Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 mars 2010

escargot margot

Escargot Margot

C’était un escargot tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Escargot de Bourgogne bien que Dauphinois. Quoique assez jeune encore il avait déjà repéré les allées et venues dans l’herbe et les fossés, quand la pluie s’arrête, que les homo sapiens chaussent leurs bottes et engloutissent avec des gloussements satisfaits, dans le seau, frères, sœurs, parents et alliés. C’était un escargot ordinaire et il le savait bien. La suite, il l’ignorait mais suffisamment futé pour l’imaginer : le dégorgement dans le sel puis l’extraction de la coquille avec une aiguille, le lavage répété, la cuisson au bouillon, la réintégration grasse et persillée dans la spirale …
Cependant -n’allez pas croire !- rien n’est tout blanc ou tout noir. L’escargot ordinaire, qui n’y allait pas par quatre chemins, croisa celui de la Petite ce matin-là avec la ferme intention de saisir sa chance.
La Petite le ramassa d’un geste délicat, par le haut de la coquille dans le jardin de la Mère-Grand, ridiculement baptisée d’ailleurs Mamie, depuis les changements générationnels. Bon ! Ne nous attardons pas sur des considérations inutiles à l’histoire ! Ne mélangeons pas tout entre le blanc, le noir et les sept couleurs.
L’escargot Margot venait de rencontrer le présent de narration, dans l’allée principale du jardin qu’il était en train de traverser avec circonspection.
La Petite le déposa sur sa paume de main recouverte d’une feuille de laitue. Face au ciel : la paume. Lui : le nez dans la salade.

Escargot Margot
Montre-moi tes cornes
Si tu m’les montres pas
T’iras au fond d’mon bas
Si tu m’les montres bien
T’iras chez l’marchand d’vin.

Que faire ? bas ou haut ? marchand d’vin ou d’eau ? Toujours ce choix épuisant avec envers et endroit, marche ou crève, gauche ou droite …
Il opte pour la marche vers le haut
La lutte lucide vers les sommets
Il déplie ses cornes.
La Petite est ravie. Elle observe les deux gyrophares dardés vers elle. Caresse la coquille d’un doigt en suivant la courbure du colimaçon. De l’hermaphrodite bizarre, de cette complexité et disons-le carrément de cette complexité notoire, elle ne voit que l’unicité de la perfection. La belle alliance du contenu et du contenant, du ferme et du mou, de l’éternel et de l’éphémère. L’absence totale de tergiversation, de contradiction. Le pied qui va, les yeux qui cheminent à l’avant, le cœur caché au chaud dans la maison. La Petite est émue. D’être adoptée comme au premier jour dans le jardin des merveilles la touche au plus haut point. Elle touche les cornes. Les cornes se rétractent. Sensibilité à fleur de peau.
Elle réitère ses ordres mais sur un ton nettement plus conciliant

Escargot Margot
Montre-moi tes cornes
Si tu m’les montres pas
T’iras au fond d’mon bas
Si tu m’les montres bien
T’iras chez l’marchand d’vin.

L’escargot Margot n’est pas fâché. La petite vient de lui accorder un prénom féminin aux consonances masculines. Qu’à cela ne tienne ! il fera don de sa personne à qui a si bien compris sa nature profonde. Cargo Margot, Go !
D’ailleurs il a le don de double vue. Il ne craint rien. La Petite est pieds nus dans ses sandales. Pas de bas à l’horizon. Pas de prisons.

Il était une fois un petit escargot.
Il était une fois une petite fille.
Elle s’appelait Margot
Jouait dans le jardin
Sont devenus copains
Elle s’enroule à ses vrilles
Il lorgne ses contours
Il marche vivement
Elle traîne en chemin
Jouent à l’escarpolette
Remplissent l’escarcelle
Sans la moindre escarmouche
S’en vont prendre le temps
S’en vont où bon leur semble
S’en vont de bon matin
Comme à la nuit pétante
Ils s’appellent Margot
Tout unanimement
Jamais honteux des cornes
Que Rude Vie vous tend
Jamais fâchés ! Toujours contents !

30 mars 2010

Ô Y A YAYE !


la maison Pique quand elle tenait encore le coup.

