Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

18 février 2007

GESTES UTILES

« Nous sommes démunis de ces gestes utiles, nous vivons imprudemment sans savoir utiliser le monde, plus désemparés que ne le fut jamais l’humanité, comme si nous devions, désormais, trouver jusqu’au bout du temps des hommes plus pauvres que nous pour fabriquer l’indispensable, nourrir et bercer nos enfants, caresser les plus vieux, réparer un soulier, recoudre une couture défaite.
Et la liste n’en finirait pas, à notre honte. »
MARIE ROUANET Luxueuse austérité

Sur la photo, Emile, dit Milo au village, est en train d’enchappler la faux. Il a mis en terre l’enclume, démanché la faux, coucher la lame sur le socle et le travail consistera en de petits coups de marteau pour reprendre, affûter le tranchant. Il fait ici « semblant », à ma demande. Le travail effectif demanderait de longs moments suivant les dentures de la faux qui aurait fauché l’herbe, ou le blé. Mais le temps n’est pas compté. Il faut faire « ce qu’il faut », au moment où il faut. L’outil doit être, aussi bien que le corps de l’artisan, en bonne forme. La journée se calque sur les besoins. Le geste utile est compris dans la dette. On le restitue calmement à ce monde que l’on domine parce qu’on en connaît les contraintes et les ressources sur le bout des doigts.
Milo non seulement collectionne tous les vieux outils et le savoir y afférant, les répare, les reconstitue comme ce « banc d’âne » où se creusaient les sabots, mais il les fait aussi parler. Bien sûr que ce travail de mémoire est inutile. On ne reviendra pas en arrière. Lui même a aux pieds des sabots de caoutchouc pour aller au jardin, et les machines fauchent autour de lui les récoltes en un rien de temps. Que deviendra sa collection quand il ne sera plus là pour l’astiquer, la faire briller ?

« Oh Oh cabasse la terre, enchapple la daille
Dame la misère oh oh … »

C’est une chanson dont je suis fière, qui tente, comme l’établi de Milo, de garder encore un peu ces « choses » made in Our Village. Heureuse que quelques chorales amies la reprennent et l’aiment de la chanter en faisant sonner leur voix sur l’enclume. Il m’est arrivé cet été, à l’énoncé de mon nom, d’être saluée en sympathie en tant qu’ouvrière de la chanson.

« Elle surgit, cette pensée native, dans la confrontation avec l’utile, avec l’humain sous sa forme immémoriale. Elle se hausse au niveau du sublime et y plane. A la question : « A quoi tu penses ? « on répondrait de bonne foi : « A rien ! », ce qui signifierait : je suis en présence de tout, sauf de ce qui est sans importance, en présence de la vie et de la mort que je porte ensemble en cet instant, de la beauté du jour, des êtres qui m’entourent, en présence de Dieu et de l’espérance, de ce que je dois accomplir soigneusement . » (idem)

4 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

bel amour, c'est fait et illustré, maintenant c'est dans ton camps de faire quelque chose sur une (ou plus) de mes images

dimanche, 18 février, 2007  
Anonymous Anonyme a dit...

Sais-tu que je suis très fier de savoir battre les faux comme le fait le monsieur au bérêt...? Figure toi que c'est l'Isidore à Nini qui me l'a appris. Et quand il a été trop vieux, il m'a donné son enclume qu'on plantait dans la terre...
Bravo pour ton com sur mon cygne et... Merci !

dimanche, 18 février, 2007  
Anonymous Anonyme a dit...

Il est bon de magnifier tous ces gestes utiles.

dimanche, 18 février, 2007  
Anonymous Anonyme a dit...

Il est bon de magnifier tous ces gestes utiles.

dimanche, 18 février, 2007  

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