Une CARTE POSTALE VII et FIN
VII- JE M’APPELLE
- Je m’appelle Verveine.
- C’est un joli nom. Il vous va si bien ! Je m’appelle Bernard
- Merci ! Vous en êtes où de la cure ?
- C’est ma deuxième semaine
- A moi aussi.
Le reste ne nous regarde pas. Il la raccompagne à la pension de famille. Elle lui offre d’entrer prendre un verre. Il veut bien. Dans la cour, au milieu des fleurs, ils boivent lentement. Elle a mis une bande Velpeau autour sa cheville. Elle en avait une dans sa valise. Elle dit qu’elle a l’habitude. C’est une faiblesse cette cheville qui claque de temps en temps, depuis qu’elle est gosse, elle connaît ça. Chaque fois que tout marche bien, qu’elle est heureuse, clac ! elle se pète la cheville ! Ce soir elle prendra un bain de pieds avec du sel.
Personne ne pense plus à une vulgaire carte postale. Ils ont bien autre chose à faire. Ils se regardent. Ils se parlent.
Imaginons :
Que la bêtise casse son nez de fouine sur le portail de la pension Notre-Dame
Qu’entre une cheville fragilisée qui se luxe facilement, une bouche amère et meurtrie d’impétigo qui s’infecte à tout bout de champ, il y ait de mystérieux canaux d’évacuation de la souffrance
Que deux organismes, certes vieillissants l’un et l’autre, conditionnés par une cure thermale de régénération dans un décor montagnard superbe début Juin, florissant de tous ses jardins et talus, se ragaillardissent mutuellement
Que cette bigote de Verveine suffisamment intelligente pour ne pas en rajouter dans le genre compassionnel éprouve un penchant certain pour un corps affaissé sur lui-même mais plutôt svelte et beau d’origine
Que cet introverti à 90 o/o de Bernard se souvienne qu’à vingt ans il a été amoureux d’une petite boulotte aux mollets fermes et à la parole vive dont Maman n’avait pas voulue mais dont il vient de trouver l’exacte réplique
Que la carte postale perdue dans le parc des Thermes à Allevard les Bains (Isère) le 28 mai ne soit pas tombée sous leurs yeux par hasard. Que son contenu, bêtement pornographique, ait été le révélateur érotique qui remit en branle des désirs ensevelis sous plusieurs couches mais encore vivants
Que les prières, quel que soit le dieu qui les inspire, ne tombent pas forcément dans l’oreille d’un sourd
Et nous aurons une fin tout-à-fait banale mais plausible.
Une petite maison dans le Nord, dotée désormais d’un jardinier.
Des aquarelles qui osent s’exposer sur les murs.
Un Ginko Biloba dit encore « arbre aux quarante écus » planté de frais qui donnera bientôt un peu d’ombre
La vie, quoi ! Pas la télé, ni la consigne de la gare.
2 commentaires:
merci! que de chaleur dans tes mots
quelle belle conclusion ! j'ai tout lu bien sûr même si je n'ai pas laissé de trace souvent...
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