La loue ce Dimanche 27 mars
Ô Y A YAYE !
C’est limite
( mais ça marche !)
De tout petits oiseaux, qui ont des noms dans les encyclopédies, ont soulevé l’aube et l’élève au dessus de l’herbe froide
Genre, espèce, famille : oiseaux de printemps
Ils ont aussi des dictionnaires intarissables dans la voix
Ils grêlent encore de couleurs sombres et nocturnes mais vaillamment soulèvent dans tous les sens, par le dessus, les côtés, le dessous
Ils ont des ailes en forme de massues et de piliers
Ce pays vide de liberté, d’avenir, avec ses vieilles épaules courbées, ses résignations, ses maisons abandonnées - oh le toit effondré de la maison Pique croulant goutte à goutte sur le chemin !- ce pays, à l'appel des oiseaux, soulève les paupières.
Il voit.
Il voit s’éclaircir entre les arbres le ciel des oiseaux
Ils n’en ont pas marre les oiseaux.
Ils se confient sans savoir qui les entendra.
Ils recommencent. Ils ne raisonnent pas. Ils y vont.
Les maisons, les chemins, sont fugitifs comme les années
Mais les oiseaux, eux, s’en foutent bien des comptes du temps qui passe

Il faudra s’y faire : les oiseaux ne capitulent jamais et c’est tant mieux !

28 mars 2010

LE CHEMIN


Non ! N’allons pas plus loin
Non ! N’allons pas plus loin
Car les petits chemins
Les petits chemins creux
Sont pleins

Là où sont les noisettes
Suivons les écureuils
Là où sont les sornettes
Ne dormons que d’un œil

Là où chantent les vignes
Buvons du vin nouveau
Où la danse trépigne
Accrochons nos cerceaux

Certes en poussant la route
On arrive au manoir
La veillée sera courte
S’il est fermé le soir
Que ferons-nous pucelle
Dans le froid des fossés
Vois l’herbe est bien plus belle
Dans le pré d’à-côté

Là où passe ma ligne
Moi je prends le poisson
Là où tu me devines
Accordons nos violons
Et nous serons si tendres
D’avoir tant hésité
Cueillons sans plus attendre
Les fruits mûrs de l’été

Non n'allons pas plus loin ...
sont pleins.

26 mars 2010

VENTS DU MATIN


Illustration : retour au bercail , le pastel de Solange à l'affichage
CHEMINS AUX VENTS Pierre Sansot
Jeudi 25 mars Sète
« À MES YEUX CE N’EST PAS EN CHALOUPANT de ci, de là que je trouverai l’illusion d’un semblant de paix avec moi-même. Ce sera dans la compagnie ordinaire de mes semblables que je découvrirai ce que je leur dois et ce que je suis à leurs yeux. En m’engageant auprès d’eux, je ne gagnerai pas en certitude mais j’apprendrai à me situer. Une fois situé, je n’échapperai pas au doute, aux hésitations, mais j’échapperai au vertige de l’indétermination et me conduirai avec plus de fermeté et de courage. »
Je reprends la route avec le livre pour le rendre à Solange cette après-midi. Précaution avant de partir, j’en ai enregistré des passages à la voix. Rien de meilleur pour m’approprier ce qui parle pour moi. J’en ai commandé un exemplaire sur Internet (90 centimes). Rien de tel qu’un livre prêté, annoté par l’amie, pour ne pas avoir envie de le quitter, de continuer de « faire chemin ». J’avais écrit « Mon chemin » cet été, un arrêt sur image, déposé à l’Apa. Comme à chaque fois que je m’imagine en état d’écriture, à chaque fois que je me sens ferme comme le pied, à chaque fois que je crois être parvenue à un « dire » juste, je dépose à l’Apa. Heureux hasard, le jour où j’ai enregistré m’arrive l’écho de lecture « en sympathie" de l’association.
Solange, sur ses étagères bien fournies, a souvent un livre qui me corresponde. Je vérifierai si je ne peux pas en détourner un autre ce tantôt !
« l’écriture ne peut se comparer à un cheminement que si on la situe dans un fragment de la durée. En fait, malgré quelques fulgurances inspirées et menées à bride abattue, elle s’élabore de ci, de là, en marchant, en rêvant, en faisant face à un problème difficile de la vie quotidienne et pas seulement face à un clavier ou une feuille blanche. »
« de ci, de là » Tiens ! l’auteur aime ce balancement de la marche d’un pied, sur l’autre … de ci, de là, cahin caha … de marche et d’écriture …
et la chanson pour sac à dos …

21 mars 2010

C'est l'printemps !


chantent Claude et Marie-Claude puisqu'ils chantaient Ferré vendredi soir "aux bons enfants"
j'en ai encore les accents dans les oreilles ce dimanche, officiel début du printemps
et pour être sûre de ne pas le laisser passer sans aubade, ce message que je lui adressai en 1986

Oui, il faut avoir le cœur de reconnaître en soi Printemps !
Dans sa lenteur de feuilles mortes qui s’envolent, brunes
d’un grand souffle soudain de bourrasque
et se meuvent en joyeux papillons jaunes

Ça y est ! les voilà posés sur les première primevères !

