UNE VERSION ?

LA version
La version définitive, celle que l'on ne pourra retoucher.
Beaucoup de ces versions étaient écrites, closes, à la maison de retraite où j'étais allée"animer". Pour nombre des pensionnaires l'animation se ferait depuis le fauteuil roulant. Et cependant il y avait dans l'air le besoin, le souci, de maintenir une version plausible, acceptable. On fêtait ce jour-là un anniversaire de mariage : 70 ans. Les deux époux, devant la longue table couverte de fleurs, entourés de leur descendants, ne souriaient pas. Monsieur le Maire offrit un sobre compliment. La directrice donna une version résumée de cette longue vie à deux, souhaita les noces de chêne ... Je reconnaissais des visages que j'avais croisés dans la rue il y a une vingtaine d'années. Je ne pouvais en
nommer que quelques-uns. Des lèvres cherchaient à reprendre la chanson. Une dame s'accrocha au micro avec l'énergie du désespoir. C'était pour L'auvergnat « qui sans façons lui offrit quatre bouts de pain » qu'elle voulait chanter encore. Une autre caressait ma robe de satin, celle de ma grand-mère, à chacun de mes passages. Les gâteaux étaient bons, beaux. Trop abondants pour certaines assiettes que l'on abandonnait à demi-pleines.
Une ancienne collègue, venue en visite, murmura dans son au-revoir " nous nous reverrons peut-être ici ". Oui, on pouvait le penser. Quand la version serait à conclure.
En chantant, si possible. Une version volontaire. Optimisée. Si possible !