le bracelet
« Elle l’agrafa sur son bras, fit jouer des bluettes
sous les bougies électriques : cent menus arcs-en-ciel, enflammés de
couleurs, dansèrent sur la nappe blanche »
COLETTE, le bracelet in "La femme
cachée" 1948
Éclats,
éclairs : les peaux s’allument, les rires s’allument. Le temps est à la
foudre des flonflons et des rêves. Qu’un simple bracelet puisse engendrer des
lumières sonores, des échos d’abandon, d’amour, des turbulences dans le menu, était
une évidence. Elle le savait jusqu’à ce soir sans l’avoir vérifié. Elle le
savait de longue transmission de femme à femme. Fière de son savoir, heureuse
de cette mémoire en elle rassemblée, conquérante et conquise, elle cliquetait à
chaque sursaut du bracelet, elle étincelait de chaque bougie. Elle était une et
cent autres.
Lui, ébloui,
éperdu - ce qui veut dire lucide – se contentait de la regarder sans un mot. À
quoi bon les mots entre eux deux, fussent-ils doux, nouveaux, intelligents et
justes ?
Le bracelet, le bracelet offert, sorti de son écrin, avait relégué
tous les dictionnaires grecs ou latins. Quelle bonne idée il avait eue !
Bah ! À quoi bon les idées quand l’heure est bonne, est bonheur, est à l’extase, à la
soumission aux pulsations intimes, aux découvertes imminentes, à la
conservation des rythmes ancestraux !
Et l’un et l’autre,
d’un même souffle, d’un même geste et d’une même inspiration, s’élirent et se
lièrent.
D’un même
bracelet.
Sur une nappe blanche.
1 commentaires:
Une union symbolique. Bonne fin de semaine.
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