L'AMELANCHIER
Laure arrive au stage de chant en retard. Avant de rejoindre le cercle, elle dispose dans un verre quelques branches d’un arbuste fleuri de blanc. Je regarde du coin de l’œil. Tout le long de la route j’avais eu envie de m’arrêter pour en faire autant. Mais je serai arrivée en retard !
A la pause, Maurice nomme les branches : de l’amélanchier. Je les avais pris pour de l’aubépine, ou du merisier. Le nom d’amélanchier je le connais seulement par le livre de Jacques Fréron. Je m’imaginais que l’espèce ne pouvait être que québécoise. Je suis content qu’elle soit arrivée sur les terres calcaires des monts du Bugey. Maurice est un puits de science. Il précise que la floraison est très courte. Il me fait remarquer la petitesse des fleurs. Je leur sens un parfum délicat qu’il ne perçoit pas. Question de nez ou d’imagination ?
« Les amélanchiers mériteraient d’être cultivés à cause de leur beauté au moment de la floraison et de l’attrait qu’ils exercent sur les oiseaux » le R.F Marie-Victorin »
C’est la citation inaugurale du livre de Fréron que je trouve au retour dans ma collection québécoise. J’en reprends la lecture. Comme pour les branches fleuries une impression de beauté fulgurante.
« Sur le pourtour des clairières se pressaient l’amélanchier, le sumac et deux cerisiers ; au milieu poussait l’aubépine /…/ tous ces arbres avaient un langage et parlaient à qui voulaient les entendre /…/ Le plus extraordinaire de tous était l’amélanchier.
Dès le premier printemps, avant la feuillaison, même la sienne, il tendait une échelle aux fleurs blanches du sous-bois, à elles seulement ; quand elles étaient montées, il devenait une grande girandole, un merveilleux bouquet de vocalises, au milieu d’ailes muettes et furtives, qui annonçaient le retour des oiseaux. /…/
Devant la maison, on ne voyait ni n’entendait que l’amélanchier, puis il s’éteignait dans la verdure, plus un son, parti l’arbre solo, phare devenu inutile. Le bois se mettait à bruire de mille voix en sourdine, puis le loriot chantait et mon père disait à propos de l’amélanchier qu’il s’était retiré. « Laissons-lui la paix, il prépare sa rentrée d’automne. » L’été se passait et que trouvions-nous ? quelques baies noires rabougries, laissées par les oiseaux, et un amélanchier content d’avoir écoulé son stock de minuscules poires pourpres avant notre retour, premier à avoir ouvert la saison, premier à la fermer, qui disait :
- Tout est vendu, revenez l’année prochaine, mais de préférence avec des ailes ;
Avec des ailes ? Nous restions là, devant lui, interdits. Et il ajoutait :
-Allez, allez, le chêne vous attend : il lui reste des glands.
Monsieur Northrop le nommait saskatoon, cet arbre désinvolte et moqueur, qui ne nous avait pas en très haute considération nous parlant comme à des cochons. »
Maurice ajoute une recette de liqueur à base de bois d’amélanchier gratté et de gnole bien entendu, mais il faudra que je lui en demande plus sur le rite. A quel moment, celui de la floraison ? en quelle quantité ?
Pour la survie des amélanchiers je voterai utile dimanche. Sans hésitation.
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