ma de moi selle
Ma de moi selle
La voix découpe les
syllabes et de la chambre ouverte sur le couloir les projette méthodiquement
dans le service des urgences comme dans le service communicant des hospitalisés
Une à une les syllabes
retombent, sans autre bruit qu’elles-mêmes, affalées, inutiles, pas plus
gênantes que des mouches qu’on chasse d’un revers de main
Parfois, après un court silence,
où je vois la silhouette allongée tirer sur les fils qui la relient à une
potence, tenter d’arracher le pansement, la voix se fait plus explicite
Ma maison, oh si ma petite fille
savait ça, je ne suis pas malade, y a-t-il un responsable ici, je vais tomber
malade, c’est bientôt la nuit, par pitié un verre d’eau
Ma de moi selle
Les ascenseurs déversent leur
lot de brancards, de brancardiers, jeunes garçons aux tatouages apparents
explicites, jeunes femmes bardées des mêmes chasubles fluo ; la voix,
lancinante pour qui l’entend, ne les empêche nullement d’échanger des
plaisanteries, de laisser partir des rires sonores, d’insister sur leur
indifférence à la voix et leur parfaite adaptation au milieu hospitalier, leur champ habituel
Ma de moi selle
Mais non ! c’est
trop ! passant près de moi, une infirmière ou apprentie se met à imiter la
voix en exagérant son côté institutrice diplômée en formes interrogatives et
négatives adéquates, je vous en
prie, j’interviens pour proposer qu’un verre d’eau peut-être …
- Oh ! c’est comme ça
depuis ce matin ! ça ne sert à rien de lui donner un verre d’eau !
Je n’insiste pas : d’un
côté le cours normal des choses, de l’autre la vieillesse immense, désemparée,
interminable vieillesse qui ne veut pas finir
On charrie le lit pour examen à
un autre étage, la voix disparaît dans le transport, puis est réintégrée
Elle reprend la même
antienne, les mêmes couplets
Oh si ma petite fille savait
ça !
La petite fille fait passer par
téléphone un bisou qu’on veut bien servir à la chambre
-
elle n’a rien dit d’autre ? qu’est-ce qu’elle a
dit encore ?
la soignante est déjà loin.
une autre obsession est apparue
Mon collier, j’y tiens c’est ma
mère qui me l’a donné, on me l’a volé
Ma de moi selle
Dans le cerveau qui fuit entre les rails de la mémoire,
l’explication fait suite à la demande :
Je suis seule
1 commentaires:
Ce qu'elle devait être désemparée cette vieille dame.
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