Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

11 décembre 2005

TANT DE MOTS


Dimanche de mots

Voilà que se termine ma semaine anniversaire des mots du passé. Et voici que commence la nouvelle où je demanderai aux mots quels sont leurs cinq sens. Toucher, sentir, entendre, voir, goûter les mots …
Mais avant de quitter ma terre des origines, que j’ai d’ailleurs retrouvée hier et fixée en quelques photos sous le vent froid, je reprends ce chemin de murmures.

Tant de mots m’ont visité depuis ma naissance qu’à chaque pas je les entends murmurer.
Je les vois se mouvoir, rejoindre de plus en plus et au plus près, les plus secrètes de mes mouvances
Je reconnais à leurs déhanchements l’écorce du platane, les branches du grand saule, les glands du chêne, et pour le cerisier l’échelle qui menait à ses boucles d’oreilles, à ses rouges à lèvres de jeunesse effrontée
Le soir aidant, je classe leurs combines. J’ai des boîtes à boutons, des boîtes à chocolat, des boîtes à rimes, des boîtes à mots. Quand je tourne le dos aux vieux mots du terroir que je crois démodés, quelqu’un ( kokion) frappe sur mon épaule
- eh ! mon pitji trubi !
je me retourne et je sursaute
- que té qu’te vou ? Que foutjé fore ?
Mais personne ne répond
Il faut reprendre alors le son de la musette et sur l’accordéon jouer des quatre coins
Je classe les échos, je répare les antennes. Je me fais libellule, je renais coccinelle. Et je suis fouine et belette pour fouiner, beloter au fond de ma mémoire ces éclats de voix vives aujourd’hui disparues …
Mais qui parlaient si fort, à tout bout de champ, de l’un à l’autre côté de la saison, qu’elles ont marqué dans des sillons de terre - du moins je veux le croire – inaltérablement, leurs colères paysannes, leur courage de gueux …
Et puis je vais aux livres, aux grandes voix superbes. J’escalade les iambes, marche l’alexandrin, me pend aux lisses, me prend au verbe ;
Si bien qu’à la cuisine la soupe bout en potage, la tambouille en mets fins, le coq au vin mêlé au coq à l’âne …
Je suis laborantine : je me veux échevin. Je promulgue interdits, multiplie les rencontres, organise colloques, festivals, incendies, voire feux d’artifice.
Je suis costume et costumée, costumière, lecteur public, écrivaillon privé, pisse-copies, boute-chimères, infante et douairière
A la ligne je vis
Entre les lignes je m’endors

A l’écrire, à le lire, à le dire, à le mettre en bouche et en papiers collés, l’amour est le plus fort. Le chagrin se détourne et plus je prends de l’âge, plus je perds mes soucis de rides. Les lignes de ma main se tournent avec les pages.
« Un seuil sans fin » comme dit le poète américain rencontré l’autre jour*.
Un chemin de murmures sans retour.

* Jack Hirschman « J’ai su que j’avais un frère »

2 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

J'adore te lire, mais j'ai été encore plus touchée entendre ta voix. Enfin, mon téléphone retrouvé, après une mois que le combiné était caché quelque part sous mon grand lit et je ne savais pas où c'était et j'entendais sonner mais je ne réussissais pas à répondre: hier, j'ai pu écouter tous mes messages.

Je ne sais pas ton numéro, sinon, je t'aurais appellé aussitôt. Hier soir, c'était comme quelqu'un de cher, venait d'un coup tout proche de moi. Aussitôt après les vacances des petits-enfants, je pourrais l'être en personne.

En attendant, je te lis, jour à jour.

lundi, 12 décembre, 2005  
Anonymous Anonyme a dit...

lire c'est écouter, mais avec l'inestilmable avantage de pouvoir relire des paroles qui ne s'envolent plus...

lundi, 12 décembre, 2005  

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