Mots et couleurs
textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles
19 avril 2017
18 avril 2017
27 mars 2017
exotique
Ces
pays exotiques où l’on ne meurt jamais
Où
les amours ont goût de cannelle et d’extase
Où
on change son fric et on change de femme
En
dentelles de cour et pets de freluquets
Ces
pays exotiques où ceux qui meurent sont laids
Ces
pays exotiques où l’on va en troupeaux
Aérer
sa conscience, oublier son boulot
Où
les charters sont chers et les châteaux si beaux
Ces
pays de bannière filant au fil de l’eau
Ces
pays ventriloques qui parlent à deux voix
Pour
un monde en morceaux, pour des morceaux de choix
Les
audacieux lambris des royaumes défunts
Scotchés
aux pétarades des moissons de demain
Ces
pays exotiques où je porte mes os
Comme
tout un chacun j’y renais de mes cendres
J’y
retrouve ce goût de cannelle et de crainte
Qu’a
parfois la beauté au fond d’un bol de lait
25 mars 2017
17 mars 2017
et fin
portes.
La jeune femme portait ce jour-là son ensemble mauve
aux radieuses fleurs bleues qu’il avait remarqué côté femmes du magasin,
tantôt. Il s’avisa que s’il avait flané davantage dans le magasin avant
d’acquitter la facture à la caisse, il aurait pu entendre le chef de rayon, ou
une collègue de travail, appeler la vendeuse. Et ainsi il aurait tout su d’elle
sans avoir à la brusquer..
Il aurait vu le délicat prénom tomber sur les épaules
un peu lasses. Il voyait le buste se redresser. Il aurait glissé en partant à X
un remerciement appuyé, personnalisé
par ce prénom ancien qui lui allait si bien. En tous cas, il se serait
moqué d’arriver en retard à l’agence.
Sans doute Corinne en aurait tiré de fâcheuses déductions sur son
compte, voire sur ses aptitudes au mariage. Mais il s’en fichait pas mal
maintenant !
Depuis sa décision, depuis huit jours exactement,
depuis cette minute-même où il avait pourtant pensé à tout calmement, sa vie se
compliquait décidément à outrance ; les occasions se multi^pliaient.
L’autobus quitta enfin la station Ponsard. Aigri par
cette longue attente, il comprit soudain que Corinne, elle non plus, ne
conviendrait pas à son avenir. Cette façon cavalière qu’elle avait de vous
regarder dans les yeux, d’accorder son prénom au premier instant, cette sûreté
prétentieuse de diriger l’entretien car enfin, lui en eût-elle laissé le temps,
il aurait très bien su répondre à la dernière question et la plus
importante. Il aurait su donner
une réponse circonstanciée ... enfin ... ces genoux à découvert, si , si ... proches, était-ce des façons
correctes de les adresser à un client. Un simple client de son âge. Pfft !
Il y avait chez cette femme matière à réflexion mais
plus encore motif à se méfier. En quoi d’ailleurs une directrice d’agence même
CONJUGUO pouvait -elle assurer à sa retraite cette effervescence de bon goût à
laquelle lui et le montant de cette retraite pouvaient prétendre? Sans parler
des titres de maman et des obligations à long terme à sa banque.
Non
vraiment, si sa femme devait encore travailler , si elle tenait à ne pas
abandonner l’agence qu’elle avait fondée et refusait d’en changer le nom
incorrect que ferait-il, lui, de son temps pendant les sorties théâtrales et
même cinématographiques, les coûteux repas au retaurant ? Il baillerait aux
corneilles ? La dépense se justifie par de certaines exigences. Il n’allait pas
se marier avec un courant d’air tout de même ! Aussi affranchit-il la lettre en tirant deux timbres à 2,80 de
son porte-feuilles. Deux profils féminins tournés dans la même direction.. Il
n’aurait pu supporter une nouvelle entrevue avec une préposée à travers un
guichet de la Poste Centrale, une nouvelle confrontation avec une femme-tronc
sous verre et à horaires fixes alors que son imagination était en train de
ressusciter depuis le matin des trésors ... d’imagination, précisément. Il n’en
était plus à quelques centimes supplémentaires d’affranchissement.
Il dormit. Longtemps, profondément. La lettre, séance
tenante, avait été largement lestée et jetée à la mer. Il refusa le Témestat.
Passant devant la chambre morte et bien qu’on fût Lundi, il avait ouvert les
tentures, fait jouer les tiroirs de la commode et regardé sans appréhension
pour la première fois les portraits au mur, le crucifix.
