Mots et couleurs

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14 septembre 2005

Vierges-Mères

« En ces jours cléments du mois d’Août, on voit partout des mères portant des tout petits à peine nés. Chacun admire ces mouvements de piété parfaite, cette paix, cette enveloppement, cette précaution, surtout ce retour de l’enfant vers sa propre vie, parfaite amitié et adhérence, qui n’a point lassé les peintres. A bon droit les prêtres célèbrent la Vierge Mère en ces temps d’été. Mais y penseront-ils seulement ? Et qui donc y pensera ? Le vrai culte se voit dans la foule, sans une seule faute ; l’impatient se range de lui-même ; la mère passe la première partout, comme une reine. Ce bonheur sans paroles, et par la seule vue, range les passions et les fait sourire. /…/
Adorons maintenant le vrai et beau visage des mères. Guérissons-nous de grimace. Imitons cette paix. La justice suivra. »
Alain 20 Août 1923 « Propos sur la religion »

Nous étions allés les célébrer, les vierges-mères, au sommet du Moucherotte le 15 Août. Nous : tous ceux fervents, sportifs, montagnards consentants, qui voudraient relier la terre au ciel. Le prêtre avait charrié son aube, l’autel ; les musiciens leurs violons, violoncelle, guitare. Le vent avait transporté ses nuages, ses brumes, ses coups de froid.
Sur le chemin montant, à l’une des étapes, j’ai demandé de diriger la prière vers ma fille. Force et espérance pour elle, ô mères ici rassemblées ! Et j’ai cru à l’efficacité de la prière.
J’ai vu au printemps dernier des passants s’écarter du trottoir pour laisser Marie, la fille de Pierre, enceinte jusqu’aux dents, passer avec son port de reine. Derrière elle, la jeune femme croisée avec qui j’échangeais un sourire me glissa « Je l’envie ! »
Dans ma vie, les moments de naissance furent sans doutes, sans tourments d’aucune sorte, autres que ceux de ne pas bien assurer la tétée. Je comprends mon mari qui, constatant cette félicité de mère et de femme enceinte, ne songeait qu’à me procurer une nouvelle fois ce bonheur, en remède à tous nos différences et différents.
C’est la maternité qui donne la virginité aux femmes. Je continue quelle que soit la difficulté de la vivre cette virginité féconde jusqu’au bout, longtemps après qu’elle se soit déclarée, je continue à plaindre les femmes sans enfants même si elles affirment avoir fait un choix lucide.


14-Évola
Originally uploaded by gelzy.
Au Portugal dans les églises toutes les vierges avaient une réalité bienveillante, de celles chamarrées comme des princesses, habillées de blanc, d’or et dentelles aux plus humbles, naïvement colorées sur bois brut. De celles qui portent l’enfant dans son ventre et le soutiennent de ce geste familier aux femmes enceintes, à celles qui se promènent avec Joseph sur l’esplanade du temple, le petit dans leurs jambes. Celles qui acceptent ( comment faire autrement ?) que le fils dise « ôte-toi de mon chemin ! » et celles qui dépendent le corps pour une dernière toilette.

Bref ! Je ne voudrais pas trop m’attarder sur le sujet qui tire facilement de moi des larmes. Ce n’est pas le jour. J’ai tant à faire !

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