Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

28 novembre 2006

POST-SCRIPTUM

PURS ESPRITS, Vous avez été plusieurs à mordre à l’hameçon. A croire que le thème n’était pas si anodin que cela. Mais, bien que je sois en train de préparer la valise pour demain, je voudrai ajouter ce post-scriptum reçu par courrier archaïque de Solange. Solange dont j’avais par avance déploré la mise sur orbite internet, pour regretter les lettres fleuries, joliment timbrées, manuscrites, dont je me régale et me nourris.

.

« Pur esprit
A quinze ans, comme j’aurais aimé l’être
Ne plus être attaché à ce corps si pesant, si encombrant, si terne, si limité
Et pouvoir vagabonder au gré de mes désirs dans les terres les plus lointaines, dans les lieux les plus secrets
Jouer au passe-muraille
Entrer et voir et ressentir
S’enrichir de toutes les vies que l’on croise
Pénétrer incognito partout où cela vibre …
Ah ! Quel rêve merveilleux !
S’envoler là-haut et toucher les étoiles,
Faire la course avec les nuages …
Approcher au plus intime tous les êtres qui m’attirent sans crainte de les importuner.
Pouvoir être en plusieurs lieux à la fois, n’est-ce pas magnifique et cela sans aucun souci d’un moyen de transport …
Oui mais
les purs esprits n’ont pas de racine
les purs esprits n’ont pas d’enfants
les purs esprits ne font pas l’amour
les purs esprits vivent-ils d’amour ?

Et le verbe s’est fait chair
Merci mon corps. »

ELLES


Partie pour aller chercher le soleil à Villard, je me rassasie de ses premiers rayons sur les Grandes Roches St Michel. Au retour elles seront entièrement irradiées. C’est un hymne au soleil qui me vient au lèvres. Un grand « thank you God ! I love you. I believe ! Specially when you are so glorious. »
Mais je ne chante plus : c’est la mine de la poissonnière qui occupe mon esprit. Je lui ai acheté deux tranches de cabillaud, 560 g de moules. Je la remercie d’être là, vaillante derrière son étal ; dans ce village de montagne, ce n’est pas évident de trouver encore une poissonnerie. Alors la poissonnière, (qui n’a rien de vulgaire contrairement à ce qu’on l’habitude de dire) me raconte subitement la tristesse de sa vie. On va vendre la boutique. On n’en peut plus. Il n’y aura plus de poisson. Pensez qu’elle tient là depuis 25 ans. Elle travaille depuis l’âge de vingt ans, son mari depuis seize. Jamais de repos. Ils vont vendre, elle est malade, ils ne trouveront pas de repreneurs. Personne ne veut d’un tel travail. Les jeunes ne veulent plus « sortir les mains de leurs poches » …
Je lui trouvai en arrivant un teint, une silhouette de jeune fille. Je découvre dans ses propos une amertume, une lassitude de vieillarde.

La mercière a placé sur le trottoir ses présentoirs à chemises de nuit, à pyjamas. C’est l’un d’eux qui me tape dans l’œil. Je le crois soldé sur la foi d’une étiquette ambiguë et j’entre. Malgré le prix, j’achète le pyjama. La mercière est au travail derrière sa machine à coudre. Elle répare les vêtements, elle change les fermetures éclair … Ils se sont tout de même acheté une voiture neuve. APIS, le chien vient me flairer. « Oh ! Oh ! Dieu égyptien ! » La mercière est contente de cette reconnaissance qui fait de son chien un chien d’importance, contrairement à ceux des voisins, les Médors ordinaires. Et je suis informée aussitôt que, malgré la voiture neuve, son chien est là dans le magasin atelier comme tous les matins. Il a suffi de capitonner le siège arrière de vieux draps.
J’ai droit à une ristourne de 70 centimes. Elle ne solde jamais. Ah ça non ! Elle n’a pas, non plus, de pelote de laine dépareillée pour réparer mon gilet. Mais une ristourne pour arrondir mon compte, oui, pourquoi pas, à une dame qui connaît les dieux égyptiens et caresse les chiens.

Soleil,
Entre dans les cours et les arrière-cours des travailleurs, pénètre dans les modestes magasins d’artisans !
Réchauffe leur journée rude et empaquetée, d’un sourire de lumière, d’un petit rayon de légèreté !
****

(Au revoir pour une petite semaine. J'ai encore du soleil à glaner vers le sud. A bientôt, très chers ! Ne pleure pas Lucienne. tu sais que mes éclipses ne durent jamais longtemps !

25 novembre 2006

ESPRITS PURS



PURS ESPRITS !
C'est le sujet de l'atelier d'écriture
Trop tard pour l'éviter ! Trop Tôt pour me recoucher !

" Je ne suis pas un pur esprit. Mon singulier, le singulier de ma présence au monde, a dû passer par l'impureté de deux corps parentaux. Bon Dieu ! Comme j'en suis fière !
De purs esprits m'ont sans doute frôlée pendant cet acte inaugural. Esprits de mes ancêtres, tous hommes et femmes de terre rude. D'où mon attrait pour les jardins.
MAIS ! Esprit de contradiction : Dès que l'essentiel de l'idée, claire, sûre, indubitable, " je suis bien dans ma peau, à l'aise pour penser" m'habite, mon corps se désagrège, tire à hue et à dia, fait des siennes et des autres ... La pureté est un prurit qui me démange même si j'apprécie dans son enveloppe les formes de la bête. Sans cesse tiraillée entre le haut et le bas. L'absolu et le relatif.
C'est vachement bon ! (de vivre).
C'est bovin. C'est étrange.
On ne s'ennuie jamais dans ma carcasse d'ange.
On renacle, on rouspète,
Mais grâce à Dieu ! un pur esprit me fait le plus souvent la fête;
Au singulier. c'est ça qui est chouette !
et rencontrant dans cet espace clos d'autres esprit, purs ou impurs, là n'est pas le problème,
j'accorde à mes violons le droit à l'improvisation."

Voici donc ! C'est dimanche
et qui veut faire la bête fait-il l'ange ?

24 novembre 2006

BAMBOULA


BAMBOULA

En buvant mon thé vert
j’aperçois sur le mur
un premier exemplaire
du bambou qui est là

C’est le soleil bien sûr
qui s’est payé sa tête
derrière deux double-vitres
(quatre interférences)

Regardant le bambou
plus vert que son reflet
- brillant septuagénaire -
je l’entends pavoiser
entre toutes ses images
ainsi multipliées
en tout bien tout honneur

Car, autre projection,
au chevalet planté
sur la toile déjà
colorée à moitié
le bambou répercute
des traces d’écriture
- grecque, latine ou chinoise ? -
signifiant aux Pucelles
qu’elles n’ont qu’à bien se tenir
si elles veulent le rester.

(Elles aussi me font signe
souvent quand je m’égare
dans un seul reflet)

Bambouli, bamboula
ne fallait-il pas prendre
afin de mieux comprendre,
le temps par les deux bouts?
Retenir pour demain
ce qui aujourd’hui li(e/t)
la trame avec la chaîne ?

Puisque main sur le mur
montagne avec écran
toile avec vitrage
branchés sur appareil
ou branchés sur pinceau
ou accouplés aux mots
font tant de fêtes ensemble
que le soleil en tremble
POURQUOI EN PRENDRE OMBRAGE ?

23 novembre 2006

EN DIRECT

Au réveil d'un rêve avec avion à prendre, bagages en désordre, pas de taxi, sac et papiers, Où donc ? oh la la ! Cette fois je n'y arriverai pas ! Mais le jour arrive. Et j'arrive avec lui. Pas de panique ! Je n'ai pas raté le départ ! Et le Taillefer est en grande forme !



C'est par les yeux que le vent passe
et j'ai besoin de voir l'amour
au fond des yeux et de l'espace
pour y trouver ma place

22 novembre 2006

LA PREMIERE

Forcément on la remarque puisqu’elle est la première.
Au matin on la trouve derrière le rideau et derrière les volets mais elle s’était déjà, sans qu’on la sache, insinué dans les rêves, le sommeil difficile, un peu inquiet. C’est bien connu dans les petites classes que les enfants sont très nerveux avant son arrivée.
- Qu’est-ce qu’ils ont aujourd’hui ? on dit dans les cours de récréation.
- - C’est rien : ça sent la neige.
C’était donc à cause d’elle que les petits criaient si fort hier au soir dans le téléphone. J’aurais dû y penser. Pas de quoi s’inquiéter !

Cet automne nous avait habitués à un soleil imputrescible, à ses floraisons retardées, doublées. Sur le balcon je peux photographier en même temps que la toile de fond blanche, les derniers chrysanthèmes et le forsythia ramenés de La Loue, Oh pas tout à fait blanche ! Juste un plumetis, une promesse de blanc. Linceul ou robe de mariée ? Les livres hésitent sur la comparaison. En tous cas, mariage ou enterrement, forsythia ou chrysanthème, elle est celle de toutes les premières fois. Et c’est pour ça qu’on la remarque. Bien que normale à cette date, on ne l’a pas vu venir. Elle étonne toujours. Comme toutes les aînées. On la salue avec enthousiasme, consternation, ça dépend des familles !
C’est le moment de sortir la chanson de l’an dernier. Un poème d’un bon curé de montagne pour dédier à la vierge, l’immaculée conception, son poème amoureux. Je l’ai mis en musique. Allons-y ! Chantons les amis la première neige ! et Inventez vos notes ! Pour une première !



IL A NEIGE SUR BELLEDONNE
REFRAIN
Il a neigé sur Belledonne
Ô ma montagne je te salue
Ô ma montagne
Si blanche, si pure
Salut à toi !
COUPLET 1
Comme tu montes
Comme tu jaillis du sol
Fleur éclatante de blancheur
Ô ma montagne Salut !
Eblouissante de neige
Belle comme l’épousée
Si pure, plus blanche que le lys sans taches
Comme il doit être bon d’être parmi toi !
COUPLET 2
Maintenant plus que l’été
Point de pierres qui roulent
Et rebondissent enfin
Point de cascades étourdissantes
Rien Rien Rien Le grand silence
COUPLET 3
Les pieds enfoncent dans la douce neige
Et l’imperceptible crissement des skis
Tes pics, tes aiguilles
Ont jailli vers le ciel
Comme des vierges
Comme des épées
Ô que tu es belle ! Ô que tu es belle !
COUPLET 4
Errer parmi toi tout seul
Te voir
Te toucher
Au soleil levant
À midi
Et toute rouge le soir
Etre au milieu de toi
Dans la tempête
Sous les papillons blancs
si méchants et si doux
texte Abbé G Ageron, dit par G.Escolle musique Gelzy

21 novembre 2006

SURPRENANT SOLEIL


SURPRENANT SOLEIL
Vidéo envoyée par gelzy


Promenade à flanc de montagne sous le soleil d'automne
La chanson du SURPRENANT SOLEIL est ancienne de quelques années. Théotime vient de fêter son huitième anniversaire. C'est à lui que Pierre et moi dédions cette vidéo comme à tous les anniversaires de Novembre.
BON ANNIVERSAIRE TIT !

