logis mais elle avait oublié ses clés dans son gilet, son gilet dans la voiture et comme elle n'avait pas non plus la langue dans sa poche, ma voiture dans un quelconque parking souterrain, me dit-elle.
Elle m'offrit de lui payer un verre. Je ne m'y risquai pas : elle m'aurait fait perdre le goût du vin.

04 janvier 2011

ART DIVIN


Atelier S’ECRIRE /ART DIVIN
Elle n'avait pas bon oreille. ça l'arrangeait quelquefois. Faire la sourde oreille ma foi c'est tout ce qu'il vous reste quand on a perdu le pouvoir. Sur ses yeux et sur ses jambes. Sur ses gendres et ses fils. Sur les caves et les greniers. Sur les clés et les portes. Aussi, bien qu'on lui parla à voix double ou à mi-voix, de l'art divin, elle ne voulut entendre que l'art du vin. Et elle partit d'un grand rire enivré. L'art du vin, ma fille, expliqua-t-elle à la petite, la seule qui resta encore accrochée à ses lèvres, commence par la vigne. Et elle lui raconta les longues "tires" de plants de noah, de bacot, de 7055 ... comment le grand-père avait transmis tout le champ des Nappes à Elle seule en sautant un degré de filiation parce qu'il la jugeait la plus digne ... mais aussi parce qu'elle le soignerait jusqu'à son dernier souffle sans se plaindre ... Comment cela déclencha une guerre tribale dont elle mesure encore aujourd'hui les mauvaises conséquences sur les humeurs des uns et des autres ... comment on se levait à l'aube le jour des vendanges pour arriver à la vigne quand la rosée serait tombée ... comment pour ce jour-là elle avait préparé le pâté de lapin qu'ils mangeraient vers midi, une fois arrivés au milieu des tires ... elle lui raconta la Coquette, la vaillante jument qui remontait le char chargé des gerles pleines à coups de reins volontaires ... jusqu'à la route ... et de la Coquette, elle passa aux chats, au Rip le chien ... elle dévida ses contes avec art.

03 janvier 2011

bonne année bien sûr


Sur le quai

J’entends une trompette allègre. L’autre soir déjà du quai d’Alger me parvenait cette envolée de notes en direction du canal. Aujourd’hui, 1er de l’an, la nuit tombe dans un ravissement de rose et jaune. Je m’assieds sur le banc. Des vols d’oiseaux contradictoires se croisent au dessus de nos têtes. Le musicien m’accorde la permission de l’écouter et enchaîne, depuis une petite liste sur ses genoux, des morceaux de chansons, de jazz. Quand je le quitte il m’accompagne avec «c’est si bon ! »
Il aime ainsi, me dit-il, s’installer là ou sur la corniche. Un jour une dame a tenu à déposer 2 euros sur son sac. Mais il n’en a pas besoin. Il est médecin, d’origine allemande.
Il dit « des fleurs » pour improvisations, fioritures sur un air connu
C’est si bon la musique, le couchant, la ville, le premier de l’an, des fleurs gratuites !
Malgré … ou peut-être à cause de qui s’en va … de ce qui se paye cher … ces moments qui s’accrochent à la vie et en resplendissent encore …

« Bien sûr il y a les guerres d’Irlande
et les peuplades sans musique » …
nous chantait Brel de sa voix qui m’habite toujours à chaque accroc du tissu

Mais puisque nous avons le rire
entre nous comme une cascade …
Mais puisque nous avons les tartes
aux pommes, aux abricots, aux noix …
Si nous n’avons le dernier mot
nous avons le premier qui fuse
Bonjour ! dit le matin nouveau
Bonne Année ! dit le Jour de L’an
Au printemps le tilleul en fleurs
dit à la vigne l’espérance
À l’automne le vin tiré
dit à la neige la patience

Bien sûr la chaise abandonnée …
Bien sûr les doigts noueux qui tremblent …
Mais ce chemin entre nos pas
Mais cette étreinte dans nos bras
et dans nos mains ce Vivre Ensemble …
Alleluia !