Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

20 janvier 2010

NOTRE PAIN QUOTIDIEN



Nous sommes Nicole et moi, de la génération du Pain Quotidien. Nous avons été nourri pour le respect à la miche, à la couronne, au pain long, à la baguette …
Récemment j’ai découvert à Groslée, village de l’Ain, un monument aux morts orné, non de fusils et de canons, mais d’un attelage. Même attelage de vaches que celui de mes parents. Mêmes mancherons de la charrue. Même bras de chemise roulés pour dégager la main qui guide. Même « geste auguste du semeur » que nous avions appris à qualifier par Victor Hugo à sa juste mesure. Un monument, on pourrait dire, aux vivants, non aux morts. Témoignant par l’image, comme dans les églises romanes, de la qualité intemporelle de la vie.
Dans la simplicité de la sculpture il y a tout l’attachement à un mode de vie ancestral. Le soc avait été forgé par le forgeron du village, j’ai eu la chance d’interroger sur son art le dernier. J’en reprendrai le récit prochainement. Car j’ai gardé dans mes oreilles sa fierté et son humour.
La « biasse » contenant la semence, nouée sur la taille, est bien la même que celle dont mon père ceignait ses reins. Il n’y a que le chapeau qui diffère de la casquette sinon je pourrais croire à une photographie sur le vif.



Chez Nous, c’est-à-dire Chez Moi, mais j’imagine assez Nicole utilisant le même possessif collectif, Chez-Nous donc, au Bouchage, nous n’étions nourri que de NOTRE Pain Quotidien, ce qui signifiait très clairement que de l’épi de blé, puis de la javelle, à la botte, à la taïsse (la meule) en passant par la batteuse et le grenier puis par le levain, la farine, le coffre de la maie, deux fois, d’abord pour pétrir la pâte puis pour conserver les boules de la semaine, enfin le four du Père Cachard et finalement le couvercle de la maie où Papa le coupe en larges tranches et le pose à côté des sept assiettes, le pain est de nous, à nous, entièrement NôTRE.
Je me souviens de notre effarement quand, pendant la guerre, mon oncle Félicien rapporta des Avenières un « troyon » de mauvais pain. Ce n’était que pour nous faire voir ce que c’était ailleurs que souffrir de la guerre. Pain mêlé de maïs, jaune donc, d’un je ne sais quoi grisâtre, de la paille peut-être, écoeurant d’aspect, affreusement dur, incomestible nous en avions aussitôt décidé. Nous avons mesuré ce jour-là la chance que Dieu nous avait faite de nous faire vivre loin des combats et des villes affamées. Bien que Dieu n’apparut pas dans notre ciel pour cause de républicanisme anticlérical affiché de mon père. Notre père, le seul vrai, le seul à planter, faucher, lier, récolter, pétrir, cuire enfin et distribuer c’était Phonse le Grand, le meilleur en blé et en pain, reconnu par tout le quartier, le village même.

3 commentaires:

Blogger Marico Renaud a dit...

Comme j'aime l'univers que tu décris. À distance, le mien y ressemblait d'une certaine manière. Le nom du père était le même! Chez nous, c'était le jardin, les vaches et la basse-cour, le verger, le beurre et le pain de ma mère, l'Angèle à Alphonse. Lui, travaillait fort à la terre et aux animaux. Elle, nourrissait et habillait tout le monde. Les deux ensembles, ils fabriquaient un cidre sec et pétillant vendu d'avance. Ils me manquent encore tous les deux! J'aimerais les retrouver, que nous ayions le même âge, pour ensembles regarder la nature et jaser doucement!
Merci pour ce bon moment à sentir l'odeur du vrai pain. Bisou et bonne journée.

mercredi, 20 janvier, 2010  
Blogger micheline a dit...

Le Pain: j'ai vu ma grand-mère le faire.
Plus tard j'ai accroché la couronne de quatre livres au guidon de ma bicyclette.. tout en grignotant un peu de "la pesée" en revenant de la boulangerie

Et dire qu'il devient presque de raison de manger sans pain pour certains repus de notre civilisation!

mercredi, 20 janvier, 2010  
Blogger Solange a dit...

Moi je n'ai pas eu cette chance à la ville c'était du pain tranché mou, mais quand j'allais chez ma grand-mère, ma tante faisait le pain tous les mardis, je n'en ai jamais mangé d'aussi bon.

jeudi, 21 janvier, 2010  

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