l'oeil de la nuit
L’œil de la nuit
Étonnant comme nous poursuit, nous rattrape à certains
moments, un mot, une expression, un souvenir …
Frappée de cet étonnement je le note
Et donc, fixé sur une feuille de papier, grand ouvert et me
regardant « l’œil de la nuit »
Ma mère, qui avait souvent des
insomnies, affirmait au matin qu’elle n’avait pas fermé « l’œil de la
nuit »
Je savais qu’elle était la
lourde responsabilité de maman en toutes
choses : tricoter contre le froid, nourrir contre les restrictions
de la guerre, cadenasser les portes contre les bandits et les voleurs …
Mais rusée comme elle l’était,
intelligente, volontaire, courageuse … comment avait-elle pu rater cette
mission au point d’en être si tourmentée au matin ?
C’est affaire de femmes de
fermer les yeux. Elles chantent aux enfants, soit-disant pour les
endormir, en fait pour les garder encore à elles dans leur sommeil :
« ferme tes jolis yeux
car tout n’est que mensonge
au pays merveilleux
au beau pays des songes … »
Elles ferment les yeux des
morts, geste pieux, geste de prudence. Et si leur regard continuait à nous
pourchasser …
Me vient une idée un peu
burlesque : la tentative illimitée dans le temps et l’espace de Pierre
Soulages ne serait-elle pas, comme celle de ma mère, que l’irritation contre
plus fort que soi. Fermer l’œil de la nuit pour avoir le dernier mot.
Car les yeux parlent parfois si
fort qu’on espère, en les fermant, leur clore le bec pour se reposer.
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