Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

15 octobre 2013

ma de moi selle



 Ma de moi selle

La voix découpe les syllabes et de la chambre ouverte sur le couloir les projette méthodiquement dans le service des urgences comme dans le service communicant des hospitalisés
Une à une les syllabes retombent, sans autre bruit qu’elles-mêmes, affalées, inutiles, pas plus gênantes que des mouches qu’on chasse d’un revers de main 
Parfois, après un court silence, où je vois la silhouette allongée tirer sur les fils qui la relient à une potence, tenter d’arracher le pansement, la voix se fait plus explicite
Ma maison, oh si ma petite fille savait ça, je ne suis pas malade, y a-t-il un responsable ici, je vais tomber malade, c’est bientôt la nuit, par pitié un verre d’eau

Ma de moi selle
Les ascenseurs déversent leur lot de brancards, de brancardiers, jeunes garçons aux tatouages apparents explicites, jeunes femmes bardées des mêmes chasubles fluo ; la voix, lancinante pour qui l’entend, ne les empêche nullement d’échanger des plaisanteries, de laisser partir des rires sonores, d’insister sur leur indifférence à la voix et leur parfaite adaptation  au milieu hospitalier, leur champ habituel

Ma de moi selle
Mais non ! c’est trop ! passant près de moi, une infirmière ou apprentie se met à imiter la voix en exagérant son côté institutrice diplômée en formes interrogatives et négatives adéquates,  je vous en prie, j’interviens pour proposer qu’un verre d’eau peut-être 
- Oh ! c’est comme ça depuis ce matin ! ça ne sert à rien de lui donner un verre d’eau !
Je n’insiste pas : d’un côté le cours normal des choses, de l’autre la vieillesse immense, désemparée, interminable vieillesse qui ne veut pas finir 
On charrie le lit pour examen à un autre étage, la voix disparaît dans le transport, puis est réintégrée
Elle reprend  la même antienne, les mêmes couplets
Oh si ma petite fille savait ça !
La petite fille fait passer par téléphone un bisou qu’on veut bien servir à la chambre
-       elle n’a rien dit d’autre ? qu’est-ce qu’elle a dit encore ?
la soignante est déjà loin.
une autre obsession est apparue
Mon collier, j’y tiens c’est ma mère qui me l’a donné, on me l’a volé 

Ma de moi selle
Dans le cerveau  qui fuit entre les rails de la mémoire, l’explication fait suite à la demande :
Je suis seule


1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

Ce qu'elle devait être désemparée cette vieille dame.

mercredi, 23 octobre, 2013  

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