PRINTEMPS
Jusqu’au bout de ses primes audaces et ses derniers retranchements.
Pas seulement printemps de sève et bouillonnements
Mais printemps de bois sec et de gui
Printemps d’avant-printemps n’assignant à la ronde d’autre but que de tourner
Printemps de nécessité, d’ordre d’en-haut de renouveau
Autant et davantage que d’élan animal et de bond de rivière
Une totalité de printemps de la terre au ciel et du ciel à la terre.
Printemps somptueux d’ordinaire.
Qui se fait et se plante.
Printemps quoi ! qui ne ruse plus avec l’attente
Et se donne à la Pâque et au dieu qu’il contient.
Printemps qui vient.

Et le cœur net !

19 mars 2010

OUTILS


de l'atelier d'écriture
Illustration: les outils de la paella

Dans le dictionnaire de l'enfance OUTIL avait un sens complètement différent du Larousse Illustré. Un outil était une personne, mâle ou femelle, plus souvent femelle je crois, mauvaise, abominable, dangereuse. "Celle-là c'est un outil et même (renforcement de l'anathème) un "drôle" d'outil, un "sacré" outil ! " Nous allions donc à contre-sens ! "Drôle": qui n'est pas du tout amusant, "sacré" qui n'a rien du solennel divin. Pour ce qui était des choses, le marteau, l'aigoïne, la fourche, le racloir, nous les demandions par leur nom propre. Et quelle richesse de précision en patois ou non! Les outils, genre essentiellement concret, comme de bons chirurgiens de la vie pratique, nous avions tout intérêt à les désigner sans erreur ni retard " Fais-moi passer le partaret !" "Où tu as mis les forces ? " Savez-vous par exemple que les dites "forces" sont ce que portaient dans la poche en permanence les ouvrières en textiles pour couper les fils. J'ai été très heureuse d'en retrouver une paire ( comme dans la paire de ciseaux deux branches réunies) dans les décombres de la vieille maison cambriolée que je reprenais. Elles sont rangées dans le mini musée. Coup d'oeil de ces générations de femmes actives à l'apprentie indépendante qui se risquait à refonder sa vie, à réparer la maison, à se servir des outils des hommes, la truelle, la taloche pour gâcher le ciment ou le plâtre. Là encore méfions-nous des homonymes. Gâcher ici c'était brasser avec vigueur et efficacité. Comme les mots sur l'ordi !

18 mars 2010

MERVEILLE !


C’est sur cette résurrection que je veux m’attarder ce matin.
Bien sûr le printemps y contribue. Hier, à la maison de retraite où je suis allée conter avec Pierre et Gilbert le troubadour, j’ai ressorti un des premiers poèmes de ce premier printemps. Et puis nous avons chanté, à leur demande, « que la montagne est belle. » Il n’y avait pas besoin de se forcer à l’optimisme. Anne, une nouvelle dans le groupe, a chanté avec moi bien qu’elle prétende ne pas savoir faire. Ressuscitée elle aussi. Mardi matin dans la séance de travail elle s’était lancée dans l’histoire d’une louve et d’un homme qui s’apprivoisent, comme le renard et le ¨Petit Prince. Puis s’est trouvé bloquée et chancelante. Je me suis mise en face d’elle, lui ai demandé quel rôle elle voulait prendre, elle a dit « L’homme » et j’ai commencé à improviser une louve attentive et curieuse. Improviser par le corps et non par les mots. Nous avons ainsi avancé dans la rencontre vraie, non programmée, non codée. Hier je crois qu’elle s’en souvenait car elle a complètement lâché prise jusqu’à se flanquer au sol, avec son chapeau et ses fringues colorées. Nos spectateurs en étaient tout ragaillardis et ont même sorti d’eux des poèmes et des chansons. Nathalia, polonaise de plus de cent ans, m’a une fois de plus embrassé la main avec une douceur divine. Elle est blanche comme une hermine, elle est belle comme une enfant et elle vit toujours ! Manifestement elle passera encore ce printemps les yeux ouverts.
Ah ces femmes ! quelle énergie ! quelles possibilités de transformation ! quelles chances de naissances à se redonner !

