Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 mars 2010

escargot margot

Escargot Margot

C’était un escargot tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Escargot de Bourgogne bien que Dauphinois. Quoique assez jeune encore il avait déjà repéré les allées et venues dans l’herbe et les fossés, quand la pluie s’arrête, que les homo sapiens chaussent leurs bottes et engloutissent avec des gloussements satisfaits, dans le seau, frères, sœurs, parents et alliés. C’était un escargot ordinaire et il le savait bien. La suite, il l’ignorait mais suffisamment futé pour l’imaginer : le dégorgement dans le sel puis l’extraction de la coquille avec une aiguille, le lavage répété, la cuisson au bouillon, la réintégration grasse et persillée dans la spirale …
Cependant -n’allez pas croire !- rien n’est tout blanc ou tout noir. L’escargot ordinaire, qui n’y allait pas par quatre chemins, croisa celui de la Petite ce matin-là avec la ferme intention de saisir sa chance.
La Petite le ramassa d’un geste délicat, par le haut de la coquille dans le jardin de la Mère-Grand, ridiculement baptisée d’ailleurs Mamie, depuis les changements générationnels. Bon ! Ne nous attardons pas sur des considérations inutiles à l’histoire ! Ne mélangeons pas tout entre le blanc, le noir et les sept couleurs.
L’escargot Margot venait de rencontrer le présent de narration, dans l’allée principale du jardin qu’il était en train de traverser avec circonspection.
La Petite le déposa sur sa paume de main recouverte d’une feuille de laitue. Face au ciel : la paume. Lui : le nez dans la salade.

Escargot Margot
Montre-moi tes cornes
Si tu m’les montres pas
T’iras au fond d’mon bas
Si tu m’les montres bien
T’iras chez l’marchand d’vin.

Que faire ? bas ou haut ? marchand d’vin ou d’eau ? Toujours ce choix épuisant avec envers et endroit, marche ou crève, gauche ou droite …
Il opte pour la marche vers le haut
La lutte lucide vers les sommets
Il déplie ses cornes.
La Petite est ravie. Elle observe les deux gyrophares dardés vers elle. Caresse la coquille d’un doigt en suivant la courbure du colimaçon. De l’hermaphrodite bizarre, de cette complexité et disons-le carrément de cette complexité notoire, elle ne voit que l’unicité de la perfection. La belle alliance du contenu et du contenant, du ferme et du mou, de l’éternel et de l’éphémère. L’absence totale de tergiversation, de contradiction. Le pied qui va, les yeux qui cheminent à l’avant, le cœur caché au chaud dans la maison. La Petite est émue. D’être adoptée comme au premier jour dans le jardin des merveilles la touche au plus haut point. Elle touche les cornes. Les cornes se rétractent. Sensibilité à fleur de peau.
Elle réitère ses ordres mais sur un ton nettement plus conciliant

Escargot Margot
Montre-moi tes cornes
Si tu m’les montres pas
T’iras au fond d’mon bas
Si tu m’les montres bien
T’iras chez l’marchand d’vin.

L’escargot Margot n’est pas fâché. La petite vient de lui accorder un prénom féminin aux consonances masculines. Qu’à cela ne tienne ! il fera don de sa personne à qui a si bien compris sa nature profonde. Cargo Margot, Go !
D’ailleurs il a le don de double vue. Il ne craint rien. La Petite est pieds nus dans ses sandales. Pas de bas à l’horizon. Pas de prisons.

Il était une fois un petit escargot.
Il était une fois une petite fille.
Elle s’appelait Margot
Jouait dans le jardin
Sont devenus copains
Elle s’enroule à ses vrilles
Il lorgne ses contours
Il marche vivement
Elle traîne en chemin
Jouent à l’escarpolette
Remplissent l’escarcelle
Sans la moindre escarmouche
S’en vont prendre le temps
S’en vont où bon leur semble
S’en vont de bon matin
Comme à la nuit pétante
Ils s’appellent Margot
Tout unanimement
Jamais honteux des cornes
Que Rude Vie vous tend
Jamais fâchés ! Toujours contents !

1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

C'est un beau récit, bravo pour l'escargot Margot

jeudi, 01 avril, 2010  

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