J'ai revisité les diaporamas regroupés ce matin sur
http://dailymotion.com/gelzy:video
Allez-y voir et entendre !

20 novembre 2006

A FORCIOLI


Ce matin … j’ai écouté
Dans le petit matin
Qui chantait
L’ami-oiseau
Eeeeeeeeet d’un coup j’ai accepté
Que ce matin de plus
De plume et de pluie
Soit chantant
Comme l’oiseau
a fortiori Comme un ami
Forcioli

Ce matin …. J’ai entendu
Turlutu rien et turlututu
Philippe qui chantait
Sur un microsillon
Aussi élancé que le sapin
Aussi têtu que l’angélus
Aussi macrocéphale
Macrolabial
Macrorigolo
Que les nuages dans le ciel
Et Dieu sait - et moi aussi-
que ce matin le ciel fait son charivari
Comme un ami

Et tandis que j’écoutais
Les gouttes des notes
Tomber sur les mots du matin
Mon sang s’est mis à bouillonner
Est parti en pèlerinage
S’est écoulé en ariette
A tue tête et à perdre haleine
Et à retrouver le soleil

Je ne sais pas exactement
Ce qu’ariette veut dire
En chantant
Mais j’y ai entendu le vent
Souffler dans mes bronches et cordages
Siffler dans mes naseaux sans âge
Et me souhaiter Bon Voyage
Dans ce pays d’Ici.
Aujourd’hui.
Merci !
www.philippeforcioli.com
forciolichante@club-internet.fr

19 novembre 2006

DESSOUS MA FENETRE

Les portes d'Aben m'ont donné l'idée d'ouvrir ma fenêtre. En voici la préface et la première page. C'était aussi la première fois où j'osais accoler des dessins à un texte. La fenêtre de MOTS ET COULEURS( en blanc et noir !) avant même que les murs soient dressés !



Qu’il s’en passe des choses !
Qu’il en chante des êtres !
Dessous ma fenêtre !


Déjà la rime vient de se glisser entre deux nuages. Quelle couleur retenir ? Le bleu,le blanc, le gris, parfois le noir qui s’amoncelle, le rose tout neuf d’une matinée triomphante?

Le carillon de la rime sonne à temps fixe le temps flou du ciel - car j’aime entendre carillonner les cloches des Pâques traditionnelles aussi bien que me laisser chavirer par le champagne de l’alléluia dans les bulles du vent.

Passe le temps mais reste la fenêtre : ma lampe, ma découpe voulue, ma page à saisir, mon miroir à reflets d’oiseau.

Elle change de cadre.D’ici, en Vercors, face à Belledonne, elle va buter contre le mur de l’immeuble en vis-à-vis à Villeneuve-déjà si vieille, puis retrouve le ciel, le pignon de la grange, le poirier centenaire et le lilas, là-bas.
Là-bas ! Mon berceau de pisé, ma terre lourde à pétrir, mes premiers et sans doute derniers mots à langer, ma Loue à louer haut et clair.

Dessous ma fenêtre - il suffit que je l’ouvre - insiste une chanson, s’enroule l’odorant chèvrefeuille de ce que j’ose appeler un poème, et je suis chèvre et feuille et mange et suis mangée.
J’écoute, j’écris, je regarde.

Je prends tout. Ayant enfin compris, à travers les méandres de l’amour-propre, du savoir engrangé sans trop de discernement, que me reste, autant qu’il me plaira, cette chance unique d’être, dans la fragilité de l’instant, la fenêtre : ce filtre à lumière tombée du ciel, cette vacance du temps ouverte dans le mur.

18 novembre 2006

THEMATIQUE ET FORSYTIA

DE L’ATELIER d’ECRITURE : « THEMATIQUE »

Ma première idée est de jouer au titre. Thème à tic ! avec ou sans pluriel ? Quels sont donc mes tics quand je touche au thème, lui même décomposé en ses prolégomènes. ? Qui t'aime ? Mais je n'ouvre pas tout de même cette machine à thèmes pour jouer au cerceau autour d'un mot nouveau ?
J'aime les mots, ça ne fait aucun doute. C'est mon dada, mon hobby, ma psychose. Quand je ne les aime pas beaucoup (jamais je ne déteste) comme celui-ci qui sent la conférence, le colloque, le séminaire, le cours ... je me ramène toujours à mes tics favoris (que j'aime évidemment). Et la plupart du temps. LE TEMPS précisément et son passage et ses lubies et ses merveilleux arrêts sur image. Il me suffit de prendre la liste de mes recueils en poésie*. Le temps, l'AMOUR bien sûr sous toutes ses couleurs, et les COULEURS aussi changeantes que le temps et que l'amour, les choses, les objets, les marques de pas sur le sable, le chemin qui s'en va et me contourne et me rejoint, les fleurs, l'air dans les branches et le soleil, et les nuages. L'insaisissable de la thématique quand, arrivé au bout de la communication, des 1500 caractères, le silence s'installe, repu de mots, ou découragé d'une tâche infinie.
Dire jusqu'au dernier souffle, ergoter, se méprendre, toucher fugitivement à l'instantané d'un méandre, et puis recommencer. Si possible et sous une autre forme.
* Brise-billes Nids d'agathes, Entre les miroirs, Le panier de Jarboui, Courtepointe, Chroniques, Mon Pays par devant notaire, Dessous ma fenêtre ...



et du jardin : C’est bien la première fois que je vois refleurir le forsytia en automne !

