Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 janvier 2008

LES BOUEMES


VERO 3
« La région lyonnaise, tu l’as exploré jusqu’aux Alpes. Tu y as même trouvé ta femme, dans un petit village du Dauphiné. Après-guerre ta vie s’est poursuivie entre Paris, la Bretagne et les Alpes. Ces trois pôles sont au coeur de tes photos » Lettre à mon père ( Christophe)

Voilà pour la preuve géographique.
VERO est bien passé par mes chemins, son travail photographique l’atteste. Il y a fixé ce que voyaient mes yeux d’enfants mais davantage. Un regard extérieur et bienveillant, malicieux et grave, un regard particulier et universel. Si l’un de nous, du village, avions tenu l’appareil nous n’aurions pas saisi les mêmes choses. Nous aurions glissé sans doute sur les scènes quotidiennes : la moisson la vendange les foins, bien étonnés qu’on dise qu’elles étaient « typiques » « intéressantes ». Nous aurions gardé les portraits du grand-père, de la maman, des gosses, ravis que ces visages que nous voyions tous les jours puissent alerter l’œil de l’étranger (même marié avec une fille du pays il continue d’être d’ailleurs, un parisien au minimum, par derrière son dos peut-être « un sale juif » pour certains). « Mon pays » comme je le proclame avec affectation n’est pas, ne fut pas, indemne d’ostracisme, de préjugés, de hargne gratuite et mesquine. Aujourd’hui encore,on ne dit pas bonjour à qui vient de Turquie, de Tunisie bien que les enfants aillent à l’école communale, bien qu’ils passent en vélo sur les mêmes chemins que les nôtres …
Ce sont les photos de bohémienne qui me font dire cela.
Oh les bohémiennes chez nous on les chantait à la fin des banquets !
« Bohémienne aux grands yeux noirs
Tes cheveux couleurs du soir … »
Mais quant à les inviter à sa table ! Celles qui passent sont des vulgaires « bouèmes », elles vont voler le linge à l’étendage, c’est à cause d’elles qu’on ferme les poules et la maison en partant dans les champs. Si elles réussissent à s’infiltrer jusqu’à la porte pour vendre leurs aiguilles, on ne les invite surtout pas à entrer, et si elles insistent on appelle les chiens
« Va te peigner, va te goner (t’arranger) on dirait une bouème ! »
Tout ce qui est négligé, mal coiffé, sale c’est « romano, romanichel »
Alors que chez VERO la bohémienne est superbe, belle, triomphante, heureuse de vivre et le campement signe de liberté.
Enfant je regardais avec curiosité et crainte ces roulottes. Je n’aurais bien sûr pas adressé la parole à une quelconque habitante de ces maisons du vent et de la route mais c’était un lien avec le vaste monde dont je rêvais.
Aujourd’hui les réticences sont les mêmes vis à vis des « Roumains » dans nos villages. On continue, même du côté de la maréchaussée, à affirmer sans preuves que ce sont les auteurs des cambriolages. On les appelle uniformément les Gitans …
Plaisir l’an dernier d’avoir participé à un groupe de chants des Balkans et d’en avoir goûté la vigueur et quasi l’extase.
Ravinsar pirava
Touté mé rodava …
Sur la photo je ne sais pas si ce sont les mots mystérieux qui se superposent mais il me plait de l’imaginer

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