Dès son réveil, il se retint de téléphoner à
l’agence. Corinne avait exigé un
délai de réflexion avant le deuxième entretien. Très bien : il
attendrait. Elle avait encore
précisé “ Nous conseillons à l’homme de solliciter la première rencontre et de
l’organiser.” Très bien ! Il organiserait.. Occuper donc cette deuxième journée
d’attente à repérer le lieu
adéquat. Parc, hall de gare, pour ménager à chacun l’errance du regard
sur les passants ? Restaurant
? Mais il lui faudrait payer la
note et supposons que le premier coup d’oeil soit suffisant pour ne pas
s’engager davantage ?
Pour la première fois de sa vie René Michaillat
entrevoyait des abîmes. L’argent filerait vite à ce train-là. Il mangerait la
grenouille. Celle de ses parents, celles des grands-parents déjà écornées par
la guerre. Maman s’en retournerait dans sa tombe et qui sait ? tenterait une de ses sorties
familières !
Une fatigue immense s’abattit sur ses épaules mais il
décida de la surmonter. Il jeta pêle-mêle à la poubelle les restants de
Témestat et les principes maternels, mit en cartons le contenu des placards
avec l’intention d’en faire profiter la paroisse. Sous ses yeux des tapisseries
roses, vert pâle, mauves à fleurs bleues se mirent lentement à dériver..
Dans la foulée il reprit le 26. Jusqu’au terminus et
au nouveau centre commercial. Il déjeuna au snack, monta et descendit les escaliers roulants plus de trente
fois, avec les enfants, s’encoigna dans l’allée, près du cinéma, pour fumer un
cigarillo et attendit huit heures pétantes, oui pétantes - il avait vérifié sur
sa nouvelle montre à pile - pour rentrer à la maison, ses six rouleaux sous le
bras.
A trop vive allure. Bien trop vive allure.
Ils se marièrent à sa sortie d’hôpital . A la mairie.
Pas à l’église. Marie-thé, elle s’appelait Marie-Thé mais il disait Thé -au
-jasmin, ne voulut jamais occuper la chambre de maman. Elle y logea ses trois
garçons. On mit la petite dans l’alcôve .
- Tu vois, disait-il, tu vois que mon premier rêve
sans Témestat était prémonitoire !
“
Prémonitoire !” Il avait toujours de ces expressions René !
Elle ne se fâchait jamais quand , pour la unième
fois, le samedi soir, sa semaine finie et pourtant fatiguée comme c’est pas
permis, elle écoutait la version “C’était écrit ! ” de leur rencontre.
P’tit bout d’femme acceptait pleinement d’avoir
comblé les espérances sexagénaires mais encore vertes de son René .
Avec son délicieux accent exotique, elle l’invitait
au voyage, tous frais payés, du p’tit bout d’un p’tit bout d’femme sur un grand
rêve à la retraite.
'tit bout d'femme
L’agence CONJUGUO se tenait sobrement au cinquième
étage d’un immeuble cossu, balcons de fer forgé à l’ancienne, ascenseur de bois
ciré, étroit mais fleurant bon
l’encaustique des bonnes maisons, entre le palier du notaire et celui de
l’ostéopathe. Mais pourquoi diantre ! ce “ U” inutile et ce “ O” grotesque ?
Machinalement il toucha ses lèvres encore cuisantes.
Un bruit en dessous, ostéopathique. Il sonna derechef. Il entendit le déclic de
la commande automatique de la porte et aurait reflué vers la sortie si Corinne
ne l’avait happé d’un sourire engageant et d’une main sûre, introduit aussitôt
dans un charmant petit salon, coquet ma foi, fait asseoir à ras ses genoux découverts.
De ce premier entretien il ne retint pas grand chose,
si ce n’est la première impression, et la bonne, qu’il ne se prolongerait pas
indéfiniment et surtout selon son propre gré. Elle seule en avait noté à
l’avance la durée sur son agenda : c’était visible. Mais il avait dû la
mécontenter aussi quand, à la dernière question, il était resté coi, coi comme
un idiot, bien qu’elle l’eût répétée à trois ou quatre reprises. Le saumon flou
de sa blouse flottait devant ses yeux, cherchant de mystérieux reflets du côté
du vert-pomme. A l’idée de son audace primesautière, il accepta sans protester
la fin de l’entretien et l’absence de réponse à la question invisible.
A peine rentré chez lui, avant même d’avoir mis la
veste sous housse, il cocha les cases du questionnaire secondaire mais très
complet qui allait de ses goûts culinaires à ses varices les mieux cachées. Il
signa l’engagement de six mois, les
douze mensualités et envoya le tout directement par la poste centrale.
Ce qui l’obligea à ressortir avant la fermeture et donc, à reprendre le 26.
Mais le temps gagné à ne pas se dévêtir, à ne pas passer au cimetière,
compensait largement ce second trajet.
