Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

21 novembre 2005

ECRIRE,LIRE


1985

Je suis assez fière quand j'ai réussi à m'acheter des bouquins. Idem quand je m'accorde du temps pour écrire. Toujours les vieux complexes à déjouer. Lire, écrire, occupations inutiles, vanités tolérées mais globalement défendues. Ma mère réussit à m'en faire honte ou peur. En lisant j'allais m'abimer les yeux d'abord, toute la tête ensuite ! Elle me faisait responsable à neuf ans de ma myopie naissante. Plus tard jeune épouse et mère je continuais à me cacher pour avaler des pages. Non que l'époux ne soit pas fier de ma boulimie, qu'il alimentait d'ailleurs, mais il avait si bien installé en moi la statue de la bonne mère et épouse occupée d'eux, les enfants et lui, de leur bien-être, de leur compagnie que je censurais moi-même mes poussées vers le papier noirci. Bref ! J'aime bien acheter des livres. C'est mon luxe. Et l'écriture m'a permis de revenir à la lecture avec une toute nouvelle passion. Bachelard en ce moment me parle de "sa table d'existence" et j'imagine déposer sur la mienne mes "Ecrits comme ça" bientôt.
Ma mère, mon mari, ne voulaient guère que je lise, ne voulaient pas que j'écrive parce que c'était DANGEREUX. Ils avaient deviné juste. En écrivant moi, de moi, je faisais remonter devant mes yeux mon propre jugement, ce qu'ils avaient enfoui en moi pour mieux me posséder. Certes ils m'aimaient mais ils ne pouvaient m'aimer dans l'incertitude de cette femme nouvelle que l'écriture allait créer. Ils ne pouvaient faire confiance qu'à celle qu'ils modelaient à leur image. Le désenvoûtement a été long, difficile, Ma révolte alla plus loin sans doute que j'aurais voulu. J'ai gagné ma liberté, cette liberté-là de dire ce que je pense, ce que je ressens, avec MES mots. Oh je n'ai pas totale illusion. Je sais que dans ces mots que j'ai récupérés, se glissent encore beaucoup de convenances, d'habitudes, de joliesses d'apprentissages, de scolaires académismes ... Mais je cherche. C'est ça qui est amusant ... et douloureux ... et heureux

2 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

Oh, que je te comprends! L'écriture (et lecture) sont dangeureux pour les tyrans de tous les bords, et bien sûr en commencant par ceux de la famille. Mon mari n'aimait pas non plus (1e) que j'écris dans mon journal et je regrette chaque jour perdu. J'avais besoin de me parler, avec ma voix et mes sentiments!

mardi, 22 novembre, 2005  
Blogger David a dit...

You are eloquent here. Yes, the buying of books is delicious. And the absolute delight of finding the "mot juste" is so real for those of us who must, MUST write!

mercredi, 23 novembre, 2005  

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