Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

05 janvier 2017

la petafine


 
Hier au soir nous étions en bonne compagnie occitane devant un feu de bois dans la cheminée : rien de tel pour aiguiser les appétits et les souvenirs. Miquela évoque une tradition de Noêl qui apportait un fromage fort aux bouches exigeantes de sensations du même tonneau ( si j’ose dire) : préparation constituée de restes de fromages mis à tremper quelques six mois dans un pot avec de l’alcool et parfois, si j’ai bien compris, réchauffée sur l’âtre. Sur une large tranche de pain une légère couche de cette préparation permettait de se restaurer en envisageant une année nouvelle forte et goûteuse.
Bien que je ne comprenne que très mal l’occitan le récit m’a immédiatement connectée à cette enfance indélébile où les mots de patois résonnaient en cadence comme nos sabots sur l’aire. «  petafine ! oui ! c’était bien de « pétafine » qu’il s’agissait, autrement dit, depuis ce matin de réflexion sur le sujet, de « traque ». Maman la préparait exclusivement pour mon père, elle la logeait sous les escaliers tout au fond de « l’évier », la petite pièce attenant à la cuisine, pour qu’on ne la voie ni ne la sente. Elle utilisait les propres « boucques » de ses « tomes » fabriquées avec le lait de nos propres vaches et chèvres. En tant que gardienne du petit troupeau j’ai donc droit moi aussi à la reconnaissance de mon père. La « gnole » bien sûr était du cru de nos vignes et je ne pense pas qu’il y eût autre chose que le sel qui soit venu d’ailleurs que de nos « terres ».
Mon père riait de notre effarouchement devant la petafine, se faisait néanmoins discret pour aller la dénicher dans l’évier, la souillarde, et la manger en fin de repas tandis que les filles étaient déjà à la vaisselle ou à « couaver la place » (balayer la pièce principale) Je n’ai pas souvenir que mes frères aient trouvé ce moyen d’avaler plus fort que soi pour entrer dans la confrérie des hommes invincibles, gourmands, impétueux. Aujourd’hui je regrette de ne pas leur avoir demandé à temps leur sentiment.
«  petafiner » par ailleurs et assez bizarrement signifiait «  abîmer ». Le verbe était aussi fréquemment utilisé que l’admonestation pour «  nous apprendre à vivre ». J’ai toujours et encore l’impression que le plus gros péché que je puisse faire est de « petafiner » : mon temps, ma robe, mes sous … 
Mais ce matin je n'ai rien petafiné, tout au contraire! 
Puisque j'ai fait des restes d'hier une bonne tartine pour aujourd'hui. 

1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

Je ne connais pas la pétafine, mais faire un nouveau repas avec des restes je connais.

vendredi, 06 janvier, 2017  

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