Corinne avait conseillé un délai de réflexion. Il
n’en avait cure. A l’évidence la vendeuse avait eu à son égard une attention
plus que professionnelle et son
silence final n’était rien moins que de la discrètion , à n’en pas douter. Quant au délai ? Pourquoi un
délai grands dieux ? Pourquoi
attendre quand l’intention est ferme , définitive, et ses corollaires règlés ?
Pendant
que le 26 traînait aux feux rouges, il s’aperçut très nettement dans le reflet
de la vitre sur la façade de la prison Saint-Charles. Il tenait dans ses mains
une et même deux mignonnes menottes affectueuses. Puis il courait en dévalant
la pente du pré en direction du ruisseau pendant que X faisait semblant de se
laisser entraîner mais riait pour stimuler la vitesse. Son rire cascadait
encore dans son oreille gauche, l’opérée, quand, à la station Ponsard, de
jeunes dévoyés s’avisèrent de retarder la fermeture
15 mars 2017
p'tit bout d'femme
P’TIT BOUT D’FEMME
Quand il obtint le premier entretien à l’agence,
après maintes et maintes tergiversations avec sa conscience - ou plus
exactement avec la conscience qu’il avait de sa conscience, avant son
rendez-vous à l’agence - il n’avait pas, il faut bien l’avouer, une idée très
précise de la femme qui lui conviendrait. A cet âge, n’est-ce pas, on n’attend
de son imagination que des portraits plutôt théoriques, vaguement colorés par
endroits en gris-cendré. Comme maman.
A tout hasard cependant, il choisit la veste
vert-pomme que lui conseilla la vendeuse. Vivement. ( Peut-être excédée par ses
hésitations ) “ Très mode cette année! Très élégant !” A la réflexion peut-être
avait-elle dit “ très In” ou “ très
Up” ou “ très you la heup” , mais il n’aurait pu l’affirmer, tout émoustillé
qu’il était encore, à l’idée de ce vert-pomme étalé dans un pré au soleil, un
après-midi de juin.
La vendeuse portait un sarrau - oui, exactement un
sarrau - à damiers noirs et blancs. On ne sait plus ce que sarrau veut dire à
notre époque mais si la texture du tissu avait changé, car la souplesse toute
féminine des avantages qui gonflaient le dit-sarrau, n’avait pas du coton le
vague triste de l’obéissance aux lavages répétés, c’était bien la forme du
sarrau de jadis qui retenait les dites-formes bien qu’il ne recouvrit, en
l’occurence, pas exactement un corps de fillette. Etait-ce soie, ou grège,
linon, baptiste ? Plus certainement une, et même plusieurs, de ces molécules de
synthèse infroissables. Même dans un pré au soleil. Franchement, il n’osa pas le lui demander.
La question lui brûlait néanmoins tant les lèvres
qu’il dût se précipiter à la Pharmacie Centrale pour les enduire de pommade Rosa. Rosa ? Etait-ce Rosa
? Le prénom de la vendeuse
resterait pour lui une énigme.
Quoi qu’il en
soit, ayant soigneusement noté sur son agenda l’heure et l’adresse du
premier entretien, il s’y rendit immédiatement en sortant de l’officine.
Certes, ce ne pouvait être une simple petite vendeuse bien ... Heu ! roulée!
qui convienne à pareil vert-pomme ... Trop occupée sans doute ! Trop immature! Peut-être la
quarantaine, bien que ... Trop peu cultivée, trop distraite aussi sous des
dehors professionnels attentifs
... Il avait bien vu à la façon dont elle ne répondit pas à sa question,
l’unique question qu’il porta à son encontre, sans vouloir la blesser
d’ailleurs. Il aurait aimé qu’elle
en remarquât le subtil énoncé, tout personnel, qu’il avait eu le temps de
peaufiner pendant l’essayage. Mais elle ne répondit pas, c’était là un fait et
il n’y avait vraiment pas à revenir là-dessus.
Au croisement de la rue d’Alembert avec la rue
Diderot, rebaptisée rue piétonne, voyez- vous ça ! Piétonne et les gloires
du dix-huitième jetées aux orties,
il avait déjà tout oublié ou cru oublier du sarrau, de la texture de son
textile et de sa complexité d’analyse.
*à suivre !
11 mars 2017
jolie madame
si tu savais Jolie Madame
Pourquoi j’ai mis mon vieux chapeau
Mais tu
t’en fous Jolie Madame
Il est pas
beau il est pas beau
Dans mon
pays Jolie Madame
dans mon pays fait chaud fait chaud
Et moi
Madame j’ramasse des cannes
J’en ai
plein l’dos J’en ai plein l’dos
Le chef
m’aime pas Jolie madame
Y fout des
coups sur mon chapeau
Et c’est
pour ça jolie madame
Qu’il est
pas beau qu’il est pas beau
Si t’aime
le thé Jolie madame
Bois-le
bien fort Bois-le bien chaud
Mais pas
sucré Jolie madame
Pense au
chapeau Pense au chapeau
10 mars 2017
des mots bleus
Elle marche dans les mots comme une somnambule
elle voudrait refuser ceux qui pressent contre elle
tant de jours déjà clos, tant de clartés lunaires
elle ferme ses oreilles mais les entends quand même
venez mots renouveaux ! venez printemps des sables
laissez-vous refleurir sur mon chemin instable
le chemin double des aurores crépusculaires
Qu'un grand vent de faroud disperse enfin les cendres
des vieux mots fatigués qui tremblent de souffrance
bonjour aux mots nouveaux aussi bleus que le ciel !