17 novembre 2006

MENU DE NOVEMBRE


Au menu de novembre

Ce jour-là des courgettes
Cueillies avant le gel,
petites bien craquantes,
et vertes, toutes vertes.

Un épi de maïs
qu’on nomme chez nous « Crape »
Crape de gode pour être plus précis
Que dis-je ? qu’on nommait
Les machines géantes
ont broyé feuilles et pieds
sans mots pour les nommer
quelque part au Québec
ou peut-être en France
car ce maïs est doux
et vient d’Inter Marché…

Chicorée amère
du jardin de mon frère
elle aussi aux couleurs
de cette automne en fleurs

C’est bon Novembre qui chavire dans nos assiettes avec des rires de printemps, avec des promenades à longueur du temps, avec ici et là des menus qui s’épanchent du côté du soleil, qui pleuvent aussi et ventent, c’est pas demain la veille ( de s’ennuyer à vivre) et je suis bien contente d’avoir pour regarder deux yeux de porcelaine et deux oreilles d’ambre …

13 novembre 2006

PHOTO 1

Depuis que Julie m’a entraînée à la photo, je recherche les expositions.
Photographier apprend à mieux voir, observer, savourer d’un paysage, d’un visage, d’une couleur, d’une forme … oppositions, contrastes, harmonies … Regarder une photo « de maître » permet de retrouver le regard qu’il y a porté, sa sensibilité, sa maîtrise de l’instant et sa présence au monde.
Je suis allée à Morestel au Salon International de photographie annoncé. Il a eu lieu dans les locaux de la maison Ravier comme chaque année je crois mais c’est la première fois que je m’y rends. Occasion donc de revoir les peintures de Ravier et le paysage à partir de sa maison perchée. Occasion de savoir ce qui aujourd’hui en photo se destine aux expositions.
Immédiatement après la visite c’est un trop plein qui me submerge. La juxtaposition des cadres même avec des groupements par thèmes est éprouvante. Trop de nus, trop de photos chiadées, trop de « beau », à mon goût. Pourquoi les nus m’ont-ils agacée ? Je remarque assez vite qu’il n’y a là que des femmes, jeunes, belles. Le viseur est braqué sur les formes répertoriées fémininement correctes, photographiables, en bref les seins et les chutes de reins. L’étal du supermarché.
Comme c’est le jour de l’inauguration beaucoup de monde. Heureusement c’est l’heure du discours et certaines salles sont vides, ce qui permet une approche plus calme.
Je croise Christa, dont le sourire paisible à chaque rencontre me relaxe. Elle me demande ce qui a retenu particulièrement mon attention. Je ne sais que répondre.
Mais,


en partant, je fixe avec l’appareil qui est dans ma poche une de ses propres photos. Christa s’offre chaque année un voyage lointain. Je crois qu’elle est encore à l’argentique. Ceci est donc une photo de photo avec la déperdition de qualité et la transposition de mon propre regard. De plus, malgré le zoom, je photographie dans l’escalier en dessous de l’image.

12 novembre 2006

CELUI QUI ...



« Celui qui a planté un arbre dans sa vie …
La citation m’est revenue en apercevant par la fenêtre de la cuisine l’équipe de mes voisins occupée, l’un à tailler le bouleau existant pour le couper ensuite, l’autre à soutenir d’un tuteur le bébé bouleau de remplacement déjà en place ;
Cette phrase, un tant soit peu sentencieuse, je la lisais en passant devant une grande plantation en bas de la côte avant d’atteindre le cours complémentaire de mes jeunes années. Il fallait toujours en effet que je mette pied à terre à cause de mes petites gambettes et du poids de mon cartable sur le porte-bagages du vélo. C’était l’époque où les panneaux sur la rue étaient rares et uniquement destinés à l’information. Or, ici, il s’agissait d’autre chose : obtenir le respect des jeunes arbres, affirmer haut et clair qu’on est du côté de la préservation de la nature ( comme on ne le disait pas encore en vert) …



… n’est pas passé inutilement sur terre »
retrouver la citation a de quoi me consoler de perdre le beau bouleau de mon voisinage que j’ai amplement photographié avant sa mutilation, et par tous les temps. La résidence a attrapé la rage de la tronçonneuse à cause de l’irritation provoquée par la taille des arbres : conifères et bouleaux que chacun avait plantés à son arrivée. L’arbre à taille adulte, dans toute son ampleur est, paraît-il, facteur de trouble de la vue et de la température !

« Respectez cette plantation ! » disait encore l’écriteau de mon enfance. Il a disparu avec le sujet. En place d’arbres, aux abords de la petite ville orgueilleuse qui s’orne de ronds point à jets d’eau et de bacs fleuris, sont maintenant plantées les cages, les caisses parallélépipédiques des hyper, super marchés. ( Intermarché, Casino, ED., Weldom …) On y vend des bûchettes calibrées pour l’entretien de la cheminée, de la sciure à chat en sachets, et des posters géants d’arbres mirifiques.