17 mars 2010

THEOLOGIE

de la peupleraie ...


de l'atelier d'écriture ...Théologie

Un petit sentiment d'effroi. Ou comment mettre Dieu en bouteille. Mettre du vin ça je sais. Il suffit de retirer le "bondon" du tonneau pour que l'air rentre, placer le seau ou la bouteille en dessous du trou d'en bas d'où le "dusi" a été enlevé, laisser couler en surveillant le niveau dans le récipient. Surtout ne pas laisser déborder et se répandre inutilement dans la cave. Replacer les opercules du sommet et de la base et recommencer à la première occasion. Quand le vin est tiré il faut le boire !
Donc de même, sans peur et sans reproches, s'en aller vers le haut du fût demander à Dieu s'il est d'accord pour coopérer. Permission accordée, interroger les textes où il s'est révélé. Ne pas crainte quelques contradictions. Persévérer. Si on trouve un goût de bouchon au précieux liquide se dire qu'on s'est sûrement mal rincé la bouche. Tenter une (ou deux) applications pratiques de la recette. Cuisiner avec. Chanter. Prier. Adorer. À chaque naissance, à chaque printemps, remercier d'abondance." Aimez-vous les uns les autres" étant d'apparence la plus aisée à exécuter mais ça dépend du vis-à-vis et des vendanges de l'année. Il y a des crus plus faciles à croire. Enfin, dans le silence plein de la divine présence, s'endormir doucement dans la paix des braves qui ne réclament rien mais ne refusent rien. Font leur boulot, obéissent aux instances dirigeantes mais se sauvent quand l'orage va tout noyer, reviennent sur leurs déroutes pour sauver les femmes et les enfants d'abord etc

16 mars 2010

peut plier


Il en reste encore des trois autres côtés de la maison même si ceux qui avaient racines familiales sont couchés sur le côté. Je ne manquerai pas, Julie, de la symphonie du vent dans leurs feuillages en toute saison même s'il m'a semblé que le vent sur la terre nue devant la maison ce dimanche avait changé de ton et d'intention. Plus rageur, moins mélodieux. En tout cas ils sont plantés dans mes cahiers, en peinture, en photos, dans les mémoires d'ordinateur et dans les livrets anciens.

Tu peux t'inspirer de celui-ci Solange, un isolé de bord de fossé, échappé à la rafle.

Un coup de chapeau en écriture une dernière fois avant de les quitter Aza.

1986 ENTRE LES MIROIRS

J'écris pour les mille mots mille-pattes et leur cheminement à travers ronces et jachères.
j'écris pour la déraisonnable litanie des écluses premières
Pour un son accroché, laine brute aux buissons.
C'est à cause des peupliers que j'écris
car
j'ai vérifié qu'ils ne savent pas dire leur long misérable appel d'eau
qu'ils ne savent
que changer de robe pour chaque usage
que se trouer de vent et ployer leur étreinte.
Ils sont si longs, longs. Leur printemps pelucheux montrent leurs hallebardes voltigées de faux cygnes et sans cages à oiseaux
C'est d'après eux que je reconnais les collines en rentrant au pays. Ils bordent les labours
mais ils ne savent pas pourquoi de plus en plus on les entasse alors qu'ils ne faisaient que longer la maison.
Cette tristesse des peupliers qui n'ont plus rien à faire que produire et rien à dire que ces lignes en troupeaux
n'ai-je pas à l'écrire pour qu'elle n'atteigne pas
mes os ?
J'écris. ils les débitent en cagettes. Eux, les fiers peupliers, majordomes debout. En plateaux.
Et leurs ramilles d'or, leur tendre vert nuage, ils les brûlent en monceaux de déchets de marchés, de clochards en débine
Peupliers en guenilles qui crépitent et crient sous l'éclair des villes
Foudroyés de plein fouet parce qu'ils étaient trop hauts.

