Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

21 mars 2012

le cahier mauve


Pourquoi cette disparition ? elle tenta désespérément de faire remonter le cri jusqu’à sa gorge puis de l’expluser en une ou plusieurs explications qui en extrairaient l’intelligence exploratrice. En vain. Alors elle se jeta sur les cahiers épars, ouvrit grand la fenêtre sur le jardin et les propulsa un à un, le temps d’en vérifier la couleur, sur le gravier de l’allée.
Ils tombaient, s’écrasaient avec un bruit de ferraille pour les premiers, puis, la couche s’épaississant, avec un ricanement feutré de papier qui amortit sa chute. Au fur et à mesure que la pièce se désengageait, son angoisse montait, les chances de le retrouver s’amenuisaient. Son bras droit, de plus en plus convulsif, battait l’air comme une aile cassée.
Elle les balança tous par dessus bord et s’assit, prostrée. Le vide multi dimensionnel l’enveloppa d’un silence étrange, les murs, le plancher semblèrent renvoyer encore quelques reflets colorés puis le scintillement s’arrêta. L’air ne bruissait plus, parfaitement invisible.
Alors sous la douleur insupportable, elle ferma les yeux. La perte était trop immense, trop injuste, trop irréparable. Elle avait tout oublié du contenu de ce cahier mais elle savait qu’il lui suffirait d’en dérouler le tapis des mots, actionné par le premier d’entre eux, pour le retrouver instantanément la chaleur du sang, le rythme de la circulation, l’aller et retour des globules qui avaient présidé à leur venue.
Elle savait que si elle s’attardait trop, paupières serrées, mains inertes, avec cette colonne intérieure de mauve qui se figeait lentement, elle risquait l’ankylose totale, la crampe définitive, la raideur mortelle.
Elle relâcha les paupières qui , de carcan, se firent coquille prpotectrice à ses yeux. Elle frotta ses mains l’une contre l’autre et elles se réchauffèrent. Jusqu’à se séparer, réconciliées, jusqu’à monter à ses joues et les caresser. Le nœud abrupt du mercure violâtre se déplaça spasmodiquement d’abord puis de plus en plus en rythme souple jusqu’à ce que estomac, nuque, boyaux, viscères et pompe et cœur sacré et nerfs veineux et aorte digestive, pylores, valvules, sphincters se distendent et retrouvent un accord liquide, liquoreux même.


(Affaire à suivre !)

1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

Je part pour le Mexique demain je serai de retour sur les blogues le 2 avril. Je vais avoir beaucoup de lecture à rattraper.

mercredi, 21 mars, 2012  

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