Je suis reconnaissante à mes voisins d’avoir prévu le futur bouleau qui dans vingt ans me dira bonjour en agitant ses pépites d’argent. Si je peux encore monter sur un escabeau derrière les vitres pour l’épousseter de brume ou de poussière …

11 novembre 2006

CADEAUX : COMMENTS

C’est toujours un cadeau, ou plusieurs,( là c’est la fête) quand le blog me répercute des commentaires. Sans doute parce que ses « comments » sont bien doux et caressants. Et quoi que je me raconte pour m’endurcir le cuir, je suis et reste la petite à câlins et bisous qui n’en a jamais fini de vérifier qu’elle sait encore « y » faire pour les attirer !
Je m’étonne toujours de ces « comments » qui me parviennent même si je n’ai pas été attentive aux autres blogs. Parce que … j’ai des ennuis de transmissions ( question de reproduction Aben de tes signes bizarres à la place de simples lettres), parce que … je ne suis pas où est l’ordinateur ( quand je penche côté orgue de Barbarie ou côté piano, et ça me fait aussi très plaisir) parce que … j’ai peur de me noyer et que c’est déjà un sacré boulot de tenir la tête hors de l’eau dans la mare de mes écritures (en ce moment je mets en frappe un de mes premiers écrits autobiographiques de 1971, enfin neutre d’émotions dévastatrices, pour le destiner à l’APA )
Non que je n’accepte et comprenne que je puisse être lu, silencieusement (je connais certains de ces lecteurs discrets) mais un « comment » quel régal pour commencer la journée ! C’est de lui que me viendra peut-être le courage d’affronter la route et ses moeurs barbares, les transports publics et leurs exigences d’être en forme, bien campée sur les jambes et accrochée aux poignées d’arrimage. De renouer avec des horaires fixes, des levers précoces, des nuits sans sommeil, des rhumatismes récalcitrants. Puisqu’il y a ce signe au bout de la ligne, je m’élance pour le départ vers … Vers une phrase qui n’a pas encore été écrite, un sentiment pas encore exploré, une histoire pas encore jouée sur la scène mondiale. Car je reste éblouie de cette couverture partant de mon douar d’origine et qui va jusqu’aux antipodes. Ainsi les « comments » de David me touchent particulièrement par la distance parcourue et par le français utilisé, spécialement pour mes beaux yeux.
Que trouver qui fasse plaisir aux vôtres (de beaux yeux), mes commentateurs, pour vous remercier de la peine que vous prenez pour me faire plaisir, je cherche autour de moi. Une photo ? Une citation de René Char ?

Entraperçue


Je sème de mes mains,
Je plante avec mes reins ;
Muette est la pluie fine.

Dans un sentier étroit
J’écris ma confidence.
N’est pas minuit qui veut.

L’écho est mon voisin,
La brume est ma suivante.

In « La flûte et le billot » chants de la Balandrane ( 1975-1977)

10 novembre 2006

MIROIR NOIR



De l’atelier d’écriture …. MIROIR NOIR
Je n'ai jamais vu de miroir noir. Même la nuit les miroirs reflètent toujours une lueur. La nuit malgré sa réputation n'est, elle aussi, jamais noire. La mienne est toujours constellée de stries lumineuses, même quand je ferme les yeux. Sous mes paupières il ne fait jamais nuit noire. Quelquefois je m'en inquiète. Comment vais-je pouvoir m'endormir dans cette fantasmagorie mentale et externe ? Un gentil psy m'a expliqué que ce n'était pas un réel problème. Je ne suis pas la seule. Pour d'autres personnes également le noir n'existe pas, le noir absolu, qu'elles le veuillent ou non. Et on peut, paraît-il, très bien vivre sans noir ( cachot noir, cabinet noir, miroir noir).
Ma prof de peinture ne voulait pas non plus que nous utilisions tel quel le noir des tubes. Nous devions le fabriquer nous-mêmes par mélange de couleurs avec toujours une nuance dominante qui transparaisse. noir bleu, noir rouge, noir vert ... Là aussi ce fut une expérience rassurante où il s'agissait moins de trouver le noir que de l'éviter. Alors pour les miroirs je ne me pose même pas la question. Sur ce qu'on y voit oui ! à l'endroit, à l'envers, tain compris, ou fond de teint incorporé. J'ai appelé un recueil de poésie " Entre les miroirs". C'est cet interstice qui m'intéresse. La couleur entre-deux. La rencontre, le mélange. L'expression choisie de cette couleur. L'écran noir des nuits blanches dont parle Nougaro ... Le miroir, tous comptes faits qui m'intéresse est celui où tu me vois claire et drue comme la pluie !

09 novembre 2006

CADEAU 3 CYCLAMEN



CYCLAMEN entre morts et vivants ...

C’est une tradition entre nous. En Septembre ma sœur m’offre un cyclamen. Il passe tout l’hiver avec moi nous prodiguant ses fleurs ou rouges ou roses, cette année, mauves. Il regarde depuis la véranda se lever le soleil derrière Belledonne et il n’est pas impossible qu’il soit pour quelque chose dans ce lever. Il n’a rien à en dire d’autre que sa compagnie silencieuse mais efficace. Comme celle des sœurs, des amis. On ne partage pas toujours le pain avec eux mais dans chaque bouchée il y a tout-de-même leur présence.
Les cyclamen que ma sœur avait déposés sur les tombes à la Toussaint ont été ratiboisés par le gel deux jours après. ça ne fait rien, me dit-elle. Je les ai mis le dimanche d’avant. Ils auront tenu plusieurs jours

.