13 mars 2010

PEUPLIERS


19 Décembre 1979
De ma sève montante je m’en vais irriguer le couchant
Les grands draps rouges qui se couchent dessus les peupliers
Haut lancés vers le rouge soleil qui s’y noie au travers
J’escalade.
D’un bond, je hisse l’oriflamme de mon désir de vie
confondu dans la sève du soir
Confondu et confiant à la sève le soin de le nourrir.
Et rouge est mon sang

Et je ne suis rien autre qu’un moment du couchant.

J’aurais pu, près de l’âtre, regarder une à une et ensemble
les flammes confondre et consumer les bûches
Vivre de leur absence
Vivre et chantourner la boucle délirante
de leur désir flambant
Crépiter du silence de l’arbre
Et reconnaître, à la chair, au nœud
le sarment ou le saule

Et j’aurais pu virer du rouge au bleu
au vert cuivré
aux safranées pâleurs

Mais je ne sais pourquoi c’est dehors que m’appelle
l’élan qui fit ce soir de mes jambes-gazelles
hurler aux peupliers mon désir de me fondre en eux

Et de toucher la terre du ciel

Rouge des certitudes

Incandescence

Vers les Thunières mon corps couché sur les nuages
Colline enfin
Horizon rond.

12 mars 2010

LES PEUPLIERS



LES PEUPLIERS

Ils font intimement partie de ma terre et de ma mémoire.
Ils sont si à l’aise sur cette argile venue des passages successifs du Rhône qu’ils croissent en hauteur et rondeur rapidement jusqu’à atteindre la norme d’abattage.
Malgré les chutes des cours et les maladies diverses ils sont rentables. De plus, avec le manque de bras de l’agriculture, ils ne demandent pas trop de travail tout en occupant les espaces.
Ceux devant la maison ont été plantés par mon frère. Ce fut pendant de nombreuses années un travail acharné pour entretenir le sol à leurs pieds indemne de mauvaises herbes nourries d’engrais et qui en auraient pris la sève.
La peupleraie était sa fierté. Il comparait non par vanité mais par orgueil bien placé l’efficacité de ses soins par rapport aux plantations voisines.
Les peupliers étaient « sa poire pour la soif », la ressource en cas de ruine, le legs à ses enfants si possible.

Ma nièce me téléphone pour m’avertir qu’on va couper la peupleraie devant chez moi. Le travail a commencé la semaine dernière. Je vais certainement trouver place nette ce dimanche.
Mais j’ai retenu d’eux une dernière image, debout, couchés.

11 mars 2010

SUR DEUX NOTES


Ah comme une chanson peut empoisonner une jeune cervelle !
J’y ai cru aux deux notes coordonnées, puis aux trois, quatre et cinq, au delà de toute raison et j’ai fourbi, fourni, jusqu’à ce que fourbue, fourchue, j’abandonne le jeu trop difficile d’accorder les violons.
Ce n’est pas difficile à comprendre après tout comment deux notes placées plus ou moins par hasard sur une même gamme en arrivent à se frotter en un couinement douloureux. Elles étaient jeunettes, inexpérimentées. Toutes sortes de vents passaient par là pour secouer le prunier et les désaccorder.
Mais l’important est que la gamme continue n’est-ce pas ? sous une forme ou une autre, ascendante ou descendante …

Sur deux notes je refais le poème
Sur trois notes je tricote l’oubli
Sur quatre notes j’invente un nouveau thème
Et sur toute la gamme je salue Aujourd’hui

Les deux notes sont ce passant qui passe
Les trois notes ce groupe de pinsons
Les quatre notes ce pichet sur la table
Et sur toute la gamme je picore et je ris

Ah combien la chanson à tue-tête
à tue-peur et à tue-cors aux pieds
fait danser les notes du jeu-t’aime
fait l’amour avec la joie d'aimer

10 mars 2010

LES BELLES ET LES BETES




l'une pose pour le photographe qui en tirera une affiche

l'autre enjoint au cabri de regarder l'objectif pour faire plaisir à la photographe attendrie.

l'une au naturel, l'autre au sophistiqué.
l'une au travail, l'autre à l'expérience amusante.
la poule et le chevreau se prêtant généreusement à l'une et à l'autre.
C'était une histoire à deux notes dimanche.

