MUGUET
Elle a vingt ans, le bel âge à sortir les vélos pour aller au muguet.
A Evieu ! dans les bois, et le loup n’y est pas …
Elle cueille, elle cueille, infatigable ouvrière de jeunesse, brin à brin, joie pour joie, blancheur immaculée. Bonheur est sa provende et elle le distribue.
Elle offre le muguet, en brassées, en bouquets. Muguets sur la commode et muguets sur la table ; muguets dans les pages du livre.
Elle a quatre-vingt ans. Elle part. Prend la voiture. Elle sort de l’hôpital. On lui a fait des vitamines. Elle renaît.
Les muguets sont au rendez-vous dans le bois des amours. Si beaux, si tendres, si fragiles. Brin à brin, elle se baisse, se relève, et encore une fois, puis une autre, plus de cinq cents peut-être. Elle ne peut renoncer à celui qui se cache sous la mer des mensonges, sous l’humus des fatigues, il le lui faut, elle le veut. L’offrir au printemps, à la vie innombrable.
Elle s’en va, le bâton à la main, quitte le bois, des muguets plein la hotte … Père Noël aux quarante écus. Elle tombe à terre. Elle ne peut plus se relever. Un enfant dans le bois. Elle appelle. Il vient. Il va chercher son père. On la relève.
« C’est le dernier » dit-elle en offrant ses bouquets, à sa sœur, à son frère, aux enfants, aux voisines, à son ange gardien qui loge au cimetière. Elle dépose un baiser sur la pierre. Elle remercie pour la protection rapprochée, pour le muguet cueilli, l’adresse à qui l’on donne.
Elle ne s’est pas fait mal. C’est une chance, non ?
1 commentaires:
c'est tellement important: ne pas mourir avant de mourir, comme le disait mon amie Stéphanie, vivre chaque instant pleinement
ps j'ai recu ton paquet hier
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