08 novembre 2006

CaDEAU 2 PEAU AIME

Ça ne fait aucun bruit
un poème qui glisse
sous les pas des passants

Pourtant quel tintamarre
sur les rails des gares
de ces départs sans fin

Le poème explose
parfois entre les lignes
quand la vapeur le prend

Le mécanicien juste
programme une comptine
pour épargner les gens

Si sourds si souvent
qu’il ouvre une fenêtre
derrière les oreilles

Ce jour-là par mégarde
et par nécessité
Ils regardent tonner
chanter et rire
le poème barbare



Tomber sur un poème
quand 7 heures ont sonné
c’est derrière Belledonne
voir lever le soleil

Un poème oublié
qui doucement s’infiltre
pas encore relié
jusque sur mon pupître

Allez hop ! Allons-y !
C’est le cadeau du jour
Dans la botte de foin
c’est l’aiguille qui pique
plutôt que les doigts gourds
fesses du matin rose.

07 novembre 2006

CADEAU 1:PERUS


Les perus ( les poires) sont en train de mijoter dans la casserole avec le vin rouge du Bugey et du sucre) ; Pas mal de vin et beaucoup de sucre. C’est que les « tringa viailla » sont coriaces. Ernest les a ramassées l’autre jour et stockées dans ma voiture tandis que je lui donnais des courges d’Ercole. Ce qui s’appelle une économie de troc. Cette année Ernest n’a pas de courges. Un sacré boulot d’enlever la peau des courges, idem pour les poires, mais la récompense est au bout de la préparation et de la cuisson.
C’est lui qui me rappelle que j’avais, il y a un an ou deux, trouvé le moyen de rendre les tringa viaya comestibles. Tringa viaya ( étrangle-vieille) c’est ainsi que les nommait sa grand-mère, les poires étaient ramassées plutôt pour les lapins. Je démontre deux jours après à Ernest que deux vieux comme nous peuvent s’amuser à s’y aiguiser les dents pour peu que les perus ( autre nom patois qui était commun à nos familles) aient longuement été attendris et imbibés du jus de la treille. ( chez nous UN poire, non Une poire) Je suis donc retourné pour la démonstration-dégustation mais aussi pour récupérer la bouteille de Clinton que m’avait donnée Ernest.
Le vin d’Ernest c’est tout un sonnet ! Ernest est vigneron de sonnets. Son vin et ses poèmes tournent rond, ont les pieds posés sur terre et des envolées lyriques, badines, coquines … dans les règles de l’art et dans la science des récoltes mûries, attentives. Quelquefois avec des inclusions patoises ou des citations latines.
Ah ce goût un peu âpre des tringa viaya, ce vin transmué par - ne disons pas le jus des poires, elles sont si dures qu’elles ne jutent pas - la rustique élégance du terroir. Comme le Clinton. Il me tire des larmes aux yeux. C’est le goût du vin que faisait mon père. Il n’y a que le vin d’Ernest qui puisse me le rappeler par le palais aussi puissamment. L’idéal serait de cuire les perus avec ce vin-là. Une expérience non encore réalisée. Je craindrais de gaspiller le vin par les poires.
Ernest m’a aussi donné ma première leçon de latin. Maître es-patois et es-latin et es-tringa viaya. Non ! Pour l’instant, c’est moi la « Métra Tringa Viaya » ! Je viens de dire à Pierre en allant les touiller dans la casserole. « Ecoute comme ça sent bon ! » à cause de l’odeur chuchotée du mijotement mitonné.
Pour ce parfum, pour le goût et le souvenir du goût, je ne peux rien pour vous mais une demande bien tournée pourrait peut-être, via l’autorisation d’Ernest, vous conduire jusqu’à un de ses sonnets. Pas un étouffe-chrétien ! Du goulèyant ! De l’authentique Clinton des vendanges à mots !

06 novembre 2006

GEL ET SOLEIL

Gel et soleil
Avant de quitter une nouvelle fois une de mes exuvies à La Loue, je regarde toujours attentivement si je n’y ai pas laissé collée une écaille, un morceau de chair …
Et donc, ce matin frais, très frais, c’est le titre mentalement inscrit hier et avant-hier que j’y récupère pour l’emporter avant que l’hiver l’ait fait disparaître dans la poussière.
Contraste, opposition de ces derniers jours. Le matin tout blanc de givre, gris de brume. Les os des arbres, des toits, de Gelzy, raidis par le gel. Soulignant l’architecture de l’ensemble, affirmant même sa solidité et sa miraculeuse harmonie. Mais très froids, très blancs, très gris des cendres et de Novembre …
Les midis, les tantôts, pimpants, soleil et couleurs encore vives par endroits, les sycomores, les vignes vierges tandis que dans les jardins les légumes ont baissé leurs ailes et gisent en vert rouillé désabusé. J’ai oublié de rentrer à temps mon dernier plant de bettes. C’est bête ! Dégringolade sauf pour les cardons emmaillotés chez les vrais jardiniers. Les mâches débutantes, les chicorées amères tiennent le coup et perdurent dans leurs intentions nourricières …
Bref ! Comme tout le paysage je passe de l’un à l’autre, sans trop savoir la règle de succession et comprendre le mécanisme des transformations. Gel : mes humeurs noires, mes colères bleues, mon insatisfaction devant tout ce que je n’ai pas fait, sauvegardé, accompli, cette saison passée qui pourrait être la dernière. Soleil : l’éblouissement, l’enfance revenue, les projets mis en route et même déposés sur le piano, sur la toile, les coups de téléphone revigorants. Vraiment c’est vrai ? Je t’aime, tu m’aimes ? Bien vrai ? On se le dit, on se le vit, on s’avoue notre fringale, on se consomme encore, toujours l’amour ? Nous sommes jeunes tous ensemble … additionnant nos années nous atteignions à l’âge mirifique, canonique, excentrique, lubrique (si peu !) où nous pouvons tout nous permettre, aguerris que nous sommes contre le gel et finauds, astucieux, géniaux ( allez ! pas de fausse modestie !) pour nos capteurs solaires !