08 mars 2010

L'AMI INTERIEUR


de l'atelier d'écriture et de ce matin blanc et bleu

L'ami intérieur le matin se lève en même temps que moi. Tire les rideaux, regarde par la fenêtre. C'est beau ! Est bien d'accord avec moi. D'accord avec les projets de la veille. Branche la machine à coudre pour la robe du spectacle bleu. D'un bon pas se dirige vers le tabernacle d'écriture et rangement. A décidé de m'aider à ranger les étagères. Grimpe à l'échelle. Ne murmure pas contre la hauteur des barreaux. Tout juste me glisse quelques recommandations. Fais gaffe à ne pas tomber ! Que de place disponible ma chérie ! Que de chemisiers, que de jupes, que de pantalons ! Vraiment tu tiens à tout garder ! Pour le coup d'oeil ! Pour les souvenirs ? Comme tu voudras. Tu as toute la semaine pour t'en occuper. L'ami intérieur envoie l'acceptation du devis. A bien fait de vérifier son bien-fondé. Femme d'affaires l'ami intérieur. Ying et yang coordonnés. L'ami intérieur trie les pommes, fait la compote avec celles qui se gâtent. L'ami intérieur, calme et détendu, fait ce qui est à faire sans tergiversations. Convoque l'ami extérieur au repas et trinque avec lui sur le balcon. C'est bon ! approuve tous les goûts, apprécie toutes les couleurs ! L'ami intérieur est désormais facile et sans histoires. Qu'est-ce qui lui arrive ? C'est vraiment le printemps ? Pourtant 30 cm de neige. Bah profites-en pour aller marcher ! l'ami intérieur surveille ses pas, ses bâtons.
Pourvu qu'il continue à se plaire en ma compagnie !
Merci l'ami ! Tant je t'ai attendu que tu as fini par arriver ! holé

05 mars 2010

L'ILE DU LENDEMAIN


le lendemain, soleil repeint, elle était souriante ...

, le premier cui-cui et la chanson sauvée du naufrage, je continue…
La chanson d’abord qui ne m’a pas quittée. M’a accompagnée à la salle de bains, a enfilé les chaussettes et se retrouve proprette, guillerette, malgré la nuit douteuse et malodorante

Mon île parfumée, ma Tahiti de rêve
Mon sommeil bleu, mon amour tiède
Et mon espoir dolent
Mon île sans gabiers, mon île sans forbans
Mon île aux cent soleils
Mon île

Où je chante
Mon île
Où je suis bien réelle et aussi folle que d’habitude, insatisfaite comme d’hab et rayonnante de tous mes cadeaux
Mon île
En équilibre sur l’horizon mais qui flotte vers d’autres,
Où mon père et ma mère s’entendent bien
Où mes frères et mes sœurs saluent mon arrivée avec enthousiasme
Où je suis nécessaire et suffisante comme un théorème intemporel
Où tu viendras me rejoindre si tu veux, quand tu veux et je t’aurai préparé le fameux pâté de lapin

Il y a aussi des lapins sur mon île et on n’y manque de rien, tout pousse et croit en cadence, en silence et en flons-flons.
***

04 mars 2010

C'est dommage

« C'est dommage de ne jamais y être aller, mais peut-être est-elle plus belle dans vos rêves. »
Non Solange, il me faut liquider l’île dans les rêves comme j’ai tenté d’en approcher la réalité en nage libre mais dérisoire. L’île n’a jamais été que de plus en plus lointaine. L’île d’aujourd’hui n’est pas l’île d’hier. Ne sera jamais. Parfois j’ai cru toucher une rive, me hisser. Paf ! je retombe à la baille.
L’île ne s’oublie pas facilement mais ne surgit pas facilement des brouillards
Il n’y a plus d’île. Aucune île ne croise au large.
Chaque fois que j’ai cru pouvoir l’aborder elle s’éloignait. Bateau de l’écriture, bateau des passions illusoires, des bras tendus qui ne rencontrent que la tourmente des tempêtes.
Oh je sais bien que c’est de mes navigations dans les eaux troubles de la nuit que me vient le malaise du matin, les longues et inutiles lamentations.
Le réveil de mon père a été douloureux. Le brassage des courants ne me vaut rien. Vaurien !
Bandit voleur chenapan
C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant

Ce monde me blesse tous les jours. J’ai envie de laisser tomber des tombereaux de larmes pour noyer toutes les îles ratées. Je ne rattraperai jamais ce père et je gomme son visage abusivement remonté en surface.

j'ai eu beau le suivre à la trace
il est arrivé le premier
là où on ne peut plus rien faire
pour protéger
son père

03 mars 2010

EN L'ILE


tableau du cousin Paul dans la salle de mairie, le chemin qui va en l'île


EN L’ILE
Non ne confondons pas !
Aller EN l’île ce n’est pas aller DANS l’île
« En l’île » : des bateaux seulement amarrés.
La longue et large plate qui sert à charrier les bêtes
que l’on emmènera paître dans les prés de l’île
Les barques, « lo barqué » le genre est masculin en patois
pour la pêche et le bois
« En l’île » c’est le nom du quartier au bord du Rhône
Ainsi se distinguent les Terrasson de l’île
et les Terrasson de Cessenoud. Ne pas confondre !
D’un côté des terriens qui ne pêchent jamais
de l’autre les amphibiens qui vivent tantôt sur terre
tantôt sur l’eau. Capables de construire le bateau
de poser les tramails, de renforcer les digues …
« En l’île » curieusement on est d’un autre département
car le fleuve indocile a changé les frontières
Parfois il amasse, parfois il creuse
Telle berge se délite quand telle autre se renforce
ça dépend des courants
ainsi donc « Le Saugey » sur la rive gauche
reste isérois, « En l’île » sur la rive droite
est O1, de l’Ain
malgré les révolutions et les guerres
C’est illogique mais c’est comme ça.
Cela importe peu quand il s’agit de tomber un bel arbre
Même patois ! même coup de chaleur, même hargne
Même cochon du saloir et andouille à partager
Même « traque » au vin blanc
à vous emporter la gueule
Mêmes souvenirs de 14 ou de 40!
L’île n’est que pour les hommes, les magnauds, les costauds
Pas une femme ne traverse sauf pour la fenaison …
Je n’y suis jamais allée moi qui suis fille.
En l’île oui ! Dans l’île non !
En l’île pour acheter des œufs
Pour contempler le Rhône
pour promener ma main dans celle de mon amoureux
Jamais avec mon père, jamais sur la barque
Voilà pourquoi j’ai rêvé l’île bien plus que de raison
J’ai rêvé devenir un garçon même manqué
pour une fois au moins, une seule fois
comme mes frères
réussir la traversée.

Maintenant j’y suis arrivée.
En contes, en chansons maintes fois ressassées
Et puis repris encore pour faire bonne mesure
EN l’île, DE l’île, DANS l’île je suis la reine en souliers.

01 mars 2010

LE MATIN SUR MON ILE

Le matin sur mon île s’ouvre de tous côtés
Aucun mur, pas une frontière
L’eau clapote à tout va
La lumière se dépêche
d’atteindre son versant
sans que rien ne l’empêche
Les grands arbres lancés
à l’assaut du grand ciel
n’ont pas été plantés
C’est le vent qui s’en vint
sans compter les années
y déposer les graines

Ce matin-là sur l’île
quand Phonse est arrivé
avec les frères Togo
(Non pas des cannibales !
Mais leur ancêtre avait
sans doute pour quelques balles
chassé l’homme là-bas)
ils ont posé l’arpie
dans le fond du bateau
l’arpie, les rames, la musette …
Avant de commencer
la hache sur le dos
ont craché dans leurs mains
Bu une lampée de gnole
« No y van !» ont-ils dit
sans autres précisions
inutiles on le sait
car de tels compagnons
n’ont pas besoin de mots
pour lancer la cognée …
Ont attaqué le chêne
ont tronçonné l’aubier
À deux c’est plus facile
de manier le trussier
lâché l’outil de temps en temps
pour s’en aller pisser …
Vers neuf heures le casse-croûte …
Mon père a dans sa poche
la montre en argent rond
un peu vexée de ne servir à rien
puisqu’on a le soleil
pour rassurer les heures …
Mais s’il la sort quand même
ce n’est que pour les frères
qui vérifient ainsi qu’il a l’sens des affaires
car un chef se doit à son autorité.
Le soleil au zénith invite à se « chiètoa »
Pas besoin de fauteuil
Un seul tronc fait la paire
Pas de radio de bord
Pas de cris de colère
jusqu’à ce que le soir invite à embarquer.

Grand maître aussi sur le bateau
Coupeur de bois
Charmeur d’oiseau
Du grand Rhône
Grand timonier
sachant souquer