18 février 2017
Mémoire de roses
Tout est à citer de ce poème de Guillevic ( Relier (Gallimard)
quelques pétales :
"Qu'importe si
Je ne comprends pas
La rose:
Par elle, je vois
/.../
Je suis la rose.
N'allez pas me quérir ailleurs.
Contemplons-nous.
Oublions la durée.
Nous en avons
Peut-être pour longtemps. "
/.../
Rose,
Tu laisses deviner
Que dans la joie
Ne sont pas vaines
Toutes les vanités.
16 février 2017
de la beauté des visages
Je trouve chez Maurice Blanchot
« le livre à venir » :
« … mettre à nu les
choses, nudité qui est comme celle d’un immense visage qu’on voit et qu’on ne
voit pas et qui, comme un visage, est lumière, l’absolu de la lumière,
effrayante et ravissante, familière et insaisissable, immédiatement présente et
infiniment étrangère, toujours à venir, toujours à découvrir et même à
provoquer, quoique aussi lisible que peut l’être la nudité d’un visage
humain »
Voir dans un visage, une nudité,
un parcours « toujours à découvrir. » et, empruntant le titre de
Blanchot : un visage à venir.
Ouvert à notre immensité.
14 février 2017
de la rose
" On se rappelait sa causerie sur la rose : ce n'était pas un hasard si elle poussait moins haut que l'être humain ; de cette façon, si l'homme voulait la sentir, il devait se baisser, c'est à dire s'incliner devant elle. Et il demandait :" Savez-vous devant qui l'homme se penche au-dessus de la rose ?" Si quelqu'un s'empressait de répondre " quelle question ! Devant la rose bien sûr !" il demandait derechef:" S'incline-t-il seulement devant cette rose ou devant toutes celles du jardin ? ou peut-être devant une rose idéale existant quelque part ?" Une fois qu'il vous aura bien entortillé, il vous avouera qu'il n'a lui-même pas de réponse exacte à cette question et qu'il faut chercher longtemps. Ainsi il pouvait s'avérer que lorsque vous vous penchiez au-dessus d'une rose, vous vous incliniez devant le jardinier qui l'avait cultivée mais également devant le Jardinier qui s'était occupé aussi bien de la rose que de son jardinier"
Guéorgui Gospodinov " l'homme qui avait plusieurs noms"
de l'éternelle beauté
Sans savoir
où trouver
l’insatiable
beauté
Suis allée
promener
Ma quête et
mon attente
Je ne
demandais rien
Rien qu’à
la rencontrer
à l’heure
dite, au hasard
de mes yeux
et mes jambes …
Et je l’ai
vu passer
Beauté du
geste simple
qui propose
et demande :
L’appartement
ouvert
Le gîte et
le couvert
La porte
refermée
sur les
mets préparés
La voiture
avancée
pour
avancer ma route
et la
chanson venue
ponctuer
mon plaisir.
Je dis Merci
au Temps
Qui m’a
offert enfin
Le moment
juste et bon
Où mes
mains savent prendre
Et Merci à
tous ceux
Qui savent
le rejoindre
Merci à la
Beauté
Source et
estuaire
13 février 2017
de la rose
les roses roses, les roses blanches
Les roses blanches, les roses noires
L’amour
s’en vient en avalanche
Et c’est en
poussière qu’il repart
Et c’est en
poussière qu’il repart
Les roses
roses, les roses rouges
Et les
joues roses, les joues en feu
L’amour ne
sera pas farouche
Si nous
jouons à être deux
Si nous
jouons à être deux
Métaphores
Roses Métamorphoses
S’il reste
encore sur le rosier
De quoi
trinquer avec les choses
De quoi
troquer nos vieux souliers
Pour des
ailes roses à lier
Alors
reprenons de la prose
Scintillements
et falbalas
Je sais
qu’il faudra bien qu’on ose
Accrocher
des roses au lilas
Au fond de
l’eau est une rose :
C’est ce
que nous chantait Lorca
Et dans la
rose une rivière …
"la rose fleurit parce qu'elle fleurit
elle ne se soucie pas d'elle
elle ne se demande pas si on la voit"