Bon ben ! dirait Aben à qui je n’arrive pas à communiquer mes « comments » à cause de son code compliqué ( Simplifie Aben pour les vieilles dames !) au revoir !
Au revoir pas adieu !
N’oubliez pas de boire,
n’oubliez pas de rire
Quand le temps est brumeux
Et ne m’oubliez pas
évidemment bien sûr
Je reviens aux pays
Ces pays du dimanche
Où les mots qui s’échangent
Font un si joli bruit !

04 novembre 2006

LES COURGES

J’ai choisi dans le voisinage
Producteur de courges agréé
par le gouvernement des cucurbitacées.

Lisses ou grenues
Rondes ou ovales
Bleues, vertes ou orangées
Carrosses de Blanche-Neige
Sorcières haloveenées …
On trouve tout dans les rayons du magasin d’automne
d’Ercole !
Sauf ! Excepté !
Courges carrées.

Courges à soupe
Courges à gratin
Courges à frites
Courge à gâteau
Courges à toutes les sauces et à tous les étages
On trouve toute courge dedans mon voisinage.
Pour les accommoder
rien moins que du jus de canard
des amandes pilées, des châtaignes en purée
des noix ou de l’oseille.
Courges demain et potirons la veille.

Mais pour l’adresse vous repasserez !
Tudieu je ne vais tout de même pas
( non mais des fois !)
pour vos pupilles et vos papilles
décourger le quartier !

03 novembre 2006

J'AIME LES MOTS

Carnet noir 1971
J’ aime les mots, la littérature. Je me revois assise devant la table, près de la fenêtre, dans la cuisine, chez mes parents. Pendant longtemps j’ai dit « Chez-Nous » mais Jean m’a fait perdre cette habitude qu’il jugeait offensante. C’est là que j’ai lu, relu, récité ce que m’offraient mes livres de Français « Les auteurs du Nouveau Programme » Lamartine, Hugo, Vigny m’ont enchanté. J’ai lutté sans rire contre Jean et son copain Serge pour défendre l’honneur de Hugo « Totor » comme ils osaient l’appeler, qu’ils voulaient réduire à une vulgaire figure de sauteur. Je devais être fort niaise si j’évoque le malin plaisir qu’ils prenaient à démolir mon idole à coups de prétendue érudition et de mots crus. Pour moi surnageaient, intactes, les belles envolées lyriques et aujourd’hui encore je m’y laisse prendre. Quand soudain, au détour de l’alexandrin, je sens l’émotion me gagner quand je lis à mes élèves ceux dont j’essaye par ailleurs de montrer l’affectation outrecuidante.
Dans le fond de moi-même je suis et reste une bergère
« Veillée des chaumières » et quiconque saurait trousser un compliment lyrique aurait quelque chance d’attaquer ma vertu. Heureusement avec l’âge et d’autres lectures je suis plus difficile pour le choix des adjectifs.
Jean est resté sur ce chapitre d’une écoeurante sècheresse. Net, simple, carré dans ses phrases … Il m’arrive de lui préférer en rêve des amants plus prolixes. Mais quel bonheur après quelque navigation dans les eaux troubles de reprendre pied avec lui sur terre, de retrouver dans l’intimité de nos corps le silence. Il a dû parfois vaguement sentir cela car au temps de notre correspondance quasi quotidienne il avait imaginé d’orner l’en-tête de ses lettres de magnifiques citations puisées aux meilleures sources. « Chaque jour je t’aime davantage
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain »
Il faut croire que ce succédané fut suffisant pour emporter mes doutes. Et puis, bon an mal an, amoureux tiède ou amoureux fou, il n’oublie jamais de m’acheter des livres. Et il lui faut un certain courage pour me les offrir. Quand le vent souffle à l’économie je ne sais pas m’empêcher de regarder avec reproche le paquet ficelé dans mon assiette. Il arrive quelquefois, la mesure étant comble, que j’aille récupérer le bouquin sous une chaise ou à la poubelle.
Pour tout ce courage et cette tendresse qu’il soit remercié !

02 novembre 2006

TETE DE KIAN

Il est des hasards heureux pour peu que l’on marche à leur rencontre. Des retrouvailles de mots, d’amours, d’amour des mots qui posent sur le présent nostalgique du jour, un parfum de passé joyeux.
« Tête de Kian » était une impression sans concession pour anathématiser le coupable. Tête de cochon, caboche dure, homme buté et sans jugement … Oui c’était surtout destiné aux hommes. Non que les femmes ne fassent jamais preuve d’entêtement, de sotte rigidité, de manque total de lumière intelligente etc … mais comme je l’ai essentiellement entendu prononcé par ma mère ( eh oui ! toujours elle ! ) à l’encontre des hommes … j’ai toujours imaginé qu’eux seuls en étaient pourvus.
Bref ! Qu’en est-il du hasard sorti d’une tête de kian ?
A l’origine un bavardage sur nos origines justement et nos pratiques familiales. Les sous, l’argent de la famille, l’argent des œufs, du lait, des tomes … ici mis en dessous de la boîte à chocolat, là dans une grande faisselle, pièces et billets en dessous. « Tu sais un kian pour faire des gros fromages ! « « Ouaih ! un KIAN, Répète ! tu as bien dit un Kian ?»

