Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

01 novembre 2006

PRESENCE DE LA VIE

MATIN de TOUSSAINT en compagnie DE C.F. Ramuz PRESENCE DE LA MORT in « Passage du poète », venu se poser tout naturellement sur mon bureau
« Je mets le mot sur la page ; je dessine la ligne droite au-dessous de la ligne droite, et c’est comme un grillage à travers lequel ma pensée regarde ; /…/ »

J’ai d’abord mis les feuilles séchées sur la table basse vernie, j’ai posé les vitres sur les feuilles, vitres de remplacement trouvées dans la maison quand je l’ai rachetée et gardées comme tout le reste … en prévision. Feuilles mortes, choisies, séchées, conservées … en prévision …
Photographié le cyclamen rouge, le bouquet d’hortensias et de ricin, récupéré hier dans la promenade avec les Monique, Yvette … Longue promenade, rieuse et sérieuse, dont le bouquet ce matin ( une femme en L’Ile coupait ses hortensias avant de rejoindre la ville pour l’hiver) dit encore la douceur.

« Qu’importe à quoi ça peut servir, et si tout ce trésor va être dispersé. Regarde l’écureuil : il a lui aussi ses cachettes, mais quelquefois il les oublie et les faînes amassées ne lui servent de rien. Il ne faut pas vouloir être au-dessus des choses, il faut être dedans. Il ne faut pas vouloir savoir pourquoi on vit, il faut seulement vouloir vivre. Vis tant que tu peux et ce sera bien. »

A propos de choses, papa Ramuz, je viens de boucler le classeur. Poèmes, chansons sont prêts pour l’aventure du partage. J’ai appelé l’ensemble « DE CHOSES ET D’AUTRES » c’est dire qu’il y aura, en plus des objets chers, des roses et une île, mon vrai Papa de l’île et des terres, ma vraie maman de voix et de tricot de laine … J’ai fait un filage l’autre soir … Toute seule mais dans le bonheur d’un futur entendu, écouté.

« C’est en dedans de soi qu’on regarde. On contient tout. A cause de cet ébranlement qui est venu, rien n’existe que dans l’émotion même ; une concentration s’est fait, tout participe à l’unité. »

Et puis la journée viendra avec ce qu’il faut de recueillement, de chrysanthèmes. Je suis allée les déposer hier au soir tard, juste avant la pluie et la nuit. Pour la première fois j’ai fleuri la tombe de Paul et Lilette, personne ne viendra plus : la famille est éteinte comme on dit joliment. En souvenir d’eux, elle la couturière qui m’avait donné du tissu pour ma première robe cousue moi-même, lui le peintre qui m’a appris à regarder le monde depuis le tabouret et au bout du pinceau saisi pour le saisir …

« On ferme de nouveau les yeux ; on ne veut rien voir, pour mieux voir. On entend au-dedans de soi les battements du cœur qui commande à tout par le sang qui y entre et qui en sort : on pense : « ce n’est pourtant qu’un petit muscle, c’est un pauvre morceau de chair qui se donne bien de la peine ! Jamais il ne se repose ; peut-être qu’il ne pourra plus longtemps. »

Les corbeaux piaillent dans la peupleraie. Tout autour les maïs sont tombés et la terre nue, déjà labourée en de certains endroits se prépare à l’hivernage. On annonce le gel. Il faut que je rentre les dernières courgettes et les betteraves.
Une larme aux yeux et même sur la joue en relisant Ramuz.

« Elles peuvent venir les forces aveugles ; ma force à moi les a prévues, ma force à moi sait les envisager. Ma force les contient, n’étant pas contenues par elles. Et elle se sourit à elle-même, fixe malgré tout ce qui passe, et quoique passagère aussi, mais le moment suffit, et l’ampleur du moment, par quoi l’éternité elle-même est réalisée, plus belle de ne pas durer. »

1 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

quelle joie, ce matin, découvrir que non seulement je peux te lire de nouveau, mais même laisser des messages, au moins pour dire que je lis, je lis ce que tu dis - et refléchis aussi.

vendredi, 03 novembre, 2006  

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