Mots et couleurs

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24 novembre 2011

lettre d'Amérique


Boston dimanche 29 Août

Sarah, ma Sarah,

Me voilà donc au nouveau monde comme on l’appelait encore quand j’avais ton âge bien qu’il y ait déjà plusieurs siècles qu’il ait été redécouvert. Le nouveau monde : l’Amérique quoi !
Pour la première fois – et c’est à toi que j’ai pensé la première en arrivant de l’aéroport sur le bateau qui rejoignait l’île où accostent les avions au centre-ville où nous allions accoster à ? ( Boston est précédée de nombreuses îles. C’est une surprise que de l’apercevoir en bosquets verts, en bateaux à voile, en sillages blancs tout-à-fait cartes postales, quand on descend du ciel pour la rejoindre.
En abordant donc la ville de terre ferme, j’ai vu venir l’Amérique des images que je m’en faisais : buildings sur ciel bleu, alors que les petites îles précédentes éclaboussées sur la baie m’avaient plutôt fait songer à la Suisse, aux bords proprets du lac de Genève.
Tout ça est peut-être bien compliqué pour toi et tu te demandes pourquoi ce discours s’adresse à toi en premier. J’y arrive.
Je sentais monter en moi une lettre en bulle de limonade qui commençait à pétiller dans tous les coins libres de ma tête ( il en reste malgré La Loue, St Nizier, La Colline , toi, Estelle, Nils, Anouck)
Une lettre encore non identifiée, un owni du Nouveau monde et de moi Nouvelle en ce monde, récit de mon voyage que je ferai à l’ami(e) idéal(e) qui m’attendrait en ce coin inconnu. Occasion nouvelle de faire mousser la petite musique intérieure à qui ne saurait rien de la France, d’une mamie française, de ce que nous pensons, buvons, rêvons, nous pas américains pour deux sous. Sur le bateau, dans le soleil bavard qui me tapait sur le dos, la bulle imaginée a éclaté. Celle qui a suivi - peut-être de champagne celle-là- si légère, si heureuse, a inversé le sens de l’adresse. Elle se retournait vers l’arrière, elle voulait raconter le tout neuf qui s’essayait ici ; elle se fixait définitivement sur toi.
Comme si tu m’avais redonné mes six ans. Et je battais des mains de plaisir. Oui ! Super ! et je te voyais toi plus vieille, à vingt ans, descendre du bateau qui tangue un peu en acceptant la main du captain pour ne pas tomber ridiculement à l’eau en touchant le nouveau monde. Toi plus vieille, moi plus jeune ! Deux voyageuses à bulle.

Il faisait si beau ! il fait toujours beau ma Sarah quand on a chassé le vent et l’orage de sa tête. Que je te raconte d’abord le temps qu’il nous a fallu pour réussir pareil changement !
Nous sommes partis hier Samedi de St Nizier puis Grenoble-Paris en train. Compte presque toute l’après-midi, le temps de fermer les portes, de cacher les clés pour ceux qui voudraient ouvrir, d’ajuster dans les valises les trésors indispensables à l’un et à l’autre. ( Ainsi Pierrot a DEUX couteaux de poche : son Opinel et son Laguiole ; moi, DEUX blocs de papier, DEUX carnets …) ce matin, de Paris-gare de Lyon, nous avons rejoint Roissy. Le vol dura de 12H à 19h environ, j’ai oublié les minutes mais pas l’étonnement de ce que je peine à t’expliquer :
La terre est ronde : bon ! nous avons tourné autour et nous sommes arrivés avec l’avance que nous avions prise à la rattraper. Ne me demande pas de détails ! J’ai décalé ma montre sans en demander. À Boston il était 13H3O. Un beau soleil d’après-midi. Pierre a remarqué que nous avions tout notre temps pour trouver une chambre et moi, que mes jambes, elles, n’étaient pas aussi lestes que la terre pour passer de l’heure de Paris à l’heure de Boston et qu’elles se reposeraient bien sans tarder. Nous étions donc d’accord. OK !
Alors le grand chef des Indiens de St Nizier a demandé « one coin » ( prononcer KOÏNE) pour téléphoner et je suis allée, moi, ta grand-mère, demander la pièce à la banque à côté et 10mn après nous étions attendus au Milner Hotel. Le grand chef continue à parler au Nouveau Monde et à l’heure du nouveau monde : les nuages s’écartent, les restaurants s’avancent. Nous attendons en ce moment même le saumon grillé chez Rocco. Je viens de quitter le petit parc aux écureuils où j’avais commencé ta lettre, ta lettre à toi Sarah, ma Sarah.
Les écureuils sont empanachés d’une superbe queue qui double leur taille. Ce sont de tout petits écureuils qui se promènent du parc au cimetière sans voir de différence. De fait il n’y en a pas. Les morts américains sont allongés sous une butte d’herbe presque anonyme ; et nous, qui croyions, d’après les films, qu’ils recherchent les sun lights jusque dans la tombe. Pas du tout ! tu vois comme il y des réputations trompeuses. Les cow-boys une fois refroidis sont très discrets. Tu vois aussi comme les voyages forment la vieillesse. Si je n’avais pas osé quitter Le Bouchage, à cause de ma tombe réservée au cimetière, je continuerai d’imaginer les Etats Unis. Alors que maintenant je les vois. Je les imaginais sales, braillards, ou richement embaumés, couverts de fleurs. Du tout ! je découvre une ville clean, élégante même, où les écureuils se promènent de tombe en tombe, de talus en talus, alors qu’un carillon vieillot et mélodieux égrène l’heure du soir qui vient se coucher tranquillement avec les morts du parc, doucement, sans fanfare, comme doucement, le cornemusier a garé sa roulotte et clôt pour toi et moi cette si longue journée.
Ce sera tout pour aujourd’hui Sarah. Dans quelques jours tu vas apprendre à lire et tu ne t’arrêteras plus.
Moi je continuerai à t’écrire avec encore plus de plaisir !

1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

Boston c'est une ville que je souhaite visiter depuis longtemps, pourtant ce n'est pas si loin de chez moi.

vendredi, 25 novembre, 2011  

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