Et bien voilà. L’analogie est évidente. La grosse faisselle à tome de quête que je ne savais nommer. La grosse faisselle métallique, trouée pour laisser passer le petit lait. (voir si on s’intéresse à cette question, précédente communication de MOTS ET COULEURS) a servi à désigner les têtes rebelles. Elle a justement la taille d’une têtasse. Une tête vide de bon sens. Une tête à trous qui ne retient rien de ce qui est bon à comprendre. Bien sûr quand elle est remplie, ça change !
Le kian devient alors porteur d’un délicieux contenu qui nourrira le reste du corps, de la famille toute entière. La tête de kian peut s’améliorer. Il suffit de la nettoyer de temps en temps de ces salissures et déchets amassés dans les coins sombres, les immanquables greniers d’une vie.
Elle reprend vie. Comme les mots. Comme les amours.

« C’est alors que tu entreras( la mort) mais je te dirai « Entre et assieds-toi »
Et ce que je verrai alors, ce ne sera pas ton visage ; victorieux de toi jusqu’au bout, libéré de toi par ta présence même, tu sembleras disparaître ; et ce que je verrai monter devant moi, le rassemblant une dernière fois au seuil de la nuit de toujours, ce seront les visages chers, ce seront les choses aimées, la montagne, les champs, le lac, et au-dessus d’un jardin d’abeilles, l’image d’un poirier en fleurs. » Ramuz.

01 novembre 2006

PRESENCE DE LA VIE

MATIN de TOUSSAINT en compagnie DE C.F. Ramuz PRESENCE DE LA MORT in « Passage du poète », venu se poser tout naturellement sur mon bureau
« Je mets le mot sur la page ; je dessine la ligne droite au-dessous de la ligne droite, et c’est comme un grillage à travers lequel ma pensée regarde ; /…/ »

J’ai d’abord mis les feuilles séchées sur la table basse vernie, j’ai posé les vitres sur les feuilles, vitres de remplacement trouvées dans la maison quand je l’ai rachetée et gardées comme tout le reste … en prévision. Feuilles mortes, choisies, séchées, conservées … en prévision …
Photographié le cyclamen rouge, le bouquet d’hortensias et de ricin, récupéré hier dans la promenade avec les Monique, Yvette … Longue promenade, rieuse et sérieuse, dont le bouquet ce matin ( une femme en L’Ile coupait ses hortensias avant de rejoindre la ville pour l’hiver) dit encore la douceur.

« Qu’importe à quoi ça peut servir, et si tout ce trésor va être dispersé. Regarde l’écureuil : il a lui aussi ses cachettes, mais quelquefois il les oublie et les faînes amassées ne lui servent de rien. Il ne faut pas vouloir être au-dessus des choses, il faut être dedans. Il ne faut pas vouloir savoir pourquoi on vit, il faut seulement vouloir vivre. Vis tant que tu peux et ce sera bien. »

A propos de choses, papa Ramuz, je viens de boucler le classeur. Poèmes, chansons sont prêts pour l’aventure du partage. J’ai appelé l’ensemble « DE CHOSES ET D’AUTRES » c’est dire qu’il y aura, en plus des objets chers, des roses et une île, mon vrai Papa de l’île et des terres, ma vraie maman de voix et de tricot de laine … J’ai fait un filage l’autre soir … Toute seule mais dans le bonheur d’un futur entendu, écouté.

« C’est en dedans de soi qu’on regarde. On contient tout. A cause de cet ébranlement qui est venu, rien n’existe que dans l’émotion même ; une concentration s’est fait, tout participe à l’unité. »

Et puis la journée viendra avec ce qu’il faut de recueillement, de chrysanthèmes. Je suis allée les déposer hier au soir tard, juste avant la pluie et la nuit. Pour la première fois j’ai fleuri la tombe de Paul et Lilette, personne ne viendra plus : la famille est éteinte comme on dit joliment. En souvenir d’eux, elle la couturière qui m’avait donné du tissu pour ma première robe cousue moi-même, lui le peintre qui m’a appris à regarder le monde depuis le tabouret et au bout du pinceau saisi pour le saisir …

« On ferme de nouveau les yeux ; on ne veut rien voir, pour mieux voir. On entend au-dedans de soi les battements du cœur qui commande à tout par le sang qui y entre et qui en sort : on pense : « ce n’est pourtant qu’un petit muscle, c’est un pauvre morceau de chair qui se donne bien de la peine ! Jamais il ne se repose ; peut-être qu’il ne pourra plus longtemps. »

Les corbeaux piaillent dans la peupleraie. Tout autour les maïs sont tombés et la terre nue, déjà labourée en de certains endroits se prépare à l’hivernage. On annonce le gel. Il faut que je rentre les dernières courgettes et les betteraves.
Une larme aux yeux et même sur la joue en relisant Ramuz.

« Elles peuvent venir les forces aveugles ; ma force à moi les a prévues, ma force à moi sait les envisager. Ma force les contient, n’étant pas contenues par elles. Et elle se sourit à elle-même, fixe malgré tout ce qui passe, et quoique passagère aussi, mais le moment suffit, et l’ampleur du moment, par quoi l’éternité elle-même est réalisée, plus belle de ne pas durer. »