Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

26 mars 2012

Cendroye


Il m’a fallu tout ce parcours dans le temps et la mémoire pour retrouver et comprendre le conte de Cendrillon. Non pas Cendrillon ! Cendroye ! c’est ainsi qu’étaient appelées dans mon enfance toutes les petiotes qui ne remplissaient pas à la lettre les conditions de propreté, de rapidité, de courage, que réclamaient les mères ou les belles-mères courroucées.

Cendroye !

Cendroye vô qui de l’égue ! (va chercher de l’eau) depachiète ! te vô vae ! te voua t’astiquo lo couar ! ( dépêche-toi ! tu vas voir ! je vais t’astiquer le cuir !)
Cindroye mé de boua dien lo fouè ! ( mets du bois dans le feu) freute leu sabeu ( frotte nos sabots)
Cendroye ! Cindroye !

Et Cendroye, Cindroye, allait et venait, montait et descendait, frottait et repassait, sans relâche, du matin au soir, de l’aube grise jusqu’au crépuscule fané …
Les voix mauvaises la poursuivaient même dans son sommeil. Elle en arrivait à oublier son vrai prénom : Pâquerette. Petite fleur du printemps elle n’était plus que chair meurtrie, fatigue accumulées dans les membres, désarroi du cœur et de l’âme. Elle tombait dans le sommeil d’un coup, comme un poids mort. Elle s’en relevait sans nulle douceur venue du rêve, nul appel tendre de sa mère en allée

Cendroye Cindroye ! autant dire souillon, paresseuse, vaurienne, bonne à rien, bécasse, laideron … Que ce soit l’invective en beau français imité du château, l’injure en patois de terre glaise, voire la claque ou le coup de trique comme aux bêtes, elle continuait d’un pas à un autre, d’une tâche à la suivante, à rouler sa pauvre vie sans espoir sur les chemins.
Mais aujourd’hui, immobilisée soudain, les deux seaux dans ses mains, elle écoute.
Un petit oiseau. Une toute petite musique insistante. Elle l’entend. Depuis si longtemps elle l’avait perdue.
Mais aujourd’hui …

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil