Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

07 mars 2006

NARCISSE


Narcisse grandmère et narcisses à venir ...

Il y a, au commencement, le narcisse qui fleurit au printemps. Il se trouvait quand j'étais enfant dans le jardin de Madame la Mairesse. Avec les jonquilles, les jeannettes, les tulipes, il apportait dans notre campagne le signe de la civilisation des loisirs et des jardins dits d'agrément. Je fis en sorte d'épouser le petit-fils de la belle maison aux narcisses !
Et puis il y eut, en classe de philo, ce Narcisse qui penchait sur l'eau son image. Je le regardais éblouie, dans le poème de Valéry, lisant et relisant le commentaire d'ALAIN pour tenter de comprendre les arcanes de la poésie, pour m'en imprégner jusqu'à coller le masque sur mon propre visage, mon front sur le miroir des mots ...
"Ce soir comme d'un cerf, la fuite vers la source/
Ne cesse qu'il ne tombe au milieu des roseaux,/
Ma soif me vient abattre au bord même des eaux" ...

Ma soif reste intacte malgré les années. Est-ce narcissisme que de chercher dans l'écriture un visage ? De croire parfois l'y trouver puis de recommencer la quête jusqu'à ce que ... l'onde brouille les traces et multiplie les reflets ?

"l'insaisissable amour que tu me vins promettre/
Passe, et dans un frisson, brise Narcisse et fuis ... "

Ce soir je relirai le Narcisse de "Charmes". Merci à la proposition d'écriture. L'enchantement sera le même si la compréhension n'est pas meilleure
" Toi seul, o mon corps, mon cher corps
Je t'aime, unique objet qui me défend des morts"

P.S
A l’atelier d’écriture, une fois le déclenchement opéré par l’inducteur on peut aller voir ce qu’ont écrit les petits camarades. Une autre référence au poème de Valéry m’amuse. Son auteur y confesse son ennui profond à la lecture de « Charmes » et la transformation érotique qu’elle en faisait.
La lecture annoncée à haute voix a eu lieu le soir-même en attendant que les pommes de terre soient cuites. Nous étions partagés, Pierre et moi, entre l’admiration pour la langue et l’impression parfois que … oui, c’est beau mais … Est-ce que ça nous parle encore ? Notre admiration n’était-elle que le reflet de celle de nos maîtres pour qui Valéry était le nouveau génie de la littérature Française. Lit-on encore Valéry ?
Hasard ? En mettant mes bottes dans le couloir pour aller me balader, j’aperçois sur l’étagère un petit livre (sur l’étagère du couloir les livres ne sont pas au rebut mais …)
D’Henri Mondor « L’heureuse rencontre de Valéry et Mallarmé »
Et qu’est-ce que j’y trouve, sur la page du même hasard, dans la bouche de Valéry soi-même : » Narcisse a parlé dans le désert ; Quand je l’ai vu imprimé, j’ai eu une telle horreur que je l’ai refermé tout de suite. Etre si loin de son rêve. Et c’est mauvais. Ça ne peut même pas se lire » No comment !
Le maître était dur pour lui-même !

1 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

"Ma soif reste intacte malgré les années." C'est fantastique est vrai!

mardi, 07 mars, 2006  

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