Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

04 juin 2005

aurore 2-6

AURORE

C’est le nom de la petite fille envolée à qui je n’ai pas pu lire une histoire
Monsieur Daniel est le nom de mon voisin, à la table dans mon dos. Je ne connaissais de lui que son nom prononcé avec sollicitude par la serveuse du restaurant. Quand j’ai osé me retourner j’ai découvert ses yeux clos et sa canne blanche. A lui non plus je n’ai pas lu d’histoire bien que je le lui ai proposé. Il préfère le beau temps dehors et le silence. Il assiste aux informations de 20 h à la télé, tournant à demi le dos à l’écran, tête penchée en avant, sa casquette entre ses mains, parfaitement immobile et silencieux. Les nouvelles qui tirent des autres un mouvement d’épaules, une exclamation le laisse imperturbable.
Un autre aveugle circule dans les couloirs de la cure.
Comment sentent-ils l’aurore les aveugles ? Ce matin je l’ai entendue arriver vers cinq heures sans doute au premier friselis d’oiseau.
Mon ordinateur a des finesses insoupçonnées. Ne vient-il pas de me suggérer une virgule après « matin » que j’avais placé sans majuscule, en nuançant que la virgule, chère amie, « a des finesses » … « et qu’il semblerait que »… Très intelligent et cultivé mon ordinateur. Courtois.
L’aurore a des finesses elle aussi. Elle me tire avec un chant d’oiseau d’abord en pointillé, ensuite en caractères gras, de mon passage nuageux dans la nuit. Elle ressuscite ma mémoire d’aurore et une douce circulation reprend dans mes cellules. Quand je serai bien installée ici aurais-je le courage d’aller la chercher dans les montagnes cette aurore toujours neuve ?
Se lever aux aurores. Un pluriel curieux. Mon ordinateur en connaît-il les finesses ?
Se lever aux aurores c’est encore avant les oiseaux. Vers trois, quatre heures pour avoir le temps de l’ascension ou de la journée avec un gros boulot à abattre.
Malgré mes envies passagères je reste la petite donzelle qui dormait dans son lit et que réveillait sa maman. La vieille dame très peu indigne qui se conforme aux règles et aux horaires convenus.
La petite Aurore a déjà de grosses lunettes à cheval sur son nez. Son frère aussi. Il ne sait pas pourquoi. Astigmate ou myope ? Des mots trop savants pour lui. L’un et l’autre auront-ils la chance de grandir avec une meilleure vue qu’au départ.
Peut-on en ratant les splendeurs de l’aurore arriver néanmoins au crépuscule dans la lumière ?
Ooah ! ouh !
Hier au soir donc ( réponse partielle à la question) en fermant les volets j’ai vu, de mes yeux vus, un ballet d’ailes volantes presque au-dessus des toits. Cinq, six qui apparaissaient, disparaissaient, formaient de lentes figures. Plus bas c’était des oiseaux qui dansaient aussi. Hommes ou oiseaux avaient le même rassemblement sur eux-mêmes pour laisser l’aile se développer, prendre toute la place. Plus rapides, en contre-chant, les oiseaux. C’était beau. Doux. Tranquille. Le maître de ballet était sûr de son affaire. A tout hasard j’ai dit « Merci »
J’aime ces prières faciles qui montent dans le soir comme dans le matin.

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