Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

14 mai 2007

OUVRE LES YEUX


Dans mes mémoires complètes (sic!), c'est la suite de " Le dessous des paupières" , que je suis en train de taper.
Retour ce soir vers la source d'Internet ( brrr qu'il fait froid : 5° degrés en arrivant), en voici donc un extrait de ce matin ... pensant qu'il vous fera sourire. J'étais alors en pleine révolution féministe. ( 1981) mais je n'en soustrais rien !

"Je peux aimer. Je veux aimer. J’aime. Mais que cet amour ne se dissimule pas dans ces méandres de mon être, que l’amour qui me vient ne me ramène pas à obéissance, soumission.
Appelez-moi : je viens ! Ne me retenez pas : je fuis. Ne me retenez pas : je reste.
Vie rivée. Vie enclavée. Vie paysanne dans ce que le mot a de plus contraint et de plus attaché à la glèbe. Femmes de labeur ; femmes de devoirs. Femmes d’habitudes. Femmes sans métier et sans cris. Femmes sans ventre à elles. Etonnez-vous qu’elles soient maladroites dans leurs premiers essais, qu’elles parlent trop ou parlent mal.
J’arrache, une à une, les peaux successives. Elles reviennent. J’ai mal. Je ne suis pas le Jésus Christ des femmes. Je ne suis pas leur voix. J’essaie seulement d’être un peu la mienne. Mais parfois, comme aujourd’hui, il me semble que me traversent des voix multiples. Voix de ma sœur morte, voix de ma mère, voix de passantes que leurs visages ou leurs jambes à varices ont inscrit en moi. J’en veux à leurs tourmenteurs, leurs maris, leurs patrons, leurs pères et frères. Même à leurs camarades (socialistes ou non). J’en veux à elles de ne pas avoir été plus braves, plus fermes, plus intelligentes quand il fallait l’être. J’en veux aux mères qui ont perpétué sur leurs garçons les causes de leur mauvaise humeur, de leurs ulcères, de leurs « pertes » de sang hors des dates permises.
Et je ne leur en veux pas. Ni aux hommes ni aux femmes. Parce que je fus et suis encore celle qui accepte et magnifie, faute de pouvoir changer. Ma tâche urgente, ce n’est pas de brandir les pancartes, ni de convaincre, ni de perdre le temps précieux qui me reste en agitations pour me rassurer. Ma tâche urgente est d’accoucher de moi, d’être à l’aise avec moi-même. A travers tous les avatars, les aventures de ma petite vie, ma tâche est de conserver et faire grandir l’amour de moi.
Pierre, tu aimes mon sourire, tu aimes mon poème, comme j’aime la tranquille assurance en toi qui te fait m’écouter et me permet de te dire ma rage. Alors je dois. Je me dois.
Je veux vivre comme l’arbre et comme l’animal. Retrouver la sève. Et la sève est amour, est confiance, est don. Mais non aveuglement, exaltation, subterfuge de vie.
Non rattraper le temps perdu, prendre MON temps."

3 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

Comme ton texte arrivé chez moi, de loin, dans l'espace et dans le temps me touche!

Après plus de 25 ans, et Pierre est là toujours sans peser, et toi as su comment devenir toi sans te perdre. Il a su te laisser être toi tout en étant aussi à lui et te regard toujours avec le même émerveillement, qu'il y a presque trente ans!

En pensant à cela je me dis, il existe l'amour dans lequel je crois, même si ce n'était pas fait pour moi. L'espoir reste. Son secret aussi, comme dit aujourd'hui quelqu'un d'autre dans son blog, le bonheur on le savoure. Ne l'analyse pas, ne le raconte pas.

Je me demande, malgré tout, où j'ai trébouché, moi, et surtout, pourquoi.

Merci pour ce texte venant de loin!

mardi, 15 mai, 2007  
Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

Si possible, lis aujourd'hui le "foudre" du Retro blog, c'est alors que je me suis rendu compte que l'orage s'approche dans notre couple aussi. Que le foudre risque de tomber. Que cela ne va plus durer.

mardi, 15 mai, 2007  
Anonymous Anonyme a dit...

Gelzy combien je me retrouve dans ton texte, oh oui ! combien ...

mardi, 15